COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 07 FEVRIER 2012
6ème Chambre A
ARRÊT No304
R. G : 09/ 07560
Mme Christine X... épouse Y...
C/
M. Eric Y...
Copie exécutoire délivrée le :
à :
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Daniel LE BRAZ, Président, Madame Dominique PIGEAU, Conseiller, Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sandrine KERVAREC, lors des débats et Mme Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 12 Décembre 2011
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Février 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
Madame Christine X... épouse Y... née le 30 Mai 1963 à MANTES LA JOLIE (78200)... 29200 BREST assistée de la SCP Jean-Loup BOURGES-Luc BOURGES, avoués, assisté Me Françoise QUERRE, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/ 011746 du 30/ 09/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Monsieur Eric Y... né le 02 Juillet 1965 à GISORS (27140)... 29200 BREST représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués et assisté de Me Florence BELOEIL-BENOIST, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 002511 du 25/ 01/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme X..., divorcée Y..., est appelante d'un jugement prononcé le 28 mai 2009 par le tribunal de grande instance de Brest qui a rejeté sa demande tendant à ordonner un examen comparé des sangs de son ex-époux et de son enfant Youna, née le 23 novembre 2004.
Mme X... affirmait que M. Y... n'était pas le père de son enfant Youna qui, affirme-t-elle, est issu d'une relation qu'elle a entretenue avec un autre homme. L'article 332 du code civil énonce que la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. Par ailleurs, l'expertise biologique étant de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; étant par ailleurs précisé que M. Y... et le Ministère public sollicitaient également la mise en oeuvre de la mesure d'examen des sangs demandée par Mme X..., lesquels ne faisaient état d'aucun motif de ne pas y procéder, la Cour de céans, par son arrêt en date du 29 mars 2011 a donc ordonné cette mesure ; infirmant en cela le jugement critiqué par Mme X....
En ouverture de rapport les parties ont conclu, sachant que l'expertise a démontré que M. Y... n'était effectivement pas le père de Youna. Un nom est cité au détour d'un témoignage, mais le père biologique présumé de Youna n'a pas été appelé en la cause.
Aux termes de ses conclusions Mme X... demande à la Cour de :
Vu le Rapport d'Expertise du Dr Z... du CHU de BREST du 22 juin 2011 ;
- dire et juger que l'enfant, Youna, n'est pas la fille de M. Eric Y... et ce, avec toutes conséquences de droit ;- dire et juger que l'Etat Civil de l'enfant devra être modifié et qu'elle portera dorénavant le nom de jeune fille de sa mère : X... ;- statuer sur le droit de visite du père et dire et juger que M. Eric Y... ne pourra bénéficier d'aucun droit de visite à l'égard de l'enfant Youna ;- le débouter de sa demande de fixation de droit de visite à l'égard de Youna ;- le débouter de l'intégralité de ses demandes.- le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
Par ses conclusions M. Y... sollicite de la Cour :
- Annuler la paternité de M. Y... à l'égard de l'enfant Youna née le 23 novembre 2004 à Brest ;- Dire que l'enfant Youna Y... portera désormais le nom de famille X... ;- Ordonner la mention du dispositif de l'arrêt à intervenir en marge de l'acte de naissance de l'enfant Youna née le 23 novembre 2004 à Brest ;- Condamner Mme X... à payer à M. Y...la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;- Dire et juger que M. Y...bénéficiera d'un droit de visite à l'égard de Youna un samedi sur deux de l4 heures à 17 heures à charge pour lui de prendre et de ramener l'enfant au domicile de la mère ;- Condamner Mme X... aux entiers dépens.
En ce qui le concerne le ministère public demande de :
- Dire que la reconnaissance de paternité de M. Y... à l'endroit de Youna doit être annulée ;- Dire que celle-ci portera désormais le nom de famille de X... ;- Ordonner une expertise médico-psychologique ou une enquête sociale préalablement à la fixation éventuelle d'un droit de visite au profit de l'intimé.
Le ministère public incitait in fine l'appelante à mettre en la présente cause le père biologique de Youna.
SUR CE, LA COUR :
Sur le nom de famille de Youna :
L'Expert a procédé à sa mission et a déposé son Rapport le 22 juin 2011. Il ressort de ce rapport que M. Eric Y... est exclu de paternité de l'enfant Youna Y... née de Mme Christine X... le 23 novembre 2004. Aussi, il convient d'accueillir la demande de contestation de filiation légitime de Mme Christine X... divorcée Y... à l'égard de l'enfant Youna, toutes conséquences de droit quant à l'Etat Civil de l'enfant étant ordonnées ; en effet, Youna devra dorénavant porter le nom de jeune fille de sa mère, savoir celui de X.... La transcription du dispositif du présent arrêt sera donc ordonnée en marge de l'état civil de l'intéressée, le nom de X...devant se substituer au nom initialement porté par l'enfant.
Sur le droit de visite sollicité par M. Y... :
M. Y..., bien qu'informé de la réalité de sa non-paternité, persiste à vouloir exercer un droit de visite à l'égard de l'enfant Youna. Il doit cependant être rappelé à M. Y... que dans le cadre du divorce prononcé d'entre les époux Y...- X... le 6 mai 2009 par le Juge aux Affaires Familiales de BREST, le tribunal a indiqué : " Pour ce qui concerne Youna, Mme X... justifie avoir engagé une procédure en contestation de paternité par une Assignation en date du 29 septembre 2008. Il sera observé qu'aujourd'hui le résultat de cette action n'est pas connu. Il ne peut donc, en l'état, être fait droit à la demande de la mère, celle-ci n'apportant pas la preuve de ses dires (demande de suppression de droit de visite). Dans l'hypothèse où son action en contestation de paternité devait se dénouer conformément à sa demande, elle exercera seule l'autorité parentale sur l'enfant et M. Y... ne pourrait plus solliciter ou obtenir de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant ".
M. Y... soutient à l'appui de sa demande de droit de visite à l'égard de Youna qu'il existe des liens forts avec l'enfant. Mais, pour preuve de ces liens forts, il ne produit que quatre photographies d'un logement attestant de ce que l'enfant y bénéficie d'un lit alors qu'il ne demande qu'un simple droit de visite. Ainsi, il sera rappelé que M. Y... n'est pas le père de Youna, qu'il n'existe aucunement des liens forts avec l'enfant, l'intimé ne rapportant pas la preuve d'un lien important. À cet égard, Mme X... verse aux débats une lettre de la Sauvegarde de l'Enfance en date du 4 novembre 2010 qui démontre que les Services Sociaux avaient décidé de maintenir, dans l'attente de l'aboutissement des procédures en cours, des rencontres médiatisées de M. Y... avec l'enfant. Cependant, dans le cadre de ces rencontres, il avait été enjoint à M. Y... de rester calme et de ne plus faire preuve de violence. Dès lors, ce comportement ne démontre en rien la volonté de M. Y... d'agir dans le seul et unique intérêt de l'enfant : il sera donc débouté de ce chef de demande. Partant, il ne sera pas fait droit à la suggestion du ministère public d'organiser une mesure d'investigation afin de statuer sur le mérite de la demande de l'intimé.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. Y... :
L'intimé sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 10 000 € à l'encontre de Mme X.... Il soutient que le comportement de celle-ci serait particulièrement injurieux et lui causerait un préjudice considérable alors qu'il s'est toujours comporté comme un père à l'égard de Youna, n'ayant à aucun moment douté en être le père légitime. Or, le courrier ci-dessus mentionné émanant de la sauvegarde de l'enfance atteste de ce que M. Y... ne démontre en rien son investissement auprès de la petite Youna ; il n'a d'ailleurs jamais procédé au règlement de la moindre part contributive à son entretien, ce qui pouvait alors être considéré comme un comportement de père. La procédure choisie par les époux, dans le cadre du divorce, ne permettait pas l'obtention de dommages et intérêts qui ne sauraient être accordés dans le cadre de la présente procédure.
Il conviendra de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.
DECISION :
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après rapport fait à l'audience ;
- Vu l'arrêt de la Cour de céans en date du 29 mars 2011 ;
- Vu le rapport d'expertise en date du 22 juin 2011 ;
- Annule la reconnaissance de paternité de M. Y... à l'égard de Youna ;
- Dit que celle-ci portera dorénavant le nom de famille X... ;
- Ordonne la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de l'enfant Youna née le 23 novembre 2004 à Brest ;
- Déboute M. Y... de ses autres demandes ;
- Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,