6ème Chambre A
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 JANVIER 2012
ARRÊT No104
R. G : 09/ 08633
M. Sowath X...
C/
Le minisère Public
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Daniel LE BRAZ, Président, Monsieur Marc JANIN, Conseiller, Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,
GREFFIER :
Patricia IBARA, lors des débats, et Huguette NEVEU, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Novembre 2011
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Janvier 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANT :
Monsieur Sowath X... né le 28 Février 1955 à PHNOM PENH (CAMBODGE) Association de sans abris Coeur des Haltes ... 75012 PARIS
représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués assisté de Me René HOUSSIN, avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 2517 du 25/ 01/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ.
LE MINISTERE PUBLIC Cour d'appel de RENNES, CS 66423 35064 RENNES CEDEX représenté par Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
FAITS ET PROCÉDURE :
Par requête parvenue au greffe le 10 juillet 2008, Sowath X... a sollicité du tribunal de grande instance de NANTES la rectification de son acte de naissance en ce sens qu'il serait né le 28 février 1948 et non le 28 février 1955. Par avis en date du 27 novembre 2008, le ministère public s'est opposé à cette demande.
Par ordonnance en date du 8 octobre 2009, le tribunal de grande instance de NANTES a débouté Sowath X... des fins de sa demande. M. X... a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 11 décembre 2009.
Dans ses dernières écritures notifiées le 26 avril 2011, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise. Il soutient que les pièces qu'il produit établissent suffisamment la preuve de sa véritable date de naissance.
L'appel, régulier en la forme, sera déclaré recevable.
M. X... a accepté de reparler de cette époque difficile de l'histoire de son pays, d'ailleurs actuellement soumise à l'examen d'une juridiction internationale, pour expliquer les problèmes de délais qui lui sont opposés par le Ministère public. Il indique qu'il ne devrait être utile de rappeler ni les guerres, massacres, et autres mises dans les camps de cette époque où il vivait au Cambodge, ni les errances et les divisions familiales, outre les pertes de tous repaires, objets et papiers personnels, ce, pour récupérer son identité véritable. Cependant, il précise :
- qu'il a été battu à plusieurs reprises au Cambodge lors de cette période difficile ;- qu'il craignait en permanence pour sa vie et c'est la raison pour laquelle il a fui son pays ;- qu'il est passé de camps de réfugiés au Cambodge à des camps de réfugiés en Thaïlande ;- que les papiers étaient établis par le personnel des camps avec peu ou l'absence de documents, avec aussi les souvenirs de chacun, au milieu de milliers de personnes parlant des langues différentes. Il précise que la peur des représailles ou de vols entre « réfugiés », le renvoi possible des camps et retour au pays, était permanente.
M. X... se souvient de cette période ou rester en vie était son quotidien. Les papiers remplis par les responsables des camps étaient leur sauf-conduit. L'important était « ce papier » leur redonnant leur identité et leur permettant de trouver un nouveau pays pour y vivre :
- Ce document des camps a tout naturellement été repris par l'OFPRA ; tandis qu'à l'époque M. X... ne connaissait pas ou alors à peine le français en arrivant sur le territoire national.
- Il affirme que ce n'est qu'en 1981 qu'il a retrouvé sa mère et connu son âge réel.
- M. X... ne savait toutefois pas à cette époque que l'on pouvait modifier sa date de naissance par une procédure. Ce ne sera que durant les années 2000, travaillant comme bénévole dans un institut catholique, qu'il lui a été fait part de cette possibilité et qu'il a immédiatement écrit pour obtenir la modification de son acte de naissance.
Le ministère public rappelle qu'aux termes de l'article 47 du code civil, " tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
SUR CE, LA COUR :
Il appartient aux magistrats français de s'assurer que les mentions portées sur les registres de l'état civil français, actes authentiques, sont bien conformes à la réalité et ne sont pas contraires à l'ordre public interne. Il est contraire à l'ordre public d'ordonner la rectification d'un acte de l'état civil alors qu'il existe un doute sur sa conformité à la réalité.
Ainsi, il appartient au demandeur à la rectification de démontrer l'existence d'une erreur et d'établir l'exactitude de la mention qu'il entend lui voir substituer. Dans ses dernières conclusions, l'appelant soutient que l'acte de naissance cambodgien qu'il produit et qui le fait naître en 1948, doit faire foi, ainsi qu'un rapport d'expertise médicale situant son âge à 61 ans.
Or, il convient de noter que le requérant n'a jamais, entre 1981 et 2008, contesté la date de naissance portée sur les documents officiels français, notamment lors de la déclaration de naissance de son enfant (1988), lors de la demande de document d'état civil (1991), ou encore lors de la demande de renouvellement de sa carte de réfugié (1995).
De plus, il convient de constater que l'acte de naissance cambodgien fourni par le requérant n'a pas de valeur probante. En effet, cet acte a été dressé le 28 décembre 2006 par un officier d'état civil cambodgien. On ne peut reconnaître de force probante à un acte établi plus de 50 ans après l'événement qu'il rapporte.
Enfin, l'expertise médicale en date du 5 octobre 2009, ne peut, à elle seule, prouver l'erreur alléguée sur l'année de naissance de Sowath X.... Par ailleurs, le rapport de l'expertise qui figure au dossier est des plus succincts. En toute hypothèse, aucune certitude ne peut être établie sur l'âge réel d'un individu de plus de 50 ans en l'état actuel des connaissances scientifiques. Enfin, les diverses attestations produites ne peuvent emporter la conviction de la Cour tant elles sont imprécises.
Sowath X... ne rapporte donc pas la preuve que les énonciations de son acte de naissance sont erronées. En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu que la Cour confirme en tous ses points l'ordonnance du tribunal de grande instance de NANTES en ce qu'elle a débouté Sowath X... de sa demande en rectification de son acte de naissance.
DECISION :
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant après rapport fait à l'audience ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise du tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'elle a débouté Sowath X... de sa demande en rectification de son acte de naissance ;
Condamne M. Sowath X... en tous les dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,