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26/01/2010 | FRANCE | N°08/05769

France | France, Cour d'appel de Rennes, Première chambre a, 26 janvier 2010, 08/05769


Première Chambre A





ARRÊT N°38



R.G : 08/05769













M. [H] [D] [C] [K] [W]

Mme [J], [S] [F] [M] épouse [W]



C/



M. [G] [B]

Société SJOA - SOCIETE JURIDIQUE DE L'OUEST ATLANTIQUE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2010





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Anne ARNAUD, Président de chambre,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Odile MALLET, Conseiller, entendue en son rapport



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononc...

Première Chambre A

ARRÊT N°38

R.G : 08/05769

M. [H] [D] [C] [K] [W]

Mme [J], [S] [F] [M] épouse [W]

C/

M. [G] [B]

Société SJOA - SOCIETE JURIDIQUE DE L'OUEST ATLANTIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Anne ARNAUD, Président de chambre,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Odile MALLET, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Décembre 2009

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Anne TEZE, ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 26 Janvier 2010, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTS :

Monsieur [H] [D] [C] [K] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués

assisté de Me TREILLE, avocat ( JURIFISCA DROIT ET FISCALITE)

Madame [J] [S] [F] [M] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués

assistée de Me TREILLE, avocat (JURIFISCA DROIT ET FISCALITE)

INTIMÉS :

Monsieur [G] [B]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assisté de la SELARL LALLEMENT-SOUBEILLE-ADAMCZYK, avocats

Société SJOA - SOCIETE JURIDIQUE DE L'OUEST ATLANTIQUE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assistée de la SELARL LALLEMENT-SOUBEILLE-ADAMCZYCK, avocats

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux [W] qui détenaient 33.334 des 100.000 actions de la société [W]&[T] dont Monsieur [W] était le PDG ont décidé, dans le courant de l'année 1996, et en accord avec les autres actionnaires, Messieurs [T] et [N], de céder l'ensemble des actions et le contrôle de la société à des tiers.

A cet effet les époux [W] se sont rapprochés de leur conseil habituel, Maître [G] [B], exerçant au sein de la SELAFA SJOA.

Suivant convention d'assistance du 23 mai 1997 Monsieur [W] a chargé la SA BTP Capital Conseil de rechercher des acquéreurs. Il était prévu que cette mission s'opérerait en collaboration avec Maître [B], que ce dernier aurait en charge l'accompagnement juridique de l'opération et que BTP Capital Conseil et l'avocat feraient leur affaire de la répartition entre eux de la commission de réussite prévue au contrat.

Le 2 octobre 1997 Monsieur [W], agissant tant à titre personnel que comme porte-fort de Messieurs [T] et [N], promettait à Monsieur [E] [I] de céder à un holding qui sera constitué entre ce dernier et Monsieur [N] les 100.000 actions composant le capital de la société [W]&[T] pour le prix de 60 millions de francs sur la base des comptes annuels arrêtés au 31 décembre 1997. Il était prévu que Monsieur [W] resterait au service de la société pendant deux ans au moins, moyennant une rémunération de 37.000 francs bruts par mois.

Le 13 novembre 1997 étaient conclus entre les trois associés et Monsieur [I] un protocole d'accord et un additif aux termes desquels le prix de la cession était fixé à la somme de 45.000.000 francs. L'additif à ce protocole prévoyait qu'il serait en outre versé, à titre de complément de prix, à Monsieur [W] une somme de 1.733.333 francs, à Messieurs [W] et [N] une somme égale au résultat net après impôt au titre de l'exercice 1997 augmentée de 200.000 francs à répartir entre eux à raison de 3.333.333 francs à Monsieur [W] et 2.666.667 francs à Monsieur [N], le tout dans la limite d'une somme globale de 6 millions de francs.

Des difficultés étant survenues quant au paiement du complément de prix stipulé, une procédure d'arbitrage était mise en place comme prévu au protocole du 13 novembre 1997 mais celle-ci échouait. Le 10 février 1999 les intéressés signaient un protocole transactionnel réglant tous les points litigieux.

Estimant que Maître [B] avait manqué à son obligation d'indépendance et à son devoir de conseil à l'occasion de cette cession les époux [W] ont engagé sa responsabilité.

Par jugement du 12 juin 2008 le tribunal de grande instance de Saint Nazaire a débouté les époux [W] de toutes leurs demandes et les a condamnés aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel de ce jugement a été interjeté par les époux [W].

POSITION DES PARTIES

* les époux sort

Dans leurs dernières conclusions en date du 20 novembre 2009 les époux [W] demandent à la cour d'infirmer le jugement, de constater la réalité des fautes alléguées à l'encontre de Maître [B] et la SELAFA SJOA et de les condamner à leur payer les sommes suivantes :

314.610 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour eux de la réduction du prix de cession des actions,

135.374 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour eux du manque à gagner correspondant à la perte de salaires subie par Monsieur [W],

53.357,16 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour eux du manque à gagner consécutif à la réduction des droits à pension de Monsieur [W],

75.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* maître [B] et la selafa sjoa

Dans leurs dernières écritures en date du 26 novembre 2009 Maître [B] et la société SJOA concluent à la confirmation du jugement et réclament paiement de la somme de 10.000 € au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur la perte de rémunération et de droits à pension

Monsieur [W] reproche à son avocat d'avoir manqué à ses obligations de conseil et d'information à l'occasion des négociations et de la rédaction des actes de cession, ce qui a eu pour conséquence de le priver d'un salaire sur une période de deux années et des droits à pension y afférents.

L'accord préliminaire signé le 2 octobre 1997 entre Monsieur [I] et Monsieur [W] prévoyait :

qu'il serait versé à Monsieur [W] une somme de 2 millions de francs, payable par moitié avant le 10 janvier 1999 et le 10 janvier 2000, sous condition de sa présence effective et active dans l'entreprise afin d'en assurer la bonne transmission,

qu'en contrepartie de cette présence de deux années minimales dans l'entreprise Monsieur [W] continuera à percevoir pendant cette période une rémunération dont le montant sera identique à sa rémunération actuelle qui s'élève à 37.000 francs bruts mensuels.

Le protocole d'accord signé par les parties le 7 novembre 1997 et l'article 1.4 de son additif reprennent la clause prévoyant le versement à Monsieur [W] d'une somme de 2 millions de francs en contrepartie de sa présence effective durant deux ans dans l'entreprise mais ne font plus aucune référence au contrat de travail qui devait lui être concédé.

Ultérieurement la SA Sorale, holding ayant pris le contrôle de la société [W]&[T], s'est refusée à signer un contrat de travail au profit de Monsieur [W] au motif que le protocole ne prévoyait pas que la mission confiée à ce dernier devait prendre la forme d'un salariat.

Maître [B], sur qui pesait un devoir de conseil et d'information et qui devait assurer l'efficacité des actes à la rédaction desquels il prêtait son concours, ne justifie pas avoir attiré l'attention de son client sur le fait que le protocole du 7 novembre 1997 ne reprenait pas la clause prévue dans les accords préliminaires du 2 octobre 1997 selon laquelle il devait bénéficier d'un contrat de travail pendant deux ans. En effet les notes d'observations qu'il a rédigées le 3 novembre 1997 ne contiennent aucune observation sur ce point.

Maître [B] ne saurait utilement soutenir que Monsieur [W], en sa qualité de chef d'entreprise avisé, ne pouvait ignorer la portée de cette situation alors que les compétences personnelles du client n'exonèrent pas l'avocat de ses obligations.

Il ne saurait davantage soutenir que Monsieur [W] avait renoncé à bénéficier d'un contrat de travail alors qu'il ressort du courrier de la société BTP Capital en date du 15 mai 1998 que l'absence de reprise de cette clause résulte d'un oubli. De plus, en décembre 1997, soit postérieurement à la signature de la convention, Maître [B] a rédigé un projet de contrat de travail au profit de son client et lui a facturé cette prestation, ce qui démontre que Monsieur [W] n'avait jamais renoncé à ce droit.

La faute commise par l'avocat a fait perdre à Monsieur [W] une chance de bénéficier d'un contrat de travail d'une durée minimale de deux ans, de percevoir un salaire et de bénéficier de droits complémentaires à pension.

Au regard de la législation sociale particulièrement protectrice à l'égard du salarié, le contrat de travail prévu au protocole avait des chances sérieuses de se poursuivre jusqu'à son terme.

Dès lors cette perte de chance de percevoir des salaires ainsi que le complément de pension de retraite y afférent sera évaluée à la somme de 75.000 €.

* sur le prix de cession

Sur le prix de cession qui aurait dû s'élever à 22.066.666 francs, l'acquéreur n'a versé aux époux [W] qu'une somme de 20.002.959 francs après signature de l'accord transactionnel.

Les époux [W] considèrent que les manquements de leur avocat sont à l'origine de ce manque à gagner de 314.610 €.

Cédant et cessionnaires n'ont pu se mettre d'accord sur l'arrêté des comptes au 31 décembre 1997 qui conditionnait le montant du complément de prix prévu à la convention, en raison notamment d'un redressement fiscal non révélé. En outre et alors qu'il était prévu dans une telle hypothèse la désignation d'un expert, les parties n'ont pas réussi à trouver un accord sur l'expert susceptible d'être désigné.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [W], Maître [B] a effectivement réalisé comme convenu, le 12 novembre 1997, un audit préalable. Cet audit mentionnait expressément l'existence du redressement fiscal et du recours contentieux pendant devant le tribunal administratif. En outre l'avocat avait pris le soin de faire insérer dans la convention une clause prévoyant, en cas de litige sur l'arrêté des comptes au 31 décembre 1997, le recours à un expert de sorte qu'il ne saurait être responsable ni du désaccord ayant opposé les parties sur la désignation de cet expert, ni du fait qu'elles n'ont pas estimé utile de saisir un juge pour faire désigner un expert.

Si Maître [B] devait percevoir une commission de réussite, rien ne permet de constater qu'en raison de la rémunération ainsi prévue il a conseillé à son client d'accepter, au cours des négociations, des concessions qui lui étaient préjudiciables.

Monsieur [W] n'est pas davantage fondé à engager la responsabilité de son avocat en lui reprochant d'avoir fait échouer la procédure arbitrale.

Si Maître [B] a contacté téléphoniquement l'un des arbitres pour discuter avec lui de l'étendue du litige qui devait être soumis au tribunal arbitral, cette démarche ne saurait constituer une faute puisqu'elle a été accomplie avant la signature du règlement d'arbitrage.

L'avocat ne saurait répondre du comportement de l'arbitre à qui il a été reproché un manque d'impartialité pour avoir conseillé à l'une des parties de reformuler ses demandes, dans le sens de la simplification, et en outre rien n'empêchait les parties de procéder à la désignation d'un nouvel arbitre en remplacement de celui dont l'impartialité était mise en doute. De plus rien ne permet d'affirmer que la procédure arbitrale, si elle avait été menée à terme, aurait été plus favorable aux intérêts de Monsieur [W] que ne l'est le protocole transactionnel du 10 février 1999, ni davantage qu'elle aurait permis d'obtenir l'annulation de la convention puisque le prix des actions, fixé selon la valeur de l'entreprise et son évolution, était déterminable et pouvait être fixé à dire d'expert, de sorte que la perte de chance de voir annuler la convention et d'échapper à une réduction de prix n'est pas démontrée.

En conséquence les époux [W] seront déboutés de leur demande relative à la perte de chance d'obtenir un prix de cession supérieur à celui effectivement obtenu.

* sur le préjudice moral

La preuve du préjudice moral allégué n'étant pas démontrée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [W] de ce chef de demande.

* sur les dépens

Le jugement sera infirmé et les dépens de première instance et d'appel seront supportés in solidum par Maître [B] et la SELAFA SJOA qui succombent partiellement en cause d'appel.

Maître [B] et la SELAFA SJOA seront déboutés de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés in solidum à payer, à ce titre, aux époux [W] une somme de 1.500€ tant au titre de leurs frais irrépétibles de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en date du 12 juin 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [W] et son épouse Madame [J] [M] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de leur demande de dommages et intérêts pour réduction du prix de la cession

L'infirme en ses autres dispositions.

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Maître [B] et la SELAFA SJOA à payer à Monsieur [H] [W] et à son épouse Madame [J] [M] une somme de soixante quinze mille euros ( 75.000,00 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance du mari de percevoir un salaire et des droits à pension.

Déboute Maître [B] et la SELAFA SJOA de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum Maître [B] et la SELAFA SJOA à payer aux époux [W] une somme de mille cinq cents euros ( 1.500,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum Maître [B] et la SELAFA SJOA aux dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

le greffier p/le président

Madame Tézé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Première chambre a
Numéro d'arrêt : 08/05769
Date de la décision : 26/01/2010

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°08/05769 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-26;08.05769 ?
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