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15/12/2009 | FRANCE | N°573

France | France, Cour d'appel de Rennes, Cinquième chambre, 15 décembre 2009, 573


ARRÊT No573 R.G : 08/03250 Société GUISNEL THB SAS C/ M. Fabrice X... Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, magistrat rédacteur, Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller, Monsieur Patrice LABEY, Conseiller, GREFFIER : Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS: A l'audience publique du 15 Septembre 2009 devant Monsieur Alain POUMAREDE, magistrat rapporteur,

tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a ren...

ARRÊT No573 R.G : 08/03250 Société GUISNEL THB SAS C/ M. Fabrice X... Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, magistrat rédacteur, Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller, Monsieur Patrice LABEY, Conseiller, GREFFIER : Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS: A l'audience publique du 15 Septembre 2009 devant Monsieur Alain POUMAREDE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2009 par mise à disposition au greffe par suite d'une prorogation du délibéré dont les parties ont été avisées et signé par Monsieur Alain POUMAREDE, Président **** APPELANTE : Société GUISNEL THB SAS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Zone d'Activité Mivoie Rue Emile Souvestre 35136 ST JACQUES DE LA LANDE représentée par Me DEGUERRY, Avocat, de la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON INTIME : Monsieur Fabrice X... ... 35300 FOUGERES Appelant incident; représenté par Me Eric MARLOT, avocat au barreau de RENNES INTERVENANTE : ASSEDIC DE BRETAGNE 36, rue de Léon 2024 X 35053 RENNES CEDEX non comparante; A conclu.

FAITS PROCEDURE MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Statuant sur la demande de Fabrice X... en paiement de diverses sommes et indemnités pour la rupture de son contrat de travail, dirigée contre la société GUISNEL THB, le Conseil des Prud'hommes de RENNES par jugement du 4 avril 2008, a : Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Fabrice X..., CONDAMNÉ la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... les sommes suivantes : -3.705,74 €, à titre d'indemnité de préavis, -370,57 €, pour les congés payés y afférents, -3.891,03 €, à titre d'indemnité de licenciement, -1.639,07 €, au titre du salaire pendant la mise à pied injustifiée, -163,90 €, pour les congés y afférents, -18.528,70 €, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ORDONNÉ la remise des documents de rupture sous astreinte journalière de 50 € à compter du 15ème jour de la notification du jugement ; CONDAMNÉ la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X..., la somme de 1.000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ; * * * Par déclaration faite au Greffe de la Cour le 7 mai 2008, la société GUISNEL THB a interjeté appel de cette décision ; Fabrice X... a relevé appel incident ; * * * APPELANTE, la société GUISNEL THB demande à la Cour de : INFIRMER le jugement, STATUANT A NOUVEAU, DEBOUTER Fabrice X... de toutes ses demandes, CONDAMNER Fabrice X... aux dépens de première instance et d'appel; * * * INTIMÉ, Fabrice X... demande à la Cour de : CONFIRMER le jugement en ce qu'il a : Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Fabrice X..., CONDAMNÉ la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... les sommes suivantes : -3.705,74 €, à titre d'indemnité de préavis, -370,57 €, pour les congés payés y afférents, -3.891,03 €, à titre d'indemnité de licenciement, -1.639,07 €, au titre du salaire pendant la mise à pied injustifiée, -163,90 €, pour les congés y afférents, ORDONNÉ la remise des documents de rupture sous astreinte journalière de 50 € à compter du 15ème jour de la notification du jugement ; CONDAMNÉ la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X..., la somme de 900 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ; REFORMANT pour le surplus : CONDAMNER la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... une indemnité de 45.000 €, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Y AJOUTANT CONDAMNER la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens; * * * PARTIE INTERVENANTE, POLE EMPLOI demande à la Cour de : Vu l'article L1235-4 du Code du Travail, CONDAMNER la société GUISNEL THB à rembourser les allocations versées à Bernard Z... dans la limite de 6.460,29 € ; * * * Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est expressément référé aux conclusions d'appel déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par la société GUISNEL THB ainsi qu'à celles déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par Fabrice X..., intimé et POLE EMPLOI, partie intervenante; * * * MOTIFS Considérant qu'il résulte des écritures, des explications des parties et des pièces par elles régulièrement produites, que : Par contrat écrit à durée indéterminée du 1er août 1997, la société THB aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société GUISNEL THB, a embauché Fabrice X... en qualité de conducteur, les relations étant placées sous le régime de la Convention Collective Nationale des transports routiers ; Convoqué et mis à pied à titre conservatoire le 3 janvier 2007, Fabrice X... était licencié pour faute grave le 23 janvier 2007 ; Contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail, Fabrice X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire ; condamnée, la société GUISNEL THB a fait appel ; Fabrice X... a relevé appel incident (sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse); * * * I- LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL A- Les motifs Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants : « Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien le mardi 9 janvier 2007. En effet, le 28 décembre 2006, au cours d'une livraison de carburant chez l'un de nos clients, vous n'êtes pas resté à proximité des vannes au moment du dépotage mais dans la cabine de la station service. De plus, vous n'avez pas mis en place les panneaux au sol « interdiction de fumer » alors qu'il s'agissait d'un lieu public. Ces constations ont été établies, au cours d'un contrôle par notre moniteur sécurité qui a consigné par écrit votre absence à côté de la citerne pendant 13 minutes. Lorsqu'il s'est présenté à vous à 14h15, il a constaté que vos deux cuves arrière étaient vides, ce que vous n'avez pas nié au cours de l'entretien. Vous indiquez, sur votre ordre de route, avoir commencé le dépotage à 14h00, ce qui implique un dépotage de vos cuves pendant votre absence à côté de la citerne. Nous ne pouvons tolérer ce manque de vigilance minimum inhérent à votre métier. Ces règles de sécurité sont le minimum requis pour tout conducteur. Nous vous rappelons que ces règles sont inscrites dans le livret de consignes de sécurité, qui est le livret de base d'un conducteur. De plus, en septembre 2006, nous avions sensibilisé, par voie d'affichage et par courrier en accompagnement des bulletins de paie, à la sécurité et à l'obligation de rester à proximité des vannes l'ensemble des conducteurs. Nous avions également rappelé que des contrôles inopinés seront effectués par la Direction à tout moment. Cette sensibilisation avait été décidé par le CHSCT du 6 septembre 2006 au cours duquel la problématique avait été évoquée, consignée par écrit dans le compte rendu et affiché sur le tableau de direction à l'attention de tous les conducteurs. Nous vous rappelons que par courrier du 7 avril 2006, vous avez fait l'objet d'un avertissement suite à un accident de la route responsable et un comportement régulièrement agressif envers le service exploitation. Vous aviez d'ailleurs déjà fait l'objet d'un avertissement le 26 avril 2005 pour votre comportement agressif en permanence envers le service exploitation. Cette conduite intolérable met en cause la bonne marche de notre Société. Votre attitude est dangereuse non seulement pour vous mais également pour les tiers. En effet, dans notre secteur d'activité les règles de sécurité doivent impérativement être respectées car les conséquences peuvent être dramatiques. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet à la date d'envoi de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni licenciement. Les documents de fin de contrat vous seront envoyés par courrier. Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d'en formuler la demande avant l'expiration de votre préavis. A défaut d'une telle demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. » * * * Qu'il s'agit d'un licenciement pour faute grave dont la preuve incombe à l'employeur ; * * * Considérant que Fabrice X... conteste d'abord la régularité du contrôle inopiné sur lequel se fonde le licenciement, puisqu'en effet ses modalités qui l'apparentent d'ailleurs à une véritable filature attentatoire à la vie privée, n'avaient pas été autorisées par l'Inspection du Travail et n'avaient pas davantage fait l'objet d'une consultation de la représentation du personnel ; de sorte que la preuve des griefs n'étant pas valablement rapportée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Que selon la société GUISNEL THB ce mode de constatation est licite puisque d'une part lors d'une réunion en date du 6 septembre 2006 le CHTS avait été avisé de la mise en place de contrôles inopinés pour vérifier le respect des règles de sécurité par les chauffeurs, et que d'autre part, la surveillance d'un salarié par un supérieur hiérarchique sur le lieu de travail est elle-même licite ; * * * Considérant que l'auteur de ce contrôle, Philippe A..., en interrogeant par courriel sa direction sur la licéité d'un tel contrôle précise qu'il consiste à suivre le conducteur, le surveiller tout en observant son travail sans qu'il nous voit, sans bien sûr s'être fait connaître et s'apparente à une filature; Or Considérant qu'en premier lieu la simple mention de contrôles inopinés lors d'une réunion du CHTS, sans qu'en soient précisées les modalités ne satisfaisait pas à l'information requise laquelle devait d'ailleurs être adressée au Comité d'entreprise, et qu'en second lieu, la filature et la surveillance occulte caractéristique d'un véritable affût réalisé hors de l'entreprise par un supérieur hiérarchique, qui pour surprendre une violation par le salarié des dispositions du règlement intérieur relatives à la sécurité, n'a de surcroît révélé sa présence que bien après ses constatations, constituent un procédé déloyal ; Que dès lors est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Fabrice X... qui repose uniquement sur les constatations faites au cours d'un tel contrôle ; * * * B- Les conséquences Considérant que Fabrice X... réclame : -3.705,74 €, à titre d'indemnité de préavis, -370,57 €, pour les congés payés y afférents, -3.891,03 €, à titre d'indemnité de licenciement, -1.639,07 €, au titre du salaire pendant la mise à pied injustifiée, -163,90 €, pour les congés y afférents, -45.000 €, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * * * Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué les indemnités de préavis et de licenciement, non autrement discutées, soient : -3.705,74 €, à titre d'indemnité de préavis, -370,57 €, pour les congés payés y afférents, -3.891,03 €, à titre d'indemnité de licenciement, * * * Considérant que Fabrice X... dont la faute grave n'est pas prouvée a subi une mise à pied illicite durant laquelle il n'a pas été rémunéré ; qu'il est en droit d'obtenir le rappel de salaire correspondant, outre les congés payés afférents, soient : -1.639,07 €, au titre du salaire -163,90 €, pour les congés y afférents, * * * Considérant que, âgé de 39 ans lors de la rupture, Fabrice X... se trouve privé d'un emploi lui procurant un revenu brut mensuel de 1.850 € environ ; que ce salarié perd le bénéfice d'une ancienneté de 10 années ; qu'il lui sera alloué une indemnité de 21.000 € pour la perte de son emploi, le jugement étant réformé en ce sens ; * * * Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; Considérant qu'en application de l'article L 1235-4 du Code du Travail, sera condamnée à rembourser à POLE EMPLOI Bretagne les allocations versées à dans la limite de six mois soit, d'après le décompte fourni par cet organisme la somme de 6.460,29 €; * * * II- Les DÉPENS et les FRAIS Considérant que la société GUISNEL THB qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel; que l'équité commande, en revanche de faire droit partiellement à la demande de Fabrice X... fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; qu'il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 800 €, incluant les frais de première instance; * * * PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement en ce qu'il a : Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Fabrice X..., CONDAMNÉ la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... les sommes suivantes : -3.705,74 €, à titre d'indemnité de préavis, -370,57 €, pour les congés payés y afférents, -3.891,03 €, à titre d'indemnité de licenciement, -1.639,07 €, au titre du salaire pendant la mise à pied injustifiée, -163,90 €, pour les congés y afférents, ORDONNÉ la remise des documents de rupture sous astreinte journalière de 50 € à compter du 15ème jour de la notification du jugement ; CONDAMNÉ la société GUISNEL THB aux dépens ; REFORMANT pour le surplus CONDAMNE la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X..., une indemnité de 21.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Vu l'article L 1235-4 du Code du Travail, CONDAMNE à rembourser à POLE EMPLOI Bretagne les allocations versées à dans la limite de six mois, soit 6.460,29 € ; CONDAMNE la société GUISNEL THB à payer à Fabrice X... la somme de 800 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; CONDAMNE la société GUISNEL THB aux dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT G. DANIELLOU A. POUMAREDE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 573
Date de la décision : 15/12/2009

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Contrôle et surveillance des salariés - Procédés de contrôle - / JDF

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Contrôle et surveillance des salariés - Procédés de contrôle - / JDF

D'une part, la simple mention, lors d'une réunion du comité d'hygiène, de sécurité, et des conditions de travail, de la mise en place de contrôles inopinés de l'activité des salariés, sans qu'en soient précisées les modalités, ne satisfait pas à l'information requise par l'article L. 2332-32 alinéa 3 du code du travail, d'autant que cette information doit être adressée au comité d'entreprise ; d'autre part, la filature et la surveillance occulte caractéristique d'un véritable affût réalisé hors de l'entreprise par un supérieur hiérarchique qui, pour surprendre une violation par le salarié des dispositions du règlement intérieur relatives à la sécurité, n'a de surcroît révélé sa présence que bien après ses constatations, constituent un procédé déloyal. Dès lors, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié qui repose uniquement sur les constatations faites au cours d'un tel contrôle


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Rennes, 04 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2009-12-15;573 ?
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