Première Chambre A
ARRÊT N°416
R.G : 08/03776
Mme [C] [H] [X] [D] épouse [M]
C/
SCP Notariale [Y] [V] - [B] [I] - [P] [Z] - [S] [U] [G] - [T] [F]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Anne ARNAUD, Président de chambre,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Odile MALLET, Conseiller, entendue en son rapport
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2009
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Madame Anne ARNAUD, Président de chambre, à l'audience publique du 10 Novembre 2009, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame [C] [H] [X] [D] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués
assistée de Me TREILLE avocat (SOCIETE JURIFISCA)
INTIMÉE :
SCP Notariale [Y] [V] - [B] [I] - [P] [Z] - [S] [U] [G] - [F] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SELARL CABINET D'AVOCATS EFFICIA, avocats
FAITS ET PROCÉDURE
[L] [W] veuve [D] est décédée le [Date décès 2] 1993 laissant pour lui succéder sa fille adoptive, Madame [C] [X]-[D] épouse [M] et Monsieur [A] [R], son légataire universel.
Par déclaration faite au greffe du tribunal de grande instance d'Agen Madame [M] a déclaré accepter la succession sous bénéfice d'inventaire.
Cette dernière a fait l'objet d'une procédure en taxation d'office par l'administration fiscale pour ne pas avoir déposé dans le délai légal de six mois la déclaration de succession. Elle a contesté cette taxation devant les tribunaux puis a conclu une transaction le 31 août 2006 avec l'administration fiscale et s'est engagée à régler la somme de 133.958 € outre 327,86 € pour frais de poursuite.
Elle a alors engagé la responsabilité du notaire chargé du règlement de la succession, la SCP [V], [I], [Z], [U] [G] et [T].
Par jugement du 27 mars 2008 le tribunal de grande instance de Saint Nazaire a débouté Madame [M] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Appel de ce jugement a été interjeté par Madame [M].
POSITION DES PARTIES
* madame [M]
Dans ses dernières conclusions en date du 11 septembre 2009 Madame [M] demande à la cour d'infirmer le jugement, de constater que Maître [K] a commis une faute engageant sa responsabilité, à la fois en ne déposant pas la déclaration de succession dans le délai légal de six mois et en ne l'informant pas des conséquences fiscales résultant de l'absence de dépôt d'une telle déclaration.
Elle estime que son préjudice correspond aux sommes suivantes:
31.000 € correspondant aux intérêts de retard,
327,86 € correspondant aux frais de poursuites,
37.604 € au titre des intérêts de retard de recouvrement,
67.699 € au titre des frais et honoraires de procédure et de transaction
15.000 € au titre de son préjudice moral.
* la scp notariale
Dans ses dernières écritures en date du 24 mars 2009 la SCP notariale conclut à la confirmation du jugement et réclame paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute en ne déposant pas la déclaration de succession puisqu'elle n'avait pas été mandatée à cet effet et qu'il ne saurait lui être reproché un manquement à son devoir de conseil puisque d'une part elle avait verbalement informé sa cliente, puisque d'autre part elle avait écrit au conseil de Madame [M] pour l'informer de l'urgence qu'il y avait à déposer la déclaration de succession.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur les manquements du notaire
En application de l'article 800 du code général des impôts l'obligation de souscrire une déclaration de succession incombe aux héritiers, légataires ou donataires. Il en résulte que cette obligation ne pèse pas sur le notaire à moins qu'il n'ait reçu mandat à cet effet.
Madame [M] ne justifie pas avoir donné mandat à Maître [K], qu'elle avait chargé de régler la succession de sa mère, de souscrire la déclaration de succession.
En revanche en sa qualité de professionnel du droit le notaire est débiteur envers son client d'une obligation de conseil en vertu de laquelle il lui appartient d'avertir personnellement son client sur les pénalités encourues en cas de non-respect du délai de six mois qui lui est imparti pour déposer une déclaration de succession et de lui proposer, le cas échéant, l'accomplissement de déclarations provisoires et de paiements partiels.
S'il est exact que, par courrier du 2 septembre 1993, le notaire a attiré l'attention de Maître [J], conseil de Madame [M], sur l'urgence qu'il y avait à faire procéder à une expertise des biens immobiliers composant la succession en raison du délai imparti pour le dépôt de la déclaration de succession, le notaire à qui il incombe de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de conseil, ne démontre pas qu'il aurait personnellement avisé Madame [M] de cette urgence et des sanctions encourues en cas de méconnaissance du délai imposé pour souscrire la déclaration de succession.
De plus le devoir de conseil pesant sur le notaire présente un caractère absolu de sorte que, ni la présence au côté de Madame [M] d'un autre professionnel du droit, ni l'information donnée à Maître [J], n'étaient de nature à décharger Maître [K] de son obligation.
Le notaire ne saurait utilement soutenir que le règlement de la succession s'avérait difficultueux à raison d'un testament dont la validité était contestée et d'un engagement de caution souscrit par la défunte au profit d'une société mise en liquidation judiciaire alors qu'il lui appartenait, dans le cadre de son obligation de conseil, de proposer à sa cliente l'accomplissement de déclarations provisoires et de paiements partiels
Enfin le notaire ne saurait soutenir qu'en tout état de cause Madame [M] n'était pas en mesure de régler les droits exigibles alors d'une part qu'il ne démontre pas l'avoir questionnée à ce sujet, alors d'autre part qu'il ressort des pièces produites aux débats qu'il dépendait de la succession un compte CCP créditeur de 27.748,50 francs et un compte titres créditeur de 944.596,09 francs.
En conséquence le manquement reproché au notaire est établi.
* sur les préjudices
Le préjudice de Madame [M] ne peut s'apprécier qu'au regard de la chance qu'elle a perdue de souscrire la déclaration de succession dans le délai légal et d'éviter ainsi les sanctions encourues et les dommages et intérêts alloués ne peuvent réparer que les préjudices résultant directement du manquement du notaire à son obligation d'information.
Madame [M], après avoir reçu successivement deux mises en demeure les 19 juin 1996 et 16 juin 1997, s'est vu notifier un redressement qu'elle a contesté. Sa réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet. Elle a alors saisi le tribunal de grande instance d'Agen qui l'a déboutée de ses demandes par jugement du 17 juin 2004. Elle a interjeté appel et par arrêt du 15 novembre 2005 la cour d'appel d'Agen a confirmé le jugement. Elle a alors engagé une procédure de transaction qui a abouti à un avis de dégrèvement du 11 octobre 2006.
En vertu de la transaction conclue le 31 août 2006 les intérêts de retard d'assiette ont été ramenés de 241.099 € à 31.000 € et les frais de poursuites à 327,86 €.
Madame [M] n'a pas réglé les droits de succession dont elle était redevable malgré la notification de deux mises en demeure. Dès lors les intérêts de retard d'assiette encourus résultent, non pas du manquement du notaire, mais de son refus de régler les droits dûs malgré la délivrance de ces deux mises en demeure. En outre en conservant dans son patrimoine le montant des droits de succession dont elle était redevable sur ses biens personnels à compter de leur exigibilité, Madame [M] a retiré un avantage financier qui vient en compensation des intérêts de retard qu'elle a du finalement verser à concurrence de la somme de 31.000 €.
Les intérêts de retard de recouvrement qui lui ont été ultérieurement réclamés par l'administration fiscale ne résultent pas davantage des manquements reprochés au notaire mais du retard de paiement des sommes mises à sa charge à l'issue de la transaction, retard dont elle est seule responsable.
Si Madame [M] a déboursé, pour assurer sa défense devant les tribunaux et à l'occasion de la transaction, la somme de 54.855,96 €au titre des honoraires d'avocat et celle de 12.842,79 € au titre des états de frais d'avoués, ces frais et honoraires résultent des choix procéduraux qu'elle a faits en s'opposant à tout paiement immédiat de sa dette et en n'optant pour une voie transactionnelle qu'après une instance judiciaire s'étant poursuivie jusque devant la cour d'appel, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre la faute imputable au notaire et ce chef de préjudice.
Enfin Madame [M] ne justifie pas d'une souffrance morale subie à raison de la nature purement patrimoniale du litige.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [M] de ses demandes.
* sur les dépens
Les dépens seront supportés par Madame [M] qui succombe en son appel. Le jugement sera confirmé et chacune des parties sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 27 mars 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire.
Y ajoutant,
Déboute chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Madame [C] [X]-[D] épouse [M] aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président