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24/02/2009 | FRANCE | N°08/04787

France | France, Cour d'appel de Rennes, 24 février 2009, 08/04787


Deuxième Chambre Commerciale


ARRÊT No 97


R.G : 08/04787


M. Yvon X...



SOCIETE D'ASSURANCES MUTUELLES BRETAGNE OCEAN


C/


S.A.S. DELMAS


S.A. AXA GLOBAL RISKS


Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 24 FEVRIER 2009


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,


Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en so

n rapport,


Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,


GREFFIER :


Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 08 Janvier 2009
...

Deuxième Chambre Commerciale

ARRÊT No 97

R.G : 08/04787

M. Yvon X...

SOCIETE D'ASSURANCES MUTUELLES BRETAGNE OCEAN

C/

S.A.S. DELMAS

S.A. AXA GLOBAL RISKS

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en son rapport,

Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Janvier 2009

devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 24 Février 2009, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTS :

Monsieur Yvon X...

...

29217 LE CONQUET

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de la SCP KERMARREC - MOALIC, avocats

SOCIETE D'ASSURANCES MUTUELLES BRETAGNE OCEAN

68 Quai de l'Odet

29196 QUIMPER CEDEX

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de la SCP KERMARREC - MOALIC, avocats

INTIMÉES :

S.A.S. DELMAS

1, quai Colbert

B.P. 7007 X

76080 LE HAVRE CEDEX

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Luc GRELLET, avocat

S.A. AXA GLOBAL RISKS

4, rue Jules Lefevre

75426 PARIS

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Luc GRELLET, avocat

EXPOSE DU LITIGE

Le navire roulier 'SAINT-ROCH' propriété de la société DELMAS et le fileyeur MOBY-DICK, propriété de Monsieur X... se sont abordés le 17 août 1999 à 16h17 dans l'entrée sud du dispositif de séparation du trafic d'OUESSANT lors du passage d'un grain. La météo était mauvaise, avec un vent de force 5 à 6 fraîchissant 7, mer 5 et visibilité réduite à un demi mile sous grains.

Le fileyeur a eu une voie d'eau. Le rouleur n'a subi aucun dommage.

Des enquêtes ont été effectuées, par la gendarmerie de DUNKERQUE et par les affaires maritimes.

Le capitaine du navire SAINT-ROCH a été relaxé par le tribunal commerce maritime de BREST le 7 décembre 2005, des faits de négligence dans l'exercice de ses fonctions lors de l'abordage.

Monsieur X... et son assureur la SAMBO ont assigné la société DELMAS et son assureur devant le tribunal de commerce de BREST en réparation de leur préjudice.

Par jugement du 8 juin 2007, le tribunal de commerce de BREST a notamment :

* débouté Monsieur X... et son assureur la SAMBO de leurs demandes,

* débouté la société DELMAS et son assureur, la société AXA GLOBAL RISKS de leurs demandes,

* dit n' y avoir lieu à exécution provisoire,

* ordonné le partage des dépens.

Monsieur X... et la SAMBO ont interjeté appel de cette décision.

Ils demandent à la cour de :

* infirmer la décision,

* constater que l'abordage du 'MOBYDICK' est exclusivement imputable au 'SAINT ROCH',

* déclarer la société DELMAS entièrement responsable de l'abordage,
* condamner en conséquence la Société DELMAS, in solidum avec la Société AXA GLOBAL RISKS, au paiement de la somme de 105.388,50 Euros au titre des préjudices matériels avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1999, avec capitalisation par application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

* constater que la SAMBO est subrogée dans les droits de Monsieur X... au titre de ses préjudices directs à concurrence de 94.717,07 Euros,

* les condamner en conséquence à ce titre au paiement :

* à la SAMBO de la somme de 94.717,07 Euros avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1999 avec intérêts de droit et capitalisation,

* à Monsieur X... de la somme de 10.671,43 Euros avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 16 octobre 1999,

* condamner la société DELMAS, in solidum avec la société AXA GLOBAL RISKS au paiement de la somme de 35.837,87 Euros au titre du préjudice d'exploitation, avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1999, lesquels se capitaliseront par application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

* constater que la SAMBO est subrogée dans les droits de Monsieur X... au titre des préjudices indirects à hauteur de la somme de 9.146,94 Euros,

* les condamner en conséquence à payer :

* à Monsieur X... la somme de 26.687,88 Euros avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 16 octobre 1999,

* à la SAMBO la somme de 9.146,94 Euros avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1999 et capitalisation,

* condamner par ailleurs la Société DELMAS in solidum avec la Société AXA GLOBAL RISKS au paiement de la somme de 7.129,16 Euros correspondant au coût d'intervention de la société S.C.S. avec intérêts de droit à compter de la date de paiement de cette somme, soit à compter du 30 novembre 1999 sur l'acompte de 3.048,98 Euros et du 22 décembre 1999 sur 1e solde de 4.080,18 Euros,

* condamner la société DELMAS, in solidum avec la Société AXA GLOBAL RISKS à payer à Monsieur X... et à la S.A.M.B.O., pour chacun d'eux une somme de 10.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première Instance, et une somme de 3.000 Euros sur ce même fondement en cause d'appel,

* condamner la Société DELMAS, in solidum avec la Société AXA GLOBAL RlSKS au paiement des entiers dépens, et dire que ceux ci seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société DELMAS et la société AXA GLOBAL RISKS demandent à la cour de :

* débouter les appelants de leurs demandes et confirmer le jugement,

* subsidiairement, limiter les préjudices :

* réparations : 105388,50 Euros,
* manque à gagner : 31369,08 Euros
* divers : 762,25 Euros,
* frais d'expertise : 7219,16 Euros

* condamner Monsieur X... et la société SAMBO à leur payer la somme de 10000 Euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner les mêmes aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La cour se réfère pour plus ample exposé des faits, moyens aux écritures des parties en date des 14 mai et 4 juin 2008, alors que l'ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2008 et n'a pas fait l'objet d'un rabat ultérieur.

DISCUSSION

* SUR LA RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ DELMAS POUR LES FAUTES COMMISES PAR SON PRÉPOSÉ, LE CAPITAINE DU SAINT-ROCH :

Considérant que si les appelants ne contestent pas que le tribunal maritime commercial de BREST a le 7 décembre 2005 relaxé le capitaine du SAINT-ROCH des poursuites engagées contre lui, il n'en demeure pas moins que, selon eux, le capitaine a commis des fautes, que les autres membres de l'équipage du SAINT-ROCH se sont rendu coupables de diverses fautes pour ne pas avoir respecté les règles 1, 3, 5, 6, 7, 8, 10, 13, 15, 16, 19, 35 et 36 du règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) de sorte que la société DELMAS doit répondre d'eux, que les intimés invoquent l'autorité de la chose jugée au pénal pour s'opposer à la mise en jeu de leur responsabilité, exposant que le capitaine a été relaxé des termes de la poursuite qui visait les règles du RIPAM, et que Monsieur X... s'était rendu coupable de divers manquements au règlement à l'origine de l'abordage,

Considérant que le navire SAINT-ROCH et l'équipage n'ont pas de personnalité juridique, de sorte que Monsieur X... ne peut mettre en jeu leur responsabilité, d'autant plus qu'il ne relève aucune faute précise contre un membre nommé de l'équipage,

Considérant que Monsieur C..., capitaine du SAINT-ROCH lors de l'abordage, a été renvoyé par ordonnance de l'administrateur des affaires maritimes en date du 24 décembre 2004 devant le tribunal maritime commercial pour les motifs suivants :

- qu'il appartenait au navire de commerce de man'uvrer afin de s'écarter de la route du navire de pêche,

- que le commandant était présent en passerelle au moment des faits,

- qu'il semble que des négligences en matière de veille en passerelle soient directement en lien avec l'événement de mer,

- que l'enquête nautique révèle des éléments d'informations sur les causes et circonstances de la collision survenue entre les deux navires,

- que l'article 81 du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande modifié prévoit que si l'une des infractions prévues à l'article 80 ou tout autre fait de négligence imputable aux capitaines, chef de quart ou pilote, a occasionné, pour le navire ou pour un autre navire, soit un abordage, soit un échouement ou un choc contre un obstacle visible ou connu, soit une avarie grave du navire ou de sa cargaison, le coupable est puni de trois mois d'emprisonnement ou d'une amende de 15 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement,

- que le capitaine a été ainsi poursuivi devant le tribunal maritime commercial avec la prévention suivante : "Négligence dans l'exercice de ses fonctions qui a occasionné un abordage entre le navire SAINT-ROCH qu'il commandait et le navire de pêche MOBY DICK, fait prévu et réprimé par l'article 81 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, étant précisé que selon l'article 81 de ce code : Si l'une des infractions prévues à l'article 80 ou tout autre fait de négligence imputable au capitaine, chef de quart ou pilote, a occasionné, pour le navire ou pour un autre navire, soit un abordage, soit un échouement ou un choc contre un obstacle visible ou connu, soit une avarie grave du navire ou de sa cargaison, le coupable est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement, et que, selon que l'article 80 de ce code : Est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement, tout capitaine ou chef de quart qui se rend coupable d'une infraction aux règles prescrites par les règlements maritimes, soit sur les feux à allumer la nuit et les signaux à faite en temps de brume, soit sur la route à suivre et les manoeuvres à exécuter en cas de rencontre d'un bâtiment. Est puni de la même peine, tout pilote qui se rend coupable d'une infraction aux règles sur la route à suivre",

Considérant qu' à la question qui lui était posée : "Le prévenu s'est -il rendu coupable de négligence dans l'exercice de ses fonctions ce qui a occasionné un abordage entre le navire SAINT-ROCH et le navire MOBY-DICK", le Tribunal maritime commercial a répondu négativement, et l' a relaxé du délit prévu et réprimé par l'article 81 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande,

Considérant que le jugement de relaxe du tribunal maritime commercial n'est pas motivé,

Considérant toutefois que la portée de la décision de relaxe doit être appréciée au regard des termes de la prévention et au regard de ce qui a été nécessairement et certainement jugé pour prononcer la relaxe,

Considérant que, saisi des faits contenus dans l'ordonnance de renvoi de l'administrateur des affaires maritimes, le tribunal maritime commercial devait examiner le comportement du capitaine alors qu'il "appartenait au navire de commerce de manoeuvrer afin de s'écarter de la route du navire de pêche", et alors qu'"il semblait que des négligences en matière de veille en passerelle (étaient) directement en lien avec l'événement de mer" ; que, par le renvoi opéré par les articles 81 et 80 aux "règlements maritimes", le tribunal devait ainsi examiner les manquements à l'obligation de veille prévue par l'article 5 du RIPAM, les manquements concernant la route à suivre et les manoeuvres d'évitement compte tenu des risques d'abordage (article 7, 8, 13, 15 et 16 du RIPAM),

Considérant que le tribunal maritime commercial a nécessairement et certainement examiné des abstentions, mais aussi des actes positifs qui caractérisaient la prévention, de sorte que, quand bien même il n' y a pas identité des fautes civile et pénale, il n'en demeure pas moins que certains éléments constitutifs de la faute pénale, tout particulièrement les infractions aux règles prescrites visées dans la prévention quant à la veille, la route à suivre et les manoeuvres d'évitement, sont ceux de certaines fautes civiles invoquées par Monsieur X... ; qu'en les examinant pour répondre sur la mise en jeu de la responsabilité civile du capitaine, la juridiction civile ne peut pas contredire l'autorité de la chose jugée au pénal ; que toutefois, d'autres violations du RIPAM différentes des éléments de la prévention sont invoquées par Monsieur X... qui ne heurtent pas l'autorité de la chose jugée,

Considérant que l'article 5 du RIPAM "veille" est invoqué, que Monsieur X... reproche au capitaine de ne pas avoir organisé une veille renforcée, à vue, alors qu' il arrivait en zone de dispositif de séparation du trafic d'OUESSANT et alors que les conditions météorologiques étaient mauvaises ; que les intimés contestent tout défaut de veille ; que toutefois, rien ne permet d'affirmer que le changement de veille intervenue à 16 heures sur le SAINT-ROCH a eu pour effet de créer confusion et distraction ; que, par ailleurs, les mauvaises conditions météorologiques, alors qu'il pleuvait fortement et que la mer était hachée et moutonneuse, n' ont pas permis au bord détecter visuellement le MOBY-DICK, navire de onze mètres de couleur jaune et blanche, sinon en dernière minute ; que cette faute a été examinée par le tribunal maritime commercial qui n'a pas estimé que le capitaine en était coupable,

Considérant que Monsieur X... reproche le non-respect des dispositions destinées à éviter l'abordage de l'article 7 du RIPAM, et des dispositions relatives aux manoeuvres destinées à éviter l'abordage (article 8 du RIPAM), ce que les appelants contestent ; que toutefois, il n'apparaît pas, dans l'information diligentée, que les risques d'abordage n' ont pas été déterminés par le capitaine du SAINT-ROCH et par ailleurs, il est établi qu'il a engagé une manoeuvre destinée à éviter l'abordage dès qu'il a vu le MOBY-DICK ; que le tribunal maritime commercial n'a pas ici relevé l'existence d'une faute contre Monsieur C...,

Considérant que Monsieur X... reproche encore le fait de ne pas avoir adopté un cap conforme aux exigences de l'article 10 du RIPAM tout particulièrement le paragraphe III (en fait b)iii) qui oblige à entrer dans le rail suivant un angle aussi réduit que possible par rapport à la direction du trafic ; que la société DELMAS fait valoir que les appelants ne s'expliquent pas précisément sur la violation qu'ils invoquent ; qu'il apparaît toutefois que cette obligation est faite en règle générale, que les rapports d'instruction de Monsieur E... et Madame F..., administrateurs des affaires maritimes n'ont révélé aucune faute de la part du capitaine du SAINT-ROCH à cet égard ; qu'enfin, Monsieur X... ne rapporte non plus aucune preuve de ce qu'il a été manqué aux dispositions de l'article 10,

Considérant que Monsieur X... reproche également une violation de l'article 13 "navire qui en rattrape un autre", qui fait obligation au capitaine de s'écarter de la route du MOBY-DICK, ce que contestent les appelants ; qu'en effet, les conditions météorologiques n'ont pas permis au capitaine du SAINT-ROCH de détecter le MOBY-DICK sinon une minute et demi à deux minutes avant la collision, alors que la saturation des écrans du fait des grains empêchait une détection radar efficace et alors que le bord n'a pu visuellement voir le MOBY-DICK du fait des conditions de mer ;

Considérant que Monsieur X... reproche le non-respect de la règle 15 du RIPAM "navires dont les routes se croisent", puisque, se trouvant sur la route qui croisait celle du MOBY-DICK de sorte qu'il existait un risque d'abordage et le voyant sur sa droite, le capitaine devait manoeuvrer pour s'en écarter et si les circonstances le permettaient, éviter de le croiser sur l'avant ; que l'instruction a révélé que le capitaine du SAINT-ROCH, a, dès qu'il a vu le MOBY-DICK à quelques encablures, stoppé les machines et mis barre à droite toute pour l'éviter ; que la violation invoquée ne peut remettre en cause le fait que le tribunal maritime commercial a examiné le comportement du capitaine au regard de la nécessité pour le navire de commerce de 'manoeuvrer afin de s'écarter de la route du navire de pêche', et l'a relaxé, ne retenant ainsi aucune faute contre lui,

Considérant qu'il est également reproché par Monsieur X... de ne pas avoir "manoeuvré de bonne heure et franchement pour éviter le MOBY-DICK qui évoluait sur une route prioritaire", rappelant à cet effet la règle 16 "manoeuvre du navire non privilégié", ce que contestent les appelants qui exposent que le tribunal maritime commercial n'a pas sanctionné le capitaine pour la route qu'il avait choisie de suivre ; qu'en l'espèce, la faute alléguée doit être mise en corrélation avec celles qui sont invoquées en violation des articles 13 et 15 du RIPAM, et ne peut être examinée indépendamment d'une faute de veille pour laquelle le capitaine du SAINT-ROCH a été relaxé,

Considérant que Monsieur X... reproche au SAINT-ROCH de ne pas avoir eu une vitesse adaptée afin de prendre des mesures appropriées et efficaces pour éviter un abordage conformément à l'article 6 du RIPAM ; que le SAINT-ROCH avait au moment de la collision une vitesse de 15, 3 noeuds, que les deux administrateurs rappellent que la vitesse de sécurité s'inscrit dans un processus de vigilance et de réactivité dicté par les conditions du moment, et estiment, pour Monsieur E... que "le commandant n'a pas adapté la vitesse de son navire en fonction des dispositions de l'article 6", et pour Madame F... "qu'il est possible de penser que le capitaine n'a pas respecté la règle 6", compte tenu de la faculté d'arrêt des deux navires en fonction de leur masse et puissance mécanique ; qu'en l'espèce, compte tenu du fait que la visibilité diminuait considérablement entre deux grains, que le trafic était dense dans l'approche de la la zone de séparation du trafic qui fait entonnoir, compte tenu du fait que les radars avaient des performances amoindries, il peut être considéré que le capitaine n'a pas adaptée la vitesse du SAINT-ROCH aux conditions du moment,

Considérant que se trouve également invoquée la règle 19 "conduite des navires par visibilité réduite" ; que Monsieur X... explique que le capitaine devait "adopter une vitesse de sécurité adaptée à ces conditions, renforcer la veille, qu'elle soit radar et/ou visuelle"; que si Monsieur X... ne peut soutenir qu'il y a eu des négligences en matière de veille, il peut toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, reprocher au capitaine une vitesse de sécurité inadaptée aux circonstances,

Considérant enfin que sont invoquées les violations des articles 35 "signaux sonores par visibilité réduite" et 36 "signaux destinés à appeler l'attention" du RIPAM ; que selon Monsieur X..., le SAINT-ROCH devait émettre des signaux sonores et utiliser des signaux comme la lampe ADLIS, que les appelants expliquent que la visibilité réduite n'était pas un phénomène permanent et que des signaux lumineux sont inefficaces lors des grains ; que le dossier d'instruction révèle que le capitaine, interrogé sur ces points, a estimé que "l'urgence primait", préférant stopper pour le laisser passer devant, étant persuadé qu'il me voyait, que toutefois, l'information révèle aussi que le navire, compte tenu de sa taille, devait, en de telles circonstances, peu important que la visibilité réduite ne soit pas un phénomène permanent, émettre des signaux sonores, ce que le capitaine n'a pas fait,

Considérant en définitive que des fautes relatives à une vitesse inadaptée et à l'absence de signaux sonores compte tenu des conditions climatiques qui sont en relation directe avec l'abordage peuvent être reprochées au capitaine du navire, sans pour autant heurter l'autorité de la chose jugée du jugement pénal,

Considérant que la société DELMAS doit répondre de son commettant,

* SUR LES FAUTES DU MOBY-DICK :

Considérant que les intimés reprochent au MOBY-DICK d'avoir également commis des fautes, qu' étant plus manoeuvrant car beaucoup plus petit, il n'a pas fait 'la manoeuvre la meilleure pour aider à éviter l'abordage' (article 17 du RIPAM), alors qu'il avait perçu le SAINT-ROCH vingt minutes environ avant l'abordage et alors qu'il n'avait assuré aucune veille, qu'ils estiment qu'il est entièrement responsable du sinistre, que Monsieur X... réplique en indiquant que l'information n'a retenu aucune faute contre lui et qu'aucune violation des dispositions du RIPAM ne peut lui être reprochée,

Considérant que le non-lieu dont a bénéficié le MOBY-DICK par ordonnance du 24 décembre 2004 n'interdit pas de rechercher les fautes qu'il a pu commettre et qui ont contribué à la réalisation de l'abordage,

Considérant que le MOBY-DICK n'a pas assuré correctement la veille, qu'en effet, s'il avait assuré une veille sur babord, il aurait vu le SAINT-ROCH à environ 300 mètres, au moment même où le SAINT-ROCH l'apercevait, ce qui lui aurait permis alors, quand bien même il était navire rattrapé, de manoeuvrer et d'éviter l'abordage aussitôt qu'il lui paraissait évident que le navire qui était dans l'obligation de s'écarter de sa route n'effectuait pas la manoeuvre appropriée (article 17 du RIPAM), que ces manquements ont un lien direct avec la réalisation du sinistre,

* SUR LE PARTAGE DE RESPONSABILITÉ :

Considérant que les fautes commises à la fois par le capitaine du SAINT-ROCH et celles commises par le capitaine du MOBY-DICK ont contribué à hauteur de moitié à la réalisation du sinistre,

Considérant que le jugement du tribunal de commerce de BREST sera infirmé,

* SUR LES RÉPARATIONS :

Considérant que Monsieur X... et la SAMBO, subrogée en partie dans les droits de Monsieur X... demandent la condamnation in solidum des intimés à leur verser diverses sommes d'argent, que les intimés ne contestent pas les sommes engagées au titre des réparations (105388,50 Euros) et des frais d'expertise (7129,16 Euros),

Considérant en revanche que sont contestées les sommes demandées au titre du manque à gagner (32049,60 Euros) et au titre des dépenses et frais (3788,27 Euros),

Considérant quant au manque à gagner, que la demande repose sur une évaluation faite en comparaison des recettes réalisées par deux autres navires exerçant la même activité ; que toutefois, il apparaît que, comme l'indiquent les intimés, que les comparaisons doivent être faites avec des navires comparables en taille et en résultat d'exploitation ; qu'en conséquence, la cour retiendra la somme de 31669,08 Euros pour ce poste,

Considérant que les frais (3788,27 Euros) comprennent les frais d'escorte du MOBY-DICK (762,25 Euros), les frais de déplacement du patron entre le CONQUET et QUIMPER et dépenses de carburant pour rejoindre le chantier et revenir au port d'armement, ainsi que les frais de report d'échéance ; que toutefois, comme l'indiquent justement les intimés, ces derniers frais sont le résultat du choix de l'armement de faire réparer le navire à QUIMPER et d' un choix de gestion financière, ce qu'ils n' ont pas à supporter ; que les frais seront fixés à la somme de 762,25 Euros,

Considérant par ailleurs, que ces sommes, au paiement desquelles les intimés seront condamnés in solidum à hauteur de la moitié compte tenu du partage de responsabilité, doivent être attribuées en fonction des subrogations dont la SAMBO bénéficie en raison des paiements qu'elle a faits à Monsieur X..., que les intérêts au taux légal courront à compter du 7 février 2001, date de la demande en justice et non 16 octobre 1999 qui n'est pas expliquée, et que la capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil sera ordonnée,

* SUR L'INDEMNITÉ DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DEPENS:

Considérant que l'équité commande le rejet de la demande des intimés, que les appelants et les intimés qui succombent seront condamnés par moitié aux dépens dont il aura été fait masse et qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Dit que la société DELMAS et Monsieur X... ont commis des fautes à l'origine du sinistre,

Dit que leur responsabilité est engagée à hauteur de la moitié chacun,

Condamne in solidum la société DELMAS et la société AXA GLOBAL RISKS à payer à Monsieur X... :

* au titre des réparations : 5335,71 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

* au titre des pertes d'exploitation : 10498,83 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

* au titre des frais : 381,12 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

* au titre des frais d'expertise : 3564,58 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

Condamne in solidum la société DELMAS et la société AXA GLOBAL RISKS à payer à la SOCIÉTÉ D'ASSURANCE MUTUELLES BERTAGNE OCÉAN :

* au titre des frais de réparation : la somme de 47358,53 Euros outre les intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

* au titre des pertes d'exploitation : la somme de 4773,47 Euros et les intérêts au taux légal à compter du 7 février 2001,

Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Dit n' y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Fait masse des dépens,

Condamne Monsieur X... et son assureur la SAMBO, d'une part, la société DELMAS et son assureur AXA GLOBAL RISKS d'autre part à supporter chacun la moitié des dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 08/04787
Date de la décision : 24/02/2009

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Brest


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-02-24;08.04787 ?
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