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24/02/2009 | FRANCE | N°08/01123

France | France, Cour d'appel de Rennes, 24 février 2009, 08/01123


Deuxième Chambre Commerciale


ARRÊT No 90


R.G : 08/01123


S.A. SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION


C/


S.N.C. LIDL


Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours.


COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 24 FEVRIER 2009


COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,


Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en son rapport,


Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,




GREFFIER :


Mme Servane OLLIVIER, lors des débats et Mme Béatrice FOURNIER lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 13 Janvier 2009


ARRÊT :


Contradic...

Deuxième Chambre Commerciale

ARRÊT No 90

R.G : 08/01123

S.A. SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION

C/

S.N.C. LIDL

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours.

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en son rapport,

Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Servane OLLIVIER, lors des débats et Mme Béatrice FOURNIER lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Janvier 2009

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 24 Février 2009, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S.A. SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION exerçant sous l'enseigne LECLERC

Centre Commercial

Atlantis

44800 ST HERBLAIN

représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assistée de Me Christine JULIENNE, avocat

INTIMÉE :

S.N.C. LIDL

35 rue Charles Peguy

67200 STRASBOURG

représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués

assistée de Me Bernard BRAUN, avocat

EXPOSE DU LITIGE

La société SHD exploite à NANTES zone ATLANTIS un hypermarché sous l'enseigne LECLERC.

La société LIDL exploite une chaîne de supermarchés, dont l'un se trouve aux DERVALLIERES à NANTES.

Dans le courant du troisième trimestre 2005, la société SHD a procédé :

* à l'installation de panneaux dans les rayons HIFI, boulangerie, chaussures de marque et liquide,
* dans différents rayons, sur des estrades, à l'exposition de trois chariots, l'un contenant des produits ECO PLUS et l'autre des produits LIDL ou LEADER PRICE contenant chacun des produits alimentaires, d'hygiène, de droguerie, de parfumerie, avec au dessus de chacun des caddies les tickets de caisse agrandis et le panneau sur fond bleu suivant : 'ECO + LE DISCOUNT LE MOINS CHER, POUR FAIRE PLUS ENCORE D'ÉCONOMIES!',
* cette campagne étant faite sur plusieurs panneaux avec un fond orangé et bleu comportant le slogan suivant : ' MEFIEZ VOUS DES IDEES RECUES A VOUS DE VOIR '

Estimant que la société SHD a engagé une campagne de publicité comparative qui ne respecte pas les dispositions de l'article L 121-8 du Code de la consommation, et qui la discrédite, la dénigre (article L 121-9 du code de la consommation), et qu'en définitive, elle a été victime de concurrence déloyale, la société LIDL a engagé une procédure contre la société SHD.

Par jugement du 21 janvier 2008, le tribunal de commerce de NANTES a, notamment :

* dit que la société SHD exploitant sous l'enseigne LECLERC a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société LIDL en effectuant de la publicité comparative,

* condamné la société SHD à payer à la société LIDL la somme de 60000 Euros à titre de dommages-intérêts,

* ordonné la publication du jugement aux frais de la société SHD à raison de 4000 Euros par insertion dans les journaux OUEST FRANCE et LSA,

* condamné la société SHD à payer les frais de constat d'huissier,

* condamné la société SHD à payer à la société LIDL la somme de 2000 Euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* dit que le défaut de règlement spontané des condamnations justifiera l'exécution forcée immédiate par huissier le montant des sommes retenues étant supporté par le débiteur en sus de l'application de l'indemnité de l'article 700 du Code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

* condamné la société SHD aux dépens.

La société SHD a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour de :

* réformer le jugement,

* dire que la société SHD n'a pas fait de publicité comparative illicite et n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle,

* débouter la société LIDL de toutes ses demandes,

* cantonner le montant du préjudice à un préjudice de principe et l'indemniser en tant que tel à hauteur de 1 Euro,

* condamner la société LIDL à lui payer la somme de 5000 Euros au titre des frais irrépétibles,

* condamner la société LIDL aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

* ordonner l'application du jugement dans un journal national tel que 'LSA' et régional aux frais de la société LIDL.

La société LIDL demande à la cour de :

* débouter la société SHD de sa demande, et confirmer le jugement,

* condamner la société SHD à lui payer la somme de 5000 Euros, au titre des frais irrépétibles,

* condamner la société SHD en tous les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La cour se réfère pour plus ample exposé des faits, moyens aux écritures des parties en date des 19 juin et 26 septembre 2008.

SUR CE

* sur la publicité comparative faite par la société SHD :

Considérant que LIDL soutient qu'elle est illicite dès lors que les produits comparés ne sont pas comparables, ne répondant pas aux mêmes besoins et n'ayant pas le même objectif, qu'en effet, la comparaison faite n'est pas objective, alors que la qualité, la composition, le poids, la contenance sont différents, et alors que les produits ont fait l'objet d'une préselection dont les conditions ne sont pas appréciables, que LIDL estime également que cette publicité est trompeuse et mensongère, que la comparaison des prix en soi n'a pas d'intérêt si aucune information n'est fournie sur la qualité, la quantité du produit considéré,

Considérant que la société SHD réplique en indiquant qu'elle a fait une simple campagne d'information par 'messages réalisant des comparaisons qui n'ont pas vocation publicitaire et relèvent de l'information du produit', que si la cour estime qu'il y a publicité comparative, elle la dira licite au regard de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui estime que la directive européenne sur la publicité comparative doit être interprétée le plus favorablement, qu'il est tout à fait licite de faire porter la publicité sur des assortiments de produits à condition que ces assortiments soient composés de produits individuels comparables par paires, sans que l'on énumère chaque produit et chaque prix de l'assortiment dans l'annonce publicitaire, mais à condition que le consommateur puisse prendre aisément connaissance des éléments de comparaison, qu'en l'espèce, la comparaison répondait à des critères, les produits correspondant au même besoin, étant parfaitement comparables à quelques pourcentages près,

Considérant que selon les constatations faites par Maître C..., huissier de justice, le 20 octobre 2005, il y avait dans l'allée centrale des panneaux sur fond bleu 'ECO + LE DISCOUNT LE MOINS CHER pour faire encore plus d'économies' ; que, dans cette allée centrale, se trouvaient trois estrades faites au moyen de palettes sur lesquelles étaient installés des caddies remplis de produits LECLERC ECO + dans le caddy de gauche, et de produits LEADER PRICE et LIDL dans celui de droite, le tout dans un emballage transparent, chaque caddy étant surmonté d'un panneau portant le message : 'MÉFIEZ-VOUS DES IDÉES REÇUES A VOUS DE VOIR' ; que sur la première estrade, se trouvaient des caddies contenant des produits d'hygiène et de nettoyage, à gauche les produits ECO + et à droite des produits LIDL et LEADER PRICE, que la seconde estrade étaient présentés des produits alimentaires LECLERC d'un coté et LIDL de l'autre, et sur la troisième, des produits alimentaires 'rayon frais libre service' ECO + à gauche et LIDL à droite ; que le ticket de caisse des produits de chaque caddy était agrandi au dessus de chaque caddy, que l'huissier a vérifié que les produits existaient en rayon et que les prix étaient les bons,

Considérant que le message 'MÉFIEZ-VOUS DES IDÉES REÇUES À VOUS DE VOIR' induit clairement que les produits Eco + sont moins chers que ceux des deux autres concurrents et que les consommateurs devraient se méfier de l' idée reçue selon laquelle les 'hard discounters' sont moins chers ; que la formule 'Eco + le discount le moins cher' associée à des listes comparatives de prix de produits est clairement une promesse publicitaire, qu'il ne s'agit pas d'une information qui se bornerait à comparer sans porter de jugement sur le résultat,

Considérant qu'il y a bien action publicitaire et non action de seule information,

Considérant que la publicité comparative est licite dès lors qu'elle n'est pas trompeuse, qu'elle compare des biens et des services concurrents répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, qu'elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services dont le prix peut faire partie, qu'elle n'entraîne pas de discrédit ou de dénigrement des marques noms commerciaux... ( article 3 de la DIRECTIVE 97/55/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 octobre 1997), que les articles L 121-8 et L 121-9 du Code de la consommation reprennent ces dispositions,

Considérant qu' ainsi la publicité doit mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, qu'en l'espèce, les produits comparés alimentaires, d'hygiène et d'entretien correspondent aux mêmes besoins, se nourrir, se laver et nettoyer ; que, quand bien même, ils présentent des différences de poids, de composition et de contenance, ce qui est nécessaire dès lors qu' il ne s'agit pas de produits identiques, ils sont suffisamment comparables et conservent globalement les mêmes caractéristiques,

Considérant par ailleurs, que la publicité doit permettre de vérifier les caractéristiques pertinentes et essentielles de ces produits, qu'en l'espèce, la présentation des tickets de caisse établis le même jour permet de savoir dans quels magasins ils ont été acquis, donne le détail des produits acquis ; qu'ainsi, le consommateur est dans la capacité théorique d'en vérifier ou d'en faire vérifier l'exactitude,

Considérant cependant que la publicité ne doit pas être trompeuse ; que la société SHD a procédé à un amalgame entre les produits et les prix de deux concurrents, présentant les produits de ces deux enseignes dans le même chariot, les comparant aux produits ECO +, sans aucune indication du critère retenu pour choisir tel ou tel produit de la marque LIDL ou LEADER PRICE, sans l'expliquer au consommateur et sans s'en expliquer non plus dans cette procédure ; que comme le relève le premier juge, le consommateur ne peut comparer les produits ECO + à l'ensemble des produits des autres enseignes sans pouvoir fixer la performance de chacune au regard des produits ECO+ ; qu'ainsi, la formule 'ECO +, le discount le moins cher' pousse le consommateur vers une conclusion unique et globale, essentiellement favorable à la société SHD sans que la réalité objective soit établie,

Considérant pour ce motif que la publicité comparative réalisée par la société SHD n'est pas licite, que le jugement doit être confirmé,

* sur la réparation du préjudice causé

Considérant que la société LIDL soutient que la campagne de SHD jette le discrédit sur son enseigne, dénigre la société LIDL et tente de capter sa clientèle,

Considérant que la société SHD a procédé à un amalgame ayant pour résultat d' opérer une confusion dans l'esprit du consommateur, que cette publicité qui ne répond pas aux exigences légales permet finalement de dénigrer le concurrent et de détourner une partie de sa clientèle à son profit,

Considérant que, comme le souligne le premier juge, l'influence du magasin de la société SHD situé à ATLANTIS, induit que de nombreux consommateurs ont été touchés par ce message, que 'la volonté historique de l'enseigne, depuis son origine, de se montrer exemplaire sur les prix face à ses concurrents impose de la part de LECLERC des conditions de comparaison sans faute', puisqu'il est particulièrement crédible sur ce sujet ; qu'il résulte de cette publicité irrégulière un trouble commercial important pour LIDL, peu important que le pourcentage de produits ECO + vendus par LECLERC soit très faible par rapport à son chiffre d'affaires sur les autres produits,

Considérant qu'en réparation du préjudice subi, l'indemnité allouée à LIDL sera fixée à la somme de 60000 Euros,

* sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que, succombant en ses prétentions, la société SHD sera condamnée à payer à la société LIDL la somme de 5000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et supportera les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société SHD à payer à la société LIDL la somme de 5000 Euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société SHD aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 08/01123
Date de la décision : 24/02/2009

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nantes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-02-24;08.01123 ?
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