Chambre des Baux Ruraux
ARRÊT No 29
R. G : 06 / 03724
Mme Marie-Anne X...
C /
M. Alexis Y...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2008
devant Madame Marie-Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 13 Novembre 2008, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame Marie-Anne X...
...
44130 FAY DE BRETAGNE
Représentée par Me POIRIER substituant Me A..., avocat
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 07 / 008744 du 29 / 11 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Monsieur Alexis Y...
...
44130 FAY DE BRETAGNE
Représenté par Me Christian LORRILLIERE, avocat
**********************
Mme Marie-Anne X...née B...est propriétaire de terres agricoles à Fay de Bretagne (Loire Atlantique).
Estimant que les articles 331-7 et 331-10 du code rural s'appliquent à l'espèce, M. Alexis Y...a demandé à être autorisé à exploiter les parcelles YC 20, 28 (J et K) et 30 et à voir fixer les conditions du bail.
Par jugement du 19 avril 2006 le tribunal paritaire des baux ruraux de St Nazaire a accordé un bail rural à M. Y...sur ces parcelles pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1er janvier 2006 moyennant un fermage de 85 euros l'hectare, les impôts fonciers étant répartis conformément à la loi.
Mme Marie-Anne X...a fait appel de ce jugement. Elle rappelle que l'article 331-7 du code rural prévoit deux cas d'irrégularité d'exploitation, l'absence d'une demande d'autorisation préalable et le non-respect d'une décision de refus d'autorisation d'exploiter. Elle fait valoir que, âgée de 88 ans, elle n'a pas fait de demande d'autorisation d'exploiter.
Subsidiairement, à supposer qu'il y ait eu refus d'autorisation, celle-ci ne porte que sur 9 ha 69 a et non sur 17 ha 63 a.
Elle soutient que l'article 331-10 du code rural est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et notamment au protocole no 1 puisqu'il a pour effet d'imposer un bail à un propriétaire dans le seul intérêt d'un particulier et non dans l'intérêt général.
Très subsidiairement elle conteste le montant du fermage retenu par le premier juge.
M. Y...fait valoir qu'il a été autorisé à reprendre l'exploitation de M. C...à qui le tribunal paritaire des baux ruraux avait reconnu un bail sur les parcelles YC 20 et 28. Il soutient que les fils de Mme X...n'ont jamais été autorisés à exploiter ses terres et que celle-ci s'est vue notifier un refus d'autorisation d'exploiter. Il conclut à la confirmation.
Il demande l'indemnisation de son préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie au jugement attaqué et aux dernières écritures développées oralement à l'audience et déposées le 14 mai 2008 pour l'appelante et le 25 septembre 2008 pour l'intimé.
SUR CE
Considérant qu'aux termes de l'article L 331-10 du code rural
" Si, à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser l'exploitation est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été retenu, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds. En cas de pluralité de candidatures, le tribunal paritaire des baux ruraux statue en fonction de l'intérêt, au regard des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures, de chacune des opérations envisagées.
Lorsque le tribunal paritaire des baux ruraux accorde l'autorisation d'exploiter le fonds, il fixe les conditions de jouissance et le montant du fermage conformément aux dispositions du titre Ier du livre IV (nouveau) du présent code. " ;
Que cette disposition renvoie, donc, de manière explicite à la mise en demeure de cesser l'exploitation de l'article L 331-7 du Code rural qui est ainsi libellé : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.
Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée.
Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire.
Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304, 90 et 914, 70 euros par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après, le cas échéant, application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6.
Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause. " ;
Qu'il en résulte que la saisine de l'article L 331-10 précité, est conditionnée par la mise en demeure de l'article L 331-7 diligentée par l'administration dans le cadre du contrôle des structures qui prescrit à l'auteur de l'infraction, soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées ; que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux par toute personne intéressée à l'effet de voir consentir un bail forcé qui est une conséquence du contrôle des structures ne peut être élargie à d'autres cas de figure et ne peut intervenir en l'absence de cette mise en demeure ;
Considérant que ces articles sont insérés dans le chapitre sur le contrôle des structures dont l'objectif prioritaire est, selon l'article L. 331-2, de favoriser l'installation d'agriculteurs ;
Qu'ils s'analysent en une réglementation de l'usage des biens à laquelle l'article 1er du protocole additionnel no1 de la convention européenne des droits de l'homme trouve bien à s'appliquer ;
Que leur application à M. Y...lui permet de s'installer en qualité de jeune agriculteur ;
Qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés, qui visent un objectif d'intérêt général, et le but recherché ;
Que cette ingérence qui porte non sur la propriété du bien mais sur les faits de son exploitation, n'est pas contraire à la disposition visée ci-dessus ; qu'il y a donc lieu d'examiner si M. Y...est recevable à demander un bail forcé ;
Considérant que par jugement du 21 septembre 2001 le tribunal paritaire des baux ruraux de St Nazaire a dit que les parcelles YC 20 et 28 sont louées à M. C...depuis le 1er mars 1998 ;
Considérant qu'il résulte du procès verbal de la commission départementale d'orientation agricole de Loire Atlantique du 23 novembre 2004 que, suite à la cessation d'activité de M. C..., Mme X...s'est portée candidate à la reprise des terres louées ; qu'il est précisé que cette candidature est une régularisation suite à une mise en demeure ; qu'elle a eu un avis défavorable qui lui a été notifié le 24 novembre 2004, ce qui résulte suffisamment de la lettre recommandée avec avis de réception du 13 juin 2005 par laquelle la préfecture de la Loire Atlantique l'a mise en demeure de cesser l'exploitation de ces terres ;
Que c'est donc à bon droit que le premier juge a dit que les articles L 331-10 et L 331-7 étaient applicables aux parcelles Y 20 et Y 28 ;
Considérant que M. Y...a été autorisé le 25 janvier 2006 à exploiter la parcelle YC 30 ; qu'une telle autorisation est toujours accordée sous réserve de l'accord du propriétaire ou du tribunal ;
Que dans sa requête au tribunal M. Y...indiquait que l'exploitant irrégulier de cette parcelle avait fait l'objet d'une mise en demeure de cesser cette exploitation ;
Qu'il n'est cependant produit aucune pièce à l'appui de cette affirmation ;
Que la preuve n'est donc pas faite de ce que M. Y...est recevable à demander un bail forcé sur la parcelle YC30 par application des articles L 331-10 et L 331-7 du code rural ;
Que le jugement doit être infirmé sur ce point ;
Considérant qu'il convient de rappeler que le prix du fermage a été fixé par le tribunal à un montant supérieur à celui que proposait M. Y...; que la juridiction est composée, outre le juge professionnel, de deux bailleurs et de deux preneurs, personnalités particulièrement compétentes pour apprécier le montant du fermage ; que Mme X...ne produit aucune pièce à l'appui de son affirmation selon laquelle " le montant fixé est largement en dessous des barèmes applicables en Loire Atlantique " ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le fermage à 85 euros l'hectare ;
Considérant qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Que la demande tendant à l'indemnisation du manque à gagner pour n'avoir pas pu exploiter les terres sur lesquelles un bail forcé a été prononcé est l'accessoire de la demande de bail forcé ;
Considérant que le bail ne porte que sur 9ha 69a et non sur 17ha 63a ; que M. Y...ne paie ni charges, ni fermage, ni part de taxe foncière sur les terres dont il n'a pas la jouissance ;
Qu'en considération de ces éléments et d'une marge sur la surface fourragère de 767 € sur deux années il lui sera alloué la somme de 10 000 euros ;
Considérant que M. Y...doit conserver la charge des constats qu'il a fait effectuer ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en audience publique,
Infirme partiellement le jugement.
Déboute M. Y...de sa demande à se voir accorder un bail rural sur la parcelle YC 30.
Confirme le jugement en ses autres dispositions.
Ajoutant,
Dit la demande en paiement recevable.
Condamne Mme X...à payer à M. Y...la somme de 10 000 euros.
Déboute M. Y...du surplus de ses demandes.
Vu l'article 700 du code de procédure civile dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure.
Condamne Mme X...aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT