La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2008 | FRANCE | N°06/08486

France | France, Cour d'appel de Rennes, 18 septembre 2008, 06/08486


Quatrième Chambre




ARRÊT No


R. G : 06 / 08486












M. Alphonse X...

Mme Paulette Y... épouse X...



C /


Me Marcel Z...

M. Loïc A...

S. A. R. L. CLAIR PARE
Me Jean Gilles B...

MUTUELLE DES ARCHITECTES
S. A. R. L. VECTEUR 4
M. Christian C...

M. Serge D...

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée




<

br>








Copie exécutoire délivrée
le :


à :




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2008




COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Madame Brigitte VANNIER, Conseiller faisant...

Quatrième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 08486

M. Alphonse X...

Mme Paulette Y... épouse X...

C /

Me Marcel Z...

M. Loïc A...

S. A. R. L. CLAIR PARE
Me Jean Gilles B...

MUTUELLE DES ARCHITECTES
S. A. R. L. VECTEUR 4
M. Christian C...

M. Serge D...

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Brigitte VANNIER, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
Monsieur Fabrice ADAM, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Agnès E..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Mai 2008
devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Par défaut, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 18 Septembre 2008, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur Alphonse X...

...

44140 GENESTON

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de Me Michel F..., avocat

Madame Paulette Y... épouse X...

...

44140 GENESTON

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me Michel F..., avocat

INTIMÉS :

Maître Marcel Z... es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL CRM

...

85003 LA ROCHE SUR YON

représenté par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assisté de Me Catherine G..., avocat

Monsieur Loïc A...

...

85670 ST CHRISTOPHE DU LIGNERON

représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assisté de Me Jacques-François H..., avocat

S. A. R. L. CLAIR PARE

...

44710 PORT ST PERE

représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assistée de Me Jacques-François H..., avocat

Maître Jean Gilles B... pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de l'EURL ATELIER D'ARCHITECTURE Christian C...

...

85035 LA ROCHE SUR YON

défaillant

MUTUELLE DES ARCHITECTES
9 rue Hammelin
75016 PARIS CEDEX

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués
assistée de Me Odile I..., avocat

S. A. R. L. VECTEUR 4
Atelier d'Architecture
10 Place du Commerce
85100 LES SABLES D'OLONNE

ASSIGNEE A PERSONNE

Monsieur Christian C...

...

85100 LES SABLES D OLONNE

ASSIGNE A PERSONNE

Monsieur Serge D...

...

44115 BASSE GOULAINE

représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assisté de Me Jacques-François H..., avocat

I-Exposé du litige :

Suivant acte sous seings privés du 12 décembre 2000, Monsieur Alphonse X... et Madame Paulette Y..., son épouse, ont confié à l'EURL Atelier d'Architecture Christian C... une mission complète de maîtrise d'oeuvre portant sur la construction d'une maison individuelle à édifier à PONT SAINT MARTIN, le montant total des travaux étant estimé à la somme, déduction faite d'une prime EDF, de 1. 400. 000 francs TTC, honoraires et assurance dommages ouvrages compris, avec une tolérance de plus ou moins 2 %.

L'EURL Christian C... ayant fait l'objet le 21 novembre 2001 d'une procédure de liquidation judiciaire (clôturée par jugement du tribunal de commerce de la Roche sur Yon en date du 4 octobre 2006), Monsieur C... a poursuivi la mission par le truchement d'une autre structure, l'atelier d'architecture VECTEUR   4.

Les lots charpente bois, menuiseries extérieures, menuiseries bois et cloisons sèches ont été attribués à Monsieur Loïc A..., le lot revêtement de sols scellés à la société CRM, le lot peinture à la société CLAIR PARE et le lot électricité à Monsieur D....

Les marchés de travaux, établis à l'en-tête soit de l'Atelier Christian C... soit de l'Atelier VECTEUR 4, ont été signés, pour ceux qui le sont, par Monsieur C... ou pour le compte de l'atelier d'architecture VECTEUR 4, la signature étant toujours précédée de la mention «   le maître d'ouvrage délégué   ».

Les ordres de services présentent les mêmes caractéristiques.

Les époux X... ont pris possession de leur maison le 26 janvier 2002, sans qu'un procès verbal de réception des travaux n'ait été établi.

La société CRM n'ayant pas été réglée de l'ensemble de ses factures, a fait assigner les époux X..., la société VECTEUR 4, Monsieur C..., la société ARTESE INGENIERIE et les compagnies d'assurances MAF et Mutuelles du Mans devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes qui, par ordonnance du 16 mai 2002, a ordonné une expertise et commis Monsieur J... pour y procéder.

Ce dernier a déposé son rapport le 30 septembre 2003.

Le 2 septembre 2002, la société CRM a fait assigner les époux X... et la société VECTEUR 4 devant le tribunal de grande instance de Nantes en règlement des sommes lui restant dues. Cette instance a été reprise par Maître Z..., mandataire judiciaire, après qu'ait été prononcée la liquidation judiciaire de la société CRM.

En septembre 2003, Monsieur A..., la société CLAIR PARE et Monsieur D... ont fait assigner, aux mêmes fins et devant la même juridiction, les époux X..., K...
C..., exerçant sous l'enseigne VECTEUR 4, Maître B... ès qualité de mandataire à la liquidation de l'EURL C... et la Mutuelle des Architectes Français (ci-après MAF).

Ces procédures ont été jointes par ordonnance du 7 mars 2006.

Par jugement du 30 mai 2006, le tribunal de grande instance de Nantes a   :
- mis hors de cause la société MAF,
- condamné les époux X... à payer à la société CLAIR PARE la somme de 6159, 81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2003,
- fixé à cette somme la créance de la société CLAIR PARE à la liquidation judiciaire de l'EURL Christian C...,
- dit que l'EURL Christian C...- Maître B...- devra garantir les époux X... de cette condamnation,
- condamné les époux X... à payer à Monsieur D... la somme de 6784, 43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2003,
- fixé à cette somme la créance de Monsieur D... à la liquidation judiciaire de l'EURL Christian C...,
- dit que l'EURL Christian C...- Maître B...- devra garantir les époux X... de cette condamnation,
- condamné les époux X... à payer à Monsieur A... la somme de 35873, 04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2002,
- dit que la société VECTEUR 4 devra entièrement garantir les époux X... de cette condamnation,
- condamné les époux X... à payer à Maître Z... ès qualité la somme de 21676, 14 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2002,
- débouté Maître Z... de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné in solidum les époux X..., K... Christian C..., la société VECTEUR 4 et Maître B... ès qualité à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1500 euros à Maître Z... ès qualité, 1000 euros à Monsieur A..., 1000 euros à Monsieur D..., 1000 euros à la société CLAIR PARE et 800 euros à la société MAF,
- dit que dans leurs rapports entre eux, les époux X... seront entièrement garantis par Monsieur Christian C..., la société VECTEUR 4 et Maître B... ès qualité, tenus in solidum, eux mêmes tenus entre eux à concurrence d'un tiers chacun,
- débouté les époux X... de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les époux X..., la société CRM, la société VECTEUR 4 et Maître B... ès qualité aux dépens avec les mêmes garanties et recours que pour l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 décembre 2006.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties en date des :
-16 octobre 2007, pour Maître Z... ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société CRM,
-13 février 2008, pour la Mutuelle des Architecte Français (MAF),
-7 avril 2008, pour les époux X...,
-25 avril 2008, pour Monsieur Loïc A..., la société CLAIR PARE, et Monsieur Serge D.....

***

II-Motifs :

Préliminairement, la Cour observe qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la " société " VECTEUR 4, assignée le 10 avril 2008 par les appelants sous la forme " SARL VECTEUR 4 ", ait une existence juridique. Au contraire dans un dire à l'expert en date du 16 décembre 2002, le conseil des époux X... indiquait que " VECTEUR 4 n'est pas une société mais une simple dénomination commerciale, n'ayant pas de personnalité morale ". Les documents à en-tête de cette structure ne font d'ailleurs nullement état d'une quelconque forme juridique. En l'absence de tout document (tel un extrait K bis) justifiant de la personnalité morale de cette entité qui semble effectivement être la nouvelle dénomination sous laquelle Monsieur C... a poursuivi l'activité de l'EURL Atelier d'Architecture Christian C... après sa liquidation judiciaire, la Cour ne saurait prononcer une quelconque condamnation à son encontre.

Par ailleurs, il semble utile de rappeler qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre l'EURL Atelier d'Architecture Christian C..., placée en liquidation judiciaire et qu'aucune somme ne peut plus être fixée au passif de cette société dont la liquidation a été clôturée par jugement du 4   octobre 2006.

Les époux X... font grief au Premier Juge de les avoir condamnés au payement des factures impayées alors que tous les marchés ont été signés par l'architecte qui s'est prévalu d'une qualité (maître d'ouvrage délégué) que son contrat ne lui conférait point. Ils soutiennent ne pouvoir être condamnés ni sur le fondement de la théorie du mandat apparent en raison de la parfaite connaissance qu'ont les professionnels des usages de leur profession, ni sur une prétendue ratification de mandat qui ne peut résulter des seuls règlements partiels qu'ils ont effectués, ni en raison de fautes qu'ils auraient commises en négligeant de surveiller leur maître d'oeuvre.

Les demandes en payement des locateurs d'ouvrage portent soit sur des soldes de marchés forfaitaires, soit sur la totalité du montant de certains marchés forfaitaires, soit enfin sur des travaux supplémentaires.

Il ressort des débats que les marchés de travaux des entreprises ayant concouru à la construction de la maison des appelants et plus particulièrement ceux concernés par la présente procédure, ont été établis par et au nom des cabinets d'architecture Christian C... ou VECTEUR 4 et portent tous la mention " le maître d'ouvrage délégué ", qu'ils leur ont été adressés-de même que les ordres de service-par les soins de Monsieur C..., parfois après que celui-ci ait apposé sa signature.

S'il est incontestable que le contrat de maîtrise d'oeuvre signé par les époux X... ne conférait pas à leur cocontractant, l'EURL Christian C... puis Monsieur Christian C... en personne (fût-ce sous l'enseigne Vecteur 4) qui a, de fait, poursuivi la mission de maîtrise d'oeuvre, la qualité de maître d'ouvrage délégué et ne lui permettait donc pas de signer en leur nom les marchés, il convient toutefois de relever que cette situation a été parfaitement admise par les maîtres de l'ouvrage aussi longtemps que le budget prévisionnel n'a pas été sensiblement dépassé (au delà de la limite des 2 % expressément convenue).

Il sera à cet égard rappelé que les époux X... qui assistaient régulièrement aux réunions de chantier, qui ont pu constater la présence d'entreprises sur le site et suivre l'édification de leur maison, ont réglé, au vu des situations transmises par l'EURL Christian C... puis par Monsieur C..., une somme globale de 223. 462   euros avant de refuser de payer le solde contestant la validité des engagements souscrits au nom du maître de l'ouvrage.

A – demandes en payement des locateurs d'ouvrage portant sur le solde de certains marchés :

Les règlements effectués en connaissance de cause et au vu de situations faisant référence à des marchés forfaitaires précis, fussent-ils partiels, caractérisent la volonté certaine du maître de l'ouvrage d'approuver ce qui a été fait en son nom et valent donc ratification tacite des contrats passés par le mandataire en l'espèce l'EURL Christian C... jusqu'à sa liquidation puis par Monsieur Christian C..., ce conformément aux dispositions de l'article 1998 alinéa   2 du Code Civil.

Sur ce fondement, les époux X... ne peuvent qu'être condamnés à payer à Monsieur A..., au vu de la situation par marchés forfaitaires arrêtée par l'architecte le 18 janvier 2002, les sommes suivantes :
- au titre du lot Charpente, un solde de 706, 79 euros HT (marché de 11779, 83   euros HT honoré à hauteur de la somme de 11073, 04 euros HT),
- au titre du lot Cloisons Sèches un solde de 182, 94   euros HT (marché de 3048, 98 euros HT honoré à hauteur de la somme de 2866, 04   euros HT),
- et au titre du lot Menuiseries Extérieures, un solde de 1756, 81 euros HT (marché après avenant, inclus dans le certificat de payement no 2 du 15 novembre 2001, de 18427, 73 euros HT honoré à hauteur de la somme de 16670, 92 euros HT),
soit au total la somme de 2646, 54 euros HT ou 3165, 26 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2002, date de la mise en demeure, et à Monsieur D..., au vu de la même situation et au titre du lot Électricité, un solde de 5160, 68 euros HT (marché de 8168, 68 honoré à hauteur de la somme de 3008 euros HT), soit 6172, 17 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2003, date de la mise en demeure.

En raison de l'effet rétroactif de la ratification qui emporte approbation de la gestion du mandataire, les époux X..., mandants, ne disposent d'aucun recours contre celui-ci.

B – demandes en payement portant sur la totalité du montant du marché forfaitaire de la société CRM :

La société CRM, représentée par son liquidateur, Maître Z..., n'a été réglée ni du montant de son marché forfaitaire (lot revêtements de sols scellés) soit la somme de 15815, 22 euros TTC, ni des travaux supplémentaires qu'elle prétend avoir effectués (carrelage et plinthes du garage, carrelage en diagonale dans une chambre et la salle de bains, faïence dans la salle de bains et l'arrière cuisine, carrelage et plinthes sur les terrasses et jardin d'hiver) qui atteignent la somme de 6015, 92 euros TTC. La demande de Maître Z... est toutefois limitée à la somme de globale de 21676, 14 euros outre intérêts.

Le marché attribué à la société CRM a signé le 3 novembre 2001 par l'EURL Christian C... qui s'est présentée comme maître d'ouvrage délégué. L'ordre de service est daté du 3 décembre 2001 et comporte le cachet de l'atelier d'architecture Vecteur 4. Il présente donc exactement les mêmes caractéristiques que les autres marchés de cette construction dont les situations étaient au mois de décembre normalement honorées par les maîtres de l'ouvrage qui assistaient aux réunions de chantier. Le 21 décembre 2001, Monsieur X... adressait une télécopie à Monsieur L..., de la société CRM, dont les termes sont les suivants : «   tout d'abord merci pour les travaux réalisés à ce jour. Le 15 janvier 2002, nous sommes dans l'obligation d'intégrer notre maison. Nous comptons sur votre professionnalisme pour que nous puissions entamer une nouvelle année sans problème. Dans l'attente nous vous souhaitons un joyeux Noël et une bonne année. Merci de nous adresser le devis pour le carrelage de la terrasse de 186 m ²   ».

Cette missive démontre d'une part que les époux X... connaissaient parfaitement l'intervention de la société CRM sur le chantier et d'autre part que les travaux réalisés dont ils n'ignoraient pas l'importance, leur donnaient satisfaction. Ils n'évoquent dans ce message nullement une quelconque difficulté juridique quant à la validité du contrat, ni quant au règlement de prestations effectués.

Cette télécopie caractérise incontestablement leur volonté certaine d'approuver ce qui a été fait en leur nom et de ratifier tacitement le marché de travaux passé par le mandataire avec ce prestataire.

Il suit de là qu'ils ne peuvent qu'être condamnés à payer en totalité le montant de ce marché, soit la somme de 15815, 22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2002, date de la mise en demeure.

La ratification intervenue exclut tout recours des époux X... contre le mandataire.

De même, la demande de Maître Z... ès qualité tendant à la condamnation de Monsieur C... à lui payer le montant restant dû à la société CRM au titre de ce marché ne saurait prospérer puisque, d'une part, ce dernier n'est pas le signataire de ce marché et d'autre part, en raison de la ratification intervenue.

C – sur les demandes en payement portant sur les autres marchés et les travaux supplémentaires :

Pour le surplus des demandes qui concerne soit des marchés pour lesquels aucun règlement n'a été effectué (Monsieur A... : lot menuiseries bois, société CLAIR PARE : lot peinture), soit des travaux supplémentaires (Monsieur A..., Monsieur D... et société CRM), il convient ainsi que l'a fait, à juste titre, le Tribunal, de rechercher si les époux X... peuvent être engagés à l'égard des locateurs d'ouvrage sur le fondement de la théorie du mandat apparent qu'invoquent expressément ces derniers à l'appui de leurs demandes.

Il suffit de rappeler que le mandat apparent suppose la démonstration que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime au regard des circonstances de l'espèce.

Concernant Monsieur A..., un marché forfaitaire est demeuré totalement impayé (menuiseries bois). Ce marché, à en-tête de l'Atelier d'Architecture Christian C..., a été signé par Monsieur C... qui a apposé le cachet «   Vecteur 4   » sous la rubrique le «   Maître d'ouvrage délégué   ». Il présente exactement les mêmes caractéristiques que les autres marchés, notamment ceux qui ont été attribués à Monsieur A... et que les époux X... ont ratifié ainsi qu'il a été précisé et honoré (sous réserve des retenues de garantie et du compte prorata). La présence de ces derniers aux réunions de chantier et l'absence de toute contestation lors des travaux n'a pu que conforter la croyance de l'entrepreneur dans les pouvoirs concédés à l'architecte.

C'est dès lors à bon droit que le tribunal a condamné, au titre de ce marché, les époux X... à payer à Monsieur A... la somme de 4813, 58 euros HT, soit 5757, 04 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2002, date de la mise en demeure.

Le coût des travaux hors marchés forfaitaires confiés à cet artisan s'est élevé à la somme de 23522, 95 euros TTC (correspondant au montant total des factures, soit 69054, 81 euros, sous déduction du montant des marchés et de l'avenant no   1, soit la somme de 45531, 86 euros). Ces travaux en ce qu'ils concernent notamment les lots cloisons sèches et menuiseries extérieures, ont été validés par Monsieur C... dans son décompte du 21 mars 2002 adressé aux maîtres de l'ouvrage (et annexé au rapport de l'expert) à hauteur de la somme de 20175, 23 euros TTC (déduction faite du volet roulant de la cuisine – avenant no 1, déjà intégré dans le décompte précédent du 18 janvier 2002 et pris en compte).

Il convient de relever que ces travaux dont la réalisation n'est pas contestée, viennent en complément de deux marchés forfaitaires signés par Monsieur C... (le cas échéant sous l'enseigne Vecteur 4) au nom du maître de l'ouvrage et ratifiés par celui-ci qui avait alors déjà procédé à certains règlements et qui connaissait les entreprises intervenant sur le chantier comme ayant assisté aux réunions. Ces éléments ont légitimement pu laisser croire à l'entrepreneur que le maître d'oeuvre était titulaire bien d'un mandat des maîtres de l'ouvrage et pouvait donc les engager au delà du forfait.

En raison de ces éléments et du contexte général de ce chantier, il ne peut être sérieusement reproché à Monsieur A... de ne pas avoir vérifié le mandat d'un architecte qui jouissait manifestement de la confiance des maîtres de l'ouvrage.

Les époux X... seront en conséquence et sur le fondement de l'apparence, condamnés à payer à Monsieur A... la somme de 20175, 23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2002. Le surplus de la demande qui n'a pas fait l'objet d'une validation par le maître d'oeuvre ni de commande écrite sera rejeté.

Monsieur C... en raison de la faute qu'il a commise en s'arrogeant un pouvoir qu'il n'avait pas et en engageant ainsi les maîtres de l'ouvrage au delà du seuil qu'ils s'étaient fixé, devra garantir les époux X... des deux dernières condamnations prononcées (5757, 04 et 20175, 23 euros), étant précisé que le marché afférent à ce lot a été passé au nom de Vecteur 4, c'est à dire par Monsieur C... en personne, soit la somme de 25932, 67 euros outre intérêts.

Concernant Monsieur D..., des travaux supplémentaires à hauteur de la somme de 612, 26 euros sont demeurés impayés. Ce montant correspond en fait à une différence entre des travaux en plus value suivant un devis du 1er novembre 2001 (non produit aux débats) consistant en fourniture de spots et de commandes de volets roulants et en moins value relatif à l'alimentation de la chaudière et à l'équipement électrique du local piscine.

Monsieur C... a validé dans son décompte du 21 mars 2002, certains travaux supplémentaires mais uniquement à concurrence de la somme de 11, 96 euros (64097, 23 – 64085, 27 euros) que la Cour retient à défaut d'autres pièces produites, les seules factures étant insuffisantes en l'absence de devis approuvé ou de toute autre pièce permettant de vérifier l'accord du mandataire à défaut de celui du mandant.

En raison de l'apparence créée qui résulte tant de la qualité sous laquelle s'est présentée l'EURL Christian C... qui était encore in bonis lors de l'établissement du devis que des circonstances – ratification du marché et payement d'une situation par les maîtres de l'ouvrage –, ces derniers seront condamnés à payer à Monsieur D... la somme de 11, 96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2003.

Monsieur C... qui a suivi les travaux supplémentaires et les a validés, devra garantir les époux X... de cette condamnation pour les motifs déjà exposés.

La société CLAIR PARE n'a été réglée ni du montant de son marché forfaitaire (5986, 39 euros TTC) ni du montant des travaux qu'elle a effectués en supplément (1165, 32 euros).

Le marché non daté de cette société et l'ordre de service en date du 10 novembre 2001 de cette société ont été signés au nom de l'EURL Christian C... qui s'est prévalue de la qualité de maître d'ouvrage délégué comme pour l'ensemble des marchés de cette construction.

Cette situation et les payements déjà intervenus au titre d'autres lots pouvaient légitimement laisser croire à l'entrepreneur que son contractant disposait des pouvoirs nécessaires. La présence aux côtés de l'architecte du maître de l'ouvrage lors des réunions de chantier n'a pu que conforter cette croyance que la seule circonstance tirée du fait que cette société est professionnelle de la construction ne peut exclure.

La réalité des travaux exécutés par la société CLAIR PARE au titre du marché résulte tant de la note de Monsieur C... en date du 21 mars 2002 que du rapport de l'expert qui ne relève aucun désordre quant à ce.

Les époux X..., maîtres de l'ouvrage, doivent en conséquence être condamnés à payer à cette société la somme de 5986, 39 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure (3 juillet 2003).

Au titre des travaux supplémentaires, seule la prestation relative à la fourniture d'un miroir a été retenue par le tribunal au terme d'une motivation que la Cour adopte, cette prestation étant la seule validée par le mandataire dans sa note du mois de mars 2002. De ce chef, les époux X... seront condamnés à payer à la société CLAIR PARE la somme de 173, 42 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Le surplus de la demande (embouts de placards, plafond cellier et véranda, 4 poteaux) ne peut qu'être rejeté, faute du moindre élément permettant de constater qu'une commande a été effectivement passée, fût-ce par le mandataire.

Les époux X... sont bien fondés à solliciter la garantie de Monsieur C... mais uniquement de ce dernier chef (ayant passé cette commande et validé la prestation) et à raison du dépassement, connu de lui, du plafond que s'étaient fixé les maîtres de l'ouvrage. En revanche et concernant le marché, l'action en garantie ne peut prospérer à l'encontre de Monsieur C... puisque l'apparence a été créée par l'EURL Christian C..., disparue. Le jugement sera donc réformé en ce sens.

S'agissant des travaux supplémentaires effectués par la société CRM (d'un montant de 6015, 92 euros), il convient préliminairement d'observer, comme l'a fait le tribunal, que ceux-ci ne sont nullement compris dans la notice descriptive, voire expressément exclus comme c'est le cas pour le garage et le jardin d'hiver. La télécopie adressée par Monsieur X... à la société CRM le 21 décembre 2001 (cf supra) révèle, s'il en était besoin, que tel était également le cas de la terrasse pour laquelle il a sollicité un devis.

Monsieur J..., dans son rapport, confirme que ces travaux correspondent à des prestations qui n'étaient effectivement pas comprises dans le projet initial et estime qu'ils sont suffisamment importants pour considérer que l'économie générale du lot a été bouleversée et que les maîtres de l'ouvrage en étaient nécessairement à l'origine. Il estime au demeurant que les réserves (dont le coût des reprises est évalué à la somme de 150 euros) sont dérisoires par rapport à l'importance des travaux.

Par ailleurs, les époux X... ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'ont pas été exécutés par la société CRM mais par eux mêmes, dès lors qu'il ressort des comptes rendus de réunion de chantier en date du 20 décembre 2001 annexée au rapport d'expertise de Monsieur J... et du 20 février 2002 que cette société devait achever certains d'entre eux (garage : carrelage au sol à poser, la chape est réalisée : CRM, jardin d'hiver : sol à faire   : CRM, terrasse : carrelage sur chape armée : CRM, salle d'eau : les plinthes sont à poser et les faïences sont à réaliser : CRM,...) ce qui établit non seulement qu'une commande lui avait bien été passée par le maître d'oeuvre même si elle n'a pas été formalisée mais encore que ce dernier a validé les travaux effectués même si, comme le relève l'expert, il a omis de les inclure dans sa note récapitulative du 21 mars 2002.

Les courriers échangés par la suite entre l'architecte et la société CRM en mars 2002 confirment cet état de fait. En mars 2002, Monsieur X... lui même invitait Monsieur L... (société CRM) à achever le chantier («   il vous reste une journée de travail   ») et ne l'a informé qu'à ce moment là de son refus de prendre en charge financièrement les prestations effectuées, ajoutant que l'architecte réglerait la facture.

Jusqu'en mars 2002, la société CRM pouvait légitimement croire, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées pour les autres entreprises (signature des marchés avec la qualité de maître d'ouvrage délégué, ratification de certains marchés et règlements des situations, présence du maître de l'ouvrage aux côtés du maître d'oeuvre au cours des réunions de chantier) que Monsieur C..., maître d'oeuvre, était mandaté par les époux X... pour passer les commandes aux entreprises en leurs noms.

Cette apparence a engagé ces derniers à l'égard de la société CRM laquelle nonobstant sa qualité de professionnel du bâtiment, n'a commis aucune faute.

Il convient en conséquence de confirmer la condamnation des appelants à payer de ce chef à Maître Z... ès qualité de mandataire à la liquidation de la société CRM la somme, déduction faite du montant des travaux de reprise et eu égard au montant de la demande globale, de 5865, 92 euros avec intérêts légal à compter du 8 mars 2002, date de la mise en demeure.

Maître Z... ès qualité est, en outre, fondé à solliciter le condamnation in solidum de Monsieur C... à lui payer cette somme en raison des fautes que ce dernier a commises en engageant les maîtres de l'ouvrage sans avoir reçu préalablement mandat et alors que le seuil que ces derniers avaient fixé était atteint.

Monsieur C... devra garantir les époux X... de cette condamnation pour les mêmes motifs.

D – sur la garantie de la Mutuelle des Architectes Français :

Les époux X... demandent à la Cour de réformer le jugement en condamnant la Mutuelle des Architectes Français à les garantir, rappelant que le contrat souscrit par l'EURL C... a «   pour objet de garantir le sociétaire contre les conséquences pécuniaires des responsabilités (contractuelle, décennale et quasi-délictuelle) spécifique de sa profession d'architecte qu'il encourt dans l'exercice de celle-ci   ».

Sans même qu'il soit besoin de relever que seule l'EURL Christian C... est couverte par la police souscrite le 25 septembre 1998, il convient d'observer que la responsabilité encourue trouve son origine dans une activité étrangère au champ de la garantie souscrite puisque c'est précisément en outrepassant sa qualité d'architecte et en s'appropriant celle de maître d'ouvrage délégué que tant l'EURL C... que par la suite Monsieur C..., ont commis les fautes qui leur sont reprochées.

Or, cette dernière activité fait précisément partie de celles qu'un architecte doit s'abstenir d'accomplir (article 36 du décret du 20 mars 1980 portant code du devoir professionnel des architectes). La responsabilité encourue n'est donc pas spécifique à la profession d'architecte.

C'est dès lors à bon droit que le Premier Juge a rejeté cette demande.

E – sur les autres demandes :

Les demandes en dommages et intérêts présentées par Messieurs A... et D... et par la société CLAIR PARE seront rejetées faute par eux d'établir l'existence d'un préjudice indépendant du retard qui est par ailleurs réparé par les intérêts au taux légal à compter des mises en demeure.

L'équité commande de condamner les époux X..., appelants, à payer, en sus des sommes allouées en première instance, les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
-2000 euros à Me Z... ès qualité,
-1250 euros à Monsieur A...,
-1250 euros à Monsieur D...,
-1250 euros à la société CLAIR PARE,
-1200 euros à la MAF.

Les époux X... qui échouent en leur appel seront en outre condamnés aux dépens.

Aucune garantie ne sera accordée aux époux X... pour les condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

***

- Par ces motifs :

LA COUR :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de NANTES le 30 mai 2006 en ce qu'il a :

- mis hors de cause la Mutuelle des Architectes Français,

- condamné les époux X... à payer à la société CLAIR PARE la somme de 6159, 81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2003, date de la mise en demeure,

- condamné les époux X... à payer à Maître Z... ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CRM la somme de 21676, 14 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2002, date de la mise en demeure,

- débouté Maître Z... de sa demande en dommages-intérêts,

- condamné in solidum les époux X... et Monsieur Christian C... à payer à Maître Z... ès qualité la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à Monsieur A... la somme de 1000 euros sur le même fondement, à Monsieur D... la somme de 1000 euros sur le même fondement, à la société CLAIR PARE la somme de 1000 euros sur le même fondement, à la MAF la somme de 800 euros sur le même fondement ;

- condamné Monsieur C... à garantir les époux X... au titre des condamnations prononcées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux X... aux dépens et condamné Monsieur C... à les garantir de ce chef.

REFORMANT pour le surplus :

- CONDAMNE les époux X... à payer à Monsieur A... la somme de 29097, 53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2002,

- CONDAMNE Monsieur C... à garantir les époux X... à hauteur de la somme de 25932, 27 euros (créance A...),

- CONDAMNE les époux X... à payer à Monsieur D... la somme de 6184, 13 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2003,

- CONDAMNE Monsieur C... à garantir les époux X... à hauteur de la somme de 11, 96 euros (créance D...),

- CONDAMNE Monsieur C... in solidum avec les époux X... (cf supra confirmation) à payer à Maître Z... ès qualité la somme de 5865, 92 euros au titre des travaux supplémentaires effectués par la société CRM avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2002 et DIT que Monsieur C... devra garantir les époux X... de la totalité de cette condamnation (créance CRM),

- CONDAMNE Monsieur C... à garantir les époux X... à hauteur de la somme de 173, 42 euros (créance CLAIR PARE),

- REJETTE les autres demandes en garantie et notamment celles dirigées contre la «   société   » VECTEUR 4.

- REJETTE les demandes en dommages intérêts présentées par les locateurs d'ouvrage,

- DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ou plus amples,

- CONDAMNE les époux X... à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à :
1. Maître Z... ès qualité une somme de 2000 euros,
2. Monsieur A... une somme de 1250 euros,
3. Monsieur D... une somme de 1250 euros,
4. la société CLAIR PARE une somme de 1250 euros,
5. la Mutuelle des Architecte Français une somme de 1200 euros.

- CONDAMNE les époux X... aux dépens d'appel,

- AUTORISE les SCP BOURGES & BOURGES, d'ABOVILLE, de MONTCUIT SAINT HILAIRE & LE CALLONNEC et BREBION & CHAUDET à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont elles auraient pu faire l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/08486
Date de la décision : 18/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nantes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-18;06.08486 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award