Sixième Chambre
ARRÊT No
R. G : 07 / 00010
Mme Louise X... Marie Y... épouse Z...
C /
M. Jean-Louis Marie Auguste Z...
Expertise
Pourvoi No W0820406
du 24 octobre 2008
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 JUIN 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Joseph TAILLEFER, Président,
Madame Dominique PIGEAU, Conseiller,
Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,
GREFFIER :
Jacqueline ROUAULT, lors des débats, et Huguette B..., lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Mai 2008
devant Madame Elisabeth MAUSSION, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Avant dire droit, contradictoire prononcé par Monsieur Joseph TAILLEFER, Président, à l'audience publique du 17 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame Louise X... Marie Y... épouse Z...
née le 14 Mars 1928 à BOURG-BLANC (29860)
...
...
29470 LOPERHET
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me Alain D..., avocat
INTIMÉ :
Monsieur Jean-Louis Marie Auguste Z...
né le 28 Avril 1925 à PLOUDANIEL (29260)
...
29460 DIRINON
représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de Me E..., avocat
Monsieur Jean-Louis Z... et Madame Louise Y... se sont mariés le 12 avril 1950, sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.
Ils étaient en conséquence soumis au régime de la communauté de biens meubles et acquêts.
Suivant acte au rapport de Maître LE GALL, notaire à Brest, en date du 13 juin 1985, les époux Z... ont adopté le régime de la séparation de biens.
Ce changement de régime matrimonial a été homologué par le Tribunal de Grande Instance de Brest, le 1er octobre 1985.
A la suite de ce changement de régime matrimonial, les époux Z... ont procédé au partage partiel des biens dépendant de la communauté, selon acte de Maître F..., notaire à Brest, en date du 30 juin 1986.
Aux termes de cet acte, chacun des époux se voyait attribuer divers biens immobiliers et valeurs.
Madame Z... s'estimant lésée par ce partage a engagé une action en rescision pour lésion.
Par arrêt en date du 15 février 2002, la Cour d'Appel de Rennes a annulé l'acte de partage en date du 30 juin 1986 et désigné Maître G..., notaire à Brest, à l'effet d'établir un nouvel acte de partage.
Suivant acte en date du 12 novembre 2004, Maître G... a établi un état des opérations de compte liquidation et partage de communauté et dressé un procès-verbal de difficultés.
Par exploit en date du 14 avril 2005, Monsieur Z... a fait assigner Madame Y... devant le Tribunal de Grande Instance de Brest, aux fins de voir homologuer le projet d'état liquidatif établi par Maître G....
Par jugement en date du 06 décembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Brest a :
- Débouté Madame Z... de ses demandes,
- Ordonné la liquidation de la communauté de biens ayant existé entre les époux Z..., conformément au projet en date du 12 novembre 2004 établi par Maître G...,
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- Condamné Madame Y... épouse Z... à payer à Monsieur Z... 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Condamné Madame Z... aux dépens.
***
Madame Y..., épouse Z..., a interjeté appel de cette décision.
POSITION DES PARTIES
Madame Z..., par conclusions en date du 06 novembre 2007, demande à la Cour :
- D'infirmer le jugement dont appel,
- De dire que le partage devra se faire par tirage au sort de deux lots, comprenant l'ensemble des immeubles communs y compris ceux objet de cessions à des tiers et de ceux cédés d'un commun accord,
- De dire que les dettes entrées en communauté du chef d'un seul époux seront imputées à celui-ci pour la totalité, et à son conjoint seulement pour la moitié, et que l'époux qui a payé au-delà de la portion dont il était tenu a, contre l'autre, un recours pour l'excédent,
- Pour parvenir à l'établissement des lots, de commettre un expert foncier et un expert comptable,
- De dire que les expertises seront diligentées aux frais avancés de Monsieur Z...,
- De dire que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage,
- De condamner Monsieur Z... à lui payer 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour la première instance et 1 500 euros en cause d'appel,
- De condamner Monsieur Z... aux dépens d'appel.
Monsieur Z..., par conclusions en date du 04 septembre 2007, demande à la Cour :
- De confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 06 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Brest,
Y additant,
- D'homologuer l'acte de partage de communauté suivant acte au rapport de Maître G... en date du 07 juin 2007,
En conséquence,
- De condamner Madame Z... à lui verser la somme de 180 693, 32 euros à titre de soulte, outre les intérêts de droit à compter du 12 novembre 2004,
- De condamner Madame Z... à lui payer 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié,
- De débouter Madame Z... de toutes ses demandes contraires,
- De la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- De la condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que selon acte au rapport de Maître LE GALL, notaire à Brest, en date du 13 juin 1985, les époux Z... ont adopté le régime de séparation de biens ;
Que le partage partiel réalisé par Maître F..., selon acte en date du 30 juin 1986, ayant été annulé pour cause de lésion aux termes d'un arrêt de la présente juridiction en date du 15 février 2002, Maître G..., commis par la Cour a, le 12 novembre 2004, établi un état des opérations de compte liquidation et partage, lequel est contesté par Madame Z... ;
Que ces contestations seront examinées successivement.
Sur les demandes d'expertise
Attendu que Madame Z... remet en cause les évaluations retenues par Maître G... concernant les biens immobiliers ;
Attendu que si la composition du patrimoine de la communauté se détermine à la date de la jouissance divise retenue par les époux, soit le 30 juin 1986, la valeur des biens composant la masse partageable doit être fixée au jour le plus proche du partage en tenant compte des modifications ayant affecté l'état de ces biens pendant la durée de l'indivision post-communautaire et non de l'état des biens au jour du partage annulé comme l'a retenu le notaire commis ;
Attendu que Maître G... a lui-même reconnu, dans un courrier en date du 02 février 2006, adressé au conseil de Monsieur Z..., qu'il lui avait été impossible de visiter les immeubles de DIRINON ;
Qu'il n'est pas davantage justifié de ce qu'il aurait visité les propriétés de Lamblore ou de Plougastel Daoulas, Tremargat ou Landerneau ;
Que les évaluations retenues par Maître G... permettent à la Cour de s'interroger sur la méthode utilisée par ce dernier ;
Qu'ainsi s'agissant de la propriété de « Pen al Lan » en DIRINON, Maître G... l'a évaluée à 312 520, 38 euros ;
Que cette propriété ayant été pour partie vendue par Monsieur Z..., le notaire commis, tout en précisant que la vente des parcelles ZE 83, 86, 88 et 90 au profit des époux H... en 1992 s'est réalisée au prix de 685 000 francs (104 427, 58 euros) ne retient toutefois pour ces parcelles qu'une valeur de 83 846, 96 euros !
Qu'il en est de même pour les parcelles ZE 93 et 97 vendues le 17 juin 1995 à la S. C. I. de Penalan au prix de 435 000 francs (66 315, 32 euros) et retenues par l'expert au prix de 39 636, 74 euros ;
Qu'il apparaît que les parcelles de terre sises au..., évaluées, selon leur valeur en 1986, par la Cour dans son arrêt du 15 février 2002 à la somme de 240 000 francs (36 587, 76 euros) ne sont retenues 18 ans plus tard par le notaire commis que pour une valeur de 29 727 euros, sans qu'il soit justifié de cette baisse de valeur ;
Qu'au vu de ces éléments, il n'est pas possible de retenir les évaluations faites par Maître G... ;
Que devant la contestation légitimement opposée par Madame Z..., il convient de recourir à une mesure d'expertise ;
Qu'il sera précisé que les biens immobiliers devront être évalués en fonction de leur valeur actuelle et en tenant compte des modifications ayant affecté l'état de ces biens pendant la période d'indivision ;
Attendu qu'une grande partie des biens, mis aux termes du partage querellé dans le lot de Monsieur SALOU, ont été vendu par lui ;
Que toutefois, ces ventes ne sont pas nulles mais seulement inopposables à Madame Z... ;
Qu'ainsi le prix de vente de ces biens se substituera aux biens vendus ;
Que l'expert désigné n'aura en conséquence pour mission que d'évaluer les biens immobiliers demeurés dans le patrimoine des époux Z..., les biens vendus devant figurer dans l'état liquidatif pour le prix de la vente ;
Qu'il appartiendra en outre à l'expert commis, conformément aux dispositions de l'article 815-13 du Code Civil, de tenir compte, dans la valeur des biens restés en possession des époux, des dépenses d'amélioration effectuées par eux sur les biens indivis, au vu des factures produites aux débats et eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au jour de l'évaluation et de préciser si des impenses nécessaires ont du être faites pour la conservation desdits biens ;
Attendu par contre qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise comptable sollicitée par Madame Z..., Maître G... s'étant appuyé sur les documents comptables fournis par Monsieur I..., lequel était l'expert comptable des sociétés Z... et des époux Z... ;
Que Madame Z... ne rapportant aucun élément permettant de douter de la réalité des chiffres retenus par le notaire, il convient d'entériner les sommes figurant aux articles 31 à 51 du projet de partage.
Sur l'application des articles 1 482 et suivants du Code Civil
Attendu que Madame Z... soutient que de nombreuses dettes ne sont rentrées en communauté que du chef de Monsieur Z... ;
Qu'elle fait notamment état de dettes fiscales et de dettes envers l'entreprise Z... qui selon elle résultent d'opérations faites en fraude par son mari ;
Mais attendu qu'il résulte d'un jugement aujourd'hui définitif, du Tribunal de Grande Instance de Brest en date du 24 février 1994, que Madame Z... ne rapportait nullement la preuve de ce que les agissements de son mari auraient porté atteinte à ses intérêts au sein de la communauté ; le jugement relevant qu'elle admettait implicitement que les fonds détournés sans autorisation des associés l'avaient été au profit de la communauté, le passif créé s'étant trouvé parallèlement compensé par une augmentation de l'actif de la communauté dont elle avait profité ;
Qu'il convient en conséquence, de débouter Madame Z... de sa demande d'application des dispositions des articles 1 482 et suivants du Code Civil.
Sur l'absence de réévaluation des actifs liquides de Monsieur Z...
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 815-10 du Code Civil, les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision ;
Que toutefois, il n'est nullement établi que les sommes figurant sur les comptes bancaires de Monsieur Z... au 30 juin 1986 auraient été productives d'intérêts ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à la réévaluation des actifs liquides tel que sollicité par Madame Z... ;
Qu'il devra par contre être tenu compte de l'ensemble des fruits et revenus procurés par les biens immobiliers restés en possession de chacun des époux et notamment des loyers perçus sur les biens indivis.
Sur les indemnités d'occupation
Attendu que Madame Z... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause le calcul des indemnités d'occupation tels que retenu par Maître G... ;
Qu'il convient en conséquence d'homologuer le projet de partage de ce chef.
Sur le poste de partage SARL Agence Brestoise
Attendu que la Cour d'appel dans son arrêt en date du 15 février 2002 a confirmé l'évaluation de cette société faite par Monsieur J..., expert, à la date du 30 juin 1986, soit pour les cent parts sociales objet du partage la somme de 38 112, 86 euros ;
Attendu que ces parts sociales ont été cédées au profit des époux André Z..., selon acte du 08 février 1990, au prix de 250 000 francs (38 112, 25 euros) ;
Que c'est à bon droit que le notaire commis, compte tenu du caractère particulier que représente l'activité d'agence immobilière, a proposé de retenir ce prix de cession et a revalorisé cette somme par application de l'indice INSEE du coût de la construction ;
Que d'autre part, Madame Z... qui prétend que Monsieur Z... aurait détourné partie des activités de la SARL Agence Brestoise au profit d'autres sociétés et notamment de la société AS Immobilier, ne rapporte nullement la preuve de ses allégations ;
Qu'il convient en conséquence de retenir la valeur de ce poste à hauteur de 54 605, 27 euros, telle que mentionnée au projet de partage.
Sur l'absence de tirage au sort des lots
Attendu qu'il appartient souverainement aux juges du fond d'apprécier si le partage peut ou non s'effectuer en nature ;
Attendu en l'espèce, que plusieurs biens immobiliers attribués aux termes du partage annulé à l'un ou l'autre des époux ne se retrouvent plus dans leur patrimoine du fait de cessions ou d'échanges ;
Que comme il a été précédemment précisé le prix de vente de ces biens se substituera à ceux-ci dans le cadre du partage ;
Que par voie de conséquence, la demande de Madame Z... tendant à ce que le partage se fasse par tirage au sort de deux lots comprenant l'ensemble des immeubles communs y compris ceux des objets de cessions à des tiers et ceux cédés d'un commun accord, sera écartée ;
Que le notaire commis devra en conséquence, après expertise des biens immobiliers restés en possession des époux, composer deux lots comprenant uniquement ces biens, lesquels feront l'objet d'un tirage au sort.
Sur le non respect du contradictoire par le notaire commis
Attendu que la Cour ne saurait suivre l'argumentation de Madame Z... et ce dans la mesure où Maître G... a respecté le principe du contradictoire, tel que ses nombreux courriers produits aux débats le démontrent, son rôle ayant été rendu très difficile par l'opposition systématique de Madame Z... à toutes ses propositions.
Sur la prise en charge des frais d'expertise
Attendu que Madame Z... étant demanderesse à la mesure d'expertise, elle fera l'avance des frais.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur Z...
Attendu que a procédure d'appel engagée par Madame Z... ne saurait être qualifiée d'abusive ;
Qu'il convient en conséquence de débouter Monsieur Z... de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que les dépens tant de première instance que d'appel seront dit frais privilégiés de liquidation partage ;
Qu'il n'apparaît pas opportun compte tenu de la nature du litige de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après rapport à l'audience,
- Infirme le jugement rendu le 06 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Brest en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Déboute Madame Z... de sa demande d'expertise comptable
-Homologue l'acte établi le 12 novembre 2004 concernant les soldes bancaires et encaissements pour le compte de l'indivision, les indemnités d'occupations et les avances supportées par Monsieur Z..., les avances supportées par Madame Z..., les impôts restant à payer sur les biens indivis, ainsi que les parts de la SARL Agence Brestoise, soit les articles 7 et 31 à 45 inclus de l'acte du 12 novembre 2004,
- Déboute Madame Z... de sa demande de partage par tirage au sort de deux lots devant comprendre l'ensemble des immeubles communs y compris ceux objets de cessions à des tiers,
- Dit que le notaire commis devra composer deux lots comprenant les seuls biens immobiliers restés en possession des époux Z...,
Avant dire droit sur la valeur de ces biens immobiliers,
- Ordonne une mesure d'expertise,
- Désigne pour y procéder Monsieur Emmanuel DE K......, lequel aura pour mission, après avoir convoqué les parties et s'être fait remettre tous documents utiles de :
* Visiter les immeubles composant le patrimoine indivis des époux Z... et toujours en leur possession,
* Proposer une évaluation en tenant compte de leur état actuel, et de leur valeur à la date du présent arrêt,
* Préciser, en les distinguant, les travaux d'amélioration et les travaux nécessaires à la conservation des biens réalisés par l'un ou l'autre des époux, en chiffrer le coût,
* Dire si depuis 1986, des dégradations ou détériorations ont diminué la valeur des biens, en tenant compte notamment des expertises précédemment réalisées,
- Dit que l'expert dressera de ses opérations un rapport qui devra être déposé au greffe de la 6ème Chambre dans les six mois de l'acceptation de sa mission,
- Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance,
- Fixe à 6 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que Madame Z... devra consigner au greffe de la Cour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,
- Dit qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque, sauf à tirer toutes conséquence de l'abstention ou du refus de consignation,
- Dit qu'à l'issue des opérations d'expertise, il appartiendra à Maître G... de procéder à l'établissement d'un état liquidatif, conformément aux principes dégagés dans le présent arrêt,
- Déboute les époux Z... du surplus de leurs demandes non conformes au présent dispositif,
- Dit les dépens de première instance et d'appel frais privilégiés de liquidation partage.
Le Greffier Le Président