Quatrième Chambre
ARRÊT No
R. G : 06 / 07376
E. U. R. L. CIDRES BIGOUD
C /
M. André X...
S. A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JUIN 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean THIERRY, Président,
Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,
Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2008
devant Monsieur Jean THIERRY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 05 Juin 2008, après prorogation de la date indiquée à l'issue des débats
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APPELANTE :
E. U. R. L. CIDRES BIGOUD, venant aux droits de l'EURL CIDRES DE LA VILLE D'YS
Brezignon
29720 PLOVAN
représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SCP CHAPEL CAROFF CADRAN, avocats
INTIMÉS :
Monsieur André X...
...
29170 ST EVARZEC
représenté par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assisté de Me Z..., avocat
S. A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
...
75002 PARIS CEDEX 2
représentée par la SCP X...et RENAUDIN, avoués
assistée de la SCP CADORET TOUSSAINT DENIS, avocats
I-EXPOSE PREALABLE
Le 13 novembre 2006, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cidres BIGOUD, venant aux droits de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cidres de la Ville d'Ys, a déclaré appel d'un jugement du 5 septembre précédent, aux énonciations duquel il est fait référence quant à l'exposé des prétentions formulées et des moyens articulés par les parties à ce stade de la procédure, par lequel le Tribunal de Grande Instance de Quimper, statuant sur les demandes faisant l'objet de l'instance introduite par les assignations délivrées à la demande de l'EURL Cidres de la Ville d'Ys
les 5 et 7 octobre 2004 à M. André X...et à la compagnie d'assurances générales de France, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire établi le 18 février 2004 par M. Francis A...en exécution de deux ordonnances de référé des 6 décembre 2001 et 15 février 2002,
- Vu l'article 1792 du Code Civil,
- a déclaré Monsieur X...et la Société DIO, assurée auprès des AGF, totalement responsables in solidum des préjudices subis par l'EURL
Cidres de la Ville d'Ys du fait des désordres constatés par l'expert et qui présentent un caractère décennal,
- a dit qu'entre les constructeurs la responsabilité sera partagée de la manière suivante :
* M. X...: 50 %
* les AGF (Sté DIO) : 50 %
et les a condamnés à se garantir réciproquement dans ces proportions,
- a condamné in solidum M. X...et les AGF, cette dernière dans les limites de son plafond de garantie concernant le préjudice immatériel, à payer à l'EURL Cidres de la Vallée d'Ys les sommes suivantes :
* 81 145, 64 € au titre des travaux de reprise, réévaluée suivant l'indice INSEE du coût de la construction entre le 1er trimestre 2004 et ce jour et avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
* 170 718, 20 € au titre du préjudice immatériel,
* 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- a réservé les droits de l'EURL Cidres de la Ville d'Ys au titre des réclamations de la SARL CHAMPACONCEPT du 19 janvier 2005 jusqu'à l'installation de la nouvelle ligne ;
- a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la somme de 150 000 euros,
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- et a condamné in solidum M. X...et les A. G. F. aux entiers dépens.
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A l'audience de la Cour du 11 mars 2008, le conseil de l'EURL Cidres BIGOUD a déclaré renoncer à sa demande, formulée par voie de conclusions de procédure, tendant au rejet des conclusions déposées et signifiées par la société A. G. F. le 26 février 2008, date de l'ordonnance de clôture.
Par conséquent, en application des dispositions de l'article 455, premier alinéa, du Code de procédure Civile, il est procédé à l'exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens par visa des conclusions déposées :
- le 25 janvier 2008, par l'EURL Cidres BIGOUD, appelante ;
- le 19 juin 2007, par M. André X..., intimé et appelant incident ;
- le 26 février 2008, par la société anonyme Assurances Générales de France, intimée et appelante incidente.
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II-MOTIFS :
Au cours de l'année 1997, l'EURL Les Celliers de la Ville d'Ys-devenue depuis lors l'EURL Cidres BIGOUD-, représentée par son gérant
M. Dominique B..., a conclu avec la Société d'Economie Mixte pour l'Aménagement et l'Equipement de la Bretagne SEMAEB une convention de maîtrise d'ouvrage déléguée pour l'extension d'un bâtiment industriel servant à son activité de cidrerie pour une surface d'environ 1350 m ².
M. André X..., Maître d'oeuvre en bâtiment, avait été chargé de la constitution du dossier de demande de permis de construire.
Puis, le 28 octobre 1997, il a souscrit avec la SEMAEB, Agence de Quimper, un acte d'engagement par lequel lui était confiée une mission complète de maîtrise d'oeuvre, à l'exception des études de projet et de l'ordonnancement-pilotage-coordination, pour l'opération d'extension d'un atelier de cidrerie situé à BREZIGOU, commune de PLOVAN, le programme
portant sur la création d'un bâtiment de stockage de 1350 m ², le maître de l'ouvrage étant l'EURL Les Celliers de la Ville d'Ys.
Les travaux de gros oeuvre comprenant le dallage du bâtiment ont été exécutés par la société à responsabilité limitée Dallages Industriels de l'Ouest D. I. O. suivant devis du 1er septembre 1997 d'un montant total TTC de 227 210, 40 francs.
Le 24 septembre 1999, M. André X...a établi le procès-verbal des opérations préalables à la réception du lot gros oeuvre et a proposé de procéder à la réception moyennant une réfaction égale à 11 022, 84 frs TTC
" correspondant aux fissures constatées ", ce qui a été accepté le même jour par le maître de l'ouvrage délégué.
La réception a donc été prononcée le 24 septembre 1999 dans les conditions ainsi prévues avec effet à la date du 15 septembre 1998, date proposée par le maître d'oeuvre comme étant celle de l'achèvement des travaux.
Les fissures qui avaient été constatées à la réception, et qui, selon la maître de l'ouvrage, lui avaient été alors présentées par les professionnels comme un désordre mineur et purement esthétique, se sont considérablement aggravées au cours des deux années suivantes, mettant obstacle au projet de l'EURL exploitante de faire carreler le sol du bâtiment et d'y installer une nouvelle chaîne d'embouteillage.
C'est dans ces conditions qu'à la fin de l'année 2001, elle a engagé la procédure par des assignations en référé aux fins d'expertise.
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L'EURL Cidres BIGOUD ayant obtenu satisfaction sur les responsabilités, sur le principe de la réparation de ses préjudices et sur le quantum de l'indemnisation du préjudice matériel lié à la remise en état de l'ouvrage défectueux, a interjeté appel sur l'indemnisation, qu'elle estime insuffisante, de ses autres préjudices.
Monsieur André X...conteste sa responsabilité par voie d'appel incident.
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Sur les responsabilités :
L'expert judiciaire, M. Francis A..., expose dans son rapport que les désordres qu'il a constatés-réseau de fissures de retrait du béton à profil répétitif, fissures générant un pseudo-joint de dilatation et fissures systématiques décomposant le dallage en petites plaques élémentaires-, présentant les caractéristiques propres au milieu industriel, subissant l'érosion du trafic et s'épaufrant en générant une aggravation sensible et fortement évolutive, sont dues aux conditions d'exploitation du dallage d'une épaisseur de 12 cm et pourvu d'un simple treillis anti-fissuration qui ne correspond pas à un ferraillage destiné à participer à la mécanique du béton sous les sollicitations d'exploitation, dispositif qu'imposait pourtant sa destination de dallage industriel ayant à porter des silos de 65 tonnes en charge sur quatre pieds et à recevoir un trafic régulier et intensif en certains endroits d'un chariot élévateur à bandes pleines.
Il précise que, selon les résultats des études de mise en calcul auxquelles il a procédé en mars et avril 2002, la contrainte en flexion-traction qui s'exerce sur le dallage est de 83 kg / cm ², soit 377 % de la contrainte admissible pour les bétons non armés qui est de 22 kg / cm ², alors d'autre part que les règles professionnelles demandent, pour un dallage industriel, une épaisseur minimale de 15 cm pour des charges supérieures à une tonne par mètre carré, ce qui est inférieur aux sollicitations constatées sur le site.
Ayant par ailleurs constaté d'importantes fissures de poinçonnement des pieds de certaines cuves, il précise que les calculs de vérification du dallage exigeaient la présence d'armature au droit des pieds.
Selon l'expert, le dallage dont l'épaisseur minimale est voisine de
8 cm et dont le ferraillage est absent, n'a donc pas été conçu pour être un dallage industriel.
Monsieur A...conclut son étude en énonçant que les fissurations du dallage sont la conséquence de l'absence de tout calcul de dimensionnement de l'épaisseur des bétons et des ferraillages à mettre en oeuvre, ce qui constitue une anomalie par rapport aux règles de l'art.
Il résulte par ailleurs des investigations de l'expert, et il n'est contesté par aucune des parties, que les travaux de dallage ont été exécutés par la société D. I. O. à la fin du mois de septembre 1997, soit avant l'obtention du permis de construire qui est en date du 24 novembre 1997 et même avant que M. André X...ne soit, à la demande de la SEMAEB, chargé de sa mission de maîtrise d'oeuvre puisque la convention conclue à cette fin l'a été le 28 octobre 1997 (" Acte d'engagement ").
Il n'en reste pas moins que M. André X...a procédé à la vérification-et même à la réfaction-de la facture des travaux litigieux émise le 26 septembre 1997 par la S. A. R. L. Dallage Industriel de l'Ouest alors que cette facture mentionnait une épaisseur de béton de 12 cm.
S'il est donc exact, comme le soutient M. X..., que le marché était déjà conclu, et donc la prestation déjà définie, entre l'EURL Cidres de la Ville d'Ys et l'entreprise D. I. O. avant son intervention dans la seconde phase de mission qui lui a été confiée, il convient d'observer que le maître d'oeuvre ne pouvait légitimement ignorer l'exacte destination de l'ouvrage dont il allait être le maître d'oeuvre puisqu'il était dès le début chargé de la constitution du dossier de demande de permis de construire, ce qui l'obligeait à se renseigner précisément sur l'usage auquel l'EURL, sa cliente, destinait la nouvelle construction.
Il est donc mal fondé à invoquer, comme moyen de défense, le fait que les cuves ont été implantées intérieurement et extérieurement alors qu'il " n'avait strictement aucune information de ces implantations futures ".
D'ailleurs, le cahier des clauses techniques particulières daté de septembre 1997, rédigé avec le concours d'un économiste de la construction mais sous la responsabilité de M. X...dont le nom et la qualité de maître d'oeuvre sont les seuls à figurer sur le document, concerne bien, ainsi qu'il est mentionné en page de garde, la construction d'un entrepôt, donc d'un bâtiment destiné à des stockages sur la nature et la consistance desquels le constructeur avait l'obligation de se renseigner précisément.
Or, l'acte d'engagement du 28 octobre 1997 incluait dans la mission de maîtrise d'oeuvre donnée à M. André X...les études d'avant projet, sommaire et définitif, le visa des études d'exécution réalisées par les entreprises, la direction des travaux, leur réception et le dossier des ouvrages exécutés.
Il appartenait donc au maître d'oeuvre, non seulement de définir les caractéristiques de l'ouvrage en fonction de sa destination effective, mais encore d'examiner les travaux réalisés par les entreprises et leur conformité à ces caractéristiques et aux règles de l'art.
En prévoyant, à la rubrique 2. 15 du CCTP, un dallage d'une épaisseur de 0, 12 ml et en acceptant la facture de l'entreprise D. I. O. mentionnant cette épaisseur-sans autre observation qu'une réfaction de prix-alors qu'il s'agissait d'un sol à usage industriel appelé à supporter des charges lourdes, des charges ponctuelles et des charges roulantes, M. André X...a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité de constructeur au titre des désordres qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination.
Il en est de même en ce qu'il a accepté, et proposé l'acceptation par le maître de l'ouvrage à la réception, d'un dallage réalisé sans l'étude qu'il
avait lui-même préconisée au CCTP, dépourvu d'armatures suffisantes telles que mentionnées dans ce même document (rubrique 2. 1. 2) et par conséquent non conforme à sa destination et aux règles de l'art.
Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré M. André X...responsable des préjudices subis par l'EURL Cidres de la Ville d'Ys du fait des désordres constatés par l'expert, in solidum avec la société D. I. O. dont la responsabilité résulte également de la présomption posée par l'article 1792 du Code Civil, présomption qui ne peut être écartée au prétexte que la société D. I. O. aurait réalisé le dallage d'un bâtiment sans en connaître la destination particulière, assertion qui contient en elle-même la reconnaissance de ce que l'entreprise titulaire du lot a agi en-dehors des règles qui s'imposaient à elle et qui lui dictaient de s'informer exactement de la destination affectée à l'ouvrage, d'établir son devis en fonction des contraintes particulières induites par l'activité du maître de l'ouvrage et de réaliser son chantier en respectant les règles de l'art appliquées à cette situation particulière.
En écartant toute responsabilité du maître de l'ouvrage, les premiers Juges ont procédé à l'exacte appréciation de la portée des obligations respectives des parties, en sorte que, le jugement dont appel ayant répondu de façon complète et pertinente aux moyens invoqués, il y a lieu de le confirmer sur ce point en adoptant ses motifs.
Compte tenu de l'implication respective des deux constructeurs concernés dans la réalisation des dommages, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fixé à 50 % la part de responsabilité de chacun des défendeurs dans leurs rapports respectifs et la proportion dans laquelle ils se doivent réciproquement garantie.
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Sur l'indemnisation des préjudices :
L'EURL Cidres BIGOUD sollicite tout d'abord la somme de 413 483, 00 € en réparation des conséquences liées au surcoût du retard dans la mise en place de la ligne d'embouteillage, préjudice réactualisé au 31 décembre 2007.
Le Tribunal a rejeté cette demande qui portait alors sur une somme inférieure.
M. Jean Louis X..., technicien dont l'avis a été recueilli par l'expert judiciaire en application des dispositions de l'article 278 du Code de Procédure Civile, a proposé la somme de 60 086 € pour une année de production s'il n'y a pas de licenciement et celles de 41 086 € ou 34 662 € en cas de licenciement de deux salariés (pages 11 et 21 du rapport), mais en supposant que soient vérifiées les performances des nouvelles machines.
L'EURL produit une note de M. Jean C...LE GALL en date du 21 juin 2004 selon laquelle l'embouteillage des 1 300 000 bouteilles de sa production annuelle nécessite 5 200 heures avec l'ancienne ligne alors que 578 heures seulement seraient nécessaires avec la nouvelle, soit un gain de temps de 4 622 heures, ce qui correspondrait à une économie salariale annuelle de 43 500 €, outre une réduction du découvert bancaire.
Dans une note en date du 28 mai 2004, également produite par l'EURL, M. Patrick D...reprend les mêmes chiffres, sauf en ce qui concerne le préjudice financier indirect pour le calcul duquel il applique un taux de 6, 5 % alors que M. LE GALL retenait un taux de 6 %.
Aucune pièce justificative de ces résultats ne figure dans les annexes à la note de M. D..., tandis que la note de M. LE GALL ne comporte aucune annexe.
Le 20 février 2007, l'EURL Cidres BIGOUD a fait constater par Ministère d'huissier que sa ligne d'embouteillage alors en fonction produisait environ 1440 bouteilles à l'heure en sortie tireuse et environ 1428 en sortie
museleuse.
S'il faut 5 200 heures pour produire annuellement 1 300 000 bouteilles avec le matériel actuel, la production horaire est de 250, à moins que six salariés soient nécessaires pour faire fonctionner la ligne ; or, l'appelante indique en page 19 de ses conclusions d'appel (dernier alinéa) qu'ils sont au nombre de trois, auquel cas on aboutit à 750 bouteilles à l'heure, ce qui est notablement inférieur à 1428.
Quant à la nouvelle ligne que l'attestation de la SARL Champaconcept du 12 décembre 2003 (pièce no9 communiquée par l'appelante) présente comme devant travailler à une cadence de 4 500 bouteilles à l'heure, la division de 1 300 000 par 578 (nombre d'heures nécessaires pour parvenir à cette production annuelle selon Mrs. ARZUR et LE GALL) donne le chiffre de 2 249, 13, soit la moitié de la performance annoncée alors que le nombre de salariés nécessaires pour faire fonctionner la nouvelle ligne n'est pas précisée.
Outre cette incohérence dans les chiffres ayant servi aux calculs dont se prévaut l'EURL, l'attestation précitée ne fait état que de contacts pris courant 2001 par M. B...avec la SARL Champaconcept " pour la mise en place d'une ligne d'embouteillage complète, travaillant à une cadence de 4 500 bouteilles heure à partir de matériel acheté par M. B...à différentes maisons de Champagne ", formulation qui présente le résultat escompté comme faisant partie d'un projet dont la totale réalisation ne peut être considérée comme une certitude, en particulier au niveau de la performance, étant observé qu'il n'est fourni aucun document relatif aux caractéristiques techniques des matériels considérés.
La réalité du préjudice allégué n'étant ainsi pas établie, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'EURL Cidreries BIGOUD de ce chef de demande.
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Au titre de l'indemnisation du temps passé par M. Dominique B..., le Tribunal a alloué à la demanderesse la somme de 14 560 € correspondant à une période de vingt-six mois au cours de laquelle le gérant aurait consacré vingt heures par mois à s'occuper de l'affaire, ces vingt heures étant rémunérées à hauteur de 560 €.
L'EURL Cidres BIGOUD demande la somme de 40 320 €, correspondant à six années- 2002à 2007- devant être rémunérées à raison de 6 720 € par an, se fondant sur les consultations de M. LE GALL et, surtout, de M. D....
S'il est concevable que le gérant de l'EURL ait passé du temps à étudier les questions posées par le sinistre et le litige qui s'en est suivi, à recueillir, sélectionner et présenter les éléments utiles au soutien de la cause de l'EURL et à arrêter les mesures qui s'imposaient pour qu'elle continue à fonctionner et à produire malgré le bouleversement entraîné par la constatation de l'impossibilité de mettre en place les nouveaux équipements, rien ne prouve que M. B...ait été rémunéré pour ce travail supplémentaire, ou qu'une personne ait dû être appointée pour compenser la perte d'activité consécutive à cette sujétion exceptionnelle, ou encore que les heures distraites de l'activité normale du gérant aient eu pour la personne morale une incidence dommageable équivalente au coût salarial affecté à une autre fonction.
Le seul préjudice susceptible de donner lieu à indemnisation étant ainsi un préjudice strictement personnel à M. B..., il n'est pas possible de faire droit à cette demande de l'EURL et le jugement sera donc réformé de ce chef.
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L'EURL Cidres BIGOUD déclare expressément, dans ses conclusions d'appel, renoncer à sa demande d'indemnisation d'un préjudice économique lié à la réduction d'activité avec la société Carrefour.
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Il est justifié par un courrier de la S. A. R. L. Champaconcept du 18 mars 2004 que l'EURL Cidres BIGOUD doit s'acquitter auprès de cette société, depuis le 1er janvier 2004, d'un loyer mensuel de 457, 35 €, soit
5 488, 20 € par an, pour une surface au sol de 300 m ² sur laquelle est entreposé le matériel dans l'attente de son installation dans les nouveaux locaux de l'EURL.
Il s'agit bien d'un préjudice consécutif aux désordres puisqu'il est généré par l'impossibilité, prolongée sur plusieurs années, d'installer des matériels de fabrication sur un sol dont l'inaptitude à cette fonction est imputable aux malfaçons.
L'EURL Cidres BIGOUD ayant obtenu l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 150 000 €, somme qui lui permettait largement de faire réaliser les travaux de reprise, il convient, compte tenu de la durée prévisible des travaux, de lui allouer à ce titre une indemnisation couvrant les années 2004 à 2006, soit 16 464, 60 € (5 488, 20 x 3) et les trois premiers mois de l'année 2007, soit 1 372, 05 (457, 35 x 3).
La somme totale de 17 836, 65 € est donc allouée à titre définitif, sans qu'il y ait lieu de réserver les droits de la demanderesse pour des mensualités ultérieures de location.
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Il est demandé par l'appelante principale le remboursement du coût
supplémentaire généré par les travaux de réfection.
La consistance de ce préjudice a été analysée de façon exhaustive et rigoureuse et il a été chiffré à la somme de 113 000 € par M. Jean Louis X...(pages 11 à 15 et 22 du rapport) à partir des éléments descriptifs et estimatifs contenus dans une note établie le 27 novembre 2002 par l'Association Bretagne Gestion Finistère.
Le coût ainsi défini correspond à un ensemble de sujétions que la nécessité de refaire le dallage suffit à justifier :
- opérations de manutention, de déplacement et de stockage de cartons, palettes, bouteilles, marchandises et fournitures diverses ;
- frais de nettoyage ;
- heures de travail supplémentaires dues à la gêne occasionnée par le déplacement d'engins de déblaiement dans les zones de passage du matériel ;
- mise en place de systèmes de protection du matériel ;
- déplacement et repose d'un laveur de pommes, d'un pressoir, d'une trémie, d'une chaudière et de plusieurs cuves.
Toutes ces opérations étant rendues nécessaires par la réfection du dallage défectueux, leur coût, qui est une des conséquences directes de la mauvaise exécution de l'ouvrage engageant la responsabilité des constructeurs, doit être intégralement assumé par ceux-ci sans qu'il y ait lieu d'opérer un quelconque abattement en raison de l'utilité que peuvent présenter également ces opérations pour les travaux de carrelage décidés par le maître de l'ouvrage trois ans après la fin de la construction litigieuse.
C'est donc la somme totale de 113 000 € qui sera allouée à ce titre à l'EURL Cidres BIGOUD.
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Sur le coût de déplacement et de remontage du matériel :
Ainsi que l'ont justement relevé les Premiers Juges, il n'y a pas lieu de retenir, au titre du préjudice causé par les défectuosités de la dalle, les sommes que l'EURL Cidres BIGOUD devra exposer au titre des démontages et remontages de l'ancienne ligne d'embouteillage et qui, récapitulées au devis estimatif de la société Champaconcept figurant en annexe 5 de la note de M. D..., totalisent 54 746, 12 €.
En effet, les opérations ainsi chiffrées sont rendues nécessaires par la mise à exécution du projet d'installation de la nouvelle ligne et n'ont rien à voir avec la remise en état de la dalle.
Par contre, sont justifiés et doivent être retenus au titre de ce chef de préjudice les montants des devis de la S. A. S. Kaefer Wanner, soit 91 000 € pour dépose et repose du matériel et 73 000 € pour dépose et repose de six cuves verticales de stockage extérieur.
L'appelante principale demande en outre la somme de 47 982, 66 €- sous déduction du coût du vérinage et du calage s'élevant à 9 730 €- qui, selon les mentions du document no13 intitulé " coûts directs liés au déplacement du matériel ", correspondrait à l'inflation de 3 % l'an chiffrée à 16 % fin 2007 non seulement sur le coût du déplacement et du remontage du matériel, mais également sur celui de la démolition et de la réfection du dallage (81 145, 65 €).
Faire droit à la demande en ce qui concerne ce dernier poste aboutirait à une double actualisation puisque la réévaluation sur les variations de
l'indice INSEE du coût de la construction est déjà prévue dans la condamnation.
D'autre part, en l'absence de toute justification d'une variation du coût des prestations de démontage et remontage du matériel depuis la date d'établissement des devis, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande.
Mais il résulte des éléments d'appréciation produits aux débats que les travaux faisant l'objet des deux devis de 91 000 € et 73 000 € sont nécessaires pour procéder à la démolition et à la réfection du dallage défectueux, en sorte que l'obligation pour le maître de l'ouvrage d'exposer
ces frais est bien une des conséquences directes de la mauvaise exécution de l'ouvrage engageant la responsabilité des constructeurs.
Ces deux sommes seront donc allouées à la demanderesse, en totalité et sans abattement.
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En conséquence de ce qui précède, l'indemnisation des préjudices autres que le coût des travaux de démolition et de réfection du dallage s'établit à la somme de :
17 836, 65 + 113 000 + 91 000 + 73 000 = 294 836, 65 €
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III-DECISION
La Cour,
- Réforme le jugement rendu le 5 septembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Quimper en ce qu'il a fixé à 170 718, 20 euros l'indemnisation du préjudice immatériel de l'EURL Cidres de la Ville d'YS, devenue EURL Cidres BIGOUD, et statuant à nouveau de ce chef,
- Condamne in solidum Monsieur André X...et la Société Anonyme Assurances Générales de France, celle-ci dans les limites de son plafond de garantie concernant le préjudice immatériel, à payer à L'EURL
Cidres BIGOUD la somme de 294 836, 65 euros en réparation des préjudices immatériels ;
- Confirme le jugement pour le surplus ;
- Condamne in solidum Monsieur André X...et la Société A. G. F. à payer à l'EURL Cidres BIGOUD la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en plus de celle du même montant déjà fixée à ce titre par les Premiers Juges ;
- Déboute les parties de toutes demandes contraires ou supplémentaires ;
- Condamne in solidum Monsieur André X...et la Société A. G. F. aux dépens de première instance et d'appel et admet la S. C. P. D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT HILAIRE-LE CALLONNEC, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président,