Chambre Sécurité Sociale
ARRET No 189 / 08
R. G : 07 / 03875
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU NORD FINISTERE
C /
M. Jean Louis X...
Société SNEF
S. A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE Y...
S. A. GAN ASSURANCES IARD
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
pourvoi K0818119 du
04 / 08 / 2008REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Avril 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 04 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats : 14 / 05 / 2008
****
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU NORD FINISTERE
Rue de Savoie
29282 BREST CEDEX
représentée par Mme GUILLERM (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉS :
Monsieur Jean Louis X...
...
29860 PLOUVIEN
représenté par la SCP MICHEL LEDOUX, avocats au barreau de PARIS
Société SNEF
87, Avenue des Aygalades
13015 MARSEILLE
représentée par Me de CADENET, SELAFA FIDAL, avocats au barreau de BREST
S. A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE Y...
...
75002 PARIS
représentée par la SCP HASCOET, avocat au barreau de PARIS
S. A. GAN ASSURANCES IARD
8 / 10 rue d'Astorg
75008 PARIS
représentée par la SCP LAMBARD, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
Immeuble les 3 Soleils
...
35042 RENNES CEDEX
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X... a travaillé pour le compte de la société SNEF ELECTRIC FLUX, aux droits de laquelle vient la société SNEF, entreprise d'électricité, du 15 octobre 1962 au 31 décembre 1996, en qualité d'électricien.
Le 22 avril 2005, il a formé une déclaration de maladie professionnelle pour " plaques pleurales calcifiées-exposition amiante au travail-asbestose ".
Une décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur X... a été rendue le 19 septembre 2005 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère.
Par courrier du 7 juillet 2006, Monsieur X... a invoqué la faute inexcusable de la société SNEF.
Suivant courrier recommandé en date du 10 novembre 2005, la société SNEF a formé un recours devant la Commission de Recours Amiable afin d'obtenir que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable, motifs pris que :
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté,
- les conditions de prise en charge ne sont pas réunies.
Par décision en date du 29 septembre 2006, la Commission de Recours Amiable a rejeté le recours de la société SNEF.
Suivant courrier recommandé avec AR en date du 1er décembre 2006, la société SNEF a, exercé un recours devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest à l'encontre de la décision de rejet de la commission.
Dans le cadre de la procédure en faute inexcusable, mise en mouvement par le salarié, la société SNEF a sollicité la mise en cause de ses compagnies d'assurance, à savoir la compagnie AGF-IART et GAN ASSURANCES IARD.
Il a été fait droit à cet appel à la cause.
Par jugement en date du 4 juin 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest a rendu une décision dont le dispositif est le suivant :
" Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 20600375 et 20600483 ;
Dit la maladie professionnelle développée par M. Jean Louis X... a pour origine la faute inexcusable de son employeur, la société SNEF ;
Fixe la majoration d'indemnité à laquelle peut prétendre M. X... au montant de l'indemnité allouée en capital ;
Dit que la majoration de la rente suivra l'évolution du taux d'I. P. P. de M. X... de telle sorte qu'elle soit toujours égale au maximum ;
Et par jugement AVANT DIRE DROIT sur l'indemnisation des préjudices,
Ordonne une expertise médicale judiciaire et commet le Docteur Claude A... (30, rue du Château-29200- BREST) pour y procéder, avec mission de :
Examiner M. X...,
Se faire communiquer son dossier médical ainsi que tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,
S'adjoindre si nécessaire tout sapiteur de son choix,
Décrire la maladie professionnelle dont M. X... est atteint, ses symptômes et son évolution possible ou probable ;
Donner les éléments permettant d'évaluer les souffrances physiques, les souffrances morales et le préjudice d'agrément subis par M. X... en raison de cette maladie, en les cotant sur une échelle de 1 à 7 ;
Dit que l'expert ainsi commis déposera son rapport avant le 31 août 2007 ;
Commet le Président du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest pour suivre la mesure d'instruction ;
Dit qu'en cas d'empêchement, l'expert pourra être remplacé par simple ordonnance ;
Ordonne l'exécution provisoire en ce qui concerne l'expertise médicale ;
Dit que la décision de la C. P. A. M. du Nord Finistère de prendre en charge la maladie déclarée par M. X... au titre de la législation professionnelle est inopposable à la Société SNEF ;
Dit qu'en conséquence la C. P. A. M. du Nord Finistère ne pourra obtenir de la Société SNEF le remboursement d'aucune somme versée à ce titre à M. X... et que les dépenses engagées par suite de la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X... ne seront pas comprises dans la valeur du risque propre de la Société SNEF ;
Sursoit à statuer sur la demande formée par M. X... au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère à payer à la Société SNEF la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la Société SNEF de sa demande formée à l'encontre de M. X... sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la Compagnie AGF-IART et la Compagnie GAN ASSURANCES IARD de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déclare le présent jugement commun et opposable à la Compagnie AGF-IART et à la Compagnie GAN ASSURANCES IARD ;
Régulièrement appelante de cette décision la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère, soutient par conclusions qu'elle a respecté les règles du contradictoire à l'égard de la SNEF tant an cours d'instruction du dossier de maladie professionnelle de M. X... que lors de la clôture de celui-ci et a communiqué à l'employeur l'ensemble des pièces dudit dossier avant toute prise en charge de sa part. Elle sollicite en conséquence de la Cour qu'elle réforme le jugement, déclare la prise en charge de la maladie professionnelle de M. X... opposable à la SNEF et condamne cette dernière à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SNEF, par conclusions no2 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de son argumentation demande, en définitive, à la Cour d'Appel de :
- débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère
de son appel et le déclarer mal fondé,
- recevoir la société SNEF en son appel incident et le déclarer recevable et bien fondé,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest le 4 juin 2007 en ce qu'il a :
o dit que la décision de la C. P. A. M. Nord-Finistère de prendre ne charge la maladie déclarée par Monsieur Jean Louis X... au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société SNEF,
o dit qu'en conséquence la C. P. A. M. du Nord-Finistère ne pourra obtenir de la société SNEF le remboursement d'aucune somme versée à ce titre à Monsieur X... et que les dépenses engagées par suite de la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur Jean Louis X... ne seront pas comprises dans la valeur du risque propre de la société SNEF,
o Condamné la C. P. A. M. du Nord-Finistère à payer à la société SNEF la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
o Déclaré le présent jugement commun et opposable à la compagnie AGF-IART et à la compagnie GAN ASSURANCES IARD.
- Le réformer pour le surplus et :
o déclarer l'action de Monsieur Jean Louis X... mal fondée en l'absence de faute inexcusable démontrée de la société SNEF,
o débouter en conséquence Monsieur Jean Louis X... de l'ensemble de ses demandes.
o A titre subsidiaire, pour le cas où la faute inexcusable de la société SNEF serait reconnue
o Dire et juger que la majoration de rente et l'ensemble des sommes qui seront éventuellement attribuées à Monsieur B... louis X... seront inscrites au compte spécial de la branche, en raison de l'exposition chez plusieurs employeurs et de l'impossibilité en résultant de retenir un lien de causalité avec la faute inexcusable de la société SNEF qui serait retenue,
o Réduire dans de très sensibles proportions l'ensemble des demandes de Monsieur X...,
Y additant :
o Déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la compagnie AGF-IART et à la compagnie GAN ASSURANCES IARD,
o Condamner la C. P. A. M. du Nord-Finistère au paiement d'une somme de 1 500 € à la société SNEF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Les Compagnies d'Assurances AGF et GAN, par conclusions s'associent à l'argumentation de la SNEF et sollicitent la 1ère (AGF) une somme de 3 000 €, la seconde (GAN) une somme de 2 000 €, pour leurs frais irrépétibles.
La Cour, pour plus ample exposé des moyens et arguments de ces Compagnies se réfère expressément à leurs conclusions d'appel.
Monsieur X..., enfin, par conclusions détaillées auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses arguments, demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, de renvoyer la cause et les parties devant le Premier Juge pour qu'il soit statué sur la réparation de ses préjudices personnels après expertise et sur sa demande de frais irrépétibles de première instance.
Il sollicite, enfin, la condamnation de la SNEF à lui payer une
somme de 1 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur l'opposabilité à la SNEF de la décision de la C. P. A. M. de Brest de prise en charge de la maladie de M. X... au titre de la législation professionnelle
Si contrairement à ce que jugé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale il est admis que l'envoi par la C. P. A. M. à l'employeur et au salarié de questionnaire à remplir sur les conditions de travail de ce dernier puisse tenir lien d'enquête préalable à la décision de prise en charge éventuelle de la maladie professionnelle, la Caisse est en revanche tenue, avant cette décision, d'aviser l'employeur de la clôture de son instruction, de lui laisser un délai suffisant pour présenter ses observations et de lui communiquer tout document du dossier qu'il réclame. Or, la fiche de liaison médico-administrative délivrée par la C. P. A. M. à la SNEF, qui n'est ni signée, ni motivée et vise simplement un numéro du répertoire des maladies professionnelles ne saurait être considérée comme un " avis de médecin conseil " exploitable tant par l'employeur qui le reçoit que par la juridiction du Contentieux Général de la Sécurité Sociale éventuellement saisie en vue de statuer sur le respect du contradictoire par la Caisse.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dont la décision sera confirmée sur ce point, a jugé que la prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Brest de la maladie professionnelle de M. X... était inopposable à son employeur, la Société SNEF.
Sur la faute inexcusable de l'employeur
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Or, l'exposition de M. X... à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la Société SNEF est établie par les attestations versées aux débats par ce salarié qui inhalait des poussières d'amiante au quotidien dans ses taches d'électricien entre 1962 et 1996, période où il était au service de la SNEF.
De surcroît, la SNEF ne pouvait ignorer les risques pour ses salariés de telles inhalations dont les dangers étaient connus depuis de nombreuses années en tout cas avec certitude depuis les années 1970 et avaient fait l'objet d'une réglementation par décret du 17 août 1977.
Il s'ensuit que la SNEF, qui ne pouvait ignorer les risques encourus par M. X... et n'a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour l'en protéger a bien commis une faute inexcusable à l'origine des affections pulmonaires contractées par ce salarié.
Sur l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur X... et les demandes de frais irrépétibles
Compte tenu de la gravité de la faute de l'employeur, il convient en premier lieu, comme l'a fait le Premier Juge, de fixer la majoration de la rente allouée à M. X... à son taux maximum et de dire que ce taux évoluera en même temps que le taux d'I. P. P. du salarié.
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur X..., il convient de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest qui a ordonné une expertise médicale et doit en conséquence statuer sur ces préjudices après expertise.
Enfin, au regard de l'équité, de la situation économique respective des différentes parties et des circonstances de la cause, la Cour rejettera les demandes qui lui sont présentées en appel au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Reçoit en la forme l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère mais le dit mal fondé.
En conséquence
-La déboute de ses demandes.
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
- Rejette les demandes de frais irrépétibles d'appel de Monsieur Jean Louis X..., de la SNEF, des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE-Y... et du GAN ASSURANCES IARD.
- Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest afin qu'il statue, après expertise médicale, sur l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur X... et sur sa demande de frais irrépétibles de première instance.
Le Greffier, Le Président,