Chambre Sécurité Sociale
ARRET No 185/08
R.G : 07/03039
CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DE BREST
C/
Société NAVTIS
M. Jean-Louis X...
S.A. AXA FRANCE IARD
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Pourvoi M0818120
du 04/08/2008REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUIN 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle WACK, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Avril 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 04 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats: 14/05/2008
****
APPELANTE :
CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DE BREST
Rue de Savoie
29282 BREST CEDEX
représentée par Mme GUILLERM (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉS :
Société NAVTIS, venant aux droits de la Société Métallurgique et Navale de Bretagne (Groupe BASTIDE).
12, rue Jean Charles Chevillotte
B.P. 151
29803 BREST CEDEX 9
représentée par Me de CADENET, SELAFA FIDAL, avocats au barreau de BREST
Monsieur Jean-Louis X...
...
29200 BREST
représenté par la SCP MICHEL LEDOUX , avocats au barreau de PARIS
S.A. AXA FRANCE IARD
26, rue Drouot
75009 PARIS
représentée par Me Florence MONTERET-AMAR, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
Immeuble les 3 Soleils
...
35042 RENNES CEDEX
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
Le 18 octobre 2005, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Brest recevait une demande de reconnaissance au titre de maladie professionnelle, établie le 17 octobre 2005 par Monsieur X..., de la pathologie dont il est atteint, à savoir "Maladie de l'Amiante-Epaississement pleural".
L'assuré fournissait un certificat médical établi le 30 septembre 2005 par le Docteur Z..., Pneumologue à BREST, précisant "Epaississements pleuraux en rapport avec inhalation professionnelle de fibres d'amiante".
Le 19 octobre 2005, la caisse transmettait à l'employeur un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle et adressait un questionnaire relatif aux travaux réalisés par le salarié.
Le 13 janvier 2006, la Caisse notifiait à l'employeur le recours au délai complémentaire d'instruction.
Le 1er février 2006, la Caisse informait l'employeur que l'instruction était terminée, qu'il pouvait consulter le dossier, que la date de décision était fixée au 22 février 2006 et lui transmettait les pièces constitutives du dossier.
Les conditions médicales, professionnelles et administratives mentionnées au tableau no30 étant selon elle réunies, la caisse primaire , notifiait la prise en charge de la pathologie alléguée au titre de la législation professionnelle le 22 février 2006.
La Société SMNB saisissait la Commission de Recours Amiable le 3 mai 2006 demandant que la décision de la Caisse lui soit déclarée inopposable au motif que la caisse n'aurait pas respecté le principe du contradictoire lors de l'instruction du dossier du salarié.
La Commission de Recours Amiable n'ayant pas statué dans le délai d' un mois, l'employeur saisissait alors le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest le 24 juillet 2006, contestant la décision de la Caisse.
Le salarié a, pour sa part, demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur qui a appelé son assureur à la cause. M. X... sollicite diverses sommes en réparation de ses préjudices personnels.
Par jugement du 23 avril 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest a rendu une décision dont le dispositif est le suivant :
" Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 20600278 et 20600322;
Dit que la maladie professionnelle développée par M. Jean Louis X... a pour origine la faute inexcusable de son employeur, la SOCIETE METALLURGIQUE ET NAVALE DE BRETAGNE;
Fixe la majoration d'indemnité à laquelle peut prétendre M. X... au montant de l'indemnité allouée en capital;
Dit que la majoration de la rente suivra l'évolution du taux d'I.P.P. de M. X... de telle sorte qu'elle soit toujours égale au maximum;
Fixe les préjudices subis par M. Jean Louis X... comme suit:
souffrances physiques : 5 000 euros
souffrances morales : 7 500 euros
préjudice d'agrément : 2 500 euros
Condamne la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère
à verser ces sommes à M. X... , avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2006;
Dit que la Société NAVTIS n'est pas forclose à invoquer l'inopposabilité de la décision de la C.P.A.M. Nord-Finistère reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X...;
Dit que la décision de la C.P.A.M. Nord-Finistère de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. X... le 17 octobre 2005 n'est pas opposable à la Société NAVTIS;
Dit qu'en conséquence aucune des sommes versées par la C.P.A.M. Nord-Finistère en exécution du présent jugement ne pourra être réclamée à la Société NAVTIS, ni être imputée sur son compte employeur;
Déclare le présent jugement commun et opposable à la Société AXA FRANCE IARD;
Condamne la Société NAVTIS à verser à M. X... la somme de
1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
Déboute la Société NAVTIS et la compagnie AXA FRANCE IARD de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'article L.144.5 du Code de la Sécurité Sociale ,
Rappelle que les dépens restent à la charge de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs salariés;
Régulièrement appelante de cette décision , la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Brest soutient qu'elle a respecté la règle du contradictoire tant au cours de l'instruction du dossier du salarié que lors de la notification à l'employeur de la clôture de ladite instruction, que les conditions légales de prise en charge de l'affection de M. X... au titre de la législation sur les maladies professionnelles étaient bien réunies et que dès lors la Cour doit réformer le jugement déféré et dire que sa prise en charge est opposable à la Société NAVTIS.
La Société NAVTIS, par conclusions no2 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses arguments, sollicite, in fine, de la Cour de:
o confirmer le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest du 23 avril 2007 en ce qu'il a :
- dit que la Société NAVTIS n'est pas forclose à invoquer l'inopposabilité de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur X....
- dit que la décision de la C.P.A.M. Nord-Finistère de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par A... SIMON le 17 octobre 2005 n'est pas opposable à la Société NAVTIS,
- dit qu'en conséquence aucune des sommes versées par la C.P.A.M. Nord-Finistère en exécution du présent jugement ne pourra être réclamée à la société NAVTIS, ni imputée sur son compte employeur,
- déclaré le présent jugement commun et opposable à la compagnie AXA FRANCE IARD,
o Le réformer pour le surplus et:
- déclarer l'action de Monsieur Jean Louis X... mal fondée en l'absence de faute inexcusable démontrée de la société NAVTIS,
- débouter en conséquence Monsieur Jean Louis X... de l'ensemble de ses demandes,
- A titre subsidiaire, pour le cas où la faute inexcusable de la société NAVTIS serait reconnue:
- dire et juger que la majoration de rente et l'ensemble des sommes qui seront éventuellement attribuées à Monsieur Jean Louis X... seront inscrites au compte spécial de la branche, en raison de l'exposition chez plusieurs employeurs et de l'impossibilité en résultant de retenir un lien de causalité avec la faute inexcusable de la société NAVTIS qui serait retenue.
- réduire dans de très sensibles proportions l'ensemble des demandes de Monsieur X..., de même que des indemnisations allouées par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Brest dans son jugement du 23 avril 2007,
- Y additant,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la compagnie AXA FRANCE IARD,
- condamner la C.P.A.M. Nord-Finistère au paiement d'une somme de 1 500 € à la société NAVTIS sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
M. X..., pour sa part, aux conclusions détaillées duquel il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses arguments demande la confirmation du jugement déféré sauf à porter à 10 000 € la réparation du préjudice résultant de ses souffrances physiques, à 15 000 € celui résultant de ses souffrances morales et à 8 000 € celui résultant de son préjudice d'agrément. Il demande, enfin, une somme de 2 000 € ( à la charge de la Société NAVTIS) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
La Compagnie AXA , enfin, soutient par conclusions que le jugement dont appel doit être confirmé. A titre subsidiaire, elle soutient qu'elle n'assure plus la société NAVTIS contre le risque amiante depuis le 1er décembre 2005. Elle sollicite le rejet de toute demande présentée contre elle et la condamnation de la Sté NAVTIS à lui payer une somme de 1 000 € pour ses frais irrépétibles.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur l'opposabilité à la Sté NAVTIS de la décision de prise en charge (de la CPAM) de la maladie de M. X...
La forclusion de l'action en inopposabilité de la Société NAVTIS n'est plus invoquée en appel. Le Premier Juge a, en tout état de cause, exactement répondu à ce moyen . En effet, cette inopposabilité pouvait parfaitement être soulevée pour la première fois par la Société NAVTIS par voie d'exception , en réponse à l'action en recherche de faute inexcusable de son salarié.
Sur le respect du contradictoire envers l'employeur par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Brest au cours de l'instruction du dossier de maladie professionnelle du salarié, il peut être admis que la Caisse n'avait pas l'obligation de procéder à une enquête avant décision et pouvait se borner, comme elle l'a fait, à faire remplir à l'employeur et au salarié des questionnaires sur les conditions de travail de M. X....
En revanche, elle avait l'obligation à la clôture de son enquête, non seulement de mettre en mesure, comme elle l'a fait, la Sté NAVTIS de présenter ses observations avant décision de prise en charge mais de lui communiquer tous les documents du dossier du salarié en sa possession.
Or, la fiche de liaison médico-administration qu'elle a adressée à la Sté NAVTIS, qui ne comporte qu'un numéro de maladie professionnelle n'est pas motivée, ni même signée ne saurait constituer un "avis de médecin conseil" exploitable tant par l'employeur auquel il était destiné que par la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, chargée, éventuellement, d'exercer son contrôle sur le respect du contradictoire résultant des dispositions des articles R 441-10 et suivants du Code de la Sécurité Sociale .
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Premier Juge qui sera confirmé sur ce point, a dit la décision de prise en charge de la Caisse inopposable à l'employeur.
Sur la faute inexcusable de la Société NAVTIS
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et les accidents du travail . Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452.1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;
Or, il ressort des attestations versées par le salarié que l'activité de M. X... au sein de la S.M.N.B. l'amenait à exécuter des travaux de soudure, découpe ou meulage à bord de bateaux dans les compartiments machines et chaufferies, locaux confinés dans lesquels se dispersait la poussière d'amiante composant ces éléments de calorifugeage, étant en outre précisé qu'il se trouvait protégé des projections incandescentes par une toile amiantée, augmentant ainsi son contact avec ce matériau. M. X... a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante au cours de son travail au sein de la SMNB devenue NAVTIS.
De surcroît, il n'est pas contestable que depuis les années 1970 au moins, les employeurs utilisant de l'amiante (dont l'usage devait être réglementé par un décret du 17 août 1977) connaissaient les dangers présentés par cette matière et les risques encourus par les salariés exposés à ces poussières.
Or, il est démontré que M. X... travaillait sans protection au sein de la Sté SMNB .
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Premier Juge, dont la décision sera également confirmée sur ce point a considéré que la Sté NAVTIS ne pouvait qu'avoir conscience du risque encouru par M. X... et que n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver elle a commis une faute inexcusable à l'origine de sa pathologie pulmonaire.
Sur l'indemnisation des préjudices personnels de M. X...
Il convient sur ce point de confirmer le jugement déféré qui a, à bon droit, fixé au maximum la majoration de la rente due à M. X... et évalué, au vu des éléments produits par le salarié , ses préjudices personnels à la somme totale de 15 000 € avec intérêts de droit à compter du 22 mai 2006 date de la première action en reconnaissance de faute inexcusable.
Sur les autres demandes des parties
La Cour ne pourra , en premier lieu que déclarer irrecevable la demande en non garantie de la Société NAVTIS son assuré, présentée pour la première fois en appel par la Compagnie AXA et débouter cette compagnie d'assurances de sa demande de frais irrépétibles.
La Cour déboutera également la Société NAVTIS et M. X... de leurs demandes de frais irrépétibles d'appel, non justifiées en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Nord-Finistère recevable en la forme, mais le dit mal fondé.
- En conséquence, la déboute de sa demande et confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
- Déclare irrecevable devant la Cour, la demande de la Compagnie AXA de non garantie de son assurée, la Société NAVTIS.
- Déboute les parties de toutes autres demandes y compris leurs demandes de frais irrépétibles d'appel.
Le Greffier, Le Président,