Huitième Chambre Prud'Hom
ARRÊT No328
R.G : 07/04820
POURVOI No48/2008 du 22/07/2008 Réf Y 0843500
S.A. " CLAIRE X... "
C/
Mme Francine Y...
Confirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 MAI 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Monique BOIVIN, Président,
Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller,
Monsieur François PATTE, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Avril 2008
devant Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 22 Mai 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre reconventionnel :
La S.A. " CLAIRE X..." (venant aux droits de la SAS "CJ A... ATLANTIQUE" prise en la personne de ses représentants légaux
Avenue de la Forêt
44860 SAINT AIGNAN
représentée par Me Patrick LE TERTRE, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMEE et appelante à titre reconventionnel :
Madame Francine Y...
...
44300 NANTES
comparante en personne, assistée de Me Bruno B..., Avocat au Barreau de NANTES
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la société CLAIRE
X...
d'un jugement rendu le 12 juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de NANTES.
FAITS ET PROCEDURE :
Madame Francine Y... a été engagée le 2 novembre 1988 par la société ATELIERS J. BRIAND en qualité de comptable.
Cette société a été absorbée le 1er novembre 1998 par la société CJ BRIAND ATLANTIQUE laquelle a été rachetée en juin 2004 par la SA CLAIRE X..., société HOLDING regroupant les sociétés "LES ATELIERS DE CLAIRE X..." et "SIMMA".
Madame Y... a bénéficié de promotions régulières et exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable administratif et financier, statut Agent de Maîtrise.
Le 8 mars 2005 elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement qui lui a été notifié le 1er avril 2005 pour le motif économique suivant : réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité en raison de la baisse significative du chiffre d'affaires et l'augmentation des charges de fonctionnement entraînant la suppression de son poste de travail.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Madame Y... a saisi le conseil de prud'hommes de NANTES pour obtenir des dommages-intérêts.
Par jugement en date du 12 juillet 2007 le conseil de prud'hommes de NANTES, présidé par le juge départiteur a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a alloué à Madame Y... des dommages-intérêts à hauteur de 32 000 € ainsi qu'une somme de 2 000 € en raison des circonstances de la rupture.
La société CLAIRE
X...
venant aux droits de la société CJ BRIAND ATLANTIQUE a interjeté appel de ce jugement.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES :
La société CLAIRE
X...
conclut à l'infirmation de la décision déférée, au rejet de l'intégralité des prétentions de la salariée et sollicite une indemnité de 3 500 € sur le fondement de l'article 700.
Elle fait valoir :
- qu'en 2001 la société CJ BRIAND ATLANTIQUE a racheté son concurrent direct, la société EMAC mais a dû faire faire un dépôt de bilan de celle-ci et assumer son passif.
- qu'en 2004 compte tenu des difficultés structurelles et conjoncturelles elle a été cédée à la société CLAIRE
X...
qui a du rembourser les apports en compte courant effectués par les anciens dirigeants, les époux A..., poursuivre le paiement de la dette EMAC et disposer d'un fonds de roulement nécessaire à son exploitation.
- que le regroupement des compétences et la concentration des moyens se sont avérés nécessaires d'autant que la société LES ATELIERS DE CLAIRE X... possédait un outil informatique particulièrement performant et assurant la totalité de la comptabilité.
- que c'est ainsi qu'une réorganisation a été mise en place et que le poste de Madame Y... qui ne maîtrisait pas l'informatique a été supprimé.
- que les difficultés économiques sont établies, le chiffre d'affaires ayant chuté de 30 % de 2003 à 2005 et l'entreprise n'ayant aucune trésorerie propre.
- que le commissaire aux comptes avait d'ailleurs préconisé une restructuration pour amortir la dette sans diminuer les capacités d'investissement.
- qu'elle a effectué des démarches pour tenter de reclasser Madame Y... mais que le rachat par la Holding de la société CJ BRIAND ATLANTIQUE a provoqué un doublage de poste dont celui de Madame Y... et qu'elle ne disposait pas de poste administratif disponible.
- que les circonstances qui ont entraîné la rupture du contrat de travail ne présentaient aucun caractère vexatoire, l'employeur ayant seulement offert à la salariée la possibilité de ne plus travailler tout en étant rémunéré et l'ayant invitée à restituer les clefs compte tenu des fonctions qu'elle occupait.
- que la mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement ne présentait aucun caractère obligatoire dès lors que Madame Y... ne pouvait prétendre au bénéfice des actions envisagées à ce titre.
Madame Y... conclut à la confirmation du jugement mais à titre incident demande que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués par le conseil de prud'hommes soit porté à la somme de 50 000 € et sollicite une somme de 2 000 € pour défaut d'information du DIF outre une indemnité supplémentaire de 3 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient :
- que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée.
- que le motif économique invoqué n'est pas établi.
- que les seuls documents comptables produits sont postérieurs au licenciement.
- que la société ne justifie pas avoir effectué des recherches pour tenter de la reclasser tant au niveau de l'entreprise elle-même que du groupe et qu'elle n'a pas respecté l'obligation à laquelle elle était tenue.
- que son licenciement est abusif et que le préjudice qu'elle a subi est important.
- qu'à partir de la fin du mois de décembre 2004 elle n'a cessé de subir des pressions et que le 9 mars 2005 l'employeur l'a priée de ne plus revenir travailler, l'obligeant à quitter du jour au lendemain le poste qu'elle occupait depuis plus de 16 ans ce qui justifie sa demande en dommages-intérêts supplémentaires.
- que la lettre de licenciement ne porte mention d'aucune disposition relative au droit individuel à la formation alors qu'elle pouvait prétendre à 18 heures de droit à la formation, ce droit étant proratisé en cas de départ en cours d'année.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.
DISCUSSION :
Sur la rupture du contrat de travail :
Considérant que Madame Francine Y... a été licenciée le 1er avril 2005 pour le motif économique suivant :
"Notre entreprise est spécialisée dans la conception et la fabrication de matériel de lavage des légumes. Hors il s'avère que les difficultés chroniques du marché depuis ces deux dernières années nous ont conduit vers une baisse significative de notre chiffre d'affaires tout en voyant les charges de l'entreprise nécessaires à son fonctionnement fortement augmenter. Ainsi, afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise voire même d'assurer sa pérennité, je me vois contraint à ce jour de procéder à sa réorganisation. Cette réorganisation implique cependant la disparition du poste que vous occupez ;
Compte tenu de ces circonstances, je suis donc amené à supprimer votre poste ...";
Considérant que cette lettre est suffisamment motivée et répond aux exigences de l'article L122.14 ;
Considérant que quel que soit le bien fondé de la réalité des difficulté économiques invoquées par la société pour justifier de la réorganisation de l'entreprise et de la nécessité de procéder par ce biais à la sauvegarde de sa compétitivité, étant précisé toutefois que la société insiste particulièrement sur les dettes contractées par les anciens dirigeants et le remboursement des apports en capital effectués par ces derniers qui obéraient fortement sa trésorerie et ses résultats alors que le rachat du CJ A... ATLANTIQUE par CLAIRE X... est intervenue en juin 2004, que CLAIRE X... a réalisé cette opération en pleine connaissance de cause et qu'il lui est difficile de se prévaloir de cette situation quelques mois plus tard, force est de constater :
- d'une part que l'employeur ne justifie pas des démarches qu'il a pu effectuer pour tenter de procéder au reclassement de Madame Y... au sein du groupe constitué de CLAIRE X..., des ATELIERS DE CLAIRE X..., de CJ A... ATLANTIQUE et de SIMMA ;
- d'autre part qu'au vu du registre d'entrée et de sortie du personnel de la société CLAIRE
X...
une comptable a été recrutée le 1er janvier 2005 et une secrétaire le 1er avril 2005, soit pour l'une deux mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement économique alors que le courrier du commissaire aux comptes préconisait la concentration et le regroupement de certains moyens daté du 14 octobre 2004 et pour l'autre le jour même de la notification du licenciement et ce à des postes correspondant tout à fait aux compétences et au profil de la salariée ;
Considérant qu'il s'ensuit que la société n'a pas respecté l'obligation de reclassement à laquelle elle était tenue et qui en l'espèce ne devait pas poser de difficultés ;
Que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu l'absence de cause réelle et sérieuse et ont alloué à Madame Y... des dommages-intérêts dont le montant sera toutefois porté à la somme de 37 000 € eu égard au préjudice subi par l'intéressée qui avait 16 ans 1/2 d'ancienneté, qui était âgée de 50 ans au moment de la rupture de son contrat et qui n'a retrouvé un emploi qu'en octobre 2006 avec une rémunération nettement inférieure ;
Sur les autres demandes :
Considérant que c'est également à bon droit que le conseil de prud'hommes après avoir relevé que dès l'engagement de la procédure de licenciement Madame Y... a du restituer les clés de l'entreprise et de son bureau, s'est vu retirer les dossiers du personnel et les déclarations et a fait l'objet d'une mise à l'écart et d'une mesure de défiance de la part de l'employeur, attitude vexatoire et totalement infondée, a accordé à la salariée les dommages-intérêts supplémentaires qu'elle réclamait ;
Que de la même façon le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du DIF, la salariée n'ayant pas acquis les 20 heures annuelles minimales ne pouvant bénéficier de ce droit ;
Considérant que l'équité commande d'octroyer à Madame Y... une indemnité supplémentaire de 1 600 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que la société qui succombe supportera ses propres frais irrépétibles et les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris ;
Mais l'émendant sur le montant des dommages-intérêts alloués sur le fondement de l'article L122.14.4 du code du travail ;
Condamne la société CLAIRE
X...
à verser à Madame Y... la somme de 37 000 € ;
Y additant,
Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
Condamne la société CLAIRE
X...
à verser à Madame Y... la somme de 1 600 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,