Quatrième Chambre
ARRÊT No
R. G : 06 / 07992
S. C. I. DU REPAIRE
S. N. C. FINANCIERE D'EXPLOITATION ET DE GESTION (SFEG)
S. A. R. L. RK PAIMPOL
C /
M. Patrick Clément Henri X...
S. A. R. L. DENEB
S. C. P. MICHEL Y...-HELENE Z...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 MAI 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean THIERRY, Président,
Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,
Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2008
devant Madame Françoise LE BRUN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 22 Mai 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S. C. I. DU REPAIRE représentée par Me Frédéric TORELLI, es qualité d'administrateur provisoire
28 Quai Morand
22500 PAIMPOL
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de la SELARL SEMIR GHARBI, avocats
S. N. C. FINANCIERE D'EXPLOITATION ET DE GESTION (SFEG)
représentée par Me FrédéricTORELLI es qualité d'administrateur provisoire
28 Quai Morand
22500 PAIMPOL
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de la SELARL SEMIR GHARBI, avocats
S. A. R. L. RK PAIMPOL représenté par Me Frédéric TORELLI es qualité d'administrateur provisoire
Route de Tresques
30200 BAGNOLS SUR CEZE
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de la SELARL SEMIR GHARBI, avocats
INTIMÉS :
Monsieur Patrick Clément Henri X...
Mat Clauzeaux Chemin du Marais
13550 PALUD DES NOVES
représenté par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assisté de Me Jean Pierre C..., avocat
S. A. R. L. DENEB
Petite Route d'Arles
521 Quartier Les Délices
13150 TARASCON
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me Jean Pierre C..., avocat
S. C. P. MICHEL Y...-HELENE Z...
Boulevard Lacombe
BP 85
30200 BAGNOLS SUR CEZE
représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SCP COULOMB-CHIARINI, avocats
I-Exposé du litige :
Selon acte passé le 31 octobre 2003, devant Maître Y..., Notaire à Bagnols-sur-Cèze, la S. C. I. Du Repaire et la SNC SFEG, représentées par leur gérant, Monsieur Jean Broc, ont vendu à Monsieur F... un immeuble à usage d'hôtel-restaurant, situé à Paimpol et dénommé " Le repaire de Kerroc'h ", pour le prix global de 350. 600 €, la signature de l'acte authentique état prévue au plus tard le 30 novembre 2003, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives.
Dans les mêmes conditions, la S. A. R. L. RK Paimpol, représentée par Monsieur Jean Broc, a vendu le fonds de commerce de l'hôtel-restaurant à la S. A. R. L. DENEB, représentée par Monsieur F..., pour le prix de 110. 000 €.
Le même jour, Monsieur D...a fait parvenir à Maître Y...une offre d'achat de ces biens, sans condition suspensive, pour un prix global de 762. 000 €.
Le 12 novembre 2003, le conseil de Monsieur Jean Broc a fait savoir à Monsieur F... et à l'étude notariale qu'il ne procéderait pas à la réitération des actes authentiques, en indiquant que Monsieur Jean Broc n'était pas en pleine possession de ses facultés lors de la signature des actes passés le 31 octobre 2003, pour un prix qui lésait ses intérêts.
Par actes des 18 et 19 décembre 2003, la S. C. I. Du Repaire, la SNC SFEG et la S. A. R. L. RK Paimpol ont assigné Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB ainsi que la SCP Y...et Z..., pour obtenir la nullité des ventes, en arguant essentiellement d'un vice du consentement de Monsieur Jean Broc et d'un défaut de pouvoir de ce dernier sans l'accord préalable des associés. Les demandeurs ont réclamé des dommages-intérêts aux acquéreurs et la garantie du notaire pour toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre.
Par acte du 23 décembre 2003, Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB ont assigné la S. C. I. Du Repaire et la société SFEG aux fins de réitération forcée des ventes litigieuses, en réclamant des dommages-intérêts. Les procédures ont été jointes.
Selon acte sous seing privé en date 14 janvier 2004, Monsieur Jean Broc, ès qualités de gérant de la S. A. R. L. RK Paimpol, a donné le fonds de commerce en location-gérance à Monsieur D..., pour une durée de deux ans, renouvelable, prenant fin au dénouement de la procédure judiciaire. Par ailleurs, par acte sous seing privé signé les 17 et 19 janvier 2004, les SNC SFEG et S. C. I. Du Repaire ont vendu sous conditions suspensives à Monsieur D..., les murs et le fonds de commerce, moyennant les prix de 331. 000 € et 331. 000 € pour les premiers et 100. 000 € pour le second.
Monsieur Jean Broc est décédé le 1er juin 2004 à Bagnols sur Cèze. Maître Torelli a été désigné comme administrateur provisoire des sociétés concernées par la présente affaire, aux termes de trois ordonnances de référé rendues les 8 septembre 2004 et 17 novembre 2004 par le tribunal de commerce de Nîmes, puis le 10 mars 2005 par le tribunal de grande instance de Saint Brieuc.
Par jugement du 10 octobre 2006, le tribunal de grande instance de Saint Brieuc a notamment :
- Débouté la S. C. I. Du Repaire, la société SFEG et la société RK Paimpol de toutes leurs demandes ;
- Les a condamnées à se présenter dans le délai de un mois à compter de la date la date de la signification de la présente décision en l'étude de la société Y...et Z...ou en l'étude de tout autre office ministériel qui serait choisi d'un commun accord entre les parties, aux fins de signature des actes authentiques réitérant les conventions passées par actes sous seing privé du 31 octobre 2003 ;
- Dit qu'à défaut le présent jugement vaudra vente :
- Par la S. C. I. Du Repaire à Monsieur Patrick F..., d'une parcelle cadastrée AD 207, bâtie d'un immeuble à usage commercial, pour une contenance d'un are quatre vingt trois centiares, pour le prix de 175. 300 € ;
- Et par la SNC SFEG à Monsieur Patrick F..., d'une parcelle cadastrée AD 206, bâtie d'un immeuble à usage commercial, pour une contenance d'un are quatre vingt onze centiares, pour le prix de 175. 300 € ;
- Et par la S. A. R. L. RK Paimpol à la S. A. R. L. DENEB, d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant exploité dans un immeuble sis ..., connu sous le nom commercial de " Repaire de Kerroch ", pour le prix de 110. 000 € ;
- Condamné en outre solidairement la S. C. I. Du Repaire, la société SFEG et la société RK Paimpol à payer à Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB les sommes de 8. 000 € à titre de dommages-intérêts et 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire
-Condamné les mêmes à payer à la société Y...et Z...une somme de 800 € ai titre des frais irrépétibles ;
- Condamné les mêmes aux dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La S. C. I. Du Repaire, la Société Financière d'Exploitation et de Gestion (SFEG) et la S. A. R. L. RK Paimpol ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2006.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées :
- le 4 juin 2007, pour la SCP Michel Durand-Hélène Z...;
- le 31 janvier 2008, pour Monsieur Patrick F... et la S. A. R. L. DENEB ;
- le 8 février 2008, pour la S. C. I. Du Repaire, la Société Financière d'Exploitation et de Gestion (SFEG) et la S. A. R. L. RK Paimpol.
***
II-Motifs :
Les appelants prétendent à la nullité des compromis de vente passés le 31 octobre 2003, au motif que Monsieur Jean Broc aurait consenti sous la pression de Monsieur F... et du notaire, à la cession précipitée des murs et du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant " Le repaire de Kerroc'h ", pour un montant global de 460. 600 €, malgré les avertissements de Madame E...adressés notamment au notaire pour signaler l'existence d'une meilleure offre, sans condition suspensive, provenant de Monsieur D..., pour un montant global de 762. 000 € et sans prendre le temps de formaliser l'accord, en principe obligatoire, des associés des sociétés concernées. Ils arguent d'une violence morale et d'une tromperie sur la valeur des biens, imputables à Monsieur F... et de nature à vicier le consentement de Monsieur Broc, lequel était affaibli par l'âge et n'avait pas ses pleines capacités de réflexion pour pouvoir résister seul face aux pressions et manoeuvres exercées en abusant des liens d'amitié et de confiance qui unissaient les parties, ainsi que d'une dépendance financière provenant de facilités de caisse de 73. 777, 98 € et d'un prêt de 150. 000 € accordés peu auparavant par Monsieur F... mais dont la révocation a été poursuivie dès l'émergence du contentieux.
Les appelants arguent d'une procuration générale qui a été donnée le 17 octobre 2003, par Monsieur Jean Broc à sa fille Madame Danielle G...épouse E..., selon un acte rédigé en l'étude de Maître Y..., cette procuration étant motivée par l'âge de Monsieur Broc et ses difficultés à gérer ses affaires.
Ils font valoir des éléments nouveaux devant la cour, s'agissant d'un courrier établi le 22 juin 2006, par le docteur H..., neurologue à Ajaccio, attestant avoir été consulté en fin d'année 2003 par Monsieur Broc qui présentait, selon lui, les signes d'une " atteinte organique de type maladie d'Alzheimer ". Ils produisent également l'attestation établie le 9 juillet 2006 par le docteur I..., mentionnant des troubles de mémoire constatés en 2003 chez Monsieur Broc qui était moralement très affaibli et dont la capacité de jugement était selon lui altérée, du fait d'un esprit " préoccupé inhabituellement par les soucis encourus dans ses affaires et notamment à cause de la vente de son hôtel dont il parlait souvent ".
Ils produisent enfin le rapport d'une expertise médicale qui a été réalisée par le docteur J..., le 12 mars 2007, dans le cadre d'une information ouverte auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nîmes, saisi du chef de non assistance à personne en péril, violences et extorsion sur personne vulnérable. Ce rapport porte en conclusions des observations sur une " situation de grande vulnérabilité générée par une maladie cérébrale dégénérative de type Alzheimer ", à partir de l'été 2003.
Les appelants revendiquent l'indemnisation d'un préjudice de 25. 000 €, causé par le comportement frauduleux des acquéreurs, ainsi que d'un préjudice de 10. 000 € causé par les manquements du notaire à ses obligations d'information et de conseil, en ce qu'il n'aurait pas tenu compte de l'état de faiblesse et de la dépendance de Monsieur Broc, malgré les alertes de sa fille dont il avait rédigé la procuration générale quelques jours auparavant. Ils demandent à titre subsidiaire, la condamnation du notaire à leur payer la différence entre le prix de la vente qui serait confirmée et la valeur réelle des biens.
Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB font valoir que Monsieur Broc était un homme d'affaires avisé, à la tête de nombreuses affaires et en pleine possession de ses capacités mentales lors de la signature des actes contestés, comme pour la signature des nombreux actes passés par lui antérieurement et ultérieurement, s'agissant par exemple de la modification de son testament le 17 juillet 2003, puis de la procuration donnée à sa fille le 17 octobre 2003, et encore d'un autre compromis de vente signé le 17 janvier 2004 ou du contrat de location-gérance signé le 14 janvier 2004. Ils arguent au contraire d'une lucidité certaine pour avoir établi la procuration au bénéfice de sa fille, aux fins de l'aider et non le remplacer dans la gestion de ses affaires. Ils contestent tout artifice ou fraude ou tromperie, pour acquérir à vil prix des biens que Monsieur Broc avait décidé de vendre à un prix qu'il estimait conforme à l'état de l'immeuble et du fonds de commerce, à l'époque déficitaire. Ils argumentent sur la qualité de Monsieur Broc, agissant en tant que gérant des sociétés concernées dont il était quasiment le seul associé, n'ayant pas de ce fait besoin d'une délibération l'autorisant à céder les biens, cette carence n'étant pas en tout état de cause opposable aux tiers.
Ils s'opposent à la production du rapport d'expertise du docteur J..., en dehors du dossier contentieux de la succession de Monsieur Broc pour lequel sa communication a été autorisée, en application de l'article 114 du code de procédure pénale. Ils arguent, à défaut, des constatations limitées de ce rapport, sur le conflit conjugal qui opposait Monsieur Broc à son épouse, tandis qu'il manifestait les symptômes d'une pathologie de type Alzheimer, sans pour autant présenter les signes d'une décompensation des éléments organiques du cerveau.
Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB revendiquent la confirmation de la réitération forcée des ventes litigieuses dont les conditions suspensives ont été remplies et rétroagissent à la date du 31 octobre 2003. Ils demandent la réformation du jugement déféré sur l'évaluation de leur préjudice qu'ils chiffrent à 615. 582, 26 €, pour avoir perdu le bénéfice de subventions d'un montant de 514. 085, 18 €, sur la base d'études et de travaux déjà engagés pour la rénovation de l'immeuble, pour un montant de 101. 497, 08 €. Ils arguent de facilités de caisse qui n'étaient plus d'actualité dans les jours suivant la signature des compromis litigieux, du fait du contentieux engagé par Monsieur Broc, auquel il a été également réclamé pour la fin novembre 2003, le remboursement d'un prêt qui aurait été consenti au début du mois d'octobre 2003, soit peu avant les transactions litigieuses, par la remise d'un chèque de 150. 000 €.
Les intimés arguent, en dernier lieu, d'une promesse de porte fort de la part de Monsieur Broc, pour ses héritiers en faveur des acquéreurs, ces derniers pouvant réclamer des dommages-intérêts si les tiers et en l'espèce les héritiers ne respectent pas l'engagement du défunt, en l'espèce de ratifier la vente.
La SCP Durand-Marchi Y...fait valoir l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts présentée par les appelants pour la première fois en cause d'appel, alors qu'elle a été assignée en première instance aux fins de lui voir opposer la demande de nullité des ventes passées en son étude et qu'il a été seulement réclamé contre elle la garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre les demandeurs. Elle argumente, à toutes fins utiles, sur l'absence de préjudice des appelants s'ils obtiennent la nullité des actes litigieux, et au cas contraire, sur l'absence de faute pouvant être relevée à son encontre, faute de démontrer une faiblesse des facultés mentales de Monsieur Broc.
Sur la procédure :
En cours de délibéré, la cour a été destinataire d'un jugement rendu le 31 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Nîmes, statuant sur l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur Jean Broc. Cette décision est sans rapport avec le présent litige et n'a pas été expressément sollicitée à l'audience du 11 mars 2008. Elle n'est pas acquise aux débats.
La communication du rapport d'expertise du docteur J...a été autorisée par le juge d'instruction, dans le cadre de la procédure civile relative à la succession de Monsieur Jean Broc, puis dans le cadre de la présente affaire où elle est retenue à titre de renseignement.
Sur le fond :
Sur la vente :
L'article 1109 du code civil dispose qu'" il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par le dol ". Les articles 1111 et 1112 précisent que la violence est une cause de nullité du contrat si elle a été exercée contre celui qui a contracté, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, eu égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes. S'agissant du dol, il est cause de nullité d'une convention, selon l'article 1116 du code civil, " lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres frauduleuses, l'autre partie n'aurait pas contracté ".
Il est constant que Monsieur Broc a eu une carrière d'hommes d'affaires avisé, dans le domaine de la grande distribution. Il se trouvait à l'époque des transactions litigieuses, à la tête d'un patrimoine important, comprenant notamment des participations majoritaires dans les sociétés concernées. Le courrier adressé à sa fille et la procuration générale qu'il a fait établir en sa faveur, dénotent une certaine lassitude, notamment du fait de l'âge, ainsi que la volonté de se faire épauler dans la gestion de ses affaires, mais sans pour autant renoncer à ses prérogatives qu'il a d'ailleurs continué à exercer pour l'établissement d'autres actes dans les mois suivants.
Les écrits et les actes passés entre les mois de juillet 2003 et janvier 2004, sous seing privé ou devant notaire, établissent la volonté de Monsieur Broc de mettre un certain ordre dans ses affaires, en y associant sa fille à compter de l'automne 2003. La pluralité de ces actes établissent une lucidité certaine face à un contexte familial difficile, générant une fragilité psychologique qui ressort des documents médicaux, à compter de l'été 2003, mais sans nécessiter une mesure générale de protection.
Au cous d'un séjour de villégiature, dans un document établi à Porticcio, le 16 septembre 2003, Monsieur Jean Broc certifie et atteste, en tant qu'associé et gérant des sociétés " RK Paimpol ", " SFEG " et " S. C. I. Du Repaire ", de leur engagement à cession dans les conditions qui ont été reprises dans les actes de ventes désormais litigieux.
Les pressions qui auraient été exercées par Monsieur F... ne résultent pas suffisamment d'un témoignage du comptable attestant d'un coup de téléphone passé en secret par Monsieur Broc, le 13 octobre 2003, alors que l'intéressé a fait établir dans les jours suivants une procuration générale au bénéfice de sa fille, dans la même étude notariale, Madame E...étant avisée de la transaction mais n'y étant pas associée par son père, dont il n'est pas établi une présence forcée dans l'étude de Maître Y....
Dans sa lettre de rétractation, le 3 novembre 2003, Monsieur Broc écrit à Maître Michel Y...: " J'ai signé en votre présence le vendredi 31 octobre 2003, des documents concernant la vente du " Repaire de Kerroc'h " à Paimpol, sans avoir compris vraiment que vous aviez en main une offre suffisamment sérieuse, pour que cette signature soit différée. Veuillez noter que, par le présent courrier, je me rétracte de tout engagement concernant cette vente, et que je demande à ma fille Danielle, de prendre contact avec Monsieur D...et Patrick F... afin de finaliser avec l'un ou l'autre, au mieux de mes intérêts ".
Cette lettre ne fait état d'aucune pression ou précipitation. Elle ne manifeste pas de défiance à l'égard de Monsieur F... avec lequel Monsieur Broc avait établi des liens d'amitié et financiers qui l'ont amené à contracter dans des conditions ultérieurement remises en cause par sa fille, mais dont elle avait eu le temps de l'informer sans pour autant le convaincre de différer les transactions auxquelles il a donné un consentement qui n'est pas entaché de violence ou de dol.
Monsieur Broc n'a pas recueilli, dans les formes, l'assentiment préalable des associés des sociétés concernées. Mais cette irrégularité a été justement retenue comme inopposable aux tiers, étant observé que Monsieur Broc détenait directement ou par représentation, la quasi totalité des parts.
Pour ces motifs et ceux non contraires du jugement déféré il convient de le confirmer en ce qu'il a retenu la validité des compromis signés le 31 octobre 2003 et le refus injustifié de Monsieur Broc de régulariser les actes authentiques dont il a ordonné la signature dans un délai raisonnable et à défaut la vente judiciairement constatée dans le jugement.
Sur les dommages-intérêts :
Les parties appelantes qui succombent ont été justement déboutées de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur F... et de la S. A. R. L. DENEB qui reprennent devant la cour la demande d'indemnisation de leur préjudice à la hauteur des dépenses engagées pour le projet de rénovation de l'hôtel-restaurant, soit la somme de 101. 497, 08 €, augmentée de la perte de subventions escomptées pour le financement de l'opération, pour un montant de 514. 085, 18 €.
Les frais engagés pour les études architecturale et financière ont été justement retenus comme bénéficiant toujours à Monsieur F... et à la S. A. R. L. DENEB pour la poursuite de leur projet de rénovation, étant observé qu'un permis de construire a été délivré le 27 janvier 2005.
Un dossier a été constitué en 2003, pour l'obtention de subventions auprès de diverses administrations (Etat, Région, Département et Europe), pour un montant global allégué de 514. 085, 18 €. Les appelants ont certes avisé le service compétent du contentieux en cours, comme étant de nature à suspendre le cours des demandes présentées par Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB. Mais il n'est pas justifié du principe acquis des subventions dont le dossier a dû être clôturé à défaut de réalisation effective du projet. Un nouveau dossier pourra cependant être établi et de nouvelles subventions pourront être sollicitées pour un montant qui n'est pas précisé, qui aurait été de nature à établir une diminution du financement escompté.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 8. 000 € l'indemnisation du préjudice subi par Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB, comme étant constitué du retard dans la réalisation de leur projet.
Sur les demandes envers la SCP Y...et Z...:
Les appelants ont formé en première instance, à l'encontre de la SCP Y...et Z..., une demande en garantie des condamnations pouvant être prononcée contre elles.
Cette demande a été rejetée et elle n'est pas reprise devant la cour qui est saisie par contre d'une demande de dommages-intérêts, à titre principal, pour un montant de 2 X 10. 000 €, en cas de nullité prononcée des actes de vente, et à titre subsidiaire, pour un montant de 2 X 156. 000 €, correspondant à un manque à gagner sur la vente des biens litigieux.
La SCP Y...et Z...fait valoir à juste titre que ces demandes sont nouvelles en cause d'appel. Elles doivent être rejetées.
Sur les frais et dépens :
Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les frais et dépens.
La S. C. I. Du Repaire, la Société Financière d'Exploitation et de Gestion (SFEG) et la S. A. R. L. RK Paimpol qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB et à la SCP Y...et Z..., chacun la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par ces motifs :
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne la S. C. I. Du Repaire, la Société Financière d'Exploitation et de Gestion (SFEG) et la S. A. R. L. RK Paimpol à payer à Monsieur F... et la S. A. R. L. DENEB, ainsi qu'à la SCP Y...et Z..., chacun la somme de 1. 500 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne La S. C. I. Du Repaire, la Société Financière d'Exploitation et de Gestion (SFEG) et la S. A. R. L. RK Paimpol aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier, P / Le Président empêché,
F. LE BRUN