La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2008 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0032, 26 mars 2008,


Septième Chambre
ARRÊT No
R. G : 06 / 07234

S. A. R. L. MANUFACTURE FRANCAISE DES CHAUSSURES ERAM

C /
S. C. I. DE LA GRANDE PLACE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 MARS 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseille

r,

GREFFIER :
Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Janvier 2008 dev...

Septième Chambre
ARRÊT No
R. G : 06 / 07234

S. A. R. L. MANUFACTURE FRANCAISE DES CHAUSSURES ERAM

C /
S. C. I. DE LA GRANDE PLACE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 MARS 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :
Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Janvier 2008 devant Monsieur Patrick GARREC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, à l'audience publique du 26 Mars 2008, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S. A. R. L. MANUFACTURE FRANCAISE DES CHAUSSURES ERAM... 49110 ST PIERRE MONTLIMART

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués assistée de la SCP GUYOT ET ASSOCIES, avocats

INTIMÉE :

S. C. I. DE LA GRANDE PLACE ... 44190 GETIGNE

représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués assistée de Me François-Marie IORIO, avocat

**************

I-CADRE DU LITIGE

A-OBJET
Le 1er Juin 1985, la SCI de la GRANDE PLACE a donné à bail à titre commercial à la Société MANUFACTURE FRANÇAISE DES CHAUSSURES ERAM (Société MFC ERAM) divers locaux situés à la GUERCHE DE BRETAGNE, ..., l'autorisant à faire exécuter des travaux affectant la façade du point de vente, et la distribution des surfaces intérieures.
Dix ans plus tard, la Société MFC ERAM a cédé son fonds de commerce de chaussures et articles chaussants aux époux Z... suivant acte notarié du 11 Septembre 1995.
Courant février 2001, les époux Z... ont inopinément découvert, sur l'avis d'une entreprise appelée à intervenir dans la cave de l'immeuble sur le réseau d'assainissement, que la poutraison et les structures en bois aspectées sur ce volume très humide et à l'atmosphère confinée, plongé dans le noir permanent, étaient très gravement affectées par une attaque de mérule.
Ayant avisé immédiatement la SCI de la GRANDE PLACE de cette situation qui a perduré deux ans sans qu'intervienne la moindre amorce d'une solution, les époux Z... ont, en raison d'autres difficultés liées à des désordres affectant le clos ou le couvert de l'immeuble, provoqué en référé la désignation d'un architecte expert afin que soit vérifiée l'existence des désordres dont ils faisaient état et soient recherchées les solutions techniques propres à leur porter remède.
Désignée par ordonnance du Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de RENNES en date du 21 Janvier 2004, Madame Marie Françoise A..., Architecte, expert judiciaire, a déposé son rapport le 22 décembre 2005, rapport rendu au contradictoire de la Société MFC ERAM, attraite aux opérations d'expertise par ordonnance du 18 Août 2004 sur la demande de la SCI de la GRANDE PLACE dans la mesure où, dès son premier accédit, l'expert avait fait connaître que le développement de la mérule était très vraisemblablement lié à la modification de l'environnement de la cave engendrée par les travaux effectués par le premier locataire en 1985.
Sur ce, les époux Z... ont porté l'affaire au fond par assignation à jour fixe et, sur la demande dirigée exclusivement contre elle, la SCI de la GRANDE PLACE a attrait en garantie la Société MFC ERAM sollicitant, aux termes de ses ultimes écritures déposées devant le Tribunal le 22 Août 2006, la condamnation de cette dernière, à titre subsidiaire, " à la garantir à concurrence de toutes les sommes que la concluante devra dépenser, tant pour la remise en état du plancher haut du sous-sol de ses locaux, que pour tout préjudice immatériel actuellement et ultérieurement réclamé, que ce préjudice soit définitivement liquidé ou provisoirement apprécié par voie de provision ".
Le Tribunal ayant statué au fond par un jugement du 16 Octobre 2006 qui a fait droit aux demandes des époux Z... visant à la remise en état du plancher haut de la cave et à la demande de garantie dirigée par la SCI de la GRANDE PLACE, condamnée à leur profit, contre la Société MFC ERAM, le litige porté devant la Cour, limité à cette dernière disposition par la Société MFC ERAM qui n'a pas intimé les époux Z..., tient au fait, réfuté à tous égards par la SCI de la GRANDE PLACE qui n'a pas elle-même reporté l'appel en mettant en cause les époux Z..., que l'appelante soutient successivement :
-que le droit à agir de la SCI de la GRANDE PLACE à son encontre sur le fondement du contrat de bail initial, bail cédé en 1995, serait actuellement inexistant en raison de l'extinction du rapport contractuel (article 32 du CPC).
-que, fondée subsidiairement sur les principes de la responsabilité délictuelle, (articles 1382,1384 § 1 ou 1384 § 5 du Code Civil) l'action ne peut prospérer car il n'est pas démontré qu'elle a commis, en tant que locataire, maître d'ouvrage en 1985, une faute en lien de causalité avec le développement de la mérule, car elle ne peut se voir attribuer la qualité de commettant des entreprises qui sont intervenues dans le cadre de contrats d'entreprise, ni celle de gardien de travaux ou ouvrages qu'elle n'a pas elle-même réalisés.
-que, initialement, n'ayant pas mis en oeuvre les travaux prescrits par l'expert judiciaire, la SCI de la GRANDE PLACE n'avait pas intérêt à agir faute de pouvoir, au surplus, justifier d'une créance certaine liquide et exigible, ce qui devait conduire le Tribunal soit à lui demander de chiffrer sa demande, soit à la débouter de sa prétention à être garantie d'une condamnation en nature, demande irrecevable en elle-même.

-qu'ayant actuellement exécuté les travaux et formulant une demande de condamnation d'un montant chiffré, elle se heurte, en tout état de cause, d'une part à la prescription de son action au regard de la date d'exécution des travaux (1985) rapportée à la date de la poursuite en justice (2003), rapprochée des dispositions de l'article L 110-4 du Code de commerce, indiscutablement opposable au regard de l'objet de celle-ci et de son contexte, d'autre part, à la fin de non recevoir tirée de l'article 564 du Code de Procédure Civile, la demande actuellement chiffrée (50 647,46 €) étant nouvelle par rapport à la demande de garantie de la condamnation en nature initialement requise..
-qu'au fond, et en tout état de cause, il est manifeste que la SCI de la GRANDE PLACE a, par son inertie entre 2001 et 2003, contribué à l'aggravation des désordres et, par conséquent, à l'aggravation du coût des remèdes en sorte que, omettant de tenir compte des conclusions de l'expert judiciaire qui tenait la bailleresse pour obligée à hauteur de 15 à 20 % du coût de la remise en état, le jugement ne peut qu'être réformé, une contribution de moitié s'imposant, et subsidiairement, une contribution de 20 % au minimum.
-qu'enfin, la facture des travaux, tardivement présentée à la veille de la clôture de la procédure, dépasse largement l'évaluation de l'expert judiciaire, intègre des travaux, voire des interventions qui n'avaient pas été jugés nécessaires, et est fondée sur des propositions d'entreprises qui ne sont pas celles consultées par l'expert judiciaire en sorte qu'elle est fondée à conclure au rejet de cette base d'évaluation.
B-DECISION DISCUTEE
Jugement du Tribunal de Grande Instance de RENNES en date du 16 Octobre 2006 qui, entre d'autres dispositions non frappées d'appel, a, sur la poursuite de la SCI de la GRANDE PLACE dirigée contre la Société MFC ERAM :-rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de droit d'agir opposé à la SCI de la GRANDE PLACE,-rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie.-condamné la Société MFC ERAM à garantir la SCI de la GRANDE PLACE des sommes dépensées pour la remise en état du plancher haut du sous-sol des locaux.-condamné la Société MFC ERAM à payer à la SCI de la GRANDE PLACE 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.-condamné la SCI de la GRANDE PLACE et la Société MFC ERAM aux dépens comprenant les frais de référé et les frais d'expertise.-ordonné l'exécution provisoire de la décision.

C-MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La Société MFC ERAM a relevé appel du jugement par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 7 Novembre 2006.
Elle a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 9 Janvier 2008, ses ultimes conclusions accompagnées d'un bordereau récapitulatif de pièces communiquées visant 2 documents.
La SCI de la GRANDE PLACE a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 16 Janvier 2008, ses ultimes conclusions d'intimée accompagnées d'un bordereau récapitulatif visant 45 documents et d'un bordereau de communication de pièces évoquant ces mêmes 45 documents.
II-MOTIFS DE LA DECISION
A-Sur le droit d'agir
L'appelante ne donne au moyen qu'elle soutient aucun fondement légal particulier et, se référant à la jurisprudence émanant de la 3è chambre civile de la Cour de Cassation (9 Juillet 2003, commenté au Dalloz 2003 p 2312, au JCP no4 du 22 Janvier 2004 page 135 et au JCP entreprise et affaires no48 du 27 novembre 2003 p. 1910 no5) elle évoque une jurisprudence dénuée de portée dans le cas d'espèce : la Cour a, aux termes de cet arrêt, simplement posé pour règle et principe, raison de son écho dans la doctrine que " les cessions successives d'un bail commercial opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient débiteur envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs ".

Si l'appelante peut regretter que cette règle n'ait pas été opposée par l'intimée aux époux Z... pour faire obstacle à leurs prétentions, il ne saurait en être déduit, ce qui ne ressort pas des termes de l'arrêt, que la faculté concédée au bailleur d'exercer un recours contre tout cessionnaire en raison de fautes commises par le preneur initial des locaux, premier cédant du bail, a pour corollaire obligé que le bailleur ne peut plus exercer un recours direct contre ce dernier, notamment parce que la cession du bail aurait éteint les obligations nées du temps de son occupation.
L'appelante ne soumettant pas à un débat contradictoire le postulat fondé sur un arrêt de la Cour de Cassation, non dénoncé en ses références de publication, suivant lequel " en raison de la cession du bail, le cédant se trouve libéré de ses obligations à l'égard du bailleur ", il n'y a pas lieu d'attribuer à cette pétition de principe valeur de règle dirimante.
Dans la mesure où, ce faisant, elle amène cependant le Juge à rechercher quel fondement ou raisonnement utile pourraient être mis en oeuvre pour donner crédit au moyen qu'elle oppose, force est de remarquer que, au delà de la loi, silencieuse, de la jurisprudence, non déterminante, qu'elle signale incidemment sans donner aucune référence de publication et sans permettre l'expression d'un débat réellement contradictoire., il ne subsiste qu'une seule source possible de la règle : le contrat de bail lui-même qui a pu comporter des clauses particulières à cet égard.
Or, la clause de solidarité insérée en page 8 du bail commercial signé le 1er Juin 1985 (Article 13 Cession et sous-location) dispose en substance, de convention expresse entre les parties au présent procès, que, en toutes circonstances, et alors même que le cessionnaire se serait obligé à l'égard du bailleur, selon l'engagement que le cédant devait faire respecter, ledit cédant, autrement dénommée " preneur " resterait exposé aux poursuites dudit bailleur " sans discussion préalable du ou des cessionnaires ou sous-locataire " : dans la mesure où l'appelante reste contractuellement garant solidaire de la façon dont les cessionnaires ont respecté les clauses du bail, il serait paradoxal, voire contradictoire, d'en déduire qu'elle n'est pas restée le garant de ses propres fautes personnelles et il s'en déduit que le postulat qu'elle exprime à cet égard, contredit par la teneur des clauses contractuelles, ne suffit pas à fonder le moyen qu'elle oppose, tiré de l'article 32 du Code de Procédure Civile.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il écarte ce moyen et donne au recours exercé par l'intimée un caractère nécessairement contractuel, ce qui prive d'objet le subsidiaire exprimé par celle-ci, tiré de la mise en oeuvre des articles 1382 et 1384 du Code Civil, et d'intérêt la question de savoir si elle objecte un moyen recevable de ce chef au regard de la règle posée du non-cumul de la responsabilité contractuelle et quasi délictuelle.
B-Sur le défaut d'intérêt à agir
Il est de jurisprudence constante qu'une demande en justice non chiffrée n'est pas de ce seul fait irrecevable.
Par ailleurs, la demande de l'intimée s'inscrivant dans le cadre légal défini par les articles 331 et suivants du Code de Procédure Civile, l'intérêt à agir de la SCI de la GRANDE PLACE est d'autant moins contestable,
o qu'elle est directement, et seule, poursuivie du fait d'agissements imputables à l'appelante remontant aux travaux par elle mis en oeuvre en 1985.
o qu'il est bien évident que si elle devait attendre d'être condamnée pour agir s'ensuivrait une succession de procédures propres à engendrer des difficultés de recouvrement de sa créance après exécution des travaux à l'insu du débiteur appelé tardivement en garantie.
Enfin, la circonstance que le droit à garantie est sollicité en son principe, ce qui fait au créancier obligation d'exécuter les travaux avant que de poursuivre une action en recouvrement de sa créance devenue de ce seul fait exécutoire, ne contredit pas le postulat posé par l'appelante de l'impossibilité d'être garanti au titre d'une condamnation en nature.
Or, ainsi que le démontre l'extrait des conclusions déposées au greffe du tribunal le 22 Août 2006 dont la teneur est rapportée au paragraphe I A du présent arrêt, la SCI de la GRANDE PLACE n'a pas demandé le bénéfice de la garantie d'une condamnation portée contre elle en nature, mais le bénéfice d'une garantie de la dépense, alors non liquidée, qu'elle était susceptible de devoir exposer.

Dans cette limite et dans la mesure où l'évaluation de l'expert judiciaire comportait des données de chiffrages reconnues " provisoires " par ce dernier, il ne saurait être considéré que le principe de garantie intégrale consacré par le Premier Juge fait échec à la règle de droit et, d'ailleurs, l'appelante n'en subit aucun grief puisqu'elle discute au fond de l'étendue de la garantie tant dans la perspective d'une répartition des responsabilités que dans la perspective de voir limiter le montant de la créance à due concurrence des seules évaluations expertales.

C-Sur l'exception de demande nouvelle
Telle qu'énoncée dans les conclusions signifiées le 18 Août 2006 et déposées au greffe du Tribunal le 22 Août 2006, la demande satisfaisait, à la mesure des éléments d'information alors disponibles, soit le contenu du chiffrage incertain et incomplet de l'expert judiciaire, aux exigences des articles 331 et 4 du Code de Procédure Civile.
Ayant exécuté la condamnation dans l'intervalle au bénéfice des époux Z..., la SCI de la GRANDE PLACE est en droit de chiffrer sa créance, devenue exécutoire, et l'appelante lui oppose vainement, à ce titre comme au titre de la demande de garantie visant les dépens de la procédure auxquels les deux parties à l'actuel litige ont été condamnées in solidum, que ces prétentions sont irrecevables comme nouvelles au sens de l'article 564 du Code de Procédure Civile.
La première demande n'est manifestement pas nouvelle puisqu'elle a été exprimée le 18 Août 2006, le chiffrage de l'obligation s'inscrivant dans le droit fil des exigences de l'article 4 du Code de Procédure Civile, au principal, de l'appelante elle-même, accessoirement : en tout état de cause, sous cet angle, elle a vocation à expliciter, au sens de l'article 566 du Code de Procédure Civile, la demande initiale de garantie visant " la dépense relative à l'exécution des travaux de remise en état du plancher haut du sous-sol des locaux ".
La seconde demande relève de la même catégorie : elle est l'accessoire, le complément d'une demande de garantie formée en première instance, limitée à la dépense susvisée, et désormais étendue, par voie de conséquence, aux frais de procédure qu'engendre la poursuite ayant pour objet principal le coût des travaux de remise en état.
Le moyen d'irrecevabilité développé sur ces deux plans est donc inopérant.
D-Sur la prescription
Le jugement est confirmé étant observé que l'intimée a une vision par trop restrictive des obligations " nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants " : aucun champ d'action du commerçant n'échappe à cette définition dès lors qu'il agit ès-qualités, pour la poursuite de son activité économique et en fonction des seuls impératifs et besoins de celle-ci.
Il a d'ailleurs été jugé (Cassation 3ème chambre Civile 26 octobre 2004 Générali Assurances c / Antillaise Commercial et Industrielle AJDI 2004 p. 911) que la prescription décennale édictée par l'article L 110-4 du Code de commerce est opposable dans le contexte d'une action en responsabilité délictuelle née d'une erreur commise par une agence immobilière à l'occasion de la rédaction d'un bail commercial entre commerçants.
C'est à bon droit cependant que le Premier Juge a retenu que le moyen ne pouvait utilement être opposé à l'intimée à partir du moment où le point de départ de la prescription devait être situé en 2001, ce que les parties ne discutent plus au stade de l'appel.
E-Sur l'étendue de la garantie
L'appelante développe une argumentation désormais sans portée (Ses conclusions page 12) en ce qu'elle objecte l'impossibilité de garantir une " réparation en nature " alors que,
-d'une part, tel n'était pas l'objet premier de la demande qui visait à la garantie d'une " dépense " soit d'une somme d'argent dont le caractère indéterminé résultait simplement de l'impossibilité d'en proposer un chiffrage pertinent avant exécution des travaux, observation faite que le Premier Juge n'a pas donné suite à l'intégralité de la demande évoquant aussi un hypothétique préjudice immatériel.
-d'autre part, que la demande, telle qu'analysée aux termes paragraphe B du présent arrêt ne concrétise pas davantage une demande de garantie portant sur une réparation en nature alors que, chiffrée devant la Cour, elle tend à une condamnation à garantie par équivalent monétaire.
-enfin, que comme il a été dit précédemment, la disposition critiquée du jugement n'a, à l'évidence, en rien interdit à l'appelante de formuler ses réserves de fond sur l'étendue de la garantie revendiquée.
F-Sur le fond
Il est donné acte à l'appelante de ce qu'elle ne contredit pas fermement l'évidence, savoir que les travaux qu'elle a mis en oeuvre en 1985 ont créé un milieu obscur, non aéré, saturé en permanence d'humidité, propre à favoriser le développement de la mérule.

Ainsi que le met en évidence l'expert judiciaire sans être contredit, l'ouverture de la devanture, élément essentiel du projet architectural, a, en effet, conduit à la création d'un espace accessible aux intempéries, susceptible de baigner dans l'eau pendant de longues périodes, copieusement arrosé à l'occasion, espace qu'elle n'a pas traité cependant pour ce qu'il était devenu du fait de la conception nouvelle de la devanture, savoir une toiture terrasse surplombant désormais la cave, sans pente, non isolée, sans étanchéité, violant ainsi le DTU 43-4 de février 1985 qui venait d'être publié.

Sans épiloguer davantage sur ce point, il est fait renvoi aux énonciations de la page 7 du jugement qui résument la teneur du rapport de l'expert judiciaire (§ " Sur le bien fondé de l'appel en garantie, alinéas 2 à 6) et donnent justes motifs au principe de la condamnation à garantie prononcée.
Il est pris acte du fait que l'appelante admet aussi que la mérule est un parasite très actif lorsque les conditions de sa prolifération sont réunies : il est donc extrêmement probable, mais non absolument certain, ce qui seul peut donner crédit à la critique du jugement que formule la Sté MFC ERAM, que la mérule a envahi la cave très tôt à partir de 1985 et que le retard de deux ans apporté à son éradication n'a pas modifié sensiblement le coût des travaux, forcément radicaux, qui ont du être prescrits par l'expert judiciaire pour assurer la solidité du plancher, largement compromise à 16 ans, en 2001, des premières attaques du parasite.
Néanmoins, une très forte probabilité laisse place, forcément, à une incertitude que les données réunies par l'expert judiciaire ne permettent pas de lever puisque les parties à l'acte de cession ont omis, lors du dressé du procès-verbal de constat des lieux du 20 Septembre 1995, de signaler que la cave en terre battue était dans un état de salubrité ordinaire, soit qu'elles aient renoncé à s'aventurer dans ce secteur non pourvu d'éclairage, soit que s'étant aventurées dans ce secteur, elles n'aient rien aperçu ou rien perçu d'anormal faute d'attribuer aux filaments blancs qui caractérisent la mérule le pouvoir de nuisance que lui reconnaissent les professionnels du bâtiment.

De ces observations, il convient de retenir que l'appelante est bien évidemment la première et principale responsable du sinistre dont elle a créé les conditions objectives, matérielles, de la survenance et que l'intimée, par sa négligence fautive mais très tardive, a fait perdre une chance, si faible soit-elle, de porter remède au processus en cours dans des conditions propres à limiter l'extension des travaux à envisager dans une enveloppe financière moindre que celle qu'elle dénonce actuellement : cette perte de chance est appréciée dans ce contexte à hauteur de 10 % car la chance perdue apparaît très marginale à 16 ans de l'exécution des travaux qui ont permis le déclenchement du processus destructeur.

Le jugement est donc réformé et l'intimée est garantie à hauteur de 90 % du coût de la remise en état du plancher haut du sous-sol.

Quant au coût de cette remise en état, il convient de l'apprécier par référence aux factures acquittées par l'intimée " TTC " observation faite,-que l'estimation de l'expert judiciaire (32 000 € HT soit 38 2272 € TTC) n'est pas très éloignée du coût définitif des travaux justifié par factures : 50 647,46 €,-que cette estimation comportait des lacunes reconnues s'agissant du poste principal (GROS OEUVRE-ETANCHEITE-CARRELAGE) prestations chiffrées à 23 141,48 € TTC, du poste ETUDE BETON, non chiffré, du poste MAITRISE D'OEUVRE, non chiffré.-que l'examen des factures versées aux débats par l'intimée révèle qu'il n'y a pas de travaux d'embellissement ou propres à créer une plus-value essentielle au local.-que les estimations de l'expert judiciaire correspondent en fait au coût final pour le poste principal ci-dessus évoqué (estimation 23 141,48 € TTC, réalisation : factures CHANTEUX + JPM + LIMEUL = 22 855,73 €) pour le lot " peinture " (2 878,70 € estimé TTC,2 903,91 € réalisé) et pour le lot " ventilation " ;-que le lot " électricité " correspond, pour l'essentiel, à une prestation de montage et démontage des réseaux et installations pour réaliser les travaux principaux et au branchement d'un vide-cave dont la nécessité, dans le contexte, peut être admise comme une prestation complémentaire puisqu'elle offre une sécurité en relation avec la difficulté rencontrée en sorte que les factures GELINEAU (" Electricité ") et BEASSE (" Plomberie ") ne peuvent être dissociées et extraites du décompte, pas plus que les honoraires du maître d'oeuvre et du bureau d'études non chiffrés par l'expert ;-qu'enfin, la facture " Menuiseries BOTTIER ", certes beaucoup plus élevée que ne l'avait prévu l'expert judiciaire (7 806,29 € TTC estimé-15 548,26 € réalisé) n'a pas lieu davantage d'être exclue dès lors que le devis fondant l'estimation de l'expert réservait le surcoût lié à la " casse " des éléments vitrés de la devanture dans la mesure où la totalité des composants de celle-ci (vitres, cadres aluminium etc..) devaient être récupérés, où, dans un tel contexte comportant des aléas imprévisibles pour un résultat éventuellement insatisfaisant, il était concevable et légitime d'envisager la fabrication d'une nouvelle devanture et de ses éléments ponctuels d'étanchéité parfaitement détaillés dans la facture BOTTIER, qualité qui ne peut être attribuée au devis sommaire et en réalité " indicatif " de l'entreprise consultée par l'expert judiciaire laissant place à de nombreuses inconnues.

Etant constant par ailleurs que l'intimée a déclaré lors de la signature du bail opter pour la TVA et qu'il n'est nullement établi qu'elle serait susceptible de récupérer la TVA qui a été acquittée sur chacune des factures soumises à l'examen de la Cour, il convient de fixer la créance de la SCI de la GRANDE PLACE à l'encontre de la Sté MFC ERAM à due concurrence de 90 % de 50 647,46 € soit : 45 582,71 €.
Il en sera de même de la charge des dépens qui seront supportés par l'appelante à hauteur de 90 % des débours résultant de l'instance principale et des débours exposés au cours de la procédure d'appel.
Il convient enfin de condamner l'appelante à payer à l'intimée 3 500 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles engendrés par la procédure de première instance et par la procédure d'appel.
Perdant sur son recours, la Sté MFC ERAM ne peut qu'être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
S'agissant des modalités de la répartition des dépens d'instance, il convient d'observer,
o que l'appelante ne peut utilement discuter le principe de la condamnation in solidum prononcée contre elle et contre la SCI de la GRANDE PLACE faute d'avoir intimé les époux Z..., bénéficiaires de cette condamnation ;
o que la part de 90 % laissée ci-dessus à sa charge apparaît conforme à la logique puisque, en réalité, les trois désordres qu'elle évoque se résument à un seul désordre qui a valu à l'intimée d'être condamnée au profit des époux Z..., lequel représente une dépense quasiment symbolique (Coût de " l'amélioration " des persiennes métalliques),
o que sa discussion apparaît dans ce contexte tout à fait inopportune et déplacée eu égard à la responsabilité qui est au principal la sienne, et au coût des travaux litigieux entre les parties ;
o que le calcul arithmétique qu'elle suggère en page 15 de ses conclusions (80 % de 25 % du sinistre total, soit 1 sinistre imputable sur 4 dénoncés et examinés par l'expert = 20 %) est on ne peut plus réducteur de la réalité puisqu'il ignore que sur 4 dommages évoqués par l'expert ou par les époux Z..., deux ont été écartés par le Premier Juge (Couverture et ravalement).

III-DECISION
La Cour,
-Confirme le jugement déféré en ce qu'il en ressort le rejet des fins de non recevoir opposées par la Sté MFC ERAM tirées du défaut de droit d'agir, du défaut d'intérêt à agir, de la prescription de l'action.
-Le réformant pour le surplus et ajoutant,
-Déclare recevables la demande en paiement formulée en cause d'appel par la SCI de la GRANDE PLACE et la demande de garantie des dépens, sur le fondement de l'article 566 du Code de Procédure Civile.
-Au fond, condamne la Société MFC ERAM à garantir la SCI de la GRANDE PLACE à hauteur :
* de 90 % du coût de la remise en état des locaux situés à LA GUERCHE DE BRETAGNE,...
* de 90 % des dépens, frais d'expertise A... compris, issus du procès suivi en première instance et en appel.
-En conséquence, la condamne à payer à la SCI de la GRANDE PLACE la somme de 45 582,71 € au principal avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
-La condamne encore à payer la somme de 3 500 euros à la SCI de la GRANCE PLACE par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés au cours de l'entière procédure.
-La déboute de sa propre demande ayant le même fondement.
-La condamne aux dépens d'appel ; autorise la S. C. P. J. J. BAZILLE-S. GENICON à les recouvrer par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0032
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 26/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rennes, 22 août 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-03-26; ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award