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05/03/2008 | FRANCE | N°06/05411

France | France, Cour d'appel de Rennes, 05 mars 2008, 06/05411


Septième Chambre




ARRÊT No


R. G : 06 / 05411












Mme Christiane AA... épouse BB...



C /


M. Rodolphe Y...

S. A. ETABLISSEMENTS DIDIER Z... ENSEIGNE " IMMOBILIER
Z...
"
















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée














Copie exécutoire délivrée
le :


à :




RÉPUBLIQUE F

RANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 MARS 2008




COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,


GREFFIER :


Catherine A.....

Septième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 05411

Mme Christiane AA... épouse BB...

C /

M. Rodolphe Y...

S. A. ETABLISSEMENTS DIDIER Z... ENSEIGNE " IMMOBILIER
Z...
"

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 MARS 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine A..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2008
devant Madame Marie-Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 05 Mars 2008, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

Madame Christiane AA... épouse BB...

...

29950 BENODET

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SELARL LE PORZOU DAVID B..., avocats

INTIMÉS :

Monsieur Rodolphe Y...

...badry
29730 GUILVINEC

représenté par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués
assisté de la SCPA KERMARREC-MOALIC, avocats

------

Société Etablissement Didier Z... enseigne " IMMOBILIER
Z...
" SA
Corniche de la Plage
29940 LA FORET FOUESNANT

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me C..., avocat

******

A compter de l'année 1987 et jusqu'en 2002 les époux Le Marc puis Mme Le Marc ont donné à bail saisonnier à M. Rodolphe Y... un local à usage de poissonnerie situé à Bénodet (Finistère) .... Des baux ont été conclus tous les ans pour la période du 1er avril au 30 septembre. Ces baux précisent à la rubrique " durée " que le contrat est consenti à titre provisoire et précaire, si les conditions prescrites par l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 (devenu article L 145-5 du code de commerce) se trouvent remplies, le preneur ne pourra revendiquer les dispositions du décret pour solliciter le renouvellement des présentes, ce que le preneur reconnaît expressément. A la rubrique " destination " le bail stipule que " les parties ayant, d'un commun accord, entendu déroger aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, le preneur ne pourra, sous aucun prétexte se prévaloir des dispositions des articles 35-1 à 35-6 dudit décret pour adjoindre à l'activité ci-dessus prévue des activités connexes ou complémentaires ".

Mme Le Marc est décédée le 8 septembre 2002. L'immeuble où est exploité le commerce a été attribué à Mme Christiane Le Marc épouse Le Cain. Celle-ci a fait délivrer sommation le 16 mars 2004 à M. Y... de déguerpir et de payer la somme de 4 200 €. M. Y... a obtempéré au paiement mais a refusé de déguerpir en arguant être titulaire d'un bail commercial.

Par jugement du 13 juin 2006 le tribunal de grande instance de Quimper a constaté que M. Y... s'est maintenu dans les lieux au-delà de la saison ; qu'il y a lieu d'analyser en fait les baux successifs ayant lié les parties en baux dérogatoires d'un an ; que la clause de chaque bail précisant son caractère dérogatoire aux baux commerciaux ne peut avoir empêché M. Y... d'acquérir la propriété commerciale dès lors qu'elle ne contient aucune référence aux baux antérieurs et qu'il n'est pas établi que le preneur a renoncé en toute connaissance de cause au bénéfice du statut. Il a donc dit que M. Y... a bénéficié d'un bail commercial dès le 1er avril 1987 et débouté Mme D... de sa demande d'expulsion, renvoyant les parties à saisir le juge des loyers commerciaux pour fixer le prix du bail reconduit le 1er avril 1996 et le 1er avril 2005.
Il a également débouté Mme D... de sa demande formée à l'encontre de la SA Immobilier Z..., rédacteur des baux, en vue d'obtenir réparation du préjudice subi du fait l'acquisition de la propriété commerciale par M. Y... dès lors que l'agence a informé Mme Le Marc des conséquences du maintien dans les lieux du preneur après le 30 septembre et que si l'agence avait proposé à la propriétaire la signature d'un bail commercial, la situation juridique eût été identique.

Mme D... a fait appel de ce jugement. Elle fait valoir que le premier juge a écarté l'alinéa 4 de l'article L 145-5 du code de commerce et conteste que les lieux aient été donnés à bail depuis 1986 ; qu'en tout cas en ayant signé des baux saisonniers M. Y... a renoncé au bénéfice du statut ; qu'il n'est pas démontré que celui-ci se serait maintenu dans les lieux hors de la saison. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement.
Subsidiairement elle demande la résiliation du bail, estimant qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, puisqu'elle tend à l'expulsion de M. Y..., occupant sans droit ni titre, et qu'il s'agit d'une demande reconventionnelle pour le cas où la propriété commerciale serait reconnue. Elle soutient que M. Y... n'a payé le loyer en 2004 que sur sommation ; qu'il ne veut pas payer à la valeur locative ; qu'il a fait des travaux sans l'en aviser ; qu'il s'est accaparé l'étage qui n'est pas loué et qu'il n'entretient pas les lieux. Elle demande une indemnité d'occupation de 700 € par mois depuis le 30 septembre 2002.
Elle soutient que l'agence Z... a manqué à son devoir de conseil en ne proposant pas à Mme Le Marc de signer un bail commercial qui aurait permis de percevoir un loyer normal et d'exiger que M. Y... entretienne les lieux en bon état. Elle demande la somme de 88 200 € au titre de la perte de loyer.
Elle conclut à la nouveauté de la demande de M. Y... au titre de travaux qui sont en outre de nature locative.

M. Y... expose qu'en 1989 il a été laissé dans les lieux et que Mme Le Marc était informée des conséquences juridiques que cela entraînait ; qu'au demeurant le notaire de la succession lui a proposé la signature d'un bail commercial le 22 juillet 2003. Il conclut à la confirmation du jugement sauf à constater que le bail a commencé à courir le 1er avril 1989. A supposer même que l'on prenne en considération le bail signé le 28 février 2002 pour la période du 1er avril au 30 septembre 2002, il y aurait lieu de constater qu'il est resté en possession des lieux en payant ses loyers au-delà du 30 septembre. Il soutient que, si l'article L 145-5 ne s'applique pas aux baux saisonniers, cela ne saurait valoir en l'espèce puisqu'il avait une activité annuelle.
Il estime que la demande de résiliation de bail est nouvelle en appel.
Au fond il fait valoir qu'il a toujours payé son loyer ; que le grenier n'est accessible que par le local commercial et en constitue l'accessoire naturel ; que, s'il ne fait pas partie du bail, son occupation ne peut constituer un manquement aux obligations contractuelles.
Il demande la somme de 10 000 € pour travaux de mise en conformité et la même somme pour procédure abusive en première instance et en appel.

La société Etablissements Didier Z... exerçant sous l'enseigne Immobilier Z... fait valoir qu'elle a informé Mme Le Marc des conséquences de ses propres choix et que celle-ci ne l'a jamais chargée d'un mandat de gestion. Elle conclut à la confirmation du jugement.
Elle soutient que la demande de réparation au titre de loyers impayés est nouvelle puisque la demande formée en première instance avait pour objet le préjudice né de l'acquisition de la propriété commerciale par M. Y.... Elle conclut en outre à son mal fondé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie au jugement attaqué et aux dernières écritures déposées le 7 janvier 2008 pour l'appelante, le 8 janvier 2008 pour M Y... et le 2 décembre 2007 pour la société Etablissements Didier Z....

SUR CE

Considérant que Mme D... soutient vainement qu'il n'est pas démontré que M. Y... a eu des locations régulières alors que l'agent immobilier a produit l'ensemble des baux signés chaque année par les parties depuis 1987 ;

Considérant que M. Y... démontre que les locaux étaient assurés à l'année ; que les abonnements à l'eau, au téléphone et à l'électricité étaient également annuels ; que par lettre du 15 septembre 1989 l'agence Z... a écrit à Mme Le Marc " Nous avons été informés par M. Y... de votre intention de proroger la durée de la location au-delà du 30 septembre 1989 " ;

Qu'il est établi qu'à compter du 30 septembre 1989 M. Y... a été laissé en possession du local volontairement par Mme Le Marc en contrepartie de " la perception des loyers en espèces " (lettre du 15 septembre 1989) ou de la fourniture gratuite de poissons et de crustacés comme le soutient M. Y... ;

Que les relations contractuelles ne doivent donc pas s'analyser en locations saisonnières, non susceptibles d'ouvrir droit à la propriété commerciale aux termes du dernier alinéa de l'article L 145-5 du code de commerce, mais en baux dérogatoires annuels ;

Considérant que, même si les baux successifs ne font pas état des baux précédents, ils portent des mentions très claires de dérogation au statut des baux commerciaux ; que M. Y... pouvait renoncer au statut dès lors qu'il lui était acquis à compter du 30 septembre 1989 ; que le preneur, qui avait pris soin de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés le 12 avril 1989, ne pouvait ignorer la portée des baux qu'il a signés annuellement à partir de l'année 1990 ;

Que cependant à l'issue de la saison 2002 M. Y... a été laissé en possession et que le notaire de la succession lui a proposé le 22 juillet 2003 non la signature d'un bail dérogatoire mais celle d'un bail commercial ;

Que Mme D..., qui habite dans la rue où est situé le commerce et qui ne pouvait donc ignorer que celui-ci restait ouvert après la saison, n'a entrepris aucune mesure conservatoire que lui permettait cependant sa qualité d'indivisaire ;

Que M. Y... a donc acquis le bénéfice de la propriété commerciale le 1er octobre 2002 par application de l'alinéa 2 de l'article 145-5 du code de commerce ;

Considérant qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;

Considérant que Mme D... demandait en première instance l'expulsion de M. Y... qu'elle estimait occupant sans droit ni titre et subsidiairement la fixation du prix du bail ; que la demande de résiliation du bail constitue une prétention nouvelle dès lors qu'elle est étrangère à la revendication par M. Y... de la propriété commerciale ;

Considérant que la demande au titre des pertes de loyer est fondée sur le manquement prétendu de l'agence immobilière à son devoir de conseil ; qu'elle se rattache par un lien suffisant à la demande formée en première instance au titre de la propriété commerciale ;

Considérant que la signature annuelle de baux saisonniers dont le loyer augmentait régulièrement établit la volonté de Mme Le Marc de ne pas permettre à M. Y... d'acquérir la propriété commerciale ; qu'il n'est en outre pas démontré que Mme Le Marc a subi un préjudice financier puisque l'agence Z... lui écrivait le 15 septembre 1989 que " la perception des loyers en espèces comme vous l'exigez n'empêchera en rien M. Y... de se prévaloir à tout moment de la propriété commerciale " ;

Que Mme D... ne peut reprocher à l'agence un préjudice financier qui ne résulte que de la volonté de son auteur de se soustraire au statut des baux commerciaux ; qu'en outre elle ne produit aucun élément sur le prix du bail qui ne peut pas être uniformément de 700 euros par mois que l'on soit en haute ou en basse saison ;

Considérant que la demande de M. Y... au titre de travaux de mise en conformité sont fondées sur des factures qui sont pour la plupart antérieures à l'introduction de la procédure, ce qui rend la demande irrecevable, les factures postérieures concernant de la fourniture de matériel dont on ignore tout ou des travaux qui paraissent relever de l'entretien locatif ;

Qu'il sera débouté de sa demande en paiement ;

Considérant que c'est par de justes motifs que le premier juge a débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Que l'appel de Mme D... n'est pas manifestement abusif puisque le jugement est partiellement infirmé ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement en audience publique,

Infirme partiellement le jugement.

Dit que M. Y... bénéficie d'un bail soumis au statut des baux commerciaux depuis le 1er octobre 2002.

Ajoutant au jugement,

Dit irrecevable la demande de résiliation de bail.
Dit irrecevable ou non fondée la demande en paiement pour travaux de conformité.

Confirme le jugement en ce qu'il a :

-débouté Mme D... de sa demande à l'encontre de la SA Etablissements Didier Z....

-débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Mme D....

Déboute M. Y... de sa demande pour appel abusif.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme D... à payer à chacun de M. Y... et de la SA Etablissements Didier Z... la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel.

La condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/05411
Date de la décision : 05/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Quimper


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-05;06.05411 ?
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