Cinquième Chamb Prud'Hom
ARRÊT No126
R. G : 06 / 08211
ASSOCIATION HOSPITALIERE DE BRETAGNE
C /
Mme Nathalie X...
POURVOI No 30 / 08 DU 05. 05. 08
Réf. Cour de Cassation :
H0842082
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 MARS 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Novembre 2007
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 04 Mars 2008 ; date indiquée à l'issue des débats :
18 décembre 2007.
****
APPELANTE :
ASSOCIATION HOSPITALIERE DE BRETAGNE
Centre Hospitalier
...
22110 PLOUGUERNEVEL
comparante en la personne de Mr Z..., Directeur Général et Mr A..., Directeur Général Adjoint, assistés de Me Bertrand B..., avocat au barreau de HAUTS DE SEINE
INTIMEE :
C...Nathalie X...
...
22710 PENVENAN
représentée par Me Jean-Marc LEFRAIS, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
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Engagée par l'Association Hospitalière de Bretagne le 26 Octobre
1998 en qualité de pharmacien Chef de service, Madame X...a fait l'objet le 5 Octobre 2004 d'un licenciement pour faute grave dont elle a contesté le bien fondé le 23 décembre 2004 devant le Conseil de Prud'hommes de Guingampqui, par jugement du 12 décembre 2006 a fait
droit au principe de ses prétentions en condamnant l'employeur à lui verser les sommes de :
-35 577, 48 € à titre d'indemnité de préavis et 3 557, 74 € au titre des congés payés afférents.
-38 048, 13 € au titre de l'indemnité de licenciement.
-1 247, 09 € au titre de la prime décentralisée.
-35 577, 48 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
-700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
et à rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités.
Relevant régulièrement appel de cette décision le 18 décembre 2006, l'Association Hospitalière de Bretagne fait observer devant la Cour :
- que la faute grave alléguée est caractérisée par l'accumulation sur plusieurs
années de difficultés relationnelles ayant opposé au fil du temps Mme X...aux équipes soignantes, et qu'il ne saurait être reproché à la direction d'avoir attendu avant de licencier la salariée, alors qu'elle l'a pourtant mise en garde contre ses dérives comportementales à l'égard des salariés de la pharmacie.
- que contrairement à ce que prétend Mme X...les faits évoqués à son encontre ne sont pas prescrits puisqu'ils ont été réitérés dans le temps.
- qu'elle produit au dossier un certain nombre de pièces parfaitement circonstanciées établissant que, par sa rigidité excessive, sans nuance et son incapacité à communiquer avec Mme X...entretient un climat de suspicion au sein de l'établissement.
- qu'elle est donc fondée à solliciter avec le débouté de la salariée en ses demandes, l'allocation d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En réponse Mme X...fait valoir :
- qu'elle a toujours refusé de fermer les yeux sur certains dysfonctionnements ou certaines tolérances dans l'application du Code de la Santé Publique.
- que de ce fait, elle a été mise à l'écart par le corps médical et discréditée auprès du personnel soignant de son équipe.
- qu'elle n'a fait l'objet d'aucun avertissement avant d'être licenciée et que tous les faits antérieurs au 21 juillet 2004 sont prescrits et ne peuvent servir de griefs pour justifier son congédiement,
- que la mésentente et les difficultés relationnelles ne constituent pas un motif disciplinaire.
- que les griefs articulés à son encontre ne sont pas fondés, et que la mésentente qui lui est reprochée procède d'un comportement d'opposition systématique de la part du personnel soignant.
- que dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute grave, son licenciement ne peut être que déclaré abusif compte tenu qu'il ressort de la convention collective nationale FEHAP du 31. 10. 01, qu'il ne peut y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions telles que observations, avertissement, mise à pied, sauf faute grave, et qu'en l'espèce aucune de ces sanctions ne lui a été notifiée.
Elle sollicite dans ces conditions
-au titre du préavis et des congés payés afférents, les sommes de 35 577, 48 euros et 3 557, 74 euros.
- au titre de l'indemnité de licenciement la somme de 38 048, 13 euros.
- au titre de la prime décentralisée la somme de 1 247, 09 euros.
- à titre de dommages-intérêts la somme de 100 000 euros.
- au titre des frais non répétibles la somme de 5 000 euros.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour déclare se référer expressément aux écritures que celles-ci ont prises et développées oralement devant elle.
DISCUSSION
Considérant qu'aux termes de la lettre du 5 Octobre 2004 qui fixe les
limites du débat judiciaire Mme X...a été licenciée pour faute grave en raison de la situation de conflit et de rupture qui l'oppose non seulement à l'ensemble des membres de son équipe, au corps médical, au pharmacien remplaçant, aux services de soins infirmiers, à la responsable qualifiée ou encore à l'infirmier hygiéniste, l'employeur précisant que les difficultés relationnelles ont pris des proportions croissantes et atteint une telle ampleur qu'elles ne permettent pas de la maintenir à son poste y compris pendant la période de préavis.
Considérant que pour établir la preuve de la faute grave qui lui incombe, l'Association hospitalière de Bretagne (AHB) produit au dossier :
- un courrier adressé le 6 Octobre 2002 à Mme X...dans lequel le directeur général de cette association fait état des difficultés rencontrées par le corps médical dans ses relations avec cette salariée qu'elle prie instamment de restaurer des relations normales avec les acteurs hospitaliers qui ont en Septembre adressé une pétition à la direction.
- un courrier du Docteur D...du 25 octobre 2002 faisant état de la rigidité : de la fausseté du jugement, de la partialité de la provocation de Mme X....
- un courrier de la CFDT à ce même directeur général, daté du 17 Septembre 2004 qui dénonce l'impossible concertation entre Mme X...et son équipe qui subit ses vexations et humiliations répétées.
- un compte rendu du 18 Novembre 2002 du Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) ratifié par différents membres du service de l'infirmerie qui dénonce le quasi monopole de Mme X...pendant les réunions.
- la réactualistaion autoritaire en février 2004 par la salariée du kit d'urgence AES (accidents aux expositions au sang) alors que le CLIN avait préconisé celle-ci par la désignation d'un groupe de travail.
- le procès-verbal du centre de long séjour de Rostronen et du centre de post cure de Saint Brieuc du 16 Juin 2004 qui dénonce le manque de diplomatie
de Mme X...dans ses relations.
- les pièces relatives à deux incidents intervenus en juin 2004 puis le 24 août 2004 au sujet de la transmission de ciseaux à usage unique au centre hospitalier de Pontivy.
Considérant que la Cour remarque à la lecture de l'ensemble de ces pièces que si effectivement des difficultés relationnelles opposent depuis la fin de l'année 2002 Mme X...aux différents intervenants au sein de l'Association, (corps médical, personnel soignant, voire même personnel administratif) que les tensions générées par sa personnalité et son manque de diplomatie ont fait l'objet par 2 fois soit d'une pétition soit d'une démarche collective par le biais d'un syndicat et que le fait que les derniers incidents survenus en septembre 2004 qui ne sont pas prescrits permettent à l'employeur d'évoquer des faits analogues antérieurs, il n'en demeure pas moins que les faits reprochés se sont inscrits dans un laps de temps relativement long sans donner lieu à sanction.
Considérant que l'incident concernant l'opposition manifestée par Mme X...à ce que l'AHB fournisse des ciseaux à usage unique au Centre Hospitalier de Pontivy pour des raisons d'après elle " réglementaires " n'est pas de nature à rendre impossible le maintien de la présence de la salariée au sein de l'entreprise pendant la durée du préavis, et ce dans le contexte ci-dessus visé.
Considérant que l'AHB ne pouvant licencier Mme X..., sauf pour faute grave, sans lui avoir notifié antérieurement au moins 2 sanctions telles qu'observation, avertissement, mise à pied, il y a lieu de considérer que la mesure de congédiement prise à son encontre le 5 Octobre 2004 est dénuée de cause réelle et sérieuse.
Considérant qu'il sera fait droit aux demandes de la salariée concernant l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement ainsi que l'indemnité de prime décentralisée qui ne font l'objet en leur quantum d'aucune contestation sérieuse.
Considérant que compte tenu du préjudice subi par Madame X..., de l'ancienneté de 6 ans dans l'entreprise mais aussi du potentiel dont elle dispose pour retrouver un emploi, il y a lieu de porter à la somme de
50 000 € le montant des dommages-intérêts qui lui seront alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Considérant enfin que déboutée de sa demande d'indemnité pour frais non répétibles d'appel, l'AHB devra verser à sa salariée une somme de 1 800 euros à ce titre, laquelle viendra s'ajouter à celle allouée par les Premiers Juges.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
- Réforme le jugement en ses dispositions relatives au quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués à C...Nathalie X....
- Le confirme pour le surplus.
- Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne l'Association Hospitalière de Bretagne à verser à Madame X...la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Déboute l'Association Hospitalière de Bretagne de sa demande d'indemnité pour frais non répétibles d'appel et la condamne à verser à Mme X...la somme de 1 800 euros à ce titre laquelle viendra s'ajouter à celle allouée en première instance.
- Condamne l'Association Hospitalière de Bretagne aux dépens.
Le Greffier, Le Président,