Chambre Sécurité Sociale
ARRET No87/08
R.G : 07/00932
CAVIMAC
C/
Mme Louise X...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
pourvoi P0813660 du8/04/08REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 FEVRIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle Y..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Janvier 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 13 Février 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
CAVIMAC
119 rue du Président Wilson
92309 LEVALLOIS PERRET CEDE X
représentée par Me Guillaume FOURRIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame Louise X...
6 Place Albert Bayet
35000 RENNES
comparant en personne
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
Immeuble les 3 Soleils
...
35042 RENNES CEDEX
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
Madame Louise X... est née le 31 octobre 1944.
Elle a été religieuse dans la Congrégation de la Divine Providence de Créhen le 21 juin 1969 date de ses premiers voeux, congrégation dans laquelle elle est restée jusqu'au 21 juin 1977, date d'expiration de ses voeux temporaires et de sa sortie de cette congrégation.
Un relevé de carrière établi par la CAVIMAC (caisse de retraite des cultes ) en 2004 a validé 32 trimestres pour sa carrière au titre du régime des cultes, du 1er juillet 1969 au 1er juillet 1977.
Mme X... a saisi la Commission de Recours Amiable de la CAVIMAC le 24 mai 2006 pour voir reconnue la validation de trimestres à compter de son entrée au postulat chez les soeurs de la Divine Providence le 29 septembre 1966, ce que lui avait refusé la Caisse.
Par décision en date du 29 Juin 2006, notifiée à Madame Louise X... le 10 août 2006, la Commission de Recours Amiable lui a exposé les motifs du refus opposé à sa demande de validation de ses 10 trimestres pour le calcul de sa pension de retraite.
Madame Louise X... a alors saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Rennes pour qu'il soit fait droit à ses demandes, à savoir:
- de valider pour ses droits à la retraite les 11 trimestres complémentaires pour la période de son postulat et de son noviciat de juin 1969 à juin 1977;
- de condamner la CAVIMAC à lui verser la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts du préjudice subi;
- de condamner la CAVIMAC à verser à Madame Louise X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La CAVIMAC s'est opposée à ces demandes, considérant notamment qu'au vu du règlement intérieur de l'Eglise Catholique,
Mme X... n'était pas membre d'une congrégation religieuse avant ses premiers voeux et ne pouvait prétendre à la validation pour la retraite des années antérieures à ces voeux effectuées au titre du noviciat.
Par jugement en date du 25 Janvier 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Rennes, a:
- déclaré le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale matériellement
compétent pour connaître de la demande de Madame X... en validation de trimestres en vue de la liquidation de ses droits à retraite.
- déclaré non prescrite la demande de Madame X....
- validé les 10 trimestres correspondant à la période d'activité accomplie en qualité de membre de la congrégation de la Divine Providence , du 29 septembre 1966 au 21 juin 1969.
- débouté Madame X... de sa demande en dommages-intérêts.
- débouté la CAVIMAC au paiement à Madame X... d'une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Régulièrement appelante de cette décision, la CAVIMAC maintient, notamment, comme en première instance que les religieux ou anciens religieux ne peuvent bénéficier , au vu notamment de la loi du 2 Janvier 1978 et du règlement intervenu de la Caisse, de la prise en charge pour la retraite des années de postulat ou noviciat passées au sein d'une congrégation religieuse avant le prononcé de leurs premiers voeux, car ils ne peuvent être considérés comme membres de ladite congrégation avant le prononcé desdits voeux.
Même si le Clergé Catholique a par circulaire du 1er juillet 2006 modifié sa position sur ce point, cette circulaire n'est pas rétroactive et par conséquent ne peuvent être validées pour la retraite les années de noviciat ou autres effectuées antérieurement par les religieux avant cette circulaire. La CAVIMAC qui estime que la loi de 1905 sur la réparation des Eglises et de l'Etat interdit au Juge de s'immiscer dans les affaires religieuses , sollicite, in fine , de la Cour:
" Vu la loi du 09 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.
Vu la loi du 02 Janvier 1978.
Vu le décret du 03 Juillet et le règlement intérieur de la CAVIMAC.
Constatant que la demande de Madame Louise X... doit être dirigée à l'encontre de son ancienne congrégation et devant le Tribunal de Grande Instance.
Dire et juger que Madame Louise X... est dépourvue de droit et d'intérêt à agir contre la CAVIMAC et qu'elle ne démontre pas avoir versé ses cotisations ce qui rend sa demande irrecevable.
Débouter Madame Louise X... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
En toutes hypothèses et pour le cas où serait jugé recevable la demande de Madame Louise X....
Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation du 10 Novembre 1994.
Constatant que Madame Louise X... ne rapporte pas la preuve qu'il aurait pu être membre de la Congrégation de la Divine Providence avant le 1er Juillet 1964.
Constatant que la loi du 9 décembre 1905 ne permet pas à la Cour de déterminer la période pendant laquelle Madame Louise X... peut avoir la qualité de membre d'une Congrégation.
Constatant que le législateur a volontairement laissé à chaque
autorité religieuse le soin de dire qui pouvait en être membre au sens de la loi du 02 Janvier 1978.
Dire et juger que Madame Louise X... n'a eu la qualité de membre de la Congrégation religieuse qu'à compter de sa date de premiers voeux.
En conséquence, réformer la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES en date du 25 Janvier 2007 en toutes ses dispositions faisant grief à la CAVIMAC.
En rejeter toutes prétentions contraires comme irrecevables en tout cas non fondées.
Condamner Madame Louise X... à verser à la CAVIMAC la somme de 600 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame Louise X..., pour sa part, reprend son argumentation initiale et sollicite la confirmation du jugement entrepris ainsi que 1000 euros à titre de dommages-intérêts.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'action de Madame Louise X...
L'article L.382-20 du Code de la Sécurité Sociale énonce que les différends auxquels donne lieu l'application de la section II concernant l'affiliation des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, notamment pour le risque vieillesse, sont réglés conformément aux dispositions des chapitres 2 à 4 du titre IV du livre 1er.
Or, les dispositions de ce titre IV livre 1er sont relatives au contentieux général de la Sécurité Sociale et à la compétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour connaître des litiges nés de l'application des législations et réglementations de Sécurité Sociale.
Le Juge du contentieux général de Sécurité Sociale se trouve par conséquent matériellement compétent pour connaître de la demande de Mme Louise X... en validation de trimestres au titre de ses périodes de noviciat, pour le calcul de sa pension de retraite.
Sur le fond du litige
Comme l'a relevé, à bon droit, le Premier Juge , la période d'assurance litigieuse étant antérieure au 1er Janvier 1998, doit s'appliquer, en l'espèce, l'article D.721-11 du Code de la Sécurité Sociale , aujourd'hui abrogé, selon lequel "sont prises en compte pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension, les périodes d'exercice d'activités (...) accomplies antérieurement au 1er janvier 1979 en qualité de (...) membre d'une congrégation(..).
Comme l'a également rappelé le Premier Juge cette disposition réglementaire était fondée sur la loi de généralisation de la Sécurité Sociale du 24 décembre 1974, qui a prévu l'instauration d'une protection sociale commune à tous les français, quels que soient leur statut, leur situation personnelle ou les conditions d'exercice de leur activité, et sur celle du 2 Janvier 1978 qui a, dans cette optique, institué au profit des "ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, qui ne relèvent pas à titre obligatoire d'un autre régime de Sécurité Sociale", un ensemble de garanties contre les risques maladie, maternité, invalidité et vieillesse.
S'agissant du risque vieillesse , objet du présent litige et contrairement à ce que la C.A.V.I.M.A.C. soutient, les périodes de postulat et de noviciat ne peuvent, au regard de l'article L.381-4 du Code de la Sécurité Sociale , donner lieu à rachat de cotisations en tant que périodes d'études.
Le terme "membre" de congrégation employé dans l'article
D 721-11 précité, doit dans un tel contexte être entendu dans son sens habituel de "personne faisant partie d'un ensemble organisé" . La C.A.V.I.M.A.C. ne peut donc, en se fondant sur la loi de 1905 et pour des notions purement religieuses de "Première Profession" ou de "Premiers Voeux", utilement prétendre repousser à la date de survenance de l'un de ces événements, celle de l'ouverture du droit à pension de la requérante.
Il convient, dans ces conditions, de dire réguliere et bien fondée en son principe la demande de validation que la retraite des années de postulat et noviciat présentée par Mme X....
Sur les demandes de Madame Louise X...
Contrairement à ce que soutenu par la CAVIMAC Madame Louise X... établit suffisamment, par les documents qu'elle produit, qu'elle a effectué son postulat et son noviciat au sein de la congrégation religieuse de la Divine Providence de Créhen du 29 Septembre 1966 au 21 Juin 1969, , date où elle a prononcé ses premiers voeux.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé pour la retraite de la requérante les 10 trimestres d'activité effectuées pendant cette période.
Il convient, également, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Louise X... de sa demande de dommages-intérêts, celle-ci n'établissant pas la réalité du préjudice moral qu'elle allègue en arguant, notamment d'un prétendu acharnement de la CAVIMAC à son égard.
Les autres dispositions du jugement dont appel seront également confirmées par la Cour et la CAVIMAC qui succombe au principal déboutée de sa demande de frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare l'appel de la CAVIMAC recevable en la forme mais ledit mal fondé.
En conséquence
- La déboute de ses demandes.
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
- Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens, la présente procédure étant gratuite.
Le Greffier, Le Président,