Chambre Sécurité Sociale
ARRET No85/08
R.G : 07/00930
CAVIMAC
C/
Mme Thérèse X...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
pourvoi M0813658 du 8/04/08REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 FEVRIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle Y..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Janvier 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 13 Février 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
CAVIMAC
119 rue du Président Wilson
92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX
représentée par Me Guillaume FOURRIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame Thérèse X...
...
35000 RENNES
comparant en personne
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
Immeuble les 3 Soleils
...
35042 RENNES CEDEX
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 octobre 1961, Madame Thérèse X... est entrée au postulat au sein de la congrégation de l'immaculée Conception.
A partir du 7 mai 1962, Madame X... a effectué son noviciat au sein de cette congrégation, pour une durée de deux ans, à l'issue de laquelle elle a prononcé ses premiers voeux, le 14 mai 1964.
Le 15 septembre 2005, Madame X... a déposé à la CAVIMAC (Caisse d'Assurances des Cultes) une demande de liquidation de sa pension de retraite.
Par décision du 2 février 2006, la Caisse a attribué à Madame Z... une pension validant 30 trimestres.
Le 21 février 2006, Madame X... a saisi la Commission de Recours Amiable de la CAVIMAC, d'une demande en validation de trimestres à compter de son entrée au postulat et en noviciat.
Par requête réceptionnée le 24 avril 2006, Madame X... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'un recours contre la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable.
Par décision du 30 mars 2006, notifiée le 16 mai 2006, la Commission de Recours Amiable de la Caisse a rejeté la demande de Madame X... en validation des trimestres pour sa période de postulat et de noviciat au sein de la congrégation susnommée.
Par jugement en date du 26 Janvier 2007, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Rennes, a:
- déclaré le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale matériellement
compétent pour connaître de la demande de Madame X... en validation de trimestres pour la liquidation de ses droits à retraite.
- déclaré non prescrite la demande de Madame X....
- validé les 11 trimestres correspondant à la période d'activité accomplie par Mme Z... en qualité de membre de la congrégation de l'immaculée Conception , du 3 Octobre 1961 au 14 Mai 1964.
- débouté Madame X... de sa demande en dommages-intérêts.
- débouté la CAVIMAC au paiement à Madame X... d'une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Régulièrement appelante de cette décision, la CAVIMAC maintient comme en première instance que les religieux ou anciens religieux ne peuvent bénéficier , au vu notamment de la loi du 2 Janvier 1978 et règlement intervenu de la Caisse, de la prise en charge pour la retraite des années passées au sein d'une congrégation religieuse avant le prononcé de leurs premiers voeux, car ils ne peuvent être considérés comme membres de ladite congrégation avant le prononcé desdits voeux.
Même si le Clergé Catholique a par circulaire du 1er juillet 2006 modifié sa position sur ce point, cette circulaire n'est pas rétroactive et par conséquent ne peuvent être validées pour la retraite les années de noviciat ou autres effectuées antérieurement par les religieux avant cette circulaire. La CAVIMAC qui estime que la loi de 1905 sur la réparation des Eglises et de l'Etat interdit au Juge de s'immiscer dans les affaires religieuses , sollicite, in fine , de la Cour:
" Vu la loi du 09 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.
Vu la loi du 02 Janvier 1978.
Vu le décret du 03 Juillet et le règlement intérieur de la CAVIMAC.
Constatant que la demande de Madame Thérèse X... doit être dirigée à l'encontre de son ancienne congrégation et devant le Tribunal de Grande Instance.
Dire et juger que Madame Thérèse X... est dépourvue de droit et d'intérêt à agir contre la CAVIMAC et qu'elle ne démontre pas avoir versé ses cotisations ce qui rend sa demande irrecevable.
Débouter Madame Thérèse X... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
En toutes hypothèses et pour le cas où serait jugé recevable la demande de Madame Thérèse X....
Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation du 10 Novembre 1994.
Constatant que Madame Thérèse X... ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait pu être membre de la Congrégation de l'Immaculée Conception avant le 1er Juillet 1964.
Constatant que la loi du 9 décembre 1905 ne permet pas à la Cour de déterminer la période pendant laquelle Madame Thérèse X... peut avoir la qualité de membre d'une Congrégation.
Constatant que le législateur a volontairement laissé à chaque
autorité religieuse le soin de dire qui pouvait en être membre au sens de la loi du 02 Janvier 1978.
Dire et juger que Madame Thérèse X... n'a eu la qualité de membre de la Congrégation religieuse qu'à compter de sa date de premiers voeux.
En conséquence, réformer la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES en date du 25 Janvier 2007 en toutes ses dispositions faisant grief à la CAVIMAC.
En rejeter toutes prétentions contraires comme irrecevables en tout cas non fondées.
Condamner Madame Thérèse X... à verser à la CAVIMAC la somme de 600 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame Thérèse X..., pour sa part, reprend son argumentation initiale et sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf à y additer 1000 euros à titre de dommages-intérêts à son profit.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'action de Madame Thérèse X...
L'article L.382-20 du Code de la Sécurité Sociale énonce que les différends auxquels donne lieu l'application de la section II concernant l'affiliation des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, notamment pour le risque vieillesse, sont réglés conformément aux dispositions des chapitres 2 à 4 du titre IV du livre 1er.
Or, les dispositions de ce titre IV livre 1er sont relatives au contentieux général de la Sécurité Sociale et à la compétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour connaître des litiges nés de l'application des législations et réglementations de Sécurité Sociale.
Le Juge du contentieux général de Sécurité Sociale se trouve par conséquent matériellement compétent pour connaître de la demande de Mme X... en validation de trimestres au titre de ses périodes de noviciat, pour le calcul de sa pension de retraite.
Sur le fond du litige
Comme l'a relevé, à bon droit, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Rennes , la période d'assurance litigieuse étant antérieure au 1er Janvier 1998, doit s'appliquer, en l'espèce, l'article D.721-11 du Code de la Sécurité Sociale , aujourd'hui abrogé, selon lequel "sont prises en compte pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension, les périodes d'exercice d'activités (...) accomplies antérieurement au 1er janvier 1979 en qualité de (...) membre d'une congrégation(..).
Comme l'a également rappelé le Premier Juge cette disposition réglementaire était fondée sur la loi de généralisation de la Sécurité Sociale du 24 décembre 1974, qui a prévu l'instauration d'une protection sociale commune à tous les français, quels que soient leur statut, leur situation personnelle ou les conditions d'exercice de leur activité, et sur celle du 2 Janvier 1978 qui a, dans cette optique, institué au profit des "ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, qui ne relèvent pas à titre obligatoire d'un autre régime de Sécurité Sociale", un ensemble de garanties contre les risques maladie, maternité, invalidité et vieillesse.
S'agissant du risque vieillesse , objet du présent litige et contrairement à ce que la C.A.V.I.M.A.C. soutient, les périodes de postulat et de noviciat ne peuvent, au regard de l'article L.381-4 du Code de la Sécurité Sociale , donner lieu à rachat de cotisations en tant que périodes d'études.
Le terme "membre" de congrégation employé dans l'article
D 721-11 précité, doit dans un tel contexte être entendu dans son sens habituel de "personne faisant partie d'un ensemble organisé" . La C.A.V.I.M.A.C. ne peut donc, en se fondant sur la loi de 1905 et pour des notions purement religieuses de "Première Profession" ou de "Premiers Voeux", utilement prétendre repousser à la date de survenance de l'un de ces événements, celle de l'ouverture du droit à pension de la requérante.
Il convient, dans ces conditions, de dire réguliere et bien fondée en son principe la demande de validation pour la retraite des années de postulat et noviciat présentée par Mme X....
Sur les demandes de Madame Thérèse X...
Contrairement à ce que soutenu par la CAVIMAC Madame Thérèse X... établit suffisamment, par les documents qu'elle produit, qu'elle a effectué son postulat et son noviciat au sein de la congrégation de l'Immaculée Conception du 3 Octobre 1961 au 14 Mai 1964, date où elle a prononcé ses premiers voeux.
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision du Premier Juge de valider cette période d'activité pour la retraite à concurrence de 11 trimestres.
Il convient, également, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts, car celle-ci n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'elle allègue en arguant de l'acharnement de la CAVIMAC à son égard.
Les autres dispositions du jugement seront également confirmées par la Cour et la CAVIMAC qui succombe déboutée de sa demande reconventionnelle de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare l'appel de la CAVIMAC recevable en la forme mais ledit mal fondé.
En conséquence
- La déboute de ses demandes.
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
- Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens, la présente procédure étant gratuite.
Le Greffier, Le Président,