Chambre Sécurité Sociale
ARRET No 83/08
R.G : 06/03973
CAISSE D ASSURANCE VIEILLESSE INVALIDITE ET MALADIE DES CULTES
C/
M. Jean X...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
pourvoi J0813656 du 8/04/08REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 FEVRIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle Y..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Janvier 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 13 Février 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
CAISSE D ASSURANCE VIEILLESSE INVALIDITE ET MALADIE DES CULTES- CAVIMAC
119 rue du Président Wilson
92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX
représentée par Me Guillaume FOURRIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur Jean X...
...
56890 ST AVE
comparant en personne
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
...
" les 3 soleils "- Cs 84224
35042 RENNES
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jean Louis X..., né le 29 mai 1941, a été religieux chez les Assomptionnistes du 29 septembre 1963- date de sa première profession- au 30 septembre 1967- date de sa sortie, selon l'attestation délivrée par sa congrégation religieuse le 11 septembre 1987.
Sa qualité de religieux a justifié son affiliation à la CAMAC-CAMAVIC (devenues la CAVIMAC le 1er Janvier 2000), régime de sécurité sociale des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses.
Sa congrégation a cotisé pour lui, ce qui lui a permis de faire valoir des droits à pension et d'obtenir la validation de 13 trimestres par la CAVIMAC.
En 2005 M. X... a demandé à la CAVIMAC de valider également pour sa retraite 5 trimestres pour sa période de noviciat religieux accompli de juillet 1962 à septembre 1963.
La CAVIMAC a refusé arguant que cette période de noviciat, antérieure aux premiers voeux de M. X..., ne pouvait être validée, car l'intéressé n'était pas encore "membre " d'une congrégation religieuse.
Après rejet de sa demande par la commission de recours amiable de la CAVIMAC, M. X... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Vannes, qui par jugement du 15 Mai 2006 a:
- dit y avoir lieu, pour la détermination du droit à pension de Monsieur Jean X..., à validation de cinq trimestres d'activité supplémentaires à compter du 7 août 1962;
- condamné la CAVIMAC (Caisse d'Assurance Vieillesse Invalidité et Maladie des Cultes) à verser à Monsieur X... la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts;
- l'a condamnée à lui verser celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes;
Régulièrement appelante de ce jugement, la CAVIMAC se fondant, notamment, sur la loi de 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat, soutient qu'il appartient à chaque Eglise (en l'espèce l'Eglise Catholique) de déterminer qui est membre ou non d'une congrégation religieuse.
Or, selon la CAVIMAC, depuis 1980 ( et jusqu'à 2006), la règle est inchangée. C'est la date de première profession qui détermine l'entrée dans la vie religieuse , les années de noviciat ou de postulat effectuées antérieurement à cette première profession ne pouvaient ainsi être prises en compte pour le calcul des droits à pension de retraite des religieux.
La CAVIMAC, aux conclusions de laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, sollicite, en conséquence de la Cour d'Appel de RENNES.
"Vu la loi du 09 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat,
Vu la loi du 02 Janvier 1978.
Vu le décret du 03 Juillet et le règlement intérieur de la CAVIMAC.
Constatant que la demande de Monsieur X... doit être dirigée à l'encontre de son ancienne congrégation et devant le Tribunal de Grande Instance.
Dire et juger que Monsieur Jean X... est dépourvu de droit et d'intérêt à agir contre la CAVIMAC et qu'elle ne démontre pas avoir versé ses cotisations ce qui rend sa demande irrecevable.
Débouter Monsieur Jean X... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
En toutes hypothèses et pour le cas où serait jugé recevable la demande de Monsieur X....
Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation du 10 Novembre 1994.
Constatant que Monsieur Jean X... ne rapporte pas la preuve qu'il aurait pu être membre de la Congrégation des Assomptionnistes avant le 29 septembre 1963.
Constatant que la loi du 9 décembre 1905 ne permet pas à la Cour de déterminer la période pendant laquelle Monsieur X... peut avoir la qualité de membre d'une Congrégation.
Constatant que le législateur a volontairement laissé à chaque
autorité religieuse le soin de dire qui pouvait en être membre au sens de la loi du 02 Janvier 1978.
Dire et juger que Monsieur Jean X... n'a eu la qualité de membre de la congrégation religieuse qu'à compter de sa date de premiers voeux.
En conséquence, réformer la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan en date du 15 mai 2006 en toutes ses dispositions faisant grief à la CAVIMAC.
En rejeter toutes prétentions contraires comme irrecevables en tout cas non fondées.
Condamner Monsieur Jean X... à verser à la CAVIMAC la somme de 600 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le condamner aux entiers dépens".
Monsieur Jean Louis X..., pour sa part, s'est expliqué oralement sur le litige et sollicite la confirmation en tous points du jugement déféré.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'action de Monsieur Jean Louis X...
L'article L.382-20 du Code de la Sécurité Sociale énonce que les différends auxquels donne lieu l'application de la section II concernant l'affiliation des ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, notamment pour le risque vieillesse, sont réglés conformément aux dispositions des chapitres 2 à 4 du titre IV du livre 1er.
Or, les dispositions de ce titre IV livre 1er sont relatives au contentieux général de la Sécurité Sociale et à la compétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour connaître des litiges nés de l'application des législations et réglementations de Sécurité Sociale.
Le Juge du contentieux général de Sécurité Sociale se trouve par conséquent matériellement compétent pour connaître de la demande de M. X... en validation de trimestres au titre de ses périodes de postulat et de noviciat, pour le calcul de sa pension de retraite.
Sur le fond du litige
Comme l'a relevé, à bon droit, le Premier Juge, la période d'assurance litigieuse étant antérieure au 1er Janvier 1998, doit s'appliquer, en l'espèce, l'article D.721-11 du Code de la Sécurité Sociale , aujourd'hui abrogé, selon lequel "sont prises en compte pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension, les périodes d'exercice d'activités (...) accomplies antérieurement au 1er janvier 1979 en qualité de (...) membre d'une congrégation(..).
Comme l'a également rappelé le Premier Juge cette disposition réglementaire était fondée sur la loi de généralisation de la Sécurité Sociale du 24 décembre 1974, qui a prévu l'instauration d'une protection sociale commune à tous les français, quelque soient leur statut, leur situation personnelle ou les conditions d'exercice de leur activité, et sur celle du 2 Janvier 1978 qui a, dans cette optique, institué au profit des "ministres des cultes et des membres des congrégations et collectivités religieuses, qui ne relèvent pas à titre obligatoire d'un autre régime de Sécurité Sociale ", un ensemble de garanties contre les risques maladie, maternité, invalidité et vieillesse.
S'agissant du risque vieillesse , objet du présent litige et contrairement à ce que la C.A.V.I.M.A.C. soutient, les périodes de postulat et de noviciat ne peuvent, au regard de l'article L.381-4 du Code de la Sécurité Sociale , donner lieu à rachat de cotisations en tant que périodes d'études.
Le terme "membre" de congrégation employé dans l'article D 721-11 précité, doit dans un tel contexte être entendu dans son sens habituel de "personne faisant partie d'un ensemble organisé" . La C.A.V.I.M.A.C. ne peut donc, en se fondant sur la loi de 1905 et pour des notions purement religieuses de "Première Profession" ou de "Premiers Voeux", utilement prétendre repousser à la date de survenance de l'un de ces événements, celle de l'ouverture du droit à pension du requérant.
Il convient, dans ces conditions, de dire réguliere et bien fondée en son principe la demande de validation pour la retraite des années de noviciat présentée par M. X....
Sur les demandes de Monsieur X...
Contrairement à ce que soutenu par la CAVIMAC Monsieur X... établit suffisamment, par les documents qu'il produit, qu'il a effectué un noviciat dans la congrégation des Assomptionnistes du 7 août 1962 jusqu'à la date de ses premiers voeux le 29 septembre 1963.
C'est à bon droit , en conséquence que le Premier Juge lui a dit qu'il avait droit à la validation de cinq trimestres supplémentaires, correspondant à ce noviciat, pour le calcul de sa retraite.
En revanche, la somme de 1 500 euros qui lui a été allouée en première instance à titre de dommages-intérêts n'est pas justifiée.
En effet, M. X... n'établit pas un lien de causalité entre le refus de la CAVIMAC de lui valider pour sa retraite les cinq trimestres de noviciat litigieux et le fait qu'il aurait du pour cela travailler 2 ans supplémentaires après 60 ans pour obtenir une retraite suffisante.
Le jugement sera en conséquence réformé sur ce point.
Enfin la CAVIMAC, succombant au principal verra sa demande de frais irrépétibles rejetée par la Cour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare l'appel de la CAVIMAC recevable en la forme.
En conséquence
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celle pour laquelle il alloue une somme de 1 500 euros à Monsieur X... à titre de dommages-intérêts.
- Statuant à nouveau sur ce point.
- Déboute Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts.
- Déboute la CAVIMAC de sa demande de frais irrépétibles d'appel.
- Rappelle que la présente procédure est gratuite et qu'il n' y a
pas lieu à condamnation aux dépens.
Le Greffier, Le Président,