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31/01/2008 | FRANCE | N°06/06334

France | France, Cour d'appel de Rennes, 31 janvier 2008, 06/06334


Première Chambre B





ARRÊT No



R.G : 06/06334













S.A.S. ROSKO TRANSPORTS



C/



S.A. CIC BANQUE CIO-BRO ANCIENNEMENT CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST

















Infirme la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





POURVOI J0813932 du 15/04/2008 (nos réf CA RENNES : pourvoi no26/2008-B1)RÉPUBLIQUE FR

ANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JANVIER 2008





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Françoise SIMONNOT, Président,

Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,



GREFFIER :



Patricia IB...

Première Chambre B

ARRÊT No

R.G : 06/06334

S.A.S. ROSKO TRANSPORTS

C/

S.A. CIC BANQUE CIO-BRO ANCIENNEMENT CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

POURVOI J0813932 du 15/04/2008 (nos réf CA RENNES : pourvoi no26/2008-B1)RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JANVIER 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Françoise SIMONNOT, Président,

Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER :

Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Décembre 2007, Madame Françoise SIMONNOT, Président, entendue en son rapport.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Janvier 2008 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. ROSKO TRANSPORTS

ZI de Kerannou

29250 ST POL DE LEON

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assistée de la SELARL LAUNAY-MASSE GOAOC, avocats

INTIMÉE :

Société Anonyme CIC BANQUE CIO-BRO anciennement CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST

2, Avenue Jean-Claude Bonduelle

44000 NANTES

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me PAPIN, avocat

La société Rosko Transports assurait l'acheminement en Grande-Bretagne de matériel fabriqué par la société Unit Espace Sanitaire (UES).

Par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 19 février 2003, le redressement judiciaire de la société UES a été ouvert ; la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du 17 septembre 2003.

La société Rosko Transports a été admise au passif à titre chirographaire pour 116 454,11 € TTC au titre de ses factures impayées.

Reprochant au Crédit Industriel de l'Ouest (CIO) de lui avoir fourni des informations erronées sur la situation financière de la société UES, la société Rosko Transports l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nantes, par acte du 17 février 2005, en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 4 septembre 2006, le tribunal a débouté la société Rosko Transports de ses demandes et débouté le CIO de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Appelante, la société Rosko Transports, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 26 janvier 2007 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que le CIO avait commis une faute et à sa réformation pour le surplus. Elle sollicite la condamnation du CIO à lui payer 200 000 € à titre de dommages-intérêts et 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir que le CIO a commis une faute en lui annonçant le 8 novembre 2002 que la société UES avait augmenté son capital de 1 800 000 €, cette information étant fausse.

Elle soutient que cette information lui a été préjudiciable puisqu'elle l'a conduite à poursuivre son partenariat avec la société UES et à donner son accord sur de nouvelles conditions de paiement, soit par traites à 60 jours au lieu de 30, ensuite de quoi ses livraisons effectuées à partir de novembre 2002 ne lui ont pas été payées et que son image commerciale s'en est trouvée détériorée. Elle expose à cet égard que la note de crédit qui lui est attribuée par la banque de France a été baissée suite à la provision pour créances douteuses de 59 814,66 € sur les comptes de l'année 2002, qu'elle a dû vendre six tracteurs pour combler son manque de trésorerie et qu'elle a connu une baisse d'activité.

La société CIC Banque CIO-BRO anciennement CIO, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 27 juin 2007 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Rosko Transports à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle allègue avoir seulement confirmé à la société Rosko Transports en décembre 2002 qu'une augmentation de capital était en cours avec plusieurs partenaires financiers dont elle-même.

Elle expose que la société mère a bénéficié d'une augmentation de capital et qu'en dépit de cette opération a, elle aussi, fait l'objet d'une procédure collective, ce qui démontre qu'une augmentation de capital n'est pas un gage de pérennité de l'entreprise ou une garantie de paiement des prestations.

Elle soutient qu'à supposer qu'elle ait délivré une information insuffisante en ce qui concerne l'identité du bénéficiaire de l'augmentation de capital, cette information n'est pas à l'origine du préjudice invoqué.

En ce qui concerne le non paiement des factures, elle considère qu'elle n'a pas à prendre en charge celles du mois de novembre 2002, la société Rosko Transports ayant repris ses relations avec la société UES sans attendre confirmation de sa part.

En ce qui concerne la détérioration de l'image commerciale, elle fait valoir que les seules factures impayées de l'année 2002, qui représentent 0,96 % du chiffre d'affaires de la société Rosko Transports ne peuvent justifier la baisse de cotation par la banque de France. Elle conteste toute baisse d'activité, dès lors que les tracteurs vendus ont été remplacés.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 6 décembre 2007.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

Que, par lettre du 29 octobre 2002, la société Rosko Transports a informé la société UES qu'elle suspendait leur relation commerciale à compter du 1er novembre à venir dans l'attente d'une confirmation de l'augmentation prévue de son capital d'un montant de 1 800 000 €, précisant qu'elle reprendrait contact avec elle afin d'envisager la poursuite de leur collaboration en fonction des renseignements qui lui seraient fournis par le CIO ;

Que, par lettre du 31 octobre suivant, elle a fait savoir à la société UES qu'elle acceptait d'assurer les transports pour la semaine du 4 au 8 novembre 2002, exprimant son espoir d'être rassurée prochainement par le CIO sur la pérennité de la société de façon à poursuivre le partenariat et précisant que, dans le cas contraire, elle confirmait la cessation de son concours à compter du 8 novembre ;

Que, le 8 novembre 2002, la société Rosko Transport a adressé une lettre à la société UES ainsi libellée :

"Suite à notre discussion de ce jour, nous vous confirmons les propos rassurants du CIO concernant l'augmentation de capital de votre société et les garanties qui entourent cette opération sur sa pérennité. Compte tenu de ces informations, nous sommes heureux de vous annoncer notre accord sur les nouvelles conditions de paiement, à compter des transports de novembre 2002, par traite à 60 jours le 10.";

Qu'en réponse à une lettre du 28 février 2003 de la société Rosko Transports, le CIO écrivait le 10 mars 2003 :

"Le CIO vous a effectivement confirmé l'augmentation de capital de la société Unit Espace Sanitaire, à concurrence de 1800 K€, ainsi que la participation d'une filiale spécialisée du CIO à cette augmentation de capital.

Il s'agissait là d'une information objective d'ailleurs connue de votre société, puisque vous la teniez vous-même de l'entreprise Unit Espace Sanitaire.";

Qu'en réalité, la société UES n'a bénéficié d'aucune augmentation de capital ;

Que c'est la société mère de la société UES, à savoir la société 2 J Industrie, qui a bénéficié d'une augmentation de capital de 1 200 000 €, augmentation décidée le 16 octobre 2002 à laquelle a participé une filiale spécialisée du CIO et réalisée définitivement par le dépôt des fonds dans les livres de la banque le 29 octobre 2002 ;

Que c'est donc à juste titre, par des motifs que la cour approuve, que le tribunal a retenu que le CIO avait commis une faute à son égard en confirmant une augmentation de capital de 1 800 000 € de la société UES, alors que l'augmentation est intervenue au profit de la société mère et pour un montant moindre ;

Que cette faute engage sa responsabilité envers la société Rosko Transports à condition qu'il en soit résulté pour elle un préjudice ;

Que les lettres plus haut mentionnées, non établies pour les besoins de la cause, rapprochées du comportement de la société Rosko Transports qui a repris ses prestations à partir du 8 novembre 2002, une fois rassurée sur la situation de la société UES, suffisent à établir que l'information erronée lui a été donnée par la banque début novembre 2002 et non en décembre 2002, comme indiqué dans une lettre du 28 février 2003 de la société Rosko Transports ;

Que les factures impayées de novembre et décembre 2002 représentant 0,96 % du chiffre d'affaires réalisé en 2002, elles ne peuvent justifier la dégradation de la cote de crédit ;

Que la vente entre le 21 et le 25 mars 2003 de six tracteurs, soit juste un mois après l'ouverture du redressement judiciaire de la société UES, au prix global de 105 000 € HT, ne s'explique pas par la nécessité d'obtenir de la trésorerie du fait de la défaillance de la société UES, dès lors qu'il s'agissait de véhicules anciens âgés de plus de cinq ans et ayant parcouru plus de 800 000 km, mais par le souci de disposer d'une flotte performante puisqu'ils ont été remplacés par six autres tracteurs, peu important que ceux-ci aient été financés dans le cadre de locations financières ;

Que si les volumes transportés pour le compte de certains clients ont été moindres en 2003 qu'en 2002, force est de constater que la société Rosko Transports s'abstient de verser aux débats son compte de résultat afférent à l'exercice 2003 qui seul aurait pu donner une image fidèle de l'activité qui a été la sienne pendant le cours de cet exercice et établir la réalité d'une perte d'activité ;

Qu'en définitive, le seul préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée provient des factures demeurées impayées dont il est justifié qu'elles sont irrecouvrables par un certificat délivré le 8 septembre 2005 par le mandataire liquidateur de la société UES, la réalité d'un préjudice lié à la détérioration de l'image commerciale n'étant pas établie ;

Que toutefois, même si le CIO avait correctement renseigné la société Rosko Transports, il ne peut être tenu pour certain que les factures auraient été payées, l'augmentation de capital ne garantissant pas le paiement desdites factures ;

Que la faute commise par la banque a seulement fait perdre à la société Rosko Transports une chance d'obtenir paiement ;

Que la réparation de la perte de chance devant être mesurée à la chance perdue et ne pouvant être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour est en mesure de fixer au regard des éléments d'appréciation qui lui sont soumis à 50 000 € les dommages-intérêts revenant à la société Rosko Transports ;

Qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient d'allouer à cette dernière 3 000 € ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Condamne la société CIC Banque CIO-BRO anciennement Crédit Industriel de l'Ouest à payer à la société Rosko Transports :

- 50 000 € à titre de dommages-intérêts,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne également aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P. d'Aboville, De Moncuit-Saint-Hilaire, Le Callonnec, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/06334
Date de la décision : 31/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nantes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-31;06.06334 ?
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