Cinquième Chamb Prud'Hom
ARRÊT No55
R.G : 06/04083
S.A.R.L. NOAO
C/
M. Gaëtan X...
POURVOI No 23/08 DU 27.03.08
Réf Cour de Cassation
No X 0841475
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 JANVIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Guyonne Y..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Octobre 2007
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 29 Janvier 2008; date indiquée à l'issue des débats:
11 décembre 2007.
****
APPELANTE :
S.A.R.L. NOAO
ZI DE CHATELETS
...
22440 PLOUFRAGAN
représentée par Me Jean Pierre COCHET, avocat au barreau de ST ETIENNE
INTIME :
Monsieur Gaëtan X...
...
22680 ETABLES SUR MER
représenté par Me Mikaël LE ROL, avocat au barreau de RENNES
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Par acte du 15 juin 2006, la société NOAO interjetait appel d'un jugement rendu le 2 juin 2006 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Brieuc qui, dans le litige l'opposant à Monsieur X...: déclarait que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamnait l'employeur à lui verser , outre les indemnités de rupture , un rappel de salaire, et la somme de 14 632 euros à titre de dommages et intérêts.
La société conteste que les faits reprochés à Monsieur X... soient prescrits, elle demande à la Cour de dire qu'ils constituent une faute grave privative de toutes indemnités .S'agissant de la clause de non concurrence, la société fait valoir que le salarié l'a délibérément violée en s'installant à son compte à Saint Brieuc pour exploiter une entreprise concurrente .Il est demandé d'infirmer le jugement et de débouter le salarié de toutes ses demandes.
Monsieur X... sollicite la confirmation du jugement , conclut au débouté de toutes les prétentions de l'employeur à qui il est réclamé la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été déposées et développées à l'audience des plaidoiries du 30 octobre 2007 puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Rappel sommaire des faits
Monsieur X..., engagé le 4 novembre 2002 par la société NOAO pour une durée indéterminée en qualité de concepteur graphiste , dont le contrat de travail comportait une clause de non concurrence , était licencié par lettre du 5 janvier 2005 pour faute grave, les motifs étant les suivants:
" Nous avons constaté par hasard lors de la remise à jour des logiciels et de l'antivirus que vous avez effectué pendant votre temps de travail et à de
nombreuses reprises divers travaux pour votre compte personnel et pour votre entourage, cela vous a occupé pendant plusieurs mois
A titre d'exemple vous avez élaboré une plaquette professionnelle vous
concernant , dans laquelle vous développez vos compétences et proposez vos
services;
Pour l'élaboration des différents documents que nous avons recensés vous
avez utilisé notre savoir faire, nos logiciels, d'une manière générale notre outil
de production dont le coût d'investissement est important.
En agissant ainsi, vous avez violé vos obligations professionnelles dans la
mesure notamment où le temps passé à la réalisation de vos travaux
personnels vous a été rémunéré normalement
Votre comportement nuit au bon fonctionnement de notre société.
La gravité des fautes reprochées rend impossible la poursuite de votre contrat
de travail, même pendant la durée limitée du préavis ".
Sur la régularité du contrôle des fichiers de l'ordinateur
Considérant que selon l'attestation de Monsieur Z..., responsable informatique de l'entreprise , lors d'un contrôle anti-virus du parc des ordinateurs de la société le 13 novembre 2004 , il s'est rendu compte que l'ordinateur mis à la disposition de Monsieur X... avait été utilisé pour la réalisation de travaux qui n'avaient pas été commandés par des clients de la société NOAO, mais au profit d'amis du salarié.
Considérant que cette attestation rédigée selon les formes prévues par le Code de Procédure Civile, n'ayant pas fait l'objet d'une procédure pour faux témoignage, il n'y a aucune raison de mettre en doute les constatations de ce responsable informatique, d'ailleurs le salarié reconnaît avoir utilisé pour des travaux personnels destinés à des tiers le matériel de l'entreprise.
Considérant que contrairement à ce que soutient le salarié, les documents "privés " qu'il a réalisés sur l'ordinateur de l'entreprise n'ont pas été enregistrés dans un fichier personnel susceptible d'être identifié comme tel, mais dans un fichier professionnel accessible par d'autres personnes de la société et en particulier par le responsable informatique, il n'y a donc pas eu fraude de la part de l'employeur ni violation de l'article 8 de la convention européenne de Droits de l'Homme ni de l'article 9 du Code Civil.
Sur le motif de la rupture
Considérant que Monsieur X... ne conteste pas avoir utilisé à des fins personnelles pour rendre service à des amis , le matériel informatique de l'entreprise , réalisé au moins trois documents ou projets de maquettes sur son temps de travail dans l'entreprise , mais soutient que l'utilisation du matériel informatique de la société par les salariés à des fins personnelles était un usage toléré et que ces faits sont prescrits.
Considérant que si l'utilisation très ponctuelle et limitée du matériel courant d'une entreprise comme le téléphone ou la photocopieuse par un salarié à des fins personnelles dans l'intérêt de sa famille peut être tolérée , en revanche tout usage ou détournement de matériel non autorisés dans les locaux de l'entreprise , même en dehors des heures de travail dans l'intérêt d'un tiers ne peut qu'être sanctionné, surtout lorsqu'il s'agit de documents confidentiels comme les logiciels informatiques protégés par la loi sur la propriété intellectuelle qui ne peuvent être utilisés que sous licence; or, le fait que Monsieur X... ait utilisé pour lui même des logiciels de l'entreprise or licence constitue une fraude aux droits de l'inventeur du logiciel et de l'entreprise utilisatrice qui paie une redevance.
Considérant que Monsieur X..., contrairement à ce qu'il prétend, ne justifie pas que l'employeur l'ait autorisé à utiliser pour son compte personnel le matériel informatique de l'entreprise , ordinateur et logiciel et que d'autres salariés aient agi de même; or, selon le constat d'huissier de Maître A... en date du 11 octobre 2005, il a été établi:
que selon les indications données par le disque dur de l'ordinateur de la société NOAO, le salarié avait créé 480 fichiers informatiques personnels qu'il avait conçus et réalisés dans les locaux de l'entreprise divers travaux de conception graphique , dont une plaquette professionnelle pour lui même et une plaquette publicitaire pour la société Mobiles LOUISIANE au mois de septembre 2004;
qu'il a détourné à son profit, dès son licenciement, ce client important de la société NOAO avec le concours de Mademoiselle B... ancienne salariée de NOAO.
Considérant que ces faits qui caractérisent un manque de loyauté à l'égard de l'employeur et une utilisation frauduleuse du matériel de la société justifie que l'employeur ait pris la décision de rompre son contrat de travail pour faute grave.
Sur la clause de non concurrence
Considérant que dans le contrat de travail de Monsieur CATRICE il était inséré une clause de non concurrence rédigée en ces termes:
".... en cas de rupture du contrat de travail pour quelque cause que se soit, Monsieur CATRICE s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement à tous postes liés à des travaux de création, de conception ou de réalisation graphique, notamment d'agendas, de logos, de plaquettes au sein d'une entreprise fabriquant et ou commercialisant des produits susceptibles de concurrencer ceux fabriqués ou commercialisés par NOAO Groupe et ses filiales actuelles et à venir...
Cette interdiction s'appliquera sur le secteur suivant:
Ile de France 75.77.78.91.92.93.94.95 ,Région Grand Ouest 14. 22. 29.
35.44.49.53.56.71.61.72.85
pour une durée d'un an.... en contrepartie Monsieur X... percevra chaque mois pendant toute la durée de son contrat une contrepartie financière de 304,90 euros ".
Considérant que s'agissant de la contrepartie financière , si Monsieur X... n'avait pas été licencié deux ans et deux mois après son entrée dans l'entreprise, l' indemnité qu'il pouvait percevoir soit 300 euros par mois de présence correspondant à 27 % de son salaire au terme de son contrat n'était pas négligeable , son montant était conforme aux usages et ne permet pas d'entraîner la nullité de cette clause;
que, s'agissant du secteur géographique, l'activité de Monsieur CATRICE s'exerçant au siège social de l'entreprise à PLOUFRAGAN (22400) près de Saint-Brieuc, si la société NOAO ne justifie pas qu'il était nécessaire dans l'intérêt légitime de la société d'étendre l'interdiction géographique de s'installer à deux grandes régions , ce qui pouvait obliger le salarié à s'expatrier à plus de 450 km de son domicile, dans les faits selon constat d'huissier en date du 11 octobre 2005 , Monsieur X... n'a pas respecté cette clause, puisqu'il s'est installé à son compte à Saint-Brieuc dans le périmètre de NOAO en créant le 1 mai 2005 une entreprise directement concurrente qu'il exploite avec Madame B...;
dans ces conditions, il ne peut demander à la Cour de prononcer la nullité de cette clause, d'ailleurs il s'abstient de réclamer à ce titre des dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement,
infirme le jugement du 2 juin 2006
Déboute Monsieur X... de toutes ses demandes
Le condamne aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT