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23/01/2008 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0032, 23 janvier 2008,


Septième Chambre

ARRÊT No

R.G : 06/00299

S.A.R.L. CHAUFFAGE CONFORT ISOLATION

S.C.I. LES QUATRE

C/

Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

infirmation et ADD sur réparation pertes d'exploitation de CCI :

Expertise

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 JANVIER 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÃ

‰RÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine X..., lors des débats et lo...

Septième Chambre

ARRÊT No

R.G : 06/00299

S.A.R.L. CHAUFFAGE CONFORT ISOLATION

S.C.I. LES QUATRE

C/

Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

infirmation et ADD sur réparation pertes d'exploitation de CCI :

Expertise

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 JANVIER 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine X..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Novembre 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, à l'audience publique du 23 Janvier 2008, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTES :

S.A.R.L. CHAUFFAGE CONFORT ISOLATION

...

56850 CAUDAN

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de Me Y..., avocat

S.C.I. LES QUATRE

...

56100 LORIENT

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de Me Y..., avocat

INTIMÉES :

Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES

...

41000 BLOIS

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de la SCP LE ROUX - LE ROUX DELPLANCQ - FURET, avocats

----

S.A. ELECTRICITE DE FRANCE

et APPELANTE

...

BP 204

56006 VANNES

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Z..., avocat

S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

INTERVENANTE VOLONTAIRE

...

75426 PARIS

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Z..., avocat

***************

I - CADRE DU LITIGE

A - OBJET

o Action engagée par la SCI LES QUATRE, propriétaire d'un immeuble situé ..., détruit par incendie dans la nuit du 11 au 12 octobre 2002, contre la Société EDF à laquelle est imputée la responsabilité du sinistre dont l'origine électrique a été tenue pour avérée

aux termes d'un rapport déposé le 10 Juillet 2003 par M. Jean A..., expert judiciaire désigné par ordonnance du Juge des référés du Tribunal de Commerce de LORIENT en date du 18 février 2003.

Fondée sur les conclusions techniques dudit expert, la demande vise au règlement de la somme de 14 680 € , solde d'indemnité compensatoire du dommage matériel non pris en charge par la Société MONCEAU GENERALE ASSURANCES (Société MGA) qui couvrait le risque pour compte commun de la SCI LES QUATRE et de la SARL CHAUFFAGE CONFORT ISOLATION (Société CCI) , locataire commerçant.

o Action engagée concurremment par une assignation commune par la Sté CCI, locataire des murs au sein desquels elle exploite un fonds de commerce de vente et installation de tous matériels en rapport avec son enseigne, et par Me Sophie B... agissant en qualité d'administrateur judiciaire de ladite Société contre la Sté EDF visant les mêmes fins, savoir le règlement de la somme de 296 547,55 € , montant par elle évalué du préjudice commercial découlant du ralentissement du courant d'affaires engendré par l'éviction des locaux qui a suivi l'incendie, ralentissement lié, notamment, selon ses dires, à la perte provisoire du pouvoir d'attraction que

recélait le hall d'exposition des matériels qui n'a pu être rétabli immédiatement sur place.

o Action engagée par la Société MGA sur le fondement de l'article

L 121-12 du Code des Assurances et de quittances subrogatives contre la Société EDF tendant, pour la même cause, à se voir rembourser la somme de 247 290 € versée à ses assurées, SCI LES QUATRE et SARL CCI.

Sur ces actions conjointement engagées par les Sociétés LES QUATRE, C.C.I. et MGA, la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS est intervenue volontairement à la procédure au stade de l'instance d'appel au soutien des intérêts de la Sté EDF, son assurée.

Le litige opposant les parties porte sur trois points:

o Premières appelantes, la SCI LES QUATRE et la SARL C.C.I demandent à la Cour:

- la première, d'admettre sa créance à hauteur de la somme de 14 680 € au motif qu'elle aurait été indûment réduite par le Tribunal à la somme de 1 941 euros en considération d'un certain taux de vétusté appliqué par les experts d'assurance aux aménagements, décors et équipements des locaux.

- la seconde d'admettre sur la base des dernières pièces qu'elle communique

que sa perte d'exploitation est, nonobstant la position des sociétés EDF et AXA CORPORATE SOLUTIONS qui en nient l'existence, démontrée à hauteur de la somme réclamée ( 296 547,55 € ).

- Seconde appelante, la Sté EDF , à laquelle se joint la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS, remet en cause la pertinence des analyses et conclusions de l'expert judiciaire et, contredite par les poursuivantes qui demandent l'homologation desdites conclusions, soutient que s'il y a eu un sinistre électrique sur son réseau , fait non contesté, un doute irréductible existe sur le point de savoir s'il est la cause de l'incendie ou la conséquence d'un incident électrique survenu sur le réseau privatif alimentant l'immeuble provoquant, par la vigueur des flammes, un court-circuit en amont du disjoncteur restant sa propriété.

Sur le constat de ce doute que, à ses yeux, le rapport de l'expert ne permet pas de lever , elle estime, que les poursuivantes ne rapportant pas la preuve, qui leur incombe, du lien de causalité entre le perlage observé sur les fils électriques du réseau EDF et le départ du foyer d'incendie, elles doivent être purement et simplement déboutées de leurs demandes respectives.

o Appelante incidente, la Sté MGA prétend obtenir le règlement de la somme complémentaire de 9 424 € correspondant aux honoraires d'intervention de son expert, somme écartée par le Premier Juge faute d'explicitation de la source d'une différence du même ordre apparaissant entre l'estimation des dommages ( 256 053 € ) et le montant total des quittances versées aux débats ( 165 477 € + 81 813 € soit 247 290 € ).

La Société AXA CORPORATE SOLUTIONS objecte en particulier à l'appelante qu'elle est adhérente d'une convention inter-assurances d'où il ressort que les contractants s'interdisent d'exercer un recours pour des dépenses ayant pour source l'intervention de leurs experts respectifs et qu'en tout état de cause aucune pièce n'atteste de la cause exacte de cette différence, lesdits honoraires n'étant pas évoqués dans le seul document qui lui soit opposable, savoir, le procès-verbal d'estimation des dommages signé le 4 décembre 2002 par les mandataires des parties.

B - DECISION DISCUTEE

Jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en date du 14 décembre 2005 qui a:

- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'exception d'incompétence

- condamné la Sté EDF à payer:

o à la Sté MGA, la somme de 237 866 € , avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et 1 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

o à la SCI LES QUATRE , la somme de 1941 € , avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

- ordonné l'exécution provisoire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SCI LES QUATRE et la SARL C.C.I.ont relevé appel du jugement par déclaration enregistrée au greffe

de la Cour le 13 Janvier 2006.(Procédure enrôlée sous le no 06/299).

La Société EDF a relevé appel de la décision par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 20 Juin 2006 (Procédure enrôlée sous le no 06/4260) n'intimant sur cet appel que la société MGA.

Lesdites procédures ont été jointes par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 6 Juillet 2006.

La SCI LES QUATRE et la SARL C.C.I. ont signifié, et déposé au greffe de la Cour le 10 Septembre 2007, leurs ultimes conclusions d'appelantes accompagnées du visa d'une liste évoquant 22 documents versés aux débats et d'un bordereau de pièces communiquées attestant la production du document 22 (3 attestations CIGEST CONSEIL).

La Société MGA a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 9 mars 2007, ses ultimes écritures visant une liste de 21 documents, accompagnées du bordereau complémentaire susvisé , référencé 22.

Les Sociétés EDF et AXA CORPORATE SOLUTIONS ont signifié, et déposé au greffe de la Cour le 18 octobre 2007, leurs ultimes conclusions accompagnées d'un bordereau récapitulatif de pièces communiquées visant 10 documents versés aux débats en première instance, 3 documents produits dans le cadre de la procédure d'appel.

II - MOTIFS DE LA DECISION

A - Sur la responsabilité de la Sté EDF

Rappelant à la fois la teneur des analyses de l'expert judiciaire et la teneur des constatations du bureau de contrôle SOCOTEC dont l'objectivité est évidente, le Premier Juge a réfuté, au terme d'une motivation exhaustive que la Cour fait sienne (jugement pages 4 à 6) l'ensemble des réserves et objections techniques que les Sociétés EDF et AXA CORPORATE SOLUTIONS maintiennent actuellement à tort et non sans quelque malice au regard de l'évidence de la cause technique de l'incendie: celui-ci résulte d'un échauffement du câble EDF reliant le compteur et les fusibles situés à l'extérieur de l'immeuble au disjoncteur général situé en sous-face de l'escalier donnant accès au sous-sol, échauffement d'où est résulté un court-circuit, à 10 cm du disjoncteur EDF, au sein de l'immeuble et cause première du foyer.

Dans la mesure où les appelantes prétendent que l'analyse de l'expert judiciaire entérinée par le Premier Juge laisserait place à la formulation "d'autres hypothèses plausibles", il convient, en complément des réfutations exprimées par celui-ci, de mettre en avant les arguments suivants qui, confortant l'analyse critiquée, interdisent de conférer auxdites hypothèses un caractère crédible et plausible.

o D'abord, l'expert judiciaire a effectivement tenu pour constant que le court-circuit est survenu à 10 cm en amont du disjoncteur EDF: la Société EDF a certes contesté cette affirmation et l'expert n'a pas cru devoir la contredire mais cela est évident, et sans intérêt.

En effet, la distance de 10 cm est celle mesurée matériellement à partir du câble EDF retrouvé branché sur les bornes du disjoncteur et la Sté EDF est d'autant moins loyale de soulever cette objection que le rapport de M. A... comporte deux photographies (sur les onze clichés pris sur place et perdus par suite d'une erreur de manipulation du logiciel) et l'une d'elle (A) montre "les deux fils de phase à 10 cm des bornes supérieures du disjoncteur EDF" (Rapport paragraphe évoquant la liste des annexes, visa de la pièce 7 A et B et annexe 7).

Nier à ce point l'évidence ne conforte pas le crédit de la thèse défendue et l'expert a, pour le reste, répondu à l'objection tirée du caractère impédant de l'arc électrique en des termes suffisamment clairs qu'appuient les données qui seront ci-après évoquées (rapport p.2, in fine et page 3).

- L'évocation du tremblement de terre survenu 8 jours plus tôt en tant que source potentielle de l'incident électrique est gratuite et a d'autant moins de raison d'être tenue pour convaincante que celui-ci a alors affecté à la fois une installation électrique privative mise aux normes et en service en octobre 2001, un an avant l'incendie, et un réseau EDF très ancien: le rapport SOCOTEC indique en effet, évidente anomalie dont les conséquences techniques potentielles sont occultées à tort par la Société EDF, ce qui atténue la portée de ses contestations, que le câble reliant le disjoncteur EDF et le disjoncteur général du tableau de répartition est de section 10mm² alors que la liaison aérienne amenant l'énergie électrique audit disjoncteur général EDF est de section 6 mm² (Rapport SOCOTEC p.1).

- Cette anomalie peut aussi être la source déterminante d'une dégradation progressive du câble de section 6 mm² appelé depuis un an à satisfaire ponctuellement des demandes d'énergie électrique transitant par le biais d'un câble privatif principal de section 10 mm² conforme aux besoins de l'installation, parfaitement calibré au regard des besoins de l'occupant des lieux.

Par ailleurs, il est notoire que l'alimentation d'une installation privative par un câble de section 6 mm² ne satisfait pas au mieux les besoins et exigences des consommateurs d'énergie électrique qui, actuellement , mettent en fonctionnement simultanément toujours plus d'équipements électriques sans toujours tenir compte du calibre des câbles et des protections électriques des réseaux.

Cette anomalie apparaît donc de nature à confirmer l'hypothèse de

la Société SOCOTEC et à lui conférer le caractère d'une certitude puisqu'elle a pu entraîner d'abord une dégradation progressive du câble EDF par échauffement de l'enveloppe plastique le protégeant , permettre sa mise à nu , puis le développement d'un arc électrique, et par réaction, la fonte des fusibles EDF qui a été admise, sinon par l'expert A..., en tout cas par la Sté SOCOTEC ( rapport p.2) sur le foi des déclarations de M. C....

Sans doute la qualité de M. C..., directeur de la SARL CCI, interdit-elle de tenir pour avéré ce que personne n'a constaté s'agissant de l'état des fusibles, mais le Premier Juge a, sur ce point, répondu avec pertinence aux réserves exprimées par la Société EDF et, pour le surplus, le moins que l'on puisse dire au regard de l'anomalie susvisée et de la bonne foi dont fait preuve la Sté EDF en ce qui a trait à la distance mesurée du point de fusion des câbles par rapport au disjoncteur, c'est que tout laisse penser que le câble mis en cause, atteint par l'arc électrique, sans que la distance considérée ait une quelconque importance technique au demeurant, était vétuste et non adapté s'agissant d'une installation rénovée, mise aux normes actuelles: la sincérité des propos de M. C... tenus lors de la réception en 2001 du réseau électrique et de ses équipements se trouve donc confirmée (annexe 6 et son complément, attestation de M. C...).

- Enfin, sur le plan technique, il convient d'observer qu'il est parfaitement gratuit de la part de la Sté EDF et de la Sté AXA CORPORATE SOLUTIONS d'émettre l'hypothèse d'un incident électrique survenu sur le réseau privatif de l'immeuble, en aval, dans l'ordre : du disjoncteur EDF

(500 milliampères), du disjoncteur "abonné" ( 300 milliampères), du tableau général de répartition doté, comme les normes l'exigent, de fusibles protégeant chaque circuit ou "coupes-circuit".(Prise de courant, éclairage, chaudière et autres gros équipements électriques).

Si cet incident électrique était survenu, l'un des fusibles du tableau

l'aurait maîtrisé et, à défaut, l'un ou l'autre des deux disjoncteurs se serait déclenché.

L'absence de toute lésion observée sur le réseau privatif, relevée par l'expert judiciaire, anéantit cette hypothèse et, par la même, exclut de tenir pour sérieux son pendant, savoir qu'un incendie ayant pour source un câblage quelconque passant dans la cage d'escalier aurait malgré la protection du circuit, créé un départ de feu qui, se développant, aurait emporté un arc électrique par échauffement des conducteurs et des disjoncteurs situés en amont.

Cette hypothèse, seule virtuellement sérieuse, ne pouvant être qualifiée telle, les autres objections techniques élevées par les Stés EDF et AXA CORPORATE SOLUTIONS trouvent une réponse suffisante dans la motivation du Premier Juge à laquelle il est fait renvoi, observation faite qu'à défaut de dysfonctionnement avéré ayant laissé des traces objectives au niveau du tableau équipant le réseau électrique privatif situé en aval des disjoncteurs ou entre les deux disjoncteurs, toutes autres supputations fondées sur les indices matériels qui permettraient de cerner la course des flammes, voire, en l'espèce, de la combustion sans flammes soutenue par l'expert judiciaire, sont dépourvues de portée probante .

Le jugement est, en conséquence de ce qui précède, confirmé en ce qu'il retient que la Sté EDF est responsable de l'incendie et tenue d'en réparer les conséquences.

B - Sur le dommage allégué par la SCI LES QUATRE

Le dommage resté à la charge de la SCI LES QUATRE correspond à la différence existant entre la valeur à neuf des travaux et réparations déterminée par les experts d'assurance (PV de constatations et évaluation des dommages du 4 décembre 2002 no2 pièce 7 a visée par l'expert A... en page 1 de son rapport: valeur à neuf déduction faite d'une vétusté cotée à 12,753 soit 96 453 € - 12 739 € ) et la valeur nette déterminée après application de coefficients de vétusté variables sur certains postes de travaux.

S'agissant de la détérioration matérielle d'une chose corporelle, il est de règle que la victime doit être restituée dans ses droits sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit en sorte que la réparation doit être égale à la somme nécessaire à la remise en état de la chose, lorsque celle-ci est possible pour un coût raisonnable: cela renvoie à évaluer le dommage à due concurrence du coût total des réparations en faisant abstraction de la vétusté, totale ou partielle, des biens dégradés ou détruits.

C'est dès lors à bon droit, en l'état de la pièce ci-dessus visée, que la SCI LES QUATRE sollicite la condamnation de la Sté EDF à lui payer la somme de 14 680 € : le jugement est réformé sur ce point.

C - Sur le dommage allégué par la SARL C.C.I.

Les pièces communiquées par la SARL C.C.I. n'établissent pas formellement l'existence d'un dommage d'exploitation ni, surtout, d'un dommage qui a entraîné un manque à gagner de l'ordre de 300 000 € .

Toutefois, la pièce 22 b fait apparaître qu'à partir du mois d'août 2003, et jusqu'en décembre 2003, son chiffre d'affaires a sensiblement baissé chaque mois par rapport aux résultats observés sur les mêmes périodes (Août-décembre) au cours des années 2000 à 2002, résultats progressant d'année en année entre ces deux années.

Cette anomalie peut avoir d'autres sources que la privation de jouissance du hall d'exposition du matériel mis en vente et, notamment, peut être la conséquence d'un retournement de conjoncture après plusieurs années fastes pour la commercialisation des produits ou services offerts à la vente par la SARL CCI.

Il apparaît cependant indispensable de vérifier la source de cette anomalie et, si elle peut être rattachée avec certitude aux perturbations dans la gestion commerciale de l'activité, se pose la question, éventuellement délicate, d'apprécier la part du manque à gagner qui peut être attribuée à ce facteur en excluant tous autres comme, notamment, la conjoncture économique.

Il est donc ordonné une expertise afin que se trouvent éclairés les facteurs déterminant la baisse de chiffre d'affaires constatée et que soit fixée la perte d'exploitation qui peut être tenue pour liée aux conséquences du sinistre sur la gestion de l'activité.

Il est sursis à statuer sur cette demande et sur la disposition du jugement, matériellement omise du dispositif, la rejetant purement et simplement.

D - Sur le dommage allégué par la Sté MGA, appelante incidente

Le jugement est confirmé en ce qu'il fixe à 237 866 € la dette de la Sté EDF sur la poursuite de la Sté MGA , (soit : 81 813 € , montant de l'indemnité versée à la SCI LES QUATRE et 156 053 € , montant de l'indemnité versée à la SARL CCI).

La Société MGA soutient que le Premier Juge aurait, à tort, réduit de 165 477 € à 156 053 € sa créance, la privant de son droit au recouvrement des honoraires versés à son expert technique ( 9 424 € ).

Il est de fait que la pièce 7 b (annexe 4 du rapport de l'expert judiciaire) évoque un dommage matériel supporté par la SARL C.C.I égal, en valeur à neuf , à 161 782 € alors que la quittance délivrée par celle-ci évoque le règlement d'une indemnité égale à 165 477 € tandis que, fruit d'une erreur matérielle ou d'un échange verbal en cours d'expertise, M. Jean A... évoque que le dommage de la SARL C.C.I était égal à

169 782 € .

L'examen de la quittance subrogative (Pièce 15 communiquée par la Sté MGA ) délivrée le 16 mars 2003 par la SARL C.C.I révèle que la somme de 165 477 € se compose des créances suivantes:

o Dommages matériels 154 206 € ( vétusté déduite)

o Coût de l'expert d'assurance 11 271 € ("délégation d'expert")

Il est remarqué que la somme ( 9 424 € ) dont le paiement est actuellement revendiqué par la Sté MGA a donc été effectivement acquittée, assumée en tout cas, par celle-ci puisque 9 424 € paraît correspondre à des honoraires HT qui, augmentés de la TVA, se trouveraient portés à ( 9 424 € x 1,196) 11 271 € .

Cette créance résulte du contrat d'assurance liant la Sté MGA à son assurée qui, il faut le supposer, a payé préalablement de ses deniers l'expert intervenu: ce n'est pas une créance née de l'intervention d'un expert mandaté par la Sté MGA mais elle a un recours à due concurrence de cette somme.

Ce recours, fût-il subrogatoire, se heurte cependant au fait que la pièce 11 communiquée par la Sté AXA CORPORATE SOLUTIONS établit,

o que la Sté MGA est signataire, au même titre que plusieurs mutuelles ou caisses du " GROUPE MONCEAU", des conventions inter-assurances régissant les rapports entre assureurs au titre des assurances de dommages (Recueil 2002 édité par la FFSA).

o qu'elle peut donc se voir opposer par la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS , elle-même signataire de l'accord, la règle acceptée aux termes du paragraphe III de cette convention : " les sociétés renoncent , lorsqu'elles interviennent en assurance de chose, à exercer un recours contre les assureurs

de responsabilité pour la valeur à neuf...les honoraires d'experts".

Force est de constater cependant que la Sté MGA dirige sa demande contre la seule Sté EDF qui, non partie à ladite convention, ne peut s'en prévaloir.

Dans ce contexte de droit et de procédure, l'appel incident de la Sté MGA apparaît recevable et fondé; la Sté EDF est condamnée à lui payer la

somme de 9 424 € revendiquée qui correspond à un dommage directement issu de l'incendie imputable à sa faute.

Perdant le procès la Sté EDF est condamnée à payer aux sociétés SCI LES QUATRE, C.C.I et MGA la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles nés de la procédure principale sur laquelle elle a greffé un appel qui ne se justifiait pas au regard des énonciations d'un jugement fortement motivé et répondant à l'ensemble de ses objections.

Elle supportera également les dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour et est dès à présent déboutée de sa demande d'indemnisation de frais irrépétibles.

III - DECISION

La Cour,

- Réforme le jugement déféré.

- Condamne la Société EDF à payer:

à la Société MGA, la somme de 247 290 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés au cours de l'entière procédure.

à la SCI LES QUATRE, la somme de 14 680 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement en application de l'article 1153-1 du Code Civil et 3 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés au cours de l'entière procédure.

- Déboute la Sté EDF de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Avant dire droit sur le fond s'agissant de la demande de la SARL C.C.I tendant à la réparation de pertes d'exploitation, désigne en qualité d'expert :

o M. Guy D...: Manerguy, Route de Kerdual -BP 25-56620-PONT SCORFF, Tél: 02.97.32.60.40

à son défaut:

o M. Michel E... - ... 204-56100-LORIENT.

Tél: 02.97.83.82.27

avec mission:

* de se faire remettre par la SARL CHAUFFAGE CONFORT ISOLATION tous documents administratifs, commerciaux et comptables utiles permettant

de décrire les conditions concrètes du développement de son commerce avant la survenance de l'incendie et après le 12 octobre 2002.

* de décrire et exposer les conditions d'exploitation ainsi mises en évidence en précisant à partir de quel moment la SARL C.C.I. a disposé d'un "outil de production" complètement reconstitué, notamment par la prise de jouissance du hall d'exposition restitué dans son état initial.

* de donner son avis, au regard des informations ainsi réunies, sur l'existence d'un lien de causalité certain entre les perturbations subies par l'exploitation du fonds de commerce à partir d'octobre 2002 et le mouvement de baisse du chiffre d'affaires amorcé en août 2003; préciser à cet égard si d'autres facteurs ont pu se conjuguer avec l'état des lieux pour expliquer ce mouvement, dont la période d'achèvement sera recherchée, et si un retournement de la conjoncture économique peut à lui seul expliquer ce mouvement après plusieurs exercices d'exploitation établissant une progression constante du chiffre d'affaires.

* de donner son avis sur la nature des pertes subies et chiffrer le manque à gagner supporté éventuellement par la SARL C.C.I. si le lien de causalité évoqué ci-dessus était établi.

* de déposer de ses investigations un pré-rapport et de répondre à tous dires des parties exprimés dans le délai qui leur sera imparti pour ce faire.

- Dit que l'expertise sera effectuée aux frais avancés de la SARL C.C.I. qui devra consigner au greffe de la Cour avant le 22 février 2008 la somme de 1 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert.

- Dit que l'expert déposera son rapport écrit dans les six mois de sa saisine et, au plus tard, pour le 12 Septembre 2008.

- Condamne la Sté EDF aux dépens de première instance et aux dépens d'appel, qui comprendront les frais et honoraires découlant de l'expertise diligentée par M. A...; autorise les S.C P d'avoués J.BREBION- J.D.CHAUDET, CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET à les recouvrer par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0032
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 23/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lorient, 14 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-01-23; ?
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