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22/01/2008 | FRANCE | N°06/06750

France | France, Cour d'appel de Rennes, 22 janvier 2008, 06/06750


FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Jean-Claude X... et Madame Christiane Y... se sont mariés le 27 juin 1953 sans contrat préalable. Aucun enfant n'est issu de cette union.

Monsieur X... est décédé le 14 février 2005 à Morlaix.

Exposant que son époux avait souscrit cinq contrats d'assurance-vie en désignant comme bénéficiaires pour trois d'entre eux sa soeur, et pour les deux autres, sa nièce Madame Catherine Z... épouse A..., que ces contrats étaient en réalité des contrats de capitalisation, que les primes versées l'avaient été à l'aide de fonds communs pou

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FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Jean-Claude X... et Madame Christiane Y... se sont mariés le 27 juin 1953 sans contrat préalable. Aucun enfant n'est issu de cette union.

Monsieur X... est décédé le 14 février 2005 à Morlaix.

Exposant que son époux avait souscrit cinq contrats d'assurance-vie en désignant comme bénéficiaires pour trois d'entre eux sa soeur, et pour les deux autres, sa nièce Madame Catherine Z... épouse A..., que ces contrats étaient en réalité des contrats de capitalisation, que les primes versées l'avaient été à l'aide de fonds communs pour des montants cinq fois supérieurs à l'actif immobilier dépendant de la communauté, par acte du 21 mars 2005 Madame Y... assigna Madame A... aux fins de voir dire et juger que lesdites primes font partie de la communauté et que la succession de Monsieur X... doit récompense à la communauté à hauteur de ces primes.

Par conclusions du 8 juin 2005 la société PREDICA intervint volontairement à la procédure.

Par jugement du 13 septembre 2006 le Tribunal de grande instance de Morlaix :

-débouta Madame Y... de ses demandes en estimant que les primes versées n'étaient pas excessives au regard de la situation de fortune du défunt,

-dit que, sur présentation du jugement la société PREDICA remettra à Madame A... le produit du contrat "Lion-Vie" dont elle est bénéficiaire, en principal et intérêts,

-dit que les intérêts dus depuis le 14 février 2005 seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil,

-condamna Madame Y... aux dépens et au paiement d'une somme de 1500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame Y... forma appel de ce jugement.POSITION DES PARTIES

* MADAME B...

Dans ses dernières conclusions en date du 26 novembre 2007 Madame C... demande à la Cour, sur le fondement des articles 1401, 1421 et 914-1 du code civil et des articles L 132-12 et L 132-13 du code des assurances:

-d'infirmer le jugement,

1:1de prononcer la nullité des contrats d'assurance-vie souscrits par

Monsieur X... en fraude des droits de son conjoint et ordonner en conséquence la réintégration des capitaux assurés à la communauté,

-à défaut, de prononcer l' inopposabilité à Madame C... de la stipulation pour autrui que constitue la souscription de ces contrats et ordonner en conséquence la réintégration des capitaux assurés dans la communauté,

-à titre subsidiaire de constater le caractère manifestement exagéré des primes versées par Monsieur X...,

-de condamner Madame A... aux dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* MADAME A...

Dans ses dernières écritures en date du 20 novembre 2007 Madame A... demande à la Cour :

-de déclarer irrecevables les nouvelles prétentions formulées en

cause d'appel par Madame C...,

-à titre principal, au vu des articles 1421 et 1427 du code civil de déclarer prescrite l'action en nullité des contrats d'assurance-vie,

-à défaut de constater que les éléments constitutifs d'une fraude ne sont pas réunis et confirmer le jugement,

-à titre subsidiaire de constater que le montant des primes versées n'était pas manifestement exagéré et dire qu'il n'y a pas lieu à réduction,

-à titre infiniment subsidiaire, si la Cour estimait le montant des primes exagéré, d'en déterminer l'ampleur, les identifier isolément, contrat par contrat et tenir compte des droits de succession dont l'intimée s'est déjà acquittée à hauteur de 243.391 €,

-de condamner Madame Y... aux dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* LA SOCIÉTÉ PREDICA

Dans ses dernières conclusions en date du 1" juin 2007 la société PREDICA demande à la Cour :

-de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur la demande de réintégration des capitaux assurés dans la communauté des époux X... et sur le caractère manifestement excessif des primes versées,

-de constater qu'elle a procédé au versement du capital-décès entre les mains du bénéficiaire et se trouve déchargée de toute obligation,

-de dire et juger que seule Madame A... désignée par le Tribunal de grande instance de Morlaix comme étant bénéficiaire du contrat pourrait être tenue au remboursement des sommes reçues,

-de débouter les parties de toutes leurs demandes,

-de condamner la partie succombante aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION

* SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

Aux termes des articles 564 et 565 du nouveau code de procédure civile les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions à moins

-4-

qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Dans ses dernières écritures déposées le 9 novembre 2005 devant le premier juge Madame Y... demandait :

•sur le fôhdement de l'article 1401 du code civil, à ce que les primes

versées par son époux soient réintégrées à l'actif de la communauté,

•à voir ordonner la réintégration de l'intégralité des sommes détenues par le Crédit Lyonnais au profit de Madame A... à l'actif de la communauté,

•subsidiairement au visa de l'article 1437 du code civil à voir dire et juger que la succession de Monsieur X... doit récompense à la communauté à concurrence du montant des primes versées,

•encore plus subsidiairement, au visa de l'article 132-13 du code des assurances, d'entendre constater le caractère manifestement exagéré de ces primes et les voir réintégrer dans l'actif successoral.

En cause d'appel Madame Y... conclut :

•sur le fondement de l'article 1421 du code civil à la nullité des contrats d'assurance-vie, à défaut à leur inopposabilité, et à la réintégration des capitaux assurés dans l'actif commun,

•subsidiairement, au visa de l'article 132-13 du code des assurances, à la réduction des primes versées en raison de leur caractère manifestement exagéré.

Si Madame Y... invoque pour la première fois en cause d'appel les dispositions de l'article 1421du code civil, elle demandait déjà au premier juge d' ordonner la réintégration à l' actif commun des sommes détenues par la compagnie d'assurance au profit de Madame A..., et donc le retour à l'actif commun du capital devant être versé au bénéficiaire du contrat d'assurance-vie.

Les prétentions de Madame Y..., bien que fondées sur de nouveaux arguments juridiques, tendent aux mêmes fins que celles qui avaient été soumises au premier juge.

En conséquence Madame A... sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer l'appelante irrecevable en ses prétentions.

* SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 1421 DU CODE CIVIL

- sur la prescription

-5-

Aux termes de l'article 1421 du code civil chacun des époux a le pouvoir d'administrer les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre.

L'article 1427 du même code dispose : Si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre peut en demander l'annulation. L'action en nullité est ouverte pendant deux ans.

L'article 1427 du code civil sanctionne les actes qu'un conjoint a accomplis unilatéralement alors que le consentement de l'autre était requis alors que l'article 1421 du code civil vise les actes que l'un des époux pouvait passer seul mais qui sont entachés de fraude.

S'agissant de l'action en nullité fondée sur l'article 1427 la loi prévoit un délai de deux pour agir. Li' revanche dès lors il n'est prévu aucun délai spécifique pour agir contre les actes frauduleux commis par un conjoint, l'action se prescrit selon le délai de droit commun de trente ans.

En conséquence Madame A... sera déboutée de sa demande tendant à voir constater la prescription de l'action.

- sur le bien fondé de la demande

L'article 1421 du code civil sanctionne la gestion frauduleuse des biens communs par l'un des conjoints.

En application de l'article L 132-12 du code des assurances la créance de la société d'assurance, née en raison du décès de Monsieur X..., a été acquise au seul profit du bénéficiaire désigné de sorte que les dispositions de l'article 1421 du code civil ne sauraient s'appliquer à l'attribution du capital- décès.

Dans le cas présent, en cause d'appel, Madame Y... demande à la Cour, par application de l'article 1421 du code civil, d'ordonner la réintégration du capital assuré dans l'actif commun.

Ce capital n'ayant jamais fait partie des biens communs il ne peut avoir fait l'objet d'une gestion frauduleuse de la part de Monsieur X....

En conséquence Madame Y... sera déboutée de ce chef de demande.

* SUR LE CARACTÈRE MANIFESTEMENT EXAGÉRÉ DES PRIMES

Aux termes des articles L 132-12 et L 132-13 du code des assurances le capital ou la rente payables lors du décès de l'assuré ne font pas partie de sa succession à moins que les sommes versées à titre de primes n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Le caractère manifestement exagéré des primes versées s'apprécie au moment de leur versement au regard de l'âge, des revenus, de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité de l'opération.

De l' année 1994 à l'année 2004 Monsieur X..., qui gérait un groupe de sociétés employant près de 1200 personnes, a perçu un revenu global de 3.098.833 €, non compris les rachats de contrats intervenus au cours de cette période pour la somme globale de 862.898 €.

Ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune pour la même période mentionnent une base imposable évoluant dans une fourchette comprise entre un et près de deux millions d'euros.

Durant cette même période il a contracté 3 contrats assurance-vie "TRECAP" en désignant sa soeur, Madame D..., en qualité de bénéficiaire, et 2 contrats assurance-vie "Lion-Vie" en désignant sa nièce, Madame A..., en qualité de bénéficiaire. Il a réglé approximativement 1.900.000 € à titre de primes, déduction faite des rachats intervenus en cours de contrat, soit approximativement la moitié de ses revenus.

L'actif net de la succession ne présente qu'un solde créditeur de 240.105€. Toutefois cet état de fait résulte d'un redressement fiscal à hauteur de 107.961€ notifié postérieurement au décès de Monsieur X... et de la perte de valeur des participations dans le Groupe X... à raison des graves difficultés rencontrées par ces sociétés postérieurement au paiement des primes litigieuses.

Si le montant des primes ainsi versées est important, il n'était pas manifestement exagéré au regard des revenus et du patrimoine du souscripteur à la date de leurs versements.

Lors de la souscription des contrats "TRECAP" Monsieur X... était âgé de 68 ans. Il avait 72 ans lors de la souscription des contrats "Lion- Vie". Monsieur X... n'avait pas d'enfant. Dès lors, compte tenu de son espérance de vie au moment de ces souscriptions, de la nature de ses obligations familiales et de la possibilité de rachat en cas de difficultés de trésorerie, ces contrats présentaient pour lui une utilité certaine tout en lui permettant, à raison de sa situation de fortune et de ses revenus, d'assumer ses obligations à l'égard de son épouse.

En conséquence la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a débouté Madame C... de ses demandes.

* SUR L'INTERVENTION VOLONTAIRE DE LA SOCIÉTÉ PREDICA

Il sera donné acte à la société PREDICA de ce qu'elle s'en rapporte sur les demandes et de ce qu'elle a versé le capital-décès entre les mains de Madame A... et se trouve déchargée de toute obligation.

* SUR LES DÉPENS

Les dépens seront supportés par Madame C... qui succombe en son appel.

Chacune des parties sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en date du 13 septembre 2006 rendu par le Tribunal de grande instance de Morlaix en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déclare Madame Christiane C... veuve X... recevable mais mal fondée en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1421 du code civil.

Donne acte à la S.A. PREDICA de ce qu'elle s'en rapporte sur les demandes et de ce qu'elle a versé le capital-décès entre les mains de Madame Catherine Z... épouse A... et se trouve libérée de toute obligation.

Déboute chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame C... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/06750
Date de la décision : 22/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Morlaix


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-22;06.06750 ?
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