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27/11/2007 | FRANCE | N°06/07320

France | France, Cour d'appel de Rennes, 27 novembre 2007, 06/07320


Cinquième Chamb Prud'Hom

ARRÊT No517

R.G : 06/07320

Mme Carole X...


C/

S.A. AUXIGA

POURVOI No 8/08 DU 24.01.08
Réf Cour de Cassation:
Z 0840396

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :



REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Louis-Marc PLOUX, Pré

sident de Chambre,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,

GREFFIER :


Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé

...

Cinquième Chamb Prud'Hom

ARRÊT No517

R.G : 06/07320

Mme Carole X...

C/

S.A. AUXIGA

POURVOI No 8/08 DU 24.01.08
Réf Cour de Cassation:
Z 0840396

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Octobre 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 27 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame Carole X...

...

35000 RENNES

comparante en personne, assistée de Me Lionel HEBERT, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

S.A. AUXIGA

...

75015 PARIS

représentée par Me Claire CHAUMETTE, avocat au barreau de PARIS

--------------------------

Vu le jugement rendu le 27 octobre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de Rennes qui, saisi par Madame X..., assistante de direction au sein de la société AUXIGA, licenciée pour motif économique le 2 novembre 2005, d'une contestation de cette mesure, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et débouté la SA AUXIGA de sa demande formulée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Vu l'appel formé le 13 novembre 2006 par Madame X...,

Vu les conclusions déposées le 15 octobre 2007 par Madame X..., oralement reprises à la barre, demandant à la Cour de :
- dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner la société AUXIGA à lui verser la somme de 35.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la rupture abusive du contrat de travail outre 2.000,00 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner aux dépens,

Vu les conclusions déposées le 15 octobre 2007 par la société AUXIGA, oralement reprises à l'audience, demandant à la Cour de :
- à titre principal, déclarer irrecevable la demande en contestation présente par Madame X...,
Subsidiairement,
- constater et déclarer bien fondé le licenciement pour motif économique,
- dire qu'elle a respecté son obligation de reclassement,
En conséquence,"à titre principal subsidiaire",
- débouter Madame X... de l'intégralité de ses demandes,
- la condamner à lui verser 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens,
" Infiniment subsidiairement",
- ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts,
- pour le surplus, débouter Madame X... de l'intégralité de ses demandes,

SUR CE :

La société AUXIGA exploite une activité de gestion de gages sur stocks. Elle a ouvert une agence à Rennes en 2002, et engagé dans ce cadre Madame X... en qualité d'assistante de direction, suivant contrat en date du 20 mars 2003.

Ayant décidé de réorganiser la structure de ses directions régionales et notamment de fermer l'agence de Rennes, la société AUXIGA a proposé à Madame X..., par courrier en date du 6 septembre 2005, de poursuivre ses fonctions au sein du Centre d'Angers.

La salariée a refusé cette proposition par courrier en date du 3 octobre 2005. Elle a alors été convoquée à un entretien préalable au licenciement au cours duquel il lui a été proposé d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé, ce qu'elle a fait le 31 octobre 2005.

Elle s'est vue notifier la rupture de son contrat de travail par lettre du 2 novembre 2005, ainsi rédigée :
"Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le mercredi 19 octobre 2005 au cours duquel vous avez maintenu votre position telle que contenue dans votre courrier en date du 3 octobre réceptionné le 5 octobre 2005, à savoir le refus de la modification de votre lieu de travail et du déménagement subséquent, en sorte que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.
En effet, comme nous vous l'avons rappelé, devant une concurrence de plus en plus active, nous avons décidé de réorganiser la structure de nos directions régionales par la création de Centres administratifs et la suppression des petites directions régionales qui ne possèdent pas la structure nécessaire permettant d'être en permanence disponibles et réactives vis à vis de la clientèle.
C'est pour cette raison que le Centre Administratif fut créé à Lyon en juillet 2004, regroupant 3 Directions Régionales.
Ce nouveau dispositif nous permet d'améliorer la qualité de nos prestations envers nos prescripteurs et d'être ainsi plus performants sur le plan commercial.

Au cas particulier de la région OUEST, le chiffre d'affaires de la Direction Régionale basée à RENNES est en baisse permanente depuis l'ouverture de celle-ci, en novembre 2002.
En effet, non seulement le nombre de dossiers gérés par la Délégation est en déclin puisque de 28 dossiers en 2002 le volume est passé à 17 dossiers en 2005, mais également le chiffre d'affaires généré a fortement diminué ces 4 dernières années, de près de moitié.
De ce fait nous sommes amenés à effectuer des restructurations, à savoir la création d'un Centre Administratif à Angers qui regroupera les Directions Régionales Pays de la Loire et Bretagne et ce, afin de conserver tous nos emplois et nous l'espérons, en créer des supplémentaires.
Cette nouvelle organisation entraîne le transfert des dossiers jusqu'alors traités à Rennes vers Angers, et consécutivement le transfert du poste d'Assistante de Direction, à temps plein, à Angers.
De même, la Direction de Rennes sera fermée cette année.
Ces motifs nous ont conduits à transformer votre poste dans les conditions qui vous ont été proposées le 6 septembre et que vous avez refusées.
Comme nous vous l'indiquions dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, aucune autre solution de reclassement n'a pu être trouvée.
Nous avons reçu ce jour, le bulletin d'acceptation de la convention de reclassement personnalisé que nous vous avons proposé le 19 octobre, en sorte que la rupture de votre contrat de travail est effective ce jour.
Du fait de votre acceptation, qui pour rappel vous prive de la faculté de contester la régularité ou la validité de votre licenciement pendant 12 mois, vous êtes dispensée de l'exécution de votre préavis d'une durée de 2 mois commençant ce jour."

Sur le droit de contester le bien fondé de la rupture :

Pour critiquer le jugement qui a considéré que la contestation du licenciement était recevable, la société AUXIGA soutient que le contrat de travail a été rompu d'un commun accord par l'effet du seul consentement de la salariée à la convention de reclassement personnalisé, et qu'il n'y a dès lors pas lieu de vérifier si la rupture repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Elle fait valoir que l'article L 321-4-2 du Code du travail prévoit expressément que le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties lorsque le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé.

Elle rappelle également que cette convention confère au salarié des garanties propres liées à un accompagnement personnalisé, ainsi qu'une allocation spécifique de reclassement durant 8 mois dont Madame X... a bénéficié.

Cependant, contrairement à ce que soutient la société AUXIGA, ce dispositif n'instaure pas un mode de rupture amiable faisant obstacle à toute contestation judiciaire.

En effet, la convention de reclassement personnalisé instituée par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 est expressément réservé aux salariés dont l'employeur envisage le licenciement pour motif économique. Par ailleurs le défaut d'acceptation de cette convention aboutit nécessairement au licenciement, ce qui suppose que les conditions nécessaires à son prononcé soient réunies.

En outre l'article 4 de l'accord interprofessionnel du 5 avril 2005, négocié et conclu en application de l'article L 321-4-2 du code du travail, prévoit que si le délai de réflexion de 14 jours dont dispose le salarié pour faire connaître sa réponse à la proposition de convention de reclassement personnalisé n'est pas expiré à la date prévue par les articles L 122-14-1 et L 321-6 du code du travail pour l'envoi de la lettre de licenciement, l'employeur lui adresse une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lui rappelant la date d'expiration du délai précité, et lui précisant qu'en cas de refus de la convention, cette lettre constituera la notification de son licenciement. Celle-ci doit dès lors être motivée, et en particulier, exposer le motif économique du licenciement conformément aux dispositions de l'article L 122-14-2 du code du travail.

Il en résulte que si la convention de reclassement personnalisée est un mode de rupture amiable du contrat de travail, elle est indissociable de la procédure de licenciement économique dont elle n'est qu'une modalité destinée à faciliter le reclassement du salarié.

Elle ne peut d'ailleurs être analysée comme un mode de rupture autonome, dès lors qu'elle s'impose à l'employeur qui décide de rompre le contrat pour des motifs économiques.

Elle implique donc l'existence d'un motif économique de licenciement qu'il convient de rechercher en cas de contestation étant rappelé que le salarié ne dispose que d'un délai de réflexion de 14 jours pour adhérer au dispositif, ce qui est insuffisant pour lui permettre d' apprécier la légitimité du caractère économique de la rupture d'autant que le bénéfice de ce dispositif est de favoriser son reclassement sans contrepartie pour l'employeur.

Madame X... est dès lors recevable à contester le motif économique fondant la rupture du contrat de travail;

Sur le bien fondé du motif économique :

Pour justifier la rupture du contrat de travail de Madame X..., la société AUXIGA fait valoir qu'elle a réorganisé l'entreprise et notamment supprimé la direction régionale de Rennes, en raison de la baisse du chiffre d'affaires et du nombre de dossiers traités par cette agence. Elle indique également que le regroupement des directions régionales dans des centres administratifs plus importants doit permettre d'améliorer la qualité des prestations vers les prescripteurs et d'être ainsi plus compétitifs sur un marché toujours plus concurrentiel.

Toutefois, la réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi. Il incombe dès lors à l'employeur de produire les éléments permettant d'établir, d'une part, qu'une menace pèse sur la compétitivité du secteur d'activité dont relève l'entreprise, et d'autre part que les mesures de réorganisation sont nécessaires à la sauvegarde de cette compétitivité.

Or, les bilans et comptes de résultats de l'agence de Rennes produits par la société AUXIGA ne sont nullement de nature à établir cette menace. Au contraire, ils font apparaître des résultats largement excédentaires, malgré la légère baisse du chiffre d'affaire constatée et un taux de rentabilité qui demeure supérieur à 30%. Aucun des documents versés aux débats n'est de nature à révéler un quelconque handicap structurel susceptible de générer, à terme, des difficultés économiques.

Il importe au surplus de prendre en considération la lettre adressée le 12 juillet 2005 au responsable de l'agence de Rennes, celle-ci ne pouvant être considérée comme ayant été volée par la salariée, dès lors que l'employeur se contente, pour prouver ses allégations, de produire une attestation du salarié destinataire de la lettre aux termes de laquelle celui-ci indique l'avoir reçue sous pli personnel et confidentiel et rangée dans son attaché-case étant observé que la SA AUXIGA s'est abstenue d'en demander le rejet des débats.

Ce courrier contredit clairement la thèse selon laquelle la réorganisation aurait été entreprise pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, puisqu'il fait état d'une situation "anormale quant au potentiel de cette région", indique que "la Bretagne a toujours été un secteur fort", et que "cette situation est uniquement liée à l'activité commerciale, qui soit n'a pas été suffisante ou soit mal effectuée". Dans cette lettre la Direction d'AUXIGA impute expressément au responsable d'agence la baisse des résultats, en énonçant : "depuis plusieurs mois, nous avons tiré la sonnette d'alarme et tenté de vous faire comprendre qu'il fallait impérativement faire plus de prospection, et malgré nos remarques, nous constatons que cette prospection pourtant impérative pour obtenir des résultats, s'avère une fois de plus insuffisante au regard des autres Directions Régionales, pourtant confrontées aux mêmes impératifs".

Il en ressort que l'agence de Rennes a été supprimée non pas pour faire face à une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité de l'entreprise mais en raison des lacunes réelles ou supposées de son responsable, ce que la société AUXIGA exprime d'ailleurs clairement lorsqu'elle indique, après avoir énoncé ses griefs à l'égard de la personne concernée : "Vous comprendrez donc aisément qu'il ne nous (est) pas possible de laisser les choses en l'état, et serons dans l'obligation de prendre des mesures dès le mois de septembre, à savoir effectuer une restructuration de cette région, avec des conséquences inévitables pour l'ensemble du personnel".

Il y a lieu dans ces conditions de considérer que le motif économique invoqué par la société AUXIGA n'est pas caractérisé et que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Eu égard aux difficultés rencontrées par Madame X... pour la recherche d'un nouvel emploi, il convient de lui allouer, sur le fondement de l'article L 122-14-4 du Code du Travail, la somme de 24.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail.

La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à l'ASSEDIC des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L122-14-4 2ème alinéa du code du travail.

Sur les autres demandes :

La société AUXIGA succombant en toutes ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et d'allouer à Madame X... la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déclare Madame X... recevable en sa contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail,

Dit que le motif économique n'étant pas fondé, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la société AUXIGA à lui verser les sommes suivantes :
*24.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Ordonne le remboursement par la SA AUXIGA des allocations de chômages versées à Madame X... du jour du la rupture du contrat de travail au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/07320
Date de la décision : 27/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Rennes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-27;06.07320 ?
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