Première Chambre B
ARRÊT No
R.G : 06/01445
S.A.R.L. CMI - CHARPENTES MENUISERIE ISOLATION
C/
GAEC QUISTINIC
S.A. VISSAL
Société AGF IART
GAEC LE BEC
Société KDI
M. Daniel X...
Confirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
POURVOI T0811272 du 01/02/2008 (nos réf CA RENNES : pourvoi no11/2008B1)RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Monique BOIVIN, Président,
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller,
GREFFIER :
Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2007, Madame Monique BOIVIN, Président,
entendue en son rapport.
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 22 Novembre 2007.
****
APPELANTE :
S.A.R.L. CMI - CHARPENTES MENUISERIE ISOLATION
Penhoat Aubray
56110 GOURIN
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me HOCHE DELCHET, avocat
INTIMÉS :
GAEC QUISTINIC,
Quistinic
56110 GOURIN
Régulièrement assigné à personne par exploit en date du 5 septembre 2006.
S.A. VISSAL
63 rue de la Paix
68480 LINSDORF
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me POMIES, avocat
GAEC LE BEC,
Penhoas
56110 ROUDOUALLEC
Régulièrement assigné à personne par exploit en date du 5 septembre 2006.
Société KDI venant aux droits des sociétés NOZAL et JEHANNO
173/179 boulevard Félix Faure
93300 AUBERVILLIERS
représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assistée de Me B..., MOUREU ET ASSOCIES, avocats,
Monsieur Daniel X...
Launay
56110 GOURIN
Régulièrement assigné à domicile par exploit en date du 5 septembre 2006 et réassigné à personne par exploit en date du 3 octobre 2006.
Société AGF IART, société d'assurance
87 rue de Richelieu
75002 PARIS
représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SCP COMOLET-MANDIN & ASSOCIES, avocats
(Assignée en report d'appel)
La Sté CMI- CHARPENTES-MENUISERIE-ISOLATION qui a pour activité la construction de Bâtiments à usage agricole, a réalisé en 1998 et 1999 des charpentes pour le compte de M. X..., des GAEC LE BEC et QUISTINIC; elle a fixé les couvertures de plaques ondulées en fibrociment au moyen de tire-fonds placé sur des "plaquettes" en acier galvanisé, achetées auprès des Sociétés JEHANNO et ROUENEL, devenues depuis la Sté K.D.I, elles-mêmes s'étant approvisionnées auprès de leur fournisseur exclusif la Sté VISSAL.
Une oxydation généralisée des plaquettes de répartition ayant été constatée, la Sté C.M.I a effectué des travaux de reprise sur les bâtiments JAFFRE et QUISTINIC.
De nouveaux désordres sont apparus ; dans ce contexte, la SARL CMI a assigné en référé les Stés NOZAL, VISSAL et KDI, ainsi que M. X... et les GAEC LE BEC et QUISTINIC. M. C... a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 4 décembre 2001.
L'expert ayant déposé son rapport le 25 avril 2002, le 30 septembre 2002 la Sté CMI a assigné au fond.
Par jugement du 10 janvier 2006 le Tribunal de Grande Instance de LORIENT a retenu l'intérêt à agir de la Sté C.M.I. , l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 1604 du Code Civil, déclaré irrecevable son action sur le fondement de l'article 1641 et suivants du Code Civil.
La Société C.M.I. a interjeté appel ; elle sollicite confirmation du jugement sur l'intérêt à agir, mais infirmation sur le fond, la condamnation in solidum, l'une à défaut de l'autre de la Sté KDI, et de la Sté VISSAL à lui payer la somme de 31 357,54 euros à titre de dommages-intérêts , à titre subsidiaire, la résolution de les vendre, la condamnation in solidum des mêmes sociétés au paiement de la somme de 31 357,54 euros à titre de dommages-intérêts . Elle sollicite une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Dans ses dernières écritures du 6 avril 2007 auxquelles il convient de se référer pour l'essentiel de son argumentation, elle invoque ,
- son intérêt personnel et direct à agir , saisies de réclamations amiables de ces clients, et compte tenu de son intervention auprès de deux d'entre eux; s'agissant de désordres affectant des éléments d'équipement indissociables du corps de la toiture, la prescription décennale est applicable.
- la non-conformité des matériels livrés , compte tenu de l'absence de galvanisation des plaquettes; les commerciaux de la Sté VISSAL ont expressément reconnu le 9 février 2000 la non-conformité de la livraison.
- le caractère évolutif de l'oxydation des plaquettes de telle sorte que le défaut n'était pas apparent à la livraison.
- l'inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité alléguée par la Sté VISSAL, aux motifs que le vice qui affectait les plaquettes n'était pas apparent lors de la livraison.
- à titre subsidiaire, l'action en garantie des vices cachés, le défaut d'oxydation étant préexistant à la vente et rendant les fixations des toitures impropres à leur destination, s'agissant de leur longévité et solidité.
- le respect du délai de l'article 1648, le point de départ du bref délai étant fixé au jour de la découverte effective du vice c'est à dire au jour du dépôt du rapport d'expertise soit le 25 avril 2002.
La S.A. K.D.I. venant aux droits des Stés NOZAL et JEHANNO soulève l'irrecevabilité des demandes de la Sté C.M.I. subsidiairement demande a être relevée et garantie indemne par la Sté VISSAL et son assureur A.G.F.. Elle sollicite une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle réplique que,
- les plaquettes litigieuses sont strictement conformes à la commande étant observé que la commande ne faisait pas référence aux normes AFNOR et NFE.
- l'assignation a été délivrée plus de deux ans après la réalisation des travaux, le vice étant connu de C.M.I. dès le 21 Février 2000, elle est manifestement tardive.
- les clients de C.M.I.n'ont pas constitué avoué; ils n'ont pas demandé à C.M.I. de reprendre les travaux initiaux; que cette dernière ne saurait être indemnisée à ce titre, d'autant qu'en l'espèce elle n'a pas demandé de préjudice d'image.
- en toute hypothèse le préjudice ne pourrait qu'être esthétique, lequel ne relève pas des articles 1792 et suivants du Code Civil.
- la Sté VISSAL est bien le fournisseur de plaquettes litigieuses.
- les clauses limitatives de garantie ne lui sont pas opposables en présence de vices dit " indécelables".
La S.A. VISSAL sollicite la réformation du jugement, soulève l'irrecevabilité des demandes de C.M.I., à titre subsidiaire, la confirmation
sur le fond, la condamnation de la Sté A.G.F. à la garantir de toutes condamnations.
Elle sollicite une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans le dernier état de ses écritures auxquelles il convient de se référer pour l'essentiel, la Sté VISSAL objecte que:
- faute par la C.M.I. d'avoir réalisé les travaux de changement de tire-fonds sur les bâtiments des maîtres d'ouvrage, elle n'a pas qualité à agir, l'action en garantie des vices cachés de ces derniers étant irrecevable à raison du bref délai, la CMI ne peut être subrogée dans leurs droits et actions.
- elle a respecté son obligation de sa délivrance.
- les conditions générales de vente de l'article 9 imposent aux clients de réceptionner les pièces, avant revente, et de formuler une réclamation au cas de vice caché dans un délai de 3 mois, conditions qui s'appliquent à l'égard de C.M.I. et de K.D.I..
- en toute hypothèse le vice était apparent ; pour ce produit il n'existe aucune garantie quelconque.
- en 1995 et 1998 la Sté VISSAL n'avait aucune connaissance officielle d'un problème d'oxydation des plaquettes ; la notion d'aléa ne peut être écartée par l'assureur.
- le risque s'inscrit dans les dommages après livraison et relève donc de la garantie; en l'absence de normes de fabrications pour ce type de pièces, l'exclusion de l'article 4-2-1 paragraphe G des Conditions Générales de la police d'assurance ne sont pas applicables.
M. X..., le GAEC LE BEC et le GAEC QUISTINIC n'ont pas comparu.
La Sté A.G.F. -IART conclut à la confirmation du jugement.
Elle sollicite une indemnité de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles. En outre, elle soulève l'absence de garantie décennale, l'ouvrage n'était pas impropre à sa destination et ajoute que la Sté C.M.I. ne peut se prévaloir d'une quelconque subrogation dans les droits et actions du maître d'ouvrage.
Le cas échéant, elle ajoute que les dommages allégués ne présentent aucun aléa pour la Sté VISSAL, qui avait connaissance, lors des livraisons effectuées, de problèmes rencontrés sur les plaquettes.
Elle fait grief à la Sté VISSAL de ne pas avoir souscrit les garanties
facultatives de frais de prévention et de frais de retrait;
Le non-respect des normes Françaises constitue un caractère inexcusable pour la Sté VISSAL qui dans ses spécificités d'achat, ne fait référence à aucune norme, alors que la fabrication en était effectuée à Taïwan.
La défectuosité des travaux de reprise incombe au seul fait de C.M.I..
DISCUSSION
Sur l'intérêt à agir de la Société C.M.I.
Attendu que la Société C.M.I. n'agit pas, en qualité de subrogée dans les droits et actions des maîtres d'ouvrage, mais comme acheteur des produits litigieux, créancière, à titre principal, de l'obligation de délivrance d'un produit conforme à la demande, et subsidiairement en garantie des vices cachés ; qu'elle a manifestement eu intérêt à agir, son préjudice étant certain et actuel, d'autant qu'elle a déjà, à la demande des maîtres d'ouvrage effectuée par urgence des travaux de reprise sur les chantiers X... et GAEC QUISTINIC; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Sté C.M.I..
Attendu qu'en outre il résulte à suffire des éléments de la cause, que la Sté C.M.I. a acheté des plaquettes de répartition auprès des Stés ROUENEL et JEHANNO en 1998 et 1999, qui à l'époque se fournissaient
exclusivement auprès de la Société VISSAL.
Sur l'obligation de délivrance conforme
Attendu que la Société CMI avait commandé des plaquettes galvanisées spéciales 40 x 40 x 8,5; qu'il n'est pas contesté que ces plaquettes ont été livrées galvanisées; qu'en l'absence de spécifications expresses sur l'épaisseur de la couche de zinc de protection et la référence aux normes AFNOR et NFE en vigueur, il ne peut être retenu un défaut de conformité des produits livrés, un non-respect des obligations contractuelles;
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté l'action fondée sur l'article 1604 du Code Civil;
Sur l'action en garantie des vices cachés
Attendu qu'il résulte des documents techniques versés aux débats, l'expertise de M. C..., de M D... et M. E... (dans le cadre de litiges identiques), que les désordres affectant les tire-fonds et plaquettes de répartition sont dues à une trop faible épaisseur du zinc de galvanisation soit 3 mm, c'est à dire à une insuffisance de grammage de galvanisation ce qui a entraîné peu de temps après la pose une oxydation évolutive et généralisée des plaquettes ;
Que ce désordre est de nature à rendre le produit impropre à sa destination normale, ce qui justifie l'application des articles 1641 et suivants du Code Civil, le vice, qui relève du micron ne pouvait être apparent;
Attendu que le vice a été découvert le 21 février 2000, la Société C.M.I. a procédé au remplacement des plaquettes en 2000, sur les bâtiments JAFFRE et GAEC QUISTINIC, mais les nouveaux matériaux ont entraîné les mêmes désordres, de telle sorte que l'assignation en référé en octobre 2001 ne peut être qualifiée de tardive, d'autant qu'il est de jurisprudence constante que le point de départ du bref délai court à compter de la découverte effective du vice, c'est à dire du dépôt du rapport de justice ; que
ce dernier ayant été déposé le 25 avril 2002, l'assignation au fond des 23 septembre et 30 septembre 2002 est recevable.
Sur l'indemnisation
Attendu qu'il est établi que la Société C.M.I. a effectué en 2000 des travaux de reprise sur deux bâtiments;
Que l'expert a évalué à 23 563, 57 euros le montant des travaux de reprise; qu'il convient d'indemniser la Société C.M.I. à hauteur de cette somme, étant observé que le coût des travaux de reprise des infiltrations sur le GAEC QUISTINIC est imputable à la Société C.M.I.
Sur la clause limitative de responsabilité
Attendu que les clauses limitatives de responsabilité ne sont pas opposables entre professionnels de même spécialité lorsqu'elles portent sur des vices indécelables,
Qu'en l'espèce, la Société ne peut donc se prévaloir de la clause des articles 9-1 et 9-2 des conditions générales de vente tant à l'égard de son co-contractant , la Sté K.D.I., qu'à l'égard de la Sté C.M.I. qui n'y a pas adhéré;
Sur la garantie des A.G.F.
Attendu que la Société VISSAL , au titre de sa responsabilité civile, est garantie pour les dommages corporels, matériels et immatériels après livraison;
Que les dommages causés à la Sté C.M.I. s'inscrivant dans ce type de risque; qu'il n'y avait pas lieu pour la Sté VISSAL de souscrire des garanties complémentaires facultatives;
Attendu que toutefois la Société VISSAL connaissait les problèmes rencontrés par les plaquettes de tire-fonds dès le mois de mars 1999, ainsi qu'il résulte d'un courrier de M. F... en date du 27 octobre 1999 ; qu'au surplus, postérieurement il résulte de l'expertise BLOND que la Sté ROUENEL a livré les mêmes plaquettes le 31 mai et 30 juin 2000 à la Sté C.M.I., pour des travaux de reprise de bâtiments JAFFRE et GAEC QUISTINIC ;
Que dans ces conditions la Sté VISSAL ayant déjà eu connaissance du risque, elle ne peut se prévaloir de la garantie de son assurée ;
Qu'il y a effectivement lieu à exclusion de la garantie en application de l'article 4-2-1 G des conditions générales de la police d'assurance ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la C.M.I. et la Société A.G.F. leurs frais irrépétibles qui seront respectivement indemnisés à hauteur de 2 000 euros et 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du 10 Janvier 2006 e ce qu'il a dit que la Société C.M.I. avait intérêt à agir,
Déboute cette dernière de sa demande sur le fondement de l'article 1604 du Code Civil,
Infirme pour le surplus,
Déclare recevable l'action en garantie des vices cachés,
Dit n'y avoir lieu à résolution de la vente,
Sur l'action estimatoire,
Condamne in solidum la SA K.D.I. et la Société VISSAL à payer à la Société C.M.I. la somme de 23 563,57 euros à titre de dommages-intérêts,
Dit que la Société VISSAL devra garantir la Sté K.D.I. de cette condamnation,
Déboute la Société VISSAL de sa demande de garantie contre la Sté A.G.F.-IART,
Déboute la Société C.M.I. de ses autres demandes.
Condamne la Société VISSAL à payer :
* à la Société C.M.I. la somme de 2 000 euros,
* à la Société A.G.F.-IART la somme de 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la Société VISSAL aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Greffier,Le Président,