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21/11/2007 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0032, 21 novembre 2007,


Septième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 01267

M. Benoit X...

C /

M. Francis Y...
M. Baptiste Y...
Mme Claudine Y... épouse Z...
Mme Françoise Y...
Mme Béatrice Y... épouse A...
CPAM DU MORBIHAN

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉL

IBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine VILLENEUV...

Septième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 01267

M. Benoit X...

C /

M. Francis Y...
M. Baptiste Y...
Mme Claudine Y... épouse Z...
Mme Françoise Y...
Mme Béatrice Y... épouse A...
CPAM DU MORBIHAN

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 21 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANT :

Monsieur Benoit X...
...
...
56000 VANNES

représenté par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués
assisté de la SCP A. ROLLAND-C. JOUANNO-C. MAIRE-C. LUNVEN-I. TANGUY, avocats

INTIMÉS :

Monsieur Francis Y...
...
Appartement 28
56000 VANNES

représenté par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assisté de la SCP BAUDIMANT-LE ROL, avocats

Monsieur Baptiste Y...
...
Appartement 28
56000 VANNES

représenté par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assisté de la SCP BAUDIMANT-LE ROL, avocats
----

Madame Claudine Y... épouse Z...
...
60430 NOAILLES

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assistée de la SCP BAUDIMANT-LE ROL, avocats

Madame Françoise Y...
... I Ton
27240 CORNEUIL

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assistée de la SCP BAUDIMANT-LE ROL, avocats

Madame Béatrice Y... épouse A...
...
...
74410 ST JORIOZ

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assistée de la SCP BAUDIMANT-LE ROL, avocats

CPAM DU MORBIHAN
...
56000 VANNES

représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES et LUC BOURGES, avoués

**************

M. Francis Y..., né le 1er février 1946, qui présentait depuis un an une tache du sommet du poumon droit a consulté le Dr C..., pneumologue à l'hôpital de Vannes, qui a profité d'un passage du Dr Sevray, chirurgien, le 7 janvier 1998, pour lui présenter le patient car il pensait indispensable d'aller à la thoracotomie pour réaliser vraisemblablement une lobectomie supérieure droite, ce qui permettra le traitement de cette lésion puisque les adénopathies médiastinales restent dans les limites physiologiques qui ne semblent pas envahies.

M. Y... s'est rendu le 14 janvier suivant à la clinique du Sacré Coeur accompagné de son amie Mme D... pour y rencontrer le Dr X.... Il est entré à la clinique le 1er février 1998 et a été opéré le lendemain.

Au cours de l'intervention le Dr Sevray a mis en évidence une anomalie congénitale entre le tronc intermédiaire de l'artère pulmonaire et la veine pulmonaire supérieure droit, ce qui l'a conduit à pratiquer l'ablation totale du poumon.

Le 3 février 1998 M. Y... a présenté un syndrome de détresse respiratoire aiguë et a été transféré en réanimation au Centre hospitalier Chubert à Vannes. Il a subi de nombreuses complications et son état de santé reste très affecté par les séquelles de l'accident respiratoire.

Une expertise confiée aux Professeurs Azorin et Cupa a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes.

Par jugement du 31 janvier 2006 le tribunal de grande instance de Vannes a notamment rejeté les demandes de M. Y... tenant à l'absence d'information mais a retenu des fautes à l'encontre du chirurgien pour avoir pratiqué une pneumonectomie après avoir découvert l'anomalie congénitale alors qu'aucun élément ne permet de justifier ce choix et qu'il est admis que des explorations fonctionnelles doivent être réalisées afin de s'assurer que le poumon restant pourra répondre aux besoins ventilatoires du malade, ce qui n'a pu être entrepris. Il a retenu que cette faute est en relation directe avec le syndrome de détresse respiratoire aigu et a indemnisé les dommages de la victime et de ses proches.

M. X... a fait appel de cette décision. Il conclut à la confirmation quant à l'information qui a été donnée à M. Y....
Il soutient que les experts se sont montrés très prudents sur le bien fondé de la pneumonectomie et qu'il n'est pas possible d'affirmer que c'était un choix hasardeux. Il ajoute que c'est à tort que le premier juge a dit que les EFR n'ont pas été effectués alors qu'ils l'ont été en préopératoire. Il conclut donc à l'infirmation et au débouté de M. Y....
Subsidiairement il rappelle que les experts n'ont pas exclu que des complications semblables puissent arriver en cas de lobectomie et demande à la cour de statuer en terme de perte de chance qu'il évalue à 50 %.
Il discute le montant des indemnisations et les demandes de l'organisme social.

M. Y... soutient qu'il n'a pas reçu l'information sur l'intervention qui devait être pratiquée dont il pensait qu'elle n'était faite qu'à des fins exploratoires ; qu'une prétendue fragilité ne peut justifier l'absence d'information. Il expose que l'anomalie congénitale dont il est affecté aurait dû être connue du chirurgien.
Il estime que la décision d'intervenir a été précipitée alors qu'il n'y avait aucune urgence ; que les examens préopératoires étaient insuffisants.
Il fait surtout valoir que la nécessité d'une pneumonectomie n'est pas démontrée et que c'est celle-ci, qui augmente considérablement le risque de complication post-opératoire, qui est à l'origine du dommage.
Il conclut donc à la confirmation sur la responsabilité et formule des demandes d'indemnisation.

La caisse primaire d'assurance maladie demande le montant de ses débours dont elle soutient qu'ils sont imputables à la faute du médecin.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie à la décision attaquée et aux dernières écritures déposées le 11 mai 2007 pour l'appelant, le 26 juin 2007 pour M. Y... et le 31 mai 2007 pour la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

SUR CE

Considérant que la cour adopte les motifs du premier juge sur le devoir d'information ; que M. Y... ne peut pas être suivi lorsqu'il indique qu'il pensait que l'opération avait pour objet un simple prélèvement pour analyse alors que Mme D..., présente lors de la consultation avec les docteurs Groumellec et X... précise que M. Y... a accepté de se faire opérer et que l'opération devait consister à enlever un tiers du poumon et que sa soeur Claudine indique dans une attestation du 4 janvier 2001 " en janvier 1998, j'apprends par mon frère que celui-ci doit subir l'ablation d'une partie du poumon droit le 2 / 02 / 1998... " ;

Qu'en outre en présence d'une tache très douteuse au poumon dont les médecins pensaient qu'elle était l'effet d'un cancer, ce que les examens pratiqués après l'opération ont confirmé, M. Y... n'avait d'autre choix que celui de se faire opérer ;

Considérant que les experts n'ont pas compris la nécessité d'une pneumonectomie et concluent à un défaut d'évaluation de l'anomalie anatomique constatée en per opératoire ayant conduit à une pneumonectomie non justifiée ; que c'est par des motifs pertinents, à l'exception du paragraphe sur les EFR, que le premier juge a retenu une faute de M. X... ;

Considérant que l'expertise établit que M. Y... aurait pu avoir des complications avec une lobectomie ; que le dommage corporel subi par M. Y... doit s'analyser en une perte de chance qui sera fixée à 80 % ;

Considérant qu'aux termes de l'expertise non contestée sur ces points et des pièces :
-l'incapacité temporaire a été totale du 2 mars 98 au 4 mai 99 (décanulation)
-elle a été partielle du 4 mai 99 au 1er octobre 2002
-la date de consolidation est le 1er octobre 2002
-le déficit fonctionnel permanent est de 50 % (cotorep 80 % mise en retraite anticipée 1er mars 2006
-la douleur est quantifiée à 5 sur 7
-le préjudice esthétique (escarres, canule, trachéotomie et aussi bouteille d'oxygène) est coté à 3 / 7 ;

Le préjudice sera indemnisé comme suit :

I-Préjudices patrimoniaux

-Frais médicaux et assimilés : M. X... ne démontre pas que des soins de réanimation auraient été à la charge de l'organisme social en cas de lobectomie ; les frais se sont montés à 119 502,07 euros entièrement à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie à qui il sera alloué 80 % de cette somme soit 95 601,66 euros ;

-Préjudice économique : M. Y... percevait le revenu minimum d'insertion lors de l'accident ; il démontre qu'il était occasionnellement chanteur de rue ou en collectivités ; il avait enregistré des chansons avec son fils Baptiste sous le nom de " Peter et Junior " et avait fait graver 3148 disques laser et 134 mini cassettes ; il y a lieu de lui allouer la somme de 8000 euros au titre d'une perte de chance ;

-Pertes de droits à la retraite : M. Y... ne donne aucune indication sur ses antécédents professionnels ni sur ses chances de retrouver un travail ; il a été justement débouté de ses demandes à ce titre ;

II-Préjudices extra-patrimoniaux

A-Avant consolidation :

-Déficit fonctionnel temporaire : 16 870 euros ;

-Souffrances endurées qui prendront en compte les souffrances morales engendrées par l'engagement du pronostic vital : 15 000 euros ;

B-Permanents :

-Déficit fonctionnel permanent : M. Y... était âgé de 56 ans lors de la consolidation ; il lui sera alloué la somme de 75 000 euros ;

-Préjudice d'agrément : M. Y... a des difficultés à marcher car il n'a pas de souffle ; il a perdu les joies usuelles de la vie ; il sera alloué la somme de 3 000 euros ;

-Préjudice esthétique : 4 400 euros ;

-Préjudice sexuel : il est allégué par M. Y... mais pas plus qu'en première instance il n'en apporte la preuve ;

TOTAL : le préjudice de M. Y... sera indemnisé après décote de 20 % par la somme de 97 816 euros ;

Considérant que le premier juge a exactement apprécié le préjudice des proches de M. Y... ; que, compte tenu de l'indemnisation en terme de perte de chance, il sera alloué la somme de 8 000 euros au fils de la victime et celle de 3 200 euros à ses soeurs ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement en audience publique,

Infime partiellement le jugement et statue sur le tout.

Dit que M. X... doit réparer le dommage à hauteur de 80 %.

Condamne M. Benoît X... à payer à :

-M. Francis Y... la somme de 97 816 euros ;

-La caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 95 601,66 euros et celle de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

-M. Baptiste Y... la somme de 8 000 euros ;

-chacune de Claudine, Françoise et Béatrice Y... la somme de 3 200 euros.

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile condamne M. Benoît X... à payer aux consorts Y... la somme de 1 600 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan celle de 1 400 euros à titre d'indemnité de procédure en sus de celle allouée de ce chef par le premier juge.

Condamne M. Benoît X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0032
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 21/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Vannes, 31 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-11-21; ?
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