FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Bertrand X... et Madame Josiane Y... se sont mariés le 10 avril 1965 sans contrat préalable.
En 1973 ils achetèrent une maison à usage d'habitation située commune de Nostang, au village de Saint Thomin.
Le 12 février 19921a S.A. Société Générale consentit un prêt de 1.3 00.000 francs à la société Auto-Ouest après avoir obtenu le cautionnement solidaire de son Président directeur général, Monsieur Bertrand X....
Le 17 février 1992 les époux X... apportèrent à la S.C.I. SaintThomin, immatriculée la veille, la pleine propriété de l'immeuble leur appartenant à Nostang.
Confrontée au redressement puis à la liquidation judiciaire de la société Auto-Ouest, la Société Générale assigna les époux X... et la S.C.I. SaintThomin aux fins de se voir déclarer inopposable l'acte du 17 février 1992 et, en vertu d'une ordonnance du 18 décembre 1995 rendue par le juge de l'exécution de Lorient, elle prit inscription d'hypothèque provisoire sur l'immeuble de Nostang appartenant à la S.C.I. Saint-Thomin pour sûreté et conservation de la somme de 1.800.00 francs.
Par jugement du ler décembre 1998 le Tribunal de grande instance de Lorient déclara inopposable à la Société Générale l'apport effectué au profit de la S.C.I. Saint-Thomin par acte du 17 février 1992 jusqu'à concurrence de la créance de la banque. Par arrêt du 12 septembre 2000 la Cour d'appel de Rennes confirma ce jugement.
En vertu du jugement confirmé en appel la Société Générale inscrivit hypothèque définitive sur l'immeuble le 10 novembre 2000.
Par ailleurs, par jugement du 25 septembre 1998, confirmé par un arrêt du 20 octobre 1999, le Tribunal de commerce de Lorient condamna Messieurs Z... et X... à payer à la Société Générale la somme de 1.183.133,91 francs correspondant au solde du prêt consenti par cette banque outre celle de 5000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par acte du 27 septembre 2004 Monsieur X... assigna la Société Générale devant le juge de l'exécution, sur le fondement des articles L22 de la loi du 9 juillet 1991 et 1415 du code civil, aux fins de voir ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise par la banque.
Par jugement du 11 janvier 2005 le juge de l'exécution se déclara incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Lorient.
Par jugement du 14 juin 20061e Tribunal de grande instance de Lorient:
déclara irrecevable la demande en mainlevée d'hypothèque judiciaire définitive présentée par Monsieur X... au motif que cette hypothèque avait été inscrite à l'encontre de la S.C.I. Saint-Thomin,
débouta Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts,
condamna Monsieur X... aux dépens et au paiement d'une somme de 1000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur X... forma appel de ce jugement.
POSITION DES PARTIES
* LES ÉPOUX X... ET LA S.C.I. SAINT-THOMIN
Dans leurs dernières conclusions en date du 22 mai 2007 Monsieur X... ainsi que Madame Y... épouse X... et la S.C.I. Saint-Thomin, intervenants volontaires, demandent à la Cour:
de réformer le jugement,
d'ordonner, par application de l'article 1415 du code civil, la mainlevée de l'hypothèque judiciaire en ce qu'elle a été prise sur un immeuble dépendant de la communauté X.../Y... alors que Madame Y... n'avait jamais consenti au prêt consenti par la Société Générale,
de condamner la Société Générale à payer à la S.C.I. SaintThomin une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie,
de condamner la Société Générale aux dépens et à payer à chacun d'eux une somme de 2000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
X LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Dans ses dernières écritures en date du 13 mars 2007 la Société Générale demande à la Cour:
de déclarer Monsieur X... irrecevable à demander la mainlevée d'une hypothèque prise sur un immeuble, qui par suite de l'apport qui en a été fait à la S.C.I. Saint-Thomin, ne lui appartient pas,
de déclarer irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes des intervenants volontaires dès lors que l'inopposabilité résultant de l'action paulienne autorise le créancier à saisir directement le bien litigieux entre les mains de tiers,
de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
de condamner Monsieur X... et les intervenants volontaires aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 750 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* SUR LES INTERVENTIONS VOLONTAIRES
Il sera donné acte à Madame Josiane X... épouse Y... et à la S.C.I. Saint-Thomin de leur intervention volontaire en cause d'appel.
La décision du premier juge sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré Monsieur X... irrecevable en ses demandes et il sera constaté qu'en cause d'appel la situation donnant lieu à irrecevabilité faute d'intérêt à agir a fait l'objet d'une régularisation.
X SUR LE BIEN FONDÉ DE LA DEMANDE
Aux termes de l'article 1415 du code civil chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint.
Par ailleurs aux termes de l'article 1167 du code civil les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leur droit.
En application de ce dernier texte le succès de l'action paulienne n'entraîne pas le retour des biens dans le patrimoine du débiteur mais a seulement pour effet d'entraîner l'inopposabilité au créancier des actes affectés de fraude et lui permet, dans les limites de sa créance, d'opérer une saisie entre les mains du tiers complice de la fraude paulienne.
Dans le cas présent la créance pour laquelle la Société Générale a inscrit une hypothèque judiciaire définitive résulte d'un emprunt que Monsieur YVIQL7EL a contracté seul, sans le consentement de son épouse.
Toutefois si l'immeuble sur lequel la banque a inscrit l'hypothèque critiquée constituait à l'origine un bien commun aux deux époux, il a été apporté en pleine propriété à la S.C.I. Saint-Thomin lors de la constitution de cette société, le 17 février 1992.
Cet apport a emporté transfert de la propriété de l'immeuble, de la communauté des époux X... au patrimoine de la S.C.I Saint-Thomin, en contrepartie des droits sociaux qui ont été attribués aux époux X... dans la société de sorte que ce bien ne dépend plus de la communauté puisqu'il est devenu la propriété de la S.C.I.
Si le jugement du ler décembre 1998 confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel du 12 septembre 2000 a fait droit à l'action paulienne engagée par la Société générale et lui a rendu inopposable cet apport, il n'a pas eu pour effet d'opérer le retour de l'immeuble dans la communauté X.../Y.... Cet immeuble demeurant la propriété de la S.C.L, il ne constitue plus un bien commun susceptible de bénéficier de la protection édictée par l'article 1415 du code civil.
Les décisions précitées ayant constaté le caractère frauduleux de l'apport et retenu la complicité de la S.C.L, la Société Générale était bien fondée à inscrire une hypothèque sur l'immeuble appartenant au tiers complice de cette fraude.
En conséquence les époux X... et la S.C.I. Saint-Thomin seront déboutés de leur demande tendant à voir ordonner la mainlevée de l'hypothèque dont s'agit et la S.C.I. sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour abus de saisie.
X SUR LES DÉPENS
Les dépens seront supportés in solidum par les époux X... et la S.C.I. Saint-Thomin qui succombent en leur appel.
Les époux X... et la S.C.I. Saint-Thomin seront déboutés de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnés in solidum à payer, à ce titre, à la Société Générale une somme de 750€.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en date du 14 juin 2006 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Donne acte à Madame Josiane Y... épouse X... et à la S.C.I. Saint-Thomin de leur intervention volontaire en cause d'appel.
Constate que les causes d'irrecevabilité ont disparu au jour où la Cour statue.
Déboute Monsieur Bertrand X..., Madame Y... épouse X... et la S.C.I. Saint-Thomin de leur demande en mainlevée de l'hypothèque judiciaire définitive inscrite par la S.A. Société Générale sur l'immeuble situé commune de Nostang, Landevant, cadastré section ZE nº 62, 63 et 137.
Déboute la S.C.I. Saint-Thomin de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive.
Déboute Monsieur Bertrand X..., Madame Y... épouse X... et la S.C.I. Saint-Thomin de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne in solidum Monsieur Bertrand X..., Madame Y... épouse X... et la S.C.I. Saint-Thomin à payer à la S.A. Société Générale une somme de sept cent cinquante euros (750,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne in solidum Monsieur Bertrand X..., Madame Y... épouse X... et la S.C.I. Saint-Thomin aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT