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07/11/2007 | FRANCE | N°05/08485

France | France, Cour d'appel de Rennes, 07 novembre 2007, 05/08485


Septième Chambre





ARRÊT No



R.G : 05/08485













Mme Marie-Jeanne X...




C/



Cie d'assurances MATMUT

M. Christian Y...


ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG CENTRE ATLANTIQUE

ETABLISSEMENT DE TRANSFUSION SANGUINE BERRY TOURAINE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG

















Infirme la décision dÃ

©férée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2007


...

Septième Chambre

ARRÊT No

R.G : 05/08485

Mme Marie-Jeanne X...

C/

Cie d'assurances MATMUT

M. Christian Y...

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG CENTRE ATLANTIQUE

ETABLISSEMENT DE TRANSFUSION SANGUINE BERRY TOURAINE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Catherine Z..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Septembre 2007

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 07 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

Madame Marie-Jeanne X...

...

35510 CESSON SEVIGNE

représentée par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués

assistée de la SELARL CARTRON - YEU, avocats

INTIMÉS :

Cie d'assurances MATMUT

66 rue de Sotteville

76030 ROUEN CEDEX

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de Me Vincent BERTHAULT, avocat

Monsieur Christian Y...

8 allée Béranger

37540 ST CYR SUR LOIRE

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de Me Vincent BERTHAULT, avocat

----

ETABLISSEMENT DE TRANSFUSION SANGUINE BERRY TOURAINE, régulièrement assignée à personne habilitée (aux droits duquel vient l'EFS)

2 boulevard Tonnelé

BP 2009

37020 TOURS CEDEX 1

défaillante

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

Avenue Jean Jaurès Jacques Cartier

35400 SAINT MALO

représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués

assistée de la SCP DUROUX COUERY, avocats

S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE venant aux droits de la Préservatrice Foncière IARD

87 rue de Richelieur

75438 PARIS CEDEX

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués

assistée de Me Jean B..., avocat

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG venant aux droits et obligations du CHRU de TOURS pour ses activités transfusionnelles

20 , Avenue du Stade de France

93200 SAINT DENIS

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assistée de Me C..., avocat

***************

Mme Marie-Jeanne X..., née le 21 mars 1952, fut victime le 10 avril 1971 d'un accident de la circulation qui occasionna une fracture du rocher. Les conséquences de l'accident furent indemnisées par la Matmut, assureur de M. Y..., responsable de l'accident.

A la fin de l'année 1979 Mme X... présenta des signes d'hépatite qui firent l'objet d'une simple surveillance. Le diagnostic d'hépatite C fut porté en 1997.

Imputant aux transfusions sanguines rendues nécessaires dans les suites de l'accident sa contamination par le virus de l'hépatite C, Mme X... a fait assigner M. Y... et son assureur en indemnisation de l'aggravation.

Ceux-ci ont eux-mêmes appelé en garantie l'Etablissement français du sang (l'EFS) et le Centre de transfusion sanguine Berry Touraine.

La cie AGF venant aux droits de la cie PFA, assureur de l'EFS, est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 28 novembre 2005 le tribunal de grande instance de Rennes a débouté Mme X... et la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine. Pour se déterminer ainsi le premier juge a dit que, si la transfusion sanguine est prouvée, il existe un risque d'infection nosocomiale et professionnel qui ne peut permettre de retenir une présomption grave de responsabilité.

Mme X... a fait appel de ce jugement. Elle conclut à l'imputabilité de sa contamination par le virus de l'hépatite C aux transfusions sanguines et soutient que le risque d'infection nosocomial par ponction lombaire est improbable et que le risque professionnel tenant à sa profession d'infirmière hospitalière est minime.

Elle demande l'indemnisation de son préjudice à titre provisionnel dès lors qu'elle n'est pas consolidée.

M. Y... et la Matmut font valoir que le Professeur D... a conclu que l'imputabilité de la contamination aux transfusions ne peut matériellement être établie ; que le second expert, le Professeur E..., a dépassé sa mission en recherchant le lien de causalité entre la transfusion et l'hépatite C ; qu'en tout état de cause Mme X... ne démontre pas qu'elle ne présente pas de mode de contamination propre alors qu'elle a exercé son métier d'infirmière dans des services à risque.

Subsidiairement ils demandent la garantie totale de l'EFS puisque, si la théorie de l'équivalence des conditions doit trouver à s'appliquer dans le but de garantir l'indemnisation de la victime, c'est celle de la causalité adéquate qui doit prévaloir entre co-auteurs ; qu'en l'espèce le CRTS ne pouvait ignorer l'existence d'un risque de transmission de maladies par le sang.

Ils discutent très subsidiairement les demandes d'indemnisation qu'ils estiment très excessives et concluent au rejet de la demande de doublement des intérêts légaux non applicable à un accident survenu avant la loi du 5 juillet 1985.

L'EFS conteste que soit établi le lien de causalité entre les transfusions et la contamination dès lors qu'il n'y a pas de présomptions graves, précises et concordantes. Il souligne le risque nosocomial et professionnel. Il conclut à la confirmation du jugement et discute subsidiairement les demandes d'indemnisation.

Il conteste les demandes formées par l'organisme social.

La cie AGF critique l'expertise du Dr E... qui a donné des soins à la demanderesse et est entachée d'erreurs grossières. Elle invoque l'absence de preuve de l'imputabilité de l'hépatite C aux transfusions, s'interrogeant sur la réalité de celles-ci et leur provenance. Elle fait valoir que la maladie a été déclarée en maladie professionnelle en 1980.

Subsidiairement elle demande des pièces médicales récentes.

Très subsidiairement elle conteste les demandes de Mme X... et de l'organisme social.

La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine fait appel incident et conclut à l'infirmation du jugement. Elle soutient qu'elle apporte la preuve que ses débours sont relatifs à l'hépatite C par l'expertise et l'attestation de son médecin conseil.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie à la décision attaquée et aux dernières écritures déposées le 14 septembre 2007 pour l'appelante principale, M. Y... et la Matmut, le 4 septembre 2007 pour l'EFS, le 11 septembre 2007 pour la cie AGF et la caisse primaire d'assurance maladie.

SUR CE

Considérant que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 dispose qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à sa date d'entrée en vigueur, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le doute profite au demandeur ;

Considérant que le dossier sur micro-film transmis au premier expert par l'hôpital de Tours note à la date du 27 avril 1971 "la numération formule montre une anémie (...). Prescription de 500 ml de sang." ;

Que compte tenu de l'anémie et de la méconnaissance des risques transfusionnels en 1971, il n'existe aucune raison plausible de penser que la prescription de 500 ml de sang n'ait pas été exécutée ;

Que la preuve de la transfusion est donc apportée ; que le sang provient nécessairement du centre régional, ce qui n'est pas dénié par l'EFS, étant observé que la cie AGF ne précise pas quelle autre provenance il pourrait avoir ;

Considérant que, compte tenu de l'ancienneté de l'hospitalisation, il n'existe pas d'autre dossier que le micro-film ; qu'aucune enquête transfusionnelle n'a pu être effectuée ; que ni l'EFS ni M. Y... et la MATMUT ne font donc la preuve qui leur incombe que les transfusions ne sont pas à l'origine de la contamination de Mme X... dont il importe peu qu'elle ait pu être soumise à un risque professionnel ou d'infection nosocomiale ;

Considérant que la cie AGF, tout en critiquant le rapport du Dr E..., n'en demande pas la nullité ni ne sollicite de nouvelle expertise ;

Qu'il convient de noter que ce médecin n'a jamais donné ses soins à Mme X..., n'ayant été amené qu'à faire un examen anatomo-pathologique sur un prélèvement par biopsie du foie de la malade, ce qui ne paraît pas vraiment de nature à créer une relation personnelle influençant les résultats de l'expertise ; qu'il n'existe aucune raison de rejeter les conclusions de l'expert ;

Considérant qu'il résulte des expertises que les premiers signes de dérèglement hépatique sont apparus lors d'un examen systématique en 1977 ; que Mme X... a présenté à la fin de l'année 1979 des symptômes qui ont été attribués à une infection virale le 18 janvier 1980, ce qui a conduit à pratiquer une biopsie en octobre 1980 ; que le diagnostic d'hépatite C était porté en 1997, le diagnostic en 1980 étant celui d'une hépatite non A non B ;

Considérant qu'une thérapie par interféron en 1997 a été suivie d'une rechute rapide à l'arrêt du traitement ; que la bithérapie menée en 2001-2002 a été arrêtée au bout de six mois en raison de son inefficacité virologique et de sa mauvaise tolérance générale ;

Que Mme X... est porteuse d'une hépatite C modérée sur le plan clinique et biologique qui entraîne une fatigue chronique retentissant sur la vie professionnelle et personnelle ;

Considérant que Mme X... n'est pas consolidée puisque le virus reste présent ;

- sa maladie a entraîné une incapacité temporaire totale de deux mois, l'expert estimant toutefois qu'elle aurait pu être arrêtée six mois supplémentaires pendant les thérapies ;

- elle a dû intégrer un service administratif, le médecin du travail ayant estimé qu'elle n'est plus apte à travailler dans un service de soins ;

- la douleur tenant à trois biopsies hépatiques et deux cures de chimiothérapie antivirale peut être estimée à 2/7 ;

- le préjudice esthétique est de 1/7 en raison de la chute des cheveux lors des cures et du retentissement physionomique des conséquences psychiques du portage chronique de VHC ;

- il existe un préjudice fonctionnel ou d'agrément ;

Considérant que ces éléments d'appréciation sont suffisants et permettent d'indemniser le dommage corporel à titre définitif, étant observé que Mme X... pourra demander un complément d'indemnisation en cas d'aggravation ; que rien ne justifie les demandes de pièces qui sont formées par AGF ;

Considérant que l'état des débours présenté par l'organisme social et explicité par son médecin conseil correspond aux soins et hospitalisations décrits par les experts ; qu'il n'y a pas lieu de le rejeter ;

Considérant que le préjudice sera indemnisé comme suit :

I- Préjudices patrimoniaux

- frais médicaux et assimilés 12 904,80 €

- frais futurs 2 300,34 €

A déduire créance de la C.P.A.M 12 904,80 €

2 300,34 €

- perte de primes 981,53 €

- surcoût d'assurance capitalisé 916,30 €

- il n'est pas allégué que le changement d'affectation a entraîné une perte de revenus ; il ne s'agit pas d'un préjudice patrimonial ; pour les raisons qui seront développées ci-dessous l'incidence professionnelle de la maladie sera examinée plus loin ;

TOTAL : Il revient à la victime une somme de 1 867,83 € et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine la somme de 15 205,14 € ; il sera en outre alloué à l'organisme social une indemnité de 926 € sur le fondement de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale ;

II- Préjudices extra-patrimoniaux

A- Temporaires

Mme X... a subi un arrêt de travail de deux mois en lien avec la maladie. Pendant les cures de chimiothérapie, elle ne s'est pas arrêtée de travailler mais le médecin traitant de la victime explique que l'absence d'arrêt de travail s'explique par la volonté de la patiente et non par l'absence de raisons médicales ; les effets secondaires physiques et psychiques des deux cures de quatre et sept mois auraient pu justifier des arrêts de travail prolongés estimés à six mois au total ;

Il est donc établi que les cures ont nécessairement entraîné une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante ;

Il sera alloué la somme de 2 400 € ;

Une partie du préjudice esthétique est temporaire puisqu'il est en lien avec les cures au cours desquelles Mme X... a perdu ses cheveux et a été très amaigrie ;

Il sera alloué la somme de 700 € ;

B- Evolutif

- Le préjudice de contamination

Considérant que le caractère spécifique de la contamination doit conduire à allouer une somme globale qui comprend, outre les douleurs physiques rappelées ci-dessus, les douleurs morales résultant de la contamination et ses conséquences sur la vie professionnelle, sociale, de loisir et affective ralentie depuis de très nombreuses années ;

Que les premiers symptômes de la maladie ont débuté en 1979 alors que Mme X... n'était âgée que de 27 ans ;

Qu'elle présente une asthénie qui perturbe sa vie professionnelle, de loisirs et sociale et est astreinte à une surveillance régulière et à des traitements qui peuvent être lourds ;

Qu'elle peut légitimement craindre une évolution défavorable de son état de santé vers une cirrhose voire un cancer du foie ;

Que néanmoins son état est stable et l'hépatite C est modérée ;

Que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu de lui allouer une somme de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour dès lors que le doublement des intérêts n'est pas applicable à un accident qui a eu lieu en 1971 ;

Considérant que dans les relations entre l'EFS et AGF le sinistre se rattache à l'année 1971 ;

Considérant que M. Y... et la Matmut ne contestent pas que la théorie de l'équivalence des conditions s'appliquent aux demandes de la victime et donc ne discutent pas de la faute du conducteur ;

Qu'ils demandent que, dans leur relation avec l'EFS, ça soit la théorie de la causalité adéquate, qui s'applique ;

Mais considérant qu'en cas de concours de responsabilité entre celui qui par sa faute a rendu nécessaire une transfusion sanguine à l'origine d'une contamination et le CRTS qui a fourni les produits sanguins défectueux, chacun est tenu à contribuer par moitié à la réparation du dommage ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement en audience publique

Infirme le jugement.

Condamne in solidum l'EFS et AGF, M. Y... et la Matmut à payer à Mme Marie-Jeanne X... la somme de 64 967,83 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Condamne les mêmes à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine les sommes de 15 205,14 et 926 euros.

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile condamne les mêmes à payer à Mme X... la somme de 4 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie celle de 1 400 euros à titre d'indemnité de procédure.

Rejette toutes les autres demandes sur ce fondement.

Dit que dans leurs relations l'EFS et AGF d'une part et M. Y... et la Matmut d'autre part seront tenus de contribuer pour moitié à la réparation du dommage.

Dit que le sinistre se rattache à l'année 1971.

Condamne in solidum l'EFS et AGF, M. Y... et la Matmut aux dépens de première instance et d'appel (qui comprendront les frais de référé et d'expertise) et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 05/08485
Date de la décision : 07/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rennes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-07;05.08485 ?
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