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06/11/2007 | FRANCE | N°06/06525

France | France, Cour d'appel de Rennes, 06 novembre 2007, 06/06525


Deuxième Chambre Comm.





ARRÊT No



R.G : 06/06525



Pourvoi No : S 0810052

du 03/01/2008









S.A. ETABLISSEMENTS X...




C/



M. Jean-Claude Y...


Mme Josette Z... épouse Y...


M. Didier Y...


Melle Isabelle Y...


















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours












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Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2007





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, enten...

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 06/06525

Pourvoi No : S 0810052

du 03/01/2008

S.A. ETABLISSEMENTS X...

C/

M. Jean-Claude Y...

Mme Josette Z... épouse Y...

M. Didier Y...

Melle Isabelle Y...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, entendu en son rapport,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Béatrice A..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Septembre 2007

devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 06 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S.A. ETABLISSEMENTS X...

Le Lannec

22200 PLOUISY

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Maurice B..., avocat

INTIMÉS :

Monsieur Jean-Claude Y...

...

22520 BINIC

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de Me C..., avocat

Madame Josette Z... épouse Y...

...

22520 BINIC

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de Me C..., avocat

Monsieur Didier Y...

...

22520 BINIC

représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assisté de Me C..., avocat

Mademoiselle Isabelle Y...

...

22520 BINIC

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de Me C..., avocat

EXPOSE DU LITIGE

La société à responsabilité limitée
Y...
( société Y...) exploitait ... un fonds de commerce de boissons, vins, bières, spiritueux, et dépôt de fuel domestique sur un terrain situé à la même adresse.

Par acte sous seings privés du 29 Avril 1994, la société anonyme
X...
( société X...) pour 199 parts et Monsieur Hervé X... pour 1 part ont acquis la totalité du capital (200 parts) de la société Y....

Selon acte du 4 novembre 1996, la société X..., qui n'avait jamais eu d'activité d'exploitation de carburants a cédé la partie du fonds de commerce concernant cette activité à la société SOFIQUEM laquelle n'a pas repris l'exploitation rue des FONTAINES.

A la suite de l'opération de fusion - absorption de la société Y... réalisée le 23 décembre 1997 par la société X..., cette dernière est devenue propriétaire du terrain sur lequel était exploitée jadis l'activité de carburants et l'a vendu par actes des 15 et 23 octobre 1999 à Monsieur D....

Lors de travaux de remise en état d'un ancien puits, Monsieur D... a constaté que le terrain était pollué par les hydrocarbures.

Le Préfet des CÔTES D'ARMOR, par arrêté du 18 Novembre 1999, et sur le fondement du Code de l'Environnement, a mis en demeure la société X..., vendeur, de remettre en état le site et de supprimer la pollution des eaux et du sol, ce qu'elle a fait, en même temps qu'elle devait consigner une somme de 72 000 Euros à valoir sur les frais de dépollution.

La société X... a alors assigné les consorts Y... pour rechercher leur responsabilité.

Selon jugement du 27 avril 2004 le tribunal de grande instance de SAINT-BRIEUC a :

déclaré l'action de la société X... recevable,

au fond, l'en a déboutée,

dit n' y avoir lieu à garantie du GAN assurances IARD,

débouté Monsieur D... de sa demande de condamnation contre la société X...,

tardé à statuer sur le préjudice,

ordonné une mesure d'expertise,

condamné la société X... à payer aux consorts Y... la somme de 550 Euros chacun, au GAN et à Monsieur D... la somme de 1500 Euros chacun, au titre des frais irrépétibles,

condamné la société X... aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

La société X... a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-BRIEUC,

condamner les consorts Y... en leurs noms personnels ou en qualité d'héritiers de Monsieur Y..., ou à défaut, Monsieur Claude Y... à payer solidairement à la société X... :

la somme de 83690,64 Euros pour travaux de dépollution,

celle de 12897 Euros à titre de garantie du préjudice de Monsieur D...,

les intérêts au taux légal sur la somme de 72000 Euros, consignées entre les mains de l'administration pendant la durée de l'immobilisation, et ce, à titre de réparation du préjudice complémentaire,

condamner les mêmes ou Monsieur Y... seul à lui payer la somme de 10000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

condamner les mêmes ou Monsieur Y... seul aux entiers dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise.

Elle expose :

rechercher, en application de l'article 1382 du Code civil, leur responsabilité en qualité de cédants des parts sociales tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de leur auteur, Henri Y..., fondateur du dépôt, et à défaut , la responsabilité de Claude Y..., dernier exploitant déclaré ; qu'elle a été, en effet, victime d'un dol lors de la cession de parts sociales, lors de la remise qui lui a été faite d'une police d'assurance comportant des affirmations inexactes, que les cédants ne sont tus, sans fournir les éléments d'information sur l'état matériel et juridique du dépôt de carburant, qu'elle peut également agir contre Claude Y..., dernier exploitant en droit, sur le fondement de l'article L 541-2 du code de l'environnement,

que l'installation du dépôt de carburant a été réalisée sans autorisation, que la pollution des sols résulte de l'absence de cuvette de rétention autour de la cuve enterrée, contrairement aux prescriptions réglementaires, que les contrôles spécifiques d'étanchéité n'ont jamais été réalisés, que la pollution est ancienne,

que le coût des travaux de dépollution se sont élevés à la somme de 80690,64 Euros, qu'elle est fondée à obtenir les intérêts au taux légal sur la somme qu'elle a du consigner, qu'elle doit supporter le préjudice subi par Monsieur D... qui s'élève à la somme de 12897 Euros.

Les consorts Y... demandent à la cour de :

confirmer le jugement,

débouter la société X... de ses demandes,

condamner la société X... à leur payer chacun la somme de 2825 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

condamner la société X... aux entiers dépens qui comprendront les frais de la procédure de référé-expertise et seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

Ils exposent :

que les demandes sont irrecevables sur le fondement de la garantie du passif, que le fondement contractuel et le fondement délictuel ne peuvent être invoqués tous deux en même temps,

que le rapport de Monsieur E... est sérieusement critiquable, tant sur le plan juridique que sur le plan technique, qu'il comporte inexactitudes, contradictions,

qu'aucune pollution antérieure à l'année 1994, année au cours de laquelle Monsieur X... a exploité le site en qualité de gérant de la société à responsabilité limitée
X...
, ne peut être établie, qu'aucune responsabilité des consorts Y... ne peut être recherchée,

qu'il n' y a pas de dol (article 1116 du code civil), qu'Henri Y... n'est pas le contractant de la société X..., que les exploitations ont été faites conformément à la législation de l'époque, qu'il n'est pas justifié que l'exploitation de la cuve enterrée, selon les normes en vigueur à l'époque où elle a été installée soit à l'origine de la pollution par hydrocarbures ; que Claude Y... ainsi que les consorts Y... ne peuvent répondre des déclarations faites par leur père, à les supposer inexactes, qu'il n'est pas rapporté la preuve que les intimés connaissaient cette pollution, qu'enfin, la société X... ne justifie pas que l'erreur dont elle aurait été victime ait été déterminante de son consentement,

qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute invoquée.

La cour se réfère pour plus ample exposé des faits, moyens aux écritures des parties en date des 27 août et 11 septembre 2007.

DISCUSSION

SUR LE RAPPORT D'EXPERTISE :

Monsieur E..., expert, a déposé son rapport et a conclu comme suit :

"I Les faits

En novembre 1999, la Société X... a vendu à un particulier Monsieur D..., un terrain situé au ..., en zone urbaine constructible. Ce terrain est mitoyen d'une école. Constatant que le puits qui alimentait le bâtiment en eau n'existait plus, le nouveau propriétaire fit intervenir une société pour le retrouver et le reconstruire. Au cours de l'intervention, il est constaté de fortes odeurs de pétrole qui amenèrent un constat de gendarmerie, un arrêté préfectoral pour une dépollution de terrain.

II Les installations :

Ainsi, sur ce terrain qui appartenait à Monsieur Y..., en 1965 fut implanté un dépôt de FOD comportant deux cuves aériennes de 25 rn3. En réponse à une déclaration d'exploitation, un arrêté préfectoral interdit en un tel secteur l' activité de stockage qui se poursuit jusqu'en 1971 A cette date, l' Administration régularise la situation, accordant un dépôt complémentaire de 50 m3 qui est placé dans une cuve enterrée. En 1994, la société Y... vend son terrain rue des Fontaines à la société X..., tout en restant gérante de la charge fuel jusqu'au 3 1 août 1996. Encore en état de service, les cuves aériennes de FOD sont vendues en 1997. La cuve enterrée est extraite du sous-sol en décembre 1998, puis vendue à un ferrailleur pour être démantelée. Le site est alors acheté par un particulier en novembre 1999 et la pollution du sous-sol par les hydrocarbures découverte.

III L'action judiciaire

Dans le cadre de l'expertise judiciaire, un audit a été réalisé au cours duquel ont été effectués cinq forages et la pose de deux piézomètres. Cette opération a permis de prélever 13 échantillons de sous-sol à demi profondeur et au niveau du substratum, un échantillon d'eau de surface et des prélèvements d'eau au niveau des piézomètres posés.

Les dosages d'hydrocarbures totaux affirment que le site est pollué sur les trois quarts du terrain remblayé où se déroulait l'activité de stockage. La partie haute gauche où se trouvait une cuve aérienne de 2 m3 est fortement polluée, la partie basse gauche est très polluée. Le piézomètre P2 placé en limite droite du terrain d'activité montre une pollution des eaux souterraines.

L'analyse chromatographique de caractérisation/identification montre que l'ensemble du terrain est pollué par du FOD ancien, dont les composés légers ont disparu gardant un massif de composés non résolus important. Cette observation est uniforme sur l'ensemble du terrain jusqu'au substratum situé à 6, 7 m de profondeur.

La pollution du site est une pollution chronique. Elle est antérieure à l' année 1978. Il a fallu en effet 22 ans pour qu'un déversement de FOD à la surface du sol fait de remblai puisse migrer, entraîné par les eaux souterraines qui circulent selon la pluviométrie entre la surface et le substratum d'un sous-sol au coefficient de Darcy 10-6 m/s. L'activité de stockage et de distribution de FOD a cessé en août 1996, cinq ans sont les délais suffisants pour obtenir des hydrocarbures anciens où les composés legers linéaires et ramifiés ont disparu.

L'audit INOVADIA fait 14 mois avant, définit également une très forte pollution du sous-sol, dans les mêmes zones.

Ainsi, sur cette aire polluée, existait depuis 31 ans un stockage de 100 m3 de FOD, se pratiquaient des opérations continues de dépotage et de remplissage de fuel. Se sont faites également les interventions d'enlèvement des cuves, il y a cinq ans.

IV En matière de réglementation

Le dossier de déclaration remis en 1965 était conforme à la réglementation, la réalité dans les installations construites était contraire: l'activité du dépôt d'hydrocarbures a fonctionné pendant 31 ans sans aucune précaution à l' égard de la protection de l' environnement, sous la responsabilité de la même personne, propriétaire puis gérant. Aucun moyen n'a été mis en place pour éviter une pollution.

Il faut ajouter :

- que l'exploitation du site s'est faite contre l'avis défavorable de la part de l' Administration,

- que les installations n'ont jamais été contrôlées pendant le temps d' activité,

- qu'aucune déclaration n'a été faite en 1996 au moment du changement de propriétaire,

- que la cessation définitive d'activité n'a pas été déclarée,

- que la remise en état du site n'a pas été faite avant la vente du terrain en 1999, avec un grand nombre de déchets,

- que ce terrain industriel a été vendu à un particulier sans audit du sous-sol comme l' exige la loi...".

Le contenu de ce rapport est très critiqué par les consorts Y... qui reprochent à l'expert d'avoir porté des appréciations d'ordre juridique, d'avoir commis des erreurs et des inexactitudes, des omissions, qui se contredit et qui a été négligeant dans la réalisation de sa mission. Celui-ci s'est expliqué sur les dires de ceux-ci dans un courrier du 26 juin 2001 qui est explicite.

L'expert relie formellement l'origine de la pollution à "l'absence de précaution à l'égard de la protection de l'environnement", au fait qu'"aucun moyen n'a été mis en place pour éviter la pollution du sous-sol". Il ajoute que, s'il y a eu pollution accidentelle après 1996, il y avait obligation d'avertir la DRIRE, mais indique qu' il " n'est cependant pas possible de différencier une pollution chronique engendrée avant 1994 d' une provoquée en 1995 ou 1996".

En toute hypothèse, si les consorts Y... soutiennent que la pollution peut être intervenue depuis la cession, il leur appartient alors de rapporter précisément les faits accidentels qui sont à l'origine d'une pollution à partir de 1995, ce qu'ils ne font pas efficacement par la production d'attestations de leurs anciens salariés.

Vainement également, ils soutiennent que les choix techniques ont été erronés alors que les investigations engagées plus tôt par INOVADIA en 1999 avaient permis de constater que la pollution par hydrocarbures existait sur les mêmes zones.

Enfin, ils sont dans l'incapacité de justifier que, conformément à la réglementation applicable selon laquelle les contrôles d'étanchéité des cuves doivent avoir lieu tous les dix ans, ceux-ci ont été effectivement opérés, d'autant plus que la société qui a sorti la cuve enterrée 27 ans après son implantation a observé des points de corrosion sur la cuve, expliqués, selon l'expert, par la circulation des eaux souterraines, étant ici observé qu'il ne peut être reproché à l'expert de ne pas avoir examiné une cuve démantelée, rien ne permettant de prendre en considération le constat d'huissier établi non contradictoirement après ordonnance sur requête le 19 octobre 2001 alors que la procédure actuelle était en cours.

SUR LA FAUTE DES CONSORTS Y... :

sur la remise d'un document comportant des inexactitudes :

Il est indiqué que lors de la cession, la police d'assurance contre l'incendie souscrite par la société Y... en 1988 a été remise à la société X... ; que ce document comportait la mention suivante : "Autour de chaque réservoir ou groupe de réservoirs, il est établi une cuvette de rétention...".

L'expert a cependant expliqué :

En ce qui concerne les cuves aériennes :

Devant l' état de la situation de l' aire polluée sur laquelle se pratiquait cette activité, il y a peu de chance que les installations proposées (aire étanche avec cuvette de rétention, aire de chargement avec un bassin de décantation) aient été respectées. La société s'est contentée du minimum en fixant les deux cuves aériennes sur des berceaux en béton enfoncés dans le sol. L'aire étanche aurait subsisté même si le muret avait été détruit pour sortir les cuves après la cessation d'activité.

À propos des égouttures considérées comme un déchet industriel spécial (DIS), le propriétaire aurait dû remettre à une société agréée les déchets pétroliers et être en possession des bordereaux de transport et de remise. Le bassin de décantation n'a pas été construit, ni l'aire de chargement.

Au vu du dossier remis par le déclarant et après le contrôle de sa régularité, le préfet délivre le récépissé dont l'obtention est nécessaire pour la mise en service des installations. Or le préfet refuse l'exploitation d'un dépôt situé à proximité d'une école et demande à ce que celui-ci soit placé sur un site moins sensible. Mais la société Y... passe outre. La situation est régularisée par l'arrêté du 24 septembre 1971 i.e. six ans après, par l'administration préfectorale, avec une expansion d'un dépôt souterrain de 100 m3 de FOD selon la déclaration faite .... Voilà encore une situation équivoque. Ce site n'a pas été inspecté par les services de la DRIRE puisqu'il était sensé ne pas exister jusqu'en 1971.

En ce qui concerne la cuve enterrée

La cuve complémentaire de 50 m3 est placée, malgré le plan remis, sans aucune précaution pour la protection de l'environnement, dans une fosse de 3 fi de profondeur. Il s'agit d'une cuve métallique à simple paroi qui a subi les essais de résistance et d'étanchéité. Cette cuve enterrée aurait dû être placée dans une enceinte étanche, remplie de sable pour éviter toute dispersion de FOD dans le sous-sol. La société qui a sorti la cuve, 27 ans après son implantation, a observé des points de corrosion sur la cuve. Ceci n'a rien d'étonnant devant la circulation des eaux souterraines à des niveaux piézomètriques changeant, apportant l'oxygène dissous indispensable à la corrosion métallique.

Il faut ajouter que la réglementation demande un contrôle de l'étanchéité des cuves en place 10 années après leur installation, par un essai d'épreuve, contrôle repris ensuite tous les cinq ans. La société Y... n'a pas remis les récépissés des contrôles. Il est peu probable que ces opérations de contrôle aient été faites.

Cuve aérienne de 2 m3

Quant à la citerne aérienne de 2 m3 installée pour l'alimentation en carburant des véhicules routiers, aucun indice de protection n'a été observé autour de cet emplacement, malgré la présence à proximité d'un puits d'eau potable.

En conclusion, l'activité de dépôts d'hydrocarbures d'une capacité de 100 m3 de FOD a fonctionné pendant 31 ans sans aucune précaution à l' égard de la protection de l'environnement, aucun moyen n'a été mis en place pour éviter une pollution".

Il résulte ainsi des termes du rapport que l'exploitation des installations décrites, qui ne possédaient, contrairement à ce qui est indiqué dans le document d'assurance, pas de cuves de rétention est à l'origine des pollutions constatées.

Sur la connaissance du caractère inexact de la mention figurant sur ce document qu'avaient les consorts Y..., et sur leurs obligations relatives à cette affirmation :

Les consorts Y... possédaient le dossier d'exploitation de l'activité de FOD. Or la lecture de ce dossier, outre les constatations de l'expert révèlent :

•que l'installation a été exploitée pendant plusieurs années en dépit du refus d'autorisation prononcée par arrêté préfectoral du 13 juillet 1965,

•que Henri Y... a sollicité, par courrier du 2 août 1971, la bienveillance du préfet des COTES d'ARMOR, pour obtenir la régularisation de sa situation, expliquant que " sans avoir l'intention de forcer la main à qui que ce soit", il avait fait l'acquisition d'une cuve de 50000 litres qui lui avait été livrée et dont le coût avait dépassé le million d'anciens Francs,

•que, dans le questionnaire qu'il a rempli le 5 mars 1971 pour demander la création d'un établissement dangereux, il décrivait la capacité de l'installation qui serait de 100 m3 en trois bacs aériens, deux de 25 m3 et le troisième bac de 50 m3,

•qu'il lui était donné acte le 24 septembre 1971 de l'installation de deux réservoirs souterrains de 25 m3 chacun et d'un réservoir souterrain de 50 m3, qu'il lui était indiqué que tout changement d'exploitant devait être déclaré à la préfecture dans le mois qui suit la prise de possession, qu'il devait se conformer strictement aux lois et règlements en vigueur à intervenir,

• que Claude Y... faisait savoir qu'il était le nouvel exploitant le 26 mars 1982 " sans modification de l'installation existante", qu'il lui en était accusé réception à une date non indiquée sur le document, mais portant la précision qu'il allait exploiter un dépôt aérien de 100 m3,

•qu'en 1988, la police d'assurance souscrite par la société Y... portait la mention ci-dessus rappelée,

•qu'il est acquis que Claude Y... est exploitant du dépôt FOD depuis le premier janvier 1977, qu'il l'a déclaré à l'administration en 1982 et que depuis lors, aucune déclaration de changement d'exploitant n'a été faite en préfecture.

Au regard de ces éléments, la cour doit constater tout d'abord, que l'installation a été exploitée sans autorisation pendant six ans, ensuite, que l'autorisation demandée en 1971 qui concernait l'exploitation de trois cuves aériennes fait l'objet d'un donner acte pour l'exploitation de trois cuves souterraines, alors qu'en réalité, l'exploitation concerne deux cuves aériennes et une cuve enterrée, puisque, lors de la déclaration de changement d'exploitant dans laquelle il est indiqué qu'il n' y a aucune modification à l'exploitation existante, l'administration donne acte pour l'exploitation d' un dépôt aérien de 100 m3. Il apparaît que, pour le moins, les exploitants auraient du apporter des rectificatifs, que ce soit Henri Y... ou son fils Claude Y..., qu'ils ont cru bon toutefois de ne pas les faire. Laissant entretenir la confusion, et exploitant en définitive des installations pour lesquelles ils n'ont jamais eu les autorisations adéquates, ils ont pu ainsi échapper à la réglementation en vigueur, aux contrôles de conformité, notamment pour le réservoir enterré, ne se soumettant pas aux dispositions de l'article 34 de la circulaire du 17 avril 1975 qui édictait des renouvellements d'épreuve pour les réservoirs en fosse ou réservoirs enfouis, installés avant le premier janvier 1975.

Claude Y... exploitait en dernier lieu le dépôt en toute connaissance de cause et n'a jamais rien dit à la société X....

Les consorts Y..., Josette Z..., Didier Y... et Isabelle Y..., en remettant lors de la cession des parts une police d'assurance qui comportait une mention mensongère inexacte alors qu'ils devaient eux-même s'informer pour informer en toute connaissance de cause l'acquéreur, ont commis une faute et engagé leur responsabilité.

SUR LA DESCRIPTION DU PRÉJUDICE SUBI PAR LA SOCIÉTÉ X...

La société X... fait état du préjudice constitué par le coût de la remise en état, (80690,64 Euros), par l'indemnisation du préjudice de Monsieur D... ( 12847 Euros) et par l'immobilisation de la somme de 72000 Euros pendant plusieurs mois. Les consorts Y... contestent la pollution du sol, estimant qu' il n' y a lieu que de chiffrer la pollution de la nappe phréatique, ajoutent que doivent être considérés la plus-value faite par le société Y... lors de la revente du terrain et le chiffre d'affaire réalisé pendant les deux années par la vente du fuel.

Ces divers éléments sont en effet à prendre en considération pour chiffrer le préjudice de la société X....

SUR LE LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE LA FAUTE ET LE PRÉJUDICE :

La société X... a du réhabiliter le sol pollué du terrain qu'elle a vendu à Monsieur D.... Dès lors qu'elle vendait le terrain, elle devait en assurer la dépollution.

Il n'est pas soutenu par la société X... qu'elle n'aurait pas acquis les parts sociales si elle avait connu l'état exact de l'exploitation du dépôt FOD. Si en effet elle soutient qu'elle n'aurait pas acheté le dépôt de fuel si elle avait su que l'installation n'avait pas été autorisée, elle ne peut oublier qu'en acquérant les parts sociales, elle entendait essentiellement obtenir l'exploitation du fonds de commerce de boissons, vins bières et spiritueux, activité dont elle reconnaît qu'elle était le " leader local". D'ailleurs, elle n'a pas demandé l'annulation de la cession de parts sociales.

La société X... acquérait les parts sociales lui permettant d'exploiter à la fois le fonds de commerce de vins, spiritueux... et de FOD. Elle n'était certes pas intéressée par cette dernière branche d'activité, mais manifestement, elle l'avait acceptée, quitte à s'en défaire rapidement. Il lui appartenait cependant de se renseigner sur cette exploitation d'une installation classée soumise à autorisation, ce qu'elle n'a manifestement pas fait, agissant avec une légèreté certaine.

Elle a concouru en partie à la réalisation du préjudice qu'elle invoque, et doit en supporter les conséquences.

SUR LA FIXATION DU MONTANT DES RÉPARATIONS :

Pour ces différents motifs, il convient de fixer le montant des dommages-intérêts alloués à la société X... à 65000 Euros, que devront lui verser les consorts Y....

SUR L' INDEMNITÉ DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILEET SUR LES DEPENS :

Les consorts Y... qui succombent, seront condamnés à verser la somme de 5000 Euros à la société X... et supporteront les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirmant le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne Claude Y..., Josette Z... épouse Y..., Didier Y... et Isabelle Y... à payer à la société ETABLISSEMENTS X... la somme de 65000 Euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne les mêmes à lui verser la somme de 5000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne les mêmes aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/06525
Date de la décision : 06/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-06;06.06525 ?
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