Deuxième Chambre Comm.
ARRÊT No
R.G : 06/05977
Pourvoi No : V 0811343
du 04/02/2008
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BRETAGNE
C/
S.A. CIO
S.A. AUXIGA
E.U.R.L. AGRIS
Me Daniel X...
S.A. CREDIT LYONNAIS
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, entendu en son rapport,
Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,
Madame Véronique BOISSELET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Béatrice Y..., lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC : Madame Z...
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Septembre 2007
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 06 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BRETAGNE
...
BP 8
35511 CESSON CEVIGNE CEDEX
représentée par la SCP BAZILLE J.J. & GENICON S., avoués
assistée de Me Bruno A..., avocat
INTIMÉS :
S.A. CIO
...
BP 84001
44040 NANTES CEDEX 1
défaillante, régulièrement assignée à une personne habilitée à recevoir l'acte
S.A. AUXIGA
...
75009 PARIS
représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués
assistée de Me B..., avocat
E.U.R.L. AGRIS
...
79000 NIORT
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me C..., avocat
Maître Daniel X..., es qualité de Liquidateur judiciaire de la société MIPROLACT, produits agro alimentairs
... - BP 4240
22042 SAINT BRIEUC CEDEX
représenté par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués
assisté de Me D..., avocat
S.A. CREDIT LYONNAIS
...
69002 LYON
représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués
assistée de Me E..., avocat
EXPOSE DU LITIGE.
Suivant jugement en date du 15 mai 2000, le Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC a prononcé le redressement judiciaire de la société MIPROLACT, et a désigné Maître DAVID comme représentant des créanciers.
Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire selon jugement en date du 23 octobre 2000.
Par requête en date du 21 juillet 2000, la société AGRIS, fournisseur de la société MIPROLACT, a présenté devant le Juge Commissaire une demande en revendication portant sur des marchandises objets de cinq factures en date du 12 janvier 1999.
Suivant ordonnance en date du 29 janvier 2001, le Juge commissaire a partiellement fait droit à cette demande et a décidé la restitution des marchandises objets des factures no 09901106, 09901107, 09901108 à la société AGRIS, au détriment de la Caisse d'Epargne et du CIO bénéficiaires d'inscriptions de gages sur ces mêmes marchandises.
Statuant sur les oppositions formées par le CIO, la Caisse d'Epargne, la société AUXIGA et la société AGRIS, le Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC a dans un jugement en date du 23 juillet 2001 :
- confirmé l'ordonnance du Juge Commissaire quant à la validité de la clause de réserve de propriété dont se prévaut la société AGRIS,
- réformé l'ordonnance du Juge Commissaire en ce qui concerne la facture 09901109 et reconnu le bien fondé de la demande de la société AGRIS à ce titre,
- confirmé l'ordonnance du Juge Commissaire concernant la priorité de la clause de réserve de propriété sur les créanciers gagistes.
La Cour d'Appel de céans a, dans un arrêt en date du 3 juillet 2002, infirmé cette décision et, statuant à nouveau, a :
- débouté L'EURL AGRIS de son action en revendication des marchandises litigieuses,
- débouté les parties de leurs prétentions accessoires.
Par arrêt du 27 juin 2006, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a, au visa de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 3 juillet 2002 aux motifs suivants :
"Attendu que, pour rejeter l'action en revendication de l'EURL, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'existait pas entre la société MIPROLACT et l'EURL d'écrit régissant l'ensemble des opérations commerciales convenues entre elles et mentionnant une clause de réserve de propriété, retient que la preuve d'une acceptation tacite d'une clause de réserve de propriété avant la livraison des marchandises revendiquées n'est pas rapportée, les prétendues factures des 29 octobre et 25 novembre 1998 censées contenir une telle clause ne figurant pas au dossier de l'EURL.
Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ces factures qui figuraient sur le bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions de l'EURL, et dont la communication n'avait pas été contestée ; la Cour d'Appel a violé le texte susvisé" ;
C'est en cet état que se présente l'affaire devant la présente Cour de Renvoi ;
La Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Bretagne demande à la Cour de :
"Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 3 juillet 2002,
Vu l'arrêt de cassation rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 27 juin 2006,
Et statuant à nouveau,
Vu l'article L 621-122 du Code de Commerce,
Vu l'article 2279 du Code Civil,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC en date du 23 juillet 2001,
En conséquence,
- dire que la clause de réserve de propriété contenu dans les factures de la société AGRIS n'est pas opposable à la CAISSE d'EPARGNE,
- rejeté purement et simplement la revendication de propriété formée par la société AGRIS,
- juger que la société AUXIGA devra fournir toute explication pour les marchandises objet de la facture AGRIS 09901109, et ce avec toutes conséquences de droit,
Y ajoutant,
- condamner la société AGRIS à payer à la CAISSE D'EPARGNE DE BRETAGNE la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamner la société AGRIS aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, par la SCP JJ BAZILLE - S GENICON, avoués associés".
La SA AUXIGA conclut ainsi :
"- réformer le jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC rendu le 23 juillet 2001,
Et statuant à nouveau,
- dire que la clause de réserve de propriété insérée dans les factures de la société AGRIS à la société MIPROLACT n'est opposable ni à la CAISSE D'EPARGNE, ni au CIO, ni au CREDIT LYONNAIS, ni à la société AUXIGA,
- rejeter purement et simplement la revendication de propriété formée par la société AGRIS, y compris pour les marchandises objet de la facture AGRIS 099.01.109,
- décerner acte à la société AUXIGA de ce qu'elle a fourni toutes les explications utiles relativement à la facture AGRIS 099.01.109,
Et, ce, avec toutes conséquences de droit,
- condamner la société AGRIS à verser à la société AUXIGA la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- condamner la société AGRIS aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître B... et la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile."
L'EURL AGRIS formule les prétentions suivantes :
"- voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC en date du 23 juillet 2001 ,
- voir débouter l'ensemble des défenderesses de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de L'EURL AGRIS,
- donner acte de ce que les marchandises revendiquées ont été vendues par Maître X... ès qualité,
Par voie de conséquence, dire et juger recevable et bien fondée L'EURL AGRIS dans sa demande de revendication du prix des marchandises en application des dispositions des articles L 624-18 et L 622-17 du Code de Commerce,
En conséquence, voir condamner Maître X... ès qualité à restituer à L'EURL AGRIS la somme de 418.487 € au titre de la valeur des marchandises revendiquées,
- voir condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Bretagne, la société CIO et la société AUXIGA, in solidum, à verser L'EURL AGRIS la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les voir condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC."
Maître X..., ès qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société MICROLACT (produits agro-alimentaires), sollicite la Cour de :
"- confirmer le jugement prononcé le 23 juillet 2001 par le Tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC mais seulement pour les marchandises correspondant aux factures 09901106, 09901107 et 09901108,
- débouter L'EURL AGRIS de sa demande tendant à voir condamner Maître X... ès qualité à lui restituer la somme de 418.487 euros au titre de la valeur des marchandises revendiquées,
- condamner solidairement l'ensemble des créanciers gagistes aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP GUILLOU RENAUDIN conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile".
La SA le CREDIT LYONNAIS prie la Cour de :
"- réformer le jugement du Tribunal de Commerce de SAINT-BRIEUC rendu le 23 juillet 2001,
Et statuant à nouveau :
- dire que la clause de réserve de propriété insérée dans la facture no 099.01.109 de L'EURL AGRIS à la société MIPROLACT n'est pas opposable au CREDIT LYONNAIS,
- rejeter purement et simplement la revendication de propriété formée par l'EURL AGRIS pour les marchandises objet de la facture no 099.01.109,
Et ce, avec toutes conséquences de droit,
- condamner la société AGRIS à verser au CREDIT LYONNAIS la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- condamner la société AGRIS aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître B... et la SCP GAUVAIN é DEMIDOFF conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile."
Assignée à une personne habilitée à recevoir l'acte, la SA CIO n'a pas constitué avoué ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;
Le dossier de la procédure a été transmis au Ministère Public, qui en a donné visa ;
Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée, à l'arrêt de la Cour de Cassation et aux écritures des parties régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que malgré les nouveaux débats instaurés après l'arrêt de la Cour de Cassation, L'EURL AGRIS ne démontre toujours pas être bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété établie dans un écrit datant au plus tard du moment de la livraison, conformément aux dispositions de l'article L 621-122 du Code de Commerce ;
Que cette EURL produit, non pas les factures en date des 29 octobre et 25 novembre 1998 visées dans son bordereau de communication de pièces sous les numéros 25 et 26, mais verse aux débats cinq factures datées du 12 janvier 1999 (no 099 01 106 à 099 01 110) ;
Que si ces cinq factures comportent une clause de réserve de propriété, il n'est nullement prouvé que cette clause soit antérieure ou concomitante à la livraison de marchandises effectuée au profit de la société MIPROLACT ;
Qu'aucune pièce ni aucun élément de preuve n'est fourni à cet égard, mais qu'il existe un doute plus que sérieux, alors que L'EURL AGRIS fait état de prétendues factures antérieures et qu'elle indique en son assignation en référé du 26 novembre 1999 "qu'au mois de décembre 1998, L'EURL AGRIS a vendu des marchandises à la SA MIPROLACT" ;
Que rien n'établit que la clause de réserve de propriété ait été portée à la connaissance de la société MIPROLACT avant l'établissement des factures (12 janvier 1999) ; que les marchandises ayant été vendues en décembre 1998, il apparaît logique, et tout à fait plausible, en raison notamment de leur nature, qu'elles aient été livrées avant leur facturation mentionnant la clause de réserve de propriété ;
Que la charge de la preuve pèse sur L'EURL AGRIS et que, contrairement à ce que soutient cette dernière, il n'appartient pas à la société MIPROLACT ou à son gérant de l'époque des livraisons de justifier d'un écrit de sa part, accepté par elle (L'EURL AGRIS), pour exclure la clause de réserve de propriété des conditions de vente régissant les relations commerciales ;
Que, par ailleurs, eu égard à l'absence d'écrit régulier, il ne saurait être admis que la société MIPROLACT ait tacitement accepté, avant la réception des factures litigieuses, le principe de la clause de réserve de propriété dont excipe L'EURL AGRIS ;
Que cette EURL ne peut, d'une part, faire état de factures en date des mois d'octobre et novembre 1998, qui auraient comporté une clause de réserve de propriété et dont elle ne justifie pas, puis, d'autre part, fonder son action en revendication sur des factures postérieures, datant du mois de janvier 1999 ; que ceci rend sa position incertaine, inopérante et dépourvue de crédibilité ;
Que celle-ci ne saurait non plus affirmer sans preuve pertinente qu'une clause de propriété aurait été convenue entre elle-même et la société MIPROLACT sur la base de l'article L 621-122 alinéa 2 du Code de Commerce, dont l'existence serait corroborée par des relations commerciales suivies ou de simples documents douaniers, et que cette clause serait opposable aux autres créanciers de ladite société MIPROLACT ;
Considérant qu'il convient, dès lors, d'infirmer le jugement déféré, et de débouter L'EURL AGRIS de ses demandes, en la condamnant aux dépens du fait de sa succombance ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties leurs frais non répétibles de procédure ;
Considérant qu'il n'apparaît pas utile de faire droit aux demandes de donné acte de ces autres parties et que leurs prétentions accessoires apparaissent superfétatoires et infondées ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 27 juin 2006,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Déboute L'EURL AGRIS de toutes ses demandes ;
La condamne aux dépens qui, pour ceux exposés devant la présente Cour, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Rejette toute prétention autre ou contraire.
LE GREFFIER.- LE PRÉSIDENT.-