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30/10/2007 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 30 octobre 2007,


Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 06/06674

Pourvoi A 0810382

du 11/01/2008

S.A.R.L. HOLDING X...

C/

Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU

Me Christophe Y...

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, entendu en son rapport,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Béatri...

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 06/06674

Pourvoi A 0810382

du 11/01/2008

S.A.R.L. HOLDING X...

C/

Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU

Me Christophe Y...

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, entendu en son rapport,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Béatrice Z..., lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC : Madame A...

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Septembre 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 30 Octobre 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S.A.R.L. HOLDING X...

Nuces

12330 VALADY

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Elian B..., avocat

INTIMÉS :

Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU

...

44190 BOUSSAY

représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués

assistée de Me Bernard C..., avocat

Maître Christophe Y..., es qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU ( N2S )

...

Bât. E - B.P. 62336

44323 NANTES CEDEX

représenté par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués

assisté de Me Bernard C..., avocat

EXPOSE DU LITIGE.

Le 16 février 2005, la Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Nantes et Maître Y... nommé administrateur judiciaire ;

Faute de pouvoir mettre en place un plan de continuation, un plan de cession a été cherché ;

Dans ce cadre, deux candidats ont fait une offre par écrit, dont la société HOLDING CAYRON, le 6 juin 2005. La société HOLDING CAYRON a retiré son offre le 14 juin et le 22 juin le Tribunal a arrêté le plan de cession au profit de la société MENARD, l'autre candidat ;

La Société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU et Maître Y..., ès qualités, estimant que le retrait de la Société HOLDING CAYRON a occasionné un préjudice au redressement judiciaire, ont assigné la Société HOLDING CAYRON le 5 septembre 2005 ;

Par jugement du 25 septembre 2006, le Tribunal de Commerce de NANTES a condamné la société HOLDING CAYRON à payer à Maître Y... ès qualité la somme de 429 078 €, outre 2 000 € au titre de l'article 700 NCPC.

La société HOLDING CAYRON a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour de :

"- réformer le jugement entrepris ;

- débouter la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU et Me Christophe Y... es qualité de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- reconventionnellement, les condamner à porter à payer à la SARL HOLDING X... la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BREBION-CHAUDET, avoués soussignés".

La société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU et Maître Y..., es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de cette société, concluent ainsi :

"- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NANTES en toutes ses dispositions,

- condamner la société HOLDING CAYRON à payer à Maître Y... es qualité la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 NCPC,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC" ;

Le dossier de la procédure a été transmis au Ministère Public, qui en a donné visa ;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux écritures des parties en date des 30 juillet 2007 (appelante) et 22 août 2007 (intimés) ;

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la société HOLDING CAYRON soutient que l'offre qu'elle avait déposée en l'étude de Maître Y... n'aurait pas été une offre véritable ;

Que cet argument a été justement écarté par le Tribunal ;

Qu'en effet, il résulte du document remis par la société HOLDING CAYRON à Maître Y... qu'une offre précise et ferme avait bien été présentée ;

Que le document en cause est intitulé "proposition de plan de redressement par voie de cession externe" ; qu'il indique qu'il est une offre de reprise (page 3, page 18) ;

Que ce document comporte 21 pages, hors annexe, qui détaillent le périmètre de la reprise, les modalités de la reprise... ;

Qu'il comporte en annexe la déclaration de la qualité de tiers exigée par l'article L 621-57 du Code de Commerce ;

Qu'il s'agit incontestablement d'une offre de reprise déposée par la société HOLDING CAYRON ;

Qu'en outre, le prix offert pour la reprise était parfaitement déterminable ; qu'une somme de 150.000 € était proposée pour la reprise des actifs immobilisés ;

Que concernant les stocks, il était expressément stipulé que la reprise s'opérerait en fonction d'un inventaire à intervenir et par application des taux suivants :

- matière premières utilisables : 50% du prix d'achat

- produits finis : 35% du prix de revient

- produits semi-finis : 25% du prix de revient

- encours : 20% du prix de revient

- les produits en relation avec des collections annulées : 10% du prix de revient.

Que le prix des stocks était ainsi tout à fait déterminable ;

Que par conséquent, contrairement à ce que prétend l'appelante, il n'était pas prévu ni nécessaire qu'un inventaire intervienne préalablement à la cession ; que l'inventaire aurait été effectué contradictoirement au moment de la prise de possession et le complément de prix payé en conséquence ;

Que c'est ce qu'a retenu à bon droit le Tribunal de Commerce de Nantes en jugeant que la méthode de valorisation des stocks était précise, de sorte que le prix était parfaitement déterminable ;

Considérant sur la validité de l'offre que la société HOLDING CAYRON soutient que son offre aurait été entachée d'une erreur, qui aurait en toute hypothèse entraîné la nullité du plan de cession ;

Qu'elle affirme qu'elle aurait déposé son offre le 6 juin 2005 en n'ayant recueilli que peu d'informations en matière commerciale et industrielle et que ce n'est que postérieurement qu'elle aurait découvert des éléments qui l'auraient fait renoncer à son offre ;

Que ceci n'est pas plausible ;

Que d'une part, si la société HOLDING CAYRON, professionnelle de l'ameublement, a fait une offre, c'est qu'elle a estimé qu'elle disposait des éléments nécessaires ; qu'elle ne saurait se plaindre d'une prétendue erreur alors que, si elle avait vraiment eu des doutes, il lui aurait suffi de différer son offre ;

Que Monsieur Pierre X... avait pu accéder à l'entreprise SOURISSEAU à trois reprises avant de faire son offre : le 3 mai 2005, le 19 mai 2005, les 24 et 25 mai 2005, puis encore les 7 et 8 juin 2005 ; que Monsieur X... avait également été destinataire du rapport de présentation établi par Maître Y... ; qu'à la demande de Monsieur X..., une réunion avait été spécialement organisée avec tous les commerciaux de la société SOURISSEAU au siège de la société ;

Que Monsieur X... avait obtenu de Monsieur D..., le dirigeant de la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU, un accord pour que les locaux de CLISSON soient donnés à bail à des conditions financières plus avantageuses ;

Que la société HOLDING CAYRON s'est attaché les services d'un avocat pour formuler son offre ;

Que d'autre part, pour invoquer une prétendue erreur, la société HOLDING CAYRON présente une version des faits qui ne correspond pas à la réalité ;

Qu'elle affirme qu'à compter du 8 juin 2005, Monsieur D... et Maître Y... auraient interdit aux salariés de donner toute information à Monsieur X... ;

Que la réalité est que, ce jour-là, Monsieur X... s'est présenté à l'usine sans s'annoncer et sans en avertir Monsieur D... et est allé directement interroger les salariés de la société N2S ;

Qu'à la suite de cette visite quasi clandestine, Monsieur D... et Maître Y... ont seulement rappelé aux salariés que, à l'avenir, ils souhaitaient être informés préalablement des demandes de renseignements afin de pouvoir assurer toute la transparence nécessaire et surtout la pertinence des informations délivrées ;

Qu'il n'a donc jamais été décidé de priver Monsieur X... des informations mais seulement de faire en sorte que les informations délivrées soient fiables ;

Que de même, la société HOLDING CAYRON prétend avoir tout ignoré d'un litige au sujet de la collection RIVAGES alors qu'elle en a été informée dès le 3 mai 2005 lors de la première visite de Monsieur X... sur le site de la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU ;

Que cela est attesté à la fois par Maître Y... et par Monsieur D..., l'ancien dirigeant de la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU, qui n'avaient ni l'un ni l'autre aucun intérêt à cacher l'information ;

Que de la même manière, en sa qualité de professionnel de l'ameublement, Monsieur X... ne pouvait ignorer quelles étaient les conditions imposées par les distributeurs, notamment la CAMIF ;

Que sur ce point, le courrier de rétractation du 14 juin 2005 est particulièrement significatif ; que Monsieur X... y écrit :

"S'ajoute à cela un courrier daté du 9 juin, et que nous n'avons reçu que lundi matin de la CAMIF, principal client de la société SOURISSEAU.

Ce courrier est en totale contradiction avec les entretiens que nous avions eus préalablement avec cette entreprise, car en effet ils nous demandent un maintien à l'identique des conditions contractuelles et commerciales actuelles, à

savoir :

- la qualité des produits (ce n'est pas un problème)

- les prestations SAV (ce n'est pas un problème)

- les prix de vente des produits, et plus généralement les conditions financières définies : cet élément est inacceptable pour nous car en effet nous considérons que les prix proposés par la SAS NOUVELLE SOCIETE MEUBLES ROUSSEAU sont un élément majeur, essentiel et déterminant des difficultés de cette entreprise".

Que par conséquent, loin de prétendre avoir manqué d'informations, Monsieur X... reconnaît expressément que la raison de sa volte-face est que la CAMIF, avec laquelle il avait, de lui-même, pris contact pour discuter d'une augmentation des prix de vente des meubles fabriqués par SOURISSEAU, souhaitait que soient maintenues les conditions contractuelles et commerciales en vigueur ;

Que partant, d'une part, la position de la CAMIF était pour le moins compréhensible et parfaitement prévisible ;

Que d'autre part et surtout, si Monsieur X... a nourri des espoirs irréalisables, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et certainement pas se prévaloir d'une erreur ;

Qu'en tant que professionnel du secteur, Monsieur X... a fait son offre en connaissance de cause ; que si des informations lui avaient fait défaut, il lui était parfaitement loisible de les demander, avant de s'engager par son offre qu'il n'a assortie d'aucune condition ;

Qu'il n'y a pas lieu de suivre l'appelante dans le détail de son argumentaire ; que son offre ferme la liait jusqu'au 30 juin 2005, indépendamment des questions ensuite évoquées le 14 juin 2005 ;

Que l'offre était précise et ferme ;

Que c'est ce qu'à retenu à juste titre le Tribunal de Commerce de NANTES en constatant que la société HOLDING CAYRON avait reçu le dossier de présentation et avait pu rencontrer les dirigeants et obtenir d'eux des informations, que le dirigeant de la société X... s'était déplacé à cinq reprises sur les sites de la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU, et, en outre, que la HOLDING X... est un professionnel du secteur de l'ameublement de sorte qu'elle disposait de toutes les connaissances nécessaires pour apprécier la situation de la société ;

Que ferme et précise, ni aucunement entachée d'erreur, l'offre de la société HOLDING CAYRON ne pouvait être retirée sans faute ;

Considérant qu'en retirant son offre de reprise, la société HOLDING CAYRON a non seulement violé sa propre parole mais encore les règles du droit des procédures collectives ;

Qu'en premier lieu, la société HOLDING CAYRON a retiré son offre par courrier daté du 14 juin 2005 alors qu'elle avait elle-même assorti son offre d'un délai de validité expirant au plus tôt le 30 juin 2005 ;

Que conformément aux principes gouvernant les offres, et contrairement à ce que soutient la société HOLDING CAYRON en affirmant que "l'offre étant un acte unilatéral, seules les dispositions légales peuvent obliger l'offrant", toute offre assortie d'un délai engage son auteur jusqu'à la date fixée (Cass. 3ème civ., 10 mai 1968 : Bull. Civ III, no 209) ; qu'en cas de retrait avant cette date, l'auteur de l'offre engage sa responsabilité ;

Que contrairement encore à ce que prétend la société HOLDING CAYRON, ces principes s'appliquent incontestablement en matière de plan de cession ;

Que le Professeur E... a clairement indiqué à cet égard (B. E..., Traité des procédures collectives, Litec, 1995, no 1453, p 1120) :

"L'offre peut constituer un avant-contrat, un engagement unilatéral irrévocable lorsque son auteur s'est engagé à ne pas la retirer au cours d'un certain délai. De plus, l'offre peut entraîner la condamnation à des dommages et intérêts lorsque sa révocation est constitutive d'un abus de droit. Il ne fait aucun doute que ces principes généraux s'appliquent. De toute manière ainsi, l'offre présentée et retirée d'une manière fautive peut entraîner, en faveur du débiteur ou de l'administrateur, la condamnation à des dommages et intérêts".

Qu'il est donc inexact de prétendre, comme le fait la société HOLDING CAYRON, que "l'offre dont s'agit étant un acte unilatéral, seules les dispositions légales peuvent obliger l'offrant".

Que le principe est clair : l'offrant est tenu par le délai qu'il s'est lui-même fixé ;

Qu'au demeurant, l'article L 621-57 du Code de Commerce le confirme qui dispose seulement que l'offre de reprise "ne peut être modifiée ou retirée après la date du dépôt du rapport de l'administrateur" ;

Qu'en revanche, l'on ne saurait déduire de ce texte que, en toute hypothèse, l'offrant pourrait retirer son offre tant que l'administrateur n'a pas déposé son rapport, car précisément l'offrant est libre de se lier par un délai qu'il a lui-même fixé ;

Qu'en l'espèce, la société HOLDING CAYRON a librement choisi d'assortir son offre d'un délai de validité, s'interdisant ainsi de la retirer jusqu'à l'expiration de ce délai ;

Que par conséquent, en retirant son offre au mépris de son engagement, la société HOLDING CAYRON a commis une faute caractérisée et a engagé sa responsabilité ;

Qu'en second lieu et en outre, la société HOLDING CAYRON a également violé l'article L 621-57 al. 2 du Code de Commerce, aux termes duquel l'offre de reprise "ne peut être modifiée ou retirée après la date du dépôt du rapport de l'administrateur. Son auteur reste lié par elle jusqu'à la décision du Tribunal arrêtant le plan, à condition que cette dernière intervienne dans le mois du rapport" ;

Que le rapport a été adressé dès le 10 juin 2005 par Maître Y..., non seulement au greffe, mais encore à toutes les autorités et personnes visées par l'article L 621-61 du Code de Commerce ;

Que toutes les dispositions légales ont été respectées quant à la communication du rapport ainsi qu'il en est justifié par les pièces produites ;

Qu'il résulte des pièces et éléments du dossier que c'est seulement le 14 juin 2005 dans l'après-midi que la société HOLDING CAYRON a retiré son offre, méconnaissant ainsi l'article L 621-57 alinéa 2 du Code de Commerce ;

Que la société appelante essaie de contester sa faute et le caractère illégal du retrait de son offre au motif que le rapport de l'administrateur n'aurait été reçu par le greffe que le 14 juin 2005 au matin, soit le jour même où elle informait de sa volonté de retirer son offre ;

Que l'argument est inopérant ;

Que le retrait d'une offre ne peut être efficace que si ce retrait intervient à un moment auquel l'administrateur judiciaire est encore en mesure de modifier son rapport ; qu'en effet, aux termes de l'article L 621-57 al. 3 du Code de Commerce, les offres doivent être annexées au rapport de l'administrateur, qui doit en faire une analyse ; que cette analyse a elle-même pour fonction de renseigner le Tribunal sur le sérieux des propositions et de l'éclairer sur la solution à retenir ;

Qu'ainsi si le rapport est d'ores et déjà arrêté et transmis à la juridiction, aucune modification n'est plus possible ; que dès la transmission du rapport, les offres, qui y sont obligatoirement annexées, se trouvent nécessairement figées ;

Qu'en l'espèce, le rapport de Maître Y... a été transmis dès le 10 juin 2005, non seulement au greffe mais également à toutes les personnes intéressées :

- aux magistrats appelés à se prononcer sur le plan de redressement,

- aux personnes appelées à donner leur avis : Procureur de la République, représentant des créanciers, représentants des salariés...

Que le courrier d'envoi adressé à ces intervenants mentionnait expressément que le rapport était parallèlement adressé au Greffe ;

Que l'avis du Représentant des créanciers et des représentants des salariés était sollicité ;

Que, dès le 10 juin 2005, aucune modification des offres n'était plus possible ;

Que le courrier du 14 juin 2005 manifestant la volonté de la société HOLDING CAYRON de retirer son offre était inefficace ;

Que ce n'est qu'au milieu de l'après-midi du 14 juin 2005 que la société HOLDING CAYRON a fait connaître par fax son intention de retirer son offre ;

Qu'à ce moment, non seulement le rapport de Maître Y... avait déjà été expédié par courrier, mais encore reçu par le Greffe ;

Qu'en toute hypothèse, le retrait de l'offre a été effectué par la société HOLDING CAYRON après la réception du rapport par ses destinataires ;

Qu'il est donc manifeste que la société HOLDING CAYRON a retiré son offre en violation de l'article L 621-57 du Code de Commerce, et, de surcroît, en pleine connaissance de cette violation puisqu'elle indiquait dans son courrier :

"Nous avons parfaitement conscience qu'au terme de la présente, en retirant notre offre, nous ne répondons pas aux dispositions de cet article", ce qui démontre d'ailleurs que cette société était informée que le rapport avait d'ores et déjà été expédié et déposé ;

Que le Tribunal, dans son jugement du 22 juin 2005 arrêtant le plan de cession, n'a pas manqué de relever que :

"La société X... a retiré son offre en violation des dispositions de l'article L 621-57 du Code de Commerce" ;

Que la faute de la société HOLDING CAYRON est constante ;

Considérant que cependant la société HOLDING CAYRON prétend que, dès lors que son offre ne pouvait être licitement rétractée, le Tribunal de Commerce de NANTES aurait pu retenir cette offre et la contraindre à l'exécuter ;

Qu'en effet, toujours selon la société HOLDING CAYRON, le Tribunal de Commerce de NANTES aurait bien reconnu que cette société restait liée par son offre, qui n'aurait donc pas été retirée, au motif que le Tribunal aurait privilégié l'offre MENARD mais "sans dire qu'il s'agissait de la seule offre restante" ;

Que, selon la société HOLDING CAYRON, le Tribunal avait la possibilité de retenir son offre et qu'il aurait librement fait le choix de retenir l'offre de la société MENARD, plutôt que celle de la société HOLDING CAYRON ;

Que par conséquent, pour la société appelante, aucune faute ne pourrait lui être reprochée ;

Que ce raisonnement ne saurait prospérer ;

Qu'en premier lieu, la société HOLDING CAYRON fait dire au jugement du 22 juin 2005 l'inverse de ce qu'il dit en toutes lettres ;

Que contrairement à ce qu'elle soutient, le Tribunal n'a pas dit qu'elle n'avait pas retiré son offre mais précisément que "la société X... a retiré son offre en violation des dispositions de l'article L 621-57 du Code de Commerce".

Qu'en second lieu, il est tout aussi évident qu'en choisissant l'offre de la société MENARD, le Tribunal n'a pas pour autant absous la société HOLDING CAYRON de sa faute ;

Que le Tribunal, même s'il en avait théoriquement la faculté, pouvait définitivement retenir l'offre de la société HOLDING CAYRON alors que celle-ci avait déclaré n'être plus intéressée par la reprise ;

Que le Tribunal n'aurait pu avoir de garantie sur la pérennité de l'entreprise SOURISSEAU et les emplois y attachés ;

Que la société HOLDING CAYRON indique dans ses conclusions qu'elle aurait agi en annulation du plan ;

Que le Tribunal ne pouvait confier le sort de l'entreprise SOURISSEAU à la société HOLDING CAYRON et que c'est avec prudence et réalisme qu'il a retenu l'offre de la société MENARD, mais certainement pas pour exonérer la société HOLDING CAYRON de sa faute ;

Qu'à cet égard, le fait que le jugement arrêtant le plan de cession ait mentionné que l'offre de la société MENARD avait été retenue comme étant "la plus favorable" est insuffisant à faire croire, comme le voudrait la société HOLDING CAYRON, que le Tribunal a librement exercé son choix entre deux offres comparables et également sérieuses ;

Qu'au-delà de l'emploi d'une formule usuelle et de pur style, l'offre de la société MENARD était bien la seule qui pût être estimée comme "favorable" puisqu'elle était la seule qui ait suffisamment de crédit pour être retenue, mais pour cette seule raison que l'offre intrinsèquement plus favorable de la société HOLDING CAYRON était bien trop risquée au regard du désintérêt manifesté par le retrait illégal de son offre ;

Que c'est ce qu'a jugé le Tribunal de Commerce dans sa décision du 25 septembre 2006 en indiquant que le choix du repreneur avait été guidé par le "réalisme" indispensable compte tenu des enjeux, alors que la société HOLDING CAYRON n'offrait plus, de son seul fait et par sa faute, les garanties attendues d'un candidat repreneur ;

Que le raisonnement de la société HOLDING CAYRON n'est pas admissible qui revient à soutenir qu'un Tribunal ayant à décider de l'avenir d'une entreprise devrait passer outre le désintérêt manifeste d'un candidat repreneur au seul motif que le retrait de son offre est entachée d'illégalité ;

Que ce raisonnement de la société HOLDING CAYRON n'est pas admissible en ce qu'il revient ni plus ni moins qu'à vider de leur substance le principe établi en jurisprudence de l'irrévocabilité des offres assorties de délai et le texte de l'article L 621-57 du Code de Commerce ;

Que la société HOLDING CAYRON a indiscutablement commis une faute caractérisée en retirant son offre alors qu'elle savait ne pas en avoir le droit et en agissant de surcroît de manière particulièrement désinvolte vis-à-vis de la juridiction et des organes de la procédure collective ;

Que la société HOLDING CAYRON a engagé sa responsabilité et doit réparation du préjudice causé au redressement judiciaire ;

Considérant que l'offre de reprise présentée par la société HOLDING CAYRON était plus favorable que celle présentée par la société MENARD ;

Que le retrait intempestif et illégal de son offre par la société HOLDING CAYRON a causé un préjudice direct au redressement judiciaire, qui correspond à ce que le redressement pouvait espérer et ce dont il a dû se contenter ; qu'il convient de comparer "le sort de l'entreprise si l'offre avait été maintenue à celui constaté dès lors que celle-ci a été retirée" (B. Soinne, Traité des procédures collectives, Litec, 2ème éd. 1995, p. 1121) ;

Qu'en l'espèce, le préjudice correspond à la différence entre le prix proposé par la société HOLDING CAYRON et le prix proposé par la société MENARD, cessionnaire retenu par défaut, dont l'offre faisait ressortir un prix global de 425.000 € ;

Que la société MENARD avait proposé pour les éléments immobilisés un prix de 25.000 € ;

Que la société HOLDING CAYRON avait quant à elle offert un prix de 150.000 € ;

Que quant aux stocks, la société MENARD les a repris pour la valeur forfaitaire de 400.000 € alors que la société HOLDING CAYRON avait proposé une reprise dans les conditions suivantes :

- matières premières utilisables 50% du prix d'achat

- stocks de produits finis 35% du prix de revient

- encours de production 20% du prix de revient

Que contrairement à ce que continue de prétendre la société HOLDING CAYRON (page 14 de ses conclusions) en affirmant que les demandeurs "se réfèrent à un inventaire... qui aurait été établi le 15 février 2005", un inventaire physique a été établi le 23 juin 2005, soit le lendemain du jugement arrêtant le plan de cession ;

Que cet inventaire du 23 juin 2005 a déjà été communiqué en première instance, précisément le 5 mai 2006 ;

Que dans ces conditions, l'on s'étonne que la société HOLDING CAYRON maintienne des affirmations que les pièces communiquées depuis un an et demi démentent ;

Que compte tenu de cet inventaire réalisé au 23 juin 2005, l'offre de la société HOLDING CAYRON aboutissait au prix suivant :

- actifs immobiliers 50.000 €

- immobilisations incorporelles 10.000 €

- immobilisations corporelles 90.000 €

- matières premières utilisables

50% du prix d'achat sur 247.782 €

- stocks de produits finis

35% du prix de revient sur 1 503 703 € 526.296 €

- encours de production

20% du prix de revient sur 790 519 € 158 103 €

Total 1 082 181 €

Que la société HOLDING CAYRON prétend néanmoins que l'évaluation du stock ne lui serait pas opposable et essaie de contester le montant retenu ;

Que si un inventaire n'a pu être réalisé au contradictoire de la société HOLDING CAYRON, c'est uniquement à cause de la faute par elle commise qui a cru pouvoir se permettre de retirer son offre de façon illégale, empêchant par là même que cet inventaire soit réalisé ;

Que la société HOLDING CAYRON est donc mal venue à contester l'évaluation du stock alors même qu'elle en a empêché la réalisation par sa propre faute ;

Qu'en outre, un inventaire a bel et bien été réalisé, en date du 23 juin 2005, soit immédiatement après la cession, et à défaut pour la société HOLDING CAYRON d'apporter quelque élément que ce soit pour le contester, elle ne saurait prétendre qu'il ne lui serait pas applicable ;

Que compte tenu du niveau social quasi équivalent des deux propositions, mais au regard de l'écart très significatif du prix proposé par la société HOLDING CAYRON en faveur des créanciers, il est manifeste que le Tribunal de Commerce de NANTES aurait retenu l'offre de la société HOLDING CAYRON s'il n'en avait été empêché par un procédé illicite ;

Que les premiers juges ont justement estimé que l'offre de la société MENARD n'était plus favorable qu'au regard de l'effectif repris (53 salariés contre 46 à la HOLDING X...) et qu'une différence aussi faible ne pouvait suffire à contrebalancer les écarts de prix proposé, en sorte que l'offre de la société HOLDING CAYRON aurait été retenue sans le retrait illicite de cette offre ;

Que les premiers juges ont, de manière logique, comparé le prix des deux offres pour déterminer les sommes dont les créanciers de la procédure collective ont été privés à raison du retrait illégal de son offre par la société HOLDING CAYRON ;

Qu'ils ont fixé avec raison le préjudice subi par les créanciers à la somme 429 078 € ;

Que pour parvenir à ce montant, ils ont valorisé l'offre de la société HOLDING CAYRON en ajoutant au prix offert pour l'actif immobilisé (150.000 €) la valorisation des stocks sur la base de l'inventaire réalisé le 23 juin 2005, en retenant toutefois une valeur nulle pour les encours, les seuls n'ayant pas fait l'objet d'un inventaire physique, conformément à l'argumentation de la société HOLDING CAYRON ;

Que sur la base de ces éléments, les premiers juges ont valorisé l'offre de la société HOLDING CAYRON de la manière suivante :

Actif immobilisé : 150 000 €

Matières premières :

50% prix d'achat 247 782 €

Produits finis :

35% du prix de revient : 526 296 €

Total 924 178 €

Qu'enfin, pour tenir compte de la différence des offres au niveau social, ainsi que Maître Y... l'avait lui-même proposé, les premiers juges ont déduit une somme de 70.000 € correspondant au coût des sept licenciements supplémentaires qu'aurait entraînés l'offre de la société HOLDING CAYRON ;

Qu'en conséquence, le Tribunal a retenu que l'offre de la société HOLDING CAYRON ressortait à 854 078 €, soit une différence de 429 078 € avec l'offre de la société MENARD (425 000 €), celle de 429 078 € correspondant au préjudice subi par les créanciers ;

Que la société HOLDING CAYRON ne saurait donc se plaindre que le préjudice a été surévalué alors que, au contraire, le Tribunal de Commerce de NANTES a retenu une valeur nulle pour les encours et a déduit une somme de 70.000 € pour les licenciements, soit exactement ce que demandait et demande encore cette société ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris et de débouter la société HOLDING CAYRON de toutes ses demandes en la condamnant aux dépens du fait de sa succombance ;

Que l'équité commande d'allouer à Me Y... es qualité une somme de 4 000 € en compensation de ses frais non répétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne la société HOLDING CAYRON à payer à Me Y..., es qualité de Commissaire au plan de la société NOUVELLE SOCIETE MEUBLES SOURISSEAU, une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Rejette toute prétention autre ou contraire.

LE GREFFIER.- LE PRESIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 30/10/2007
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nantes, 25 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-10-30; ?
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