Chambre Sécurité Sociale
ARRET No 214/07
R.G : 05/08249
S.N.C. EUROVIA BRETAGNE
C/
URSSAF DU MORBIHAN
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
pourvoi X0721875REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Danielle X..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2007
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 24 Octobre 2007, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.N.C. EUROVIA BRETAGNE
45 rue du Manoir de Sévigné
CS 34344
35043 RENNES CEDEX
représentée par Me DREMAUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
URSSAF DU MORBIHAN
37 boulevard de la Paix
BP 10323
56018 VANNES CEDEX
représentée par Mme EYMER (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial
INTERVENANTE :
DRASS DE BRETAGNE
20, rue d'Isly
" les 3 soleils "- Cs 84224
35042 RENNES
non représentée
EXPOSE DU LITIGE
La SNC EUROVIA BRETAGNE a fait l'objet de la part de l'URSSAF du Morbihan d'une vérification comptable pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 dans ses établissements de Kervignac et Theix.
Les lettres d'observations ont été adressées le 21 mai 2004.
L'inspecteur a invoqué les irrégularités suivantes :
Etablissement de Theix : Aubry II, calcul de l'allégement
Frais professionnels, déduction forfaitaire spécifique.
Etablissement de Kervignac : Aubry II, calcul de l'allégement
Indemnités liées à la rupture du contrat de travail
Frais professionnels, déduction forfaitaire spécifique.
A la suite d'une rencontre avec la SNC, compte tenu de la disquette que lui a fournie l'entreprise , laquelle reprenait des éléments de paie issus de son logiciel ,l'inspecteur de l' URSSAF a modifié les bases de régularisation au titre de calcul de l'allégement Aubry II. Il a pris en considération le salaire brut fourni sur la disquette issue dudit logiciel ainsi que la rubrique "heures dues".
L'inspecteur a notifié les modifications intervenues par courrier du 29 novembre 2004.
Les mises en demeure d'usage ont été envoyées le 24 décembre 2004. Les causes en ont été réglées par l'employeur , selon lui à titre conservatoire pour des montants de 4 777 € et 55 536 € .
La SNC EUROVIA BRETAGNE a alors saisi la Commission de Recours Amiable par courriers des 11 janvier 2005 ( pour l'établissement de Kervignac) et 20 janvier 2005 ( pour l'établissement de Theix). Elle a contesté la régularité, la validité et le bien fondé de la mise en demeure, des opérations de contrôle et des observations ainsi que l'ensemble des redressements opérés.
Le 1er avril 2005 la société a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan sur décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable.
Par décision du 21 avril 2005 notifiée le 26 avril 2005 la Commission de Recours Amiable a maintenu les redressements contestés sur les deux établissements contrôlés en Morbihan.
Par jugement du 12 décembre 2005 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a confirmé la décision prise par la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF en séance du 21 avril 2005.
Par déclaration au greffe de la Cour du 19 décembre 2005 la SNC EUROVIA BRETAGNE a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite l'infirmation en premier lieu pour les moyens de formes suivants:
- le non respect du principe contradictoire et des droits de la défense
- l'irrégularité du chiffrage des redressements
- la nullité des mises en demeure adressées.
Sur le fond la SNC critique les redressements relatifs:
- à l'allégement Aubry II
- à la déduction forfaitaire spécifique au titre des frais professionnels
Elle demande en définitive, à la Cour, à titre principal d'annuler les opérations de contrôle et les mises en demeure subséquentes pour non respect du contradictoire et des droits de la défense.
A titre subsidiaire, d'annuler les mises en demeure litigieuses
et les redressements non justifiés au fond.
L'URSSAF du Morbihan, par conclusions, conteste la totalité des moyens et arguments de la SNC et demande à la Cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan le 12 décembre 2005.
- condamner la SNC EUROVIA au paiement de la somme de 1 500
euros au profit de l'URSSAF sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour plus ample exposé des prétentions des parties, il convient de se référer expressément à leurs conclusions d'appel.
MOTIVATION DE L'ARRET
Sur les moyens de forme soulevés par la SNC EUROVIA
En premier lieu, la SNC EUROVIA invoque la violation par l'URSSAF des dispositions de l'article R 243-59 du Code de la Sécurité Sociale au niveau de la lettre d'observation qui ne contiendrait pas les bases de calcul précises du redressement et un calcul exhaustif de celui-ci.
La Cour observe, cependant, à l'étude du dossier de l'URSSAF que les lettres d'observation comportent pour chaque chef de redressement contesté, les motifs, les périodes, l'assiette, les taux appliqués et le montant des cotisations redressées permettant ainsi à l'employeur d'être informé des erreurs ou omissions constatées lors du contrôle.
Par ailleurs, les bases de calcul sont également indiquées ainsi que les erreurs précisément constatées dans l'entreprise par l'Inspecteur de l'URSSAF, qui n'était pas légalement astreint à joindre à ses observations une liste nominative des salariés concernés.
De la même manière, aucune disposition de l'article R 243-59 n'impose, comme soutenu par la SNC EUROVIA ,à l'inspecteur d'individualiser ou de préciser pour chaque chef de redressement , son montant pour chacun des salariés et l'affectation des sommes concernées sur les comptes individuels des salariés.
Il convient , par ailleurs, d'ajouter que le contrôle s'est déroulé contradictoirement ainsi que l'employeur le reconnaît dans un courrier adressé à l'Inspecteur le 30 Novembre 2004, il y indique en effet "notre coopération a été complète".
Enfin et contrairement à ce que soutenu par l'appelante le contrôle ne s'est pas poursuivi postérieurement après la notification des lettres d'observation du 24 mai 2004 , l'Inspecteur se bornant, comme il pouvait le faire , à modifier partiellement les bases du redressement au vu des remarques de la SNC EUROVIA , qui en a été avisée le 29 novembre 2004, sans que cette modification au demeurant à la baisse, ait pu faire courir un nouveau délai d'un mois avant l'envoi des mises en demeure.
La SNC EUROVIA argue, en second lieu, que le contrôle a été réalisé selon la méthode du sondage. La Société soutient que les modalités du contrôle ne lui ont pas été présentées, que le redressement n'a pas été établi sur des bases réelles et que l'inspecteur a recouru à une taxation forfaitaire alors qu'il avait à sa disposition la comptabilité complète de la société.
Cette argumentation ne saurait cependant être retenue par la Cour qui constate à la lecture des lettres d'observations qu'à aucun moment le contrôleur n'indique avoir procédé à des sondages ou à des extrapolations.
Au contraire, il énumère la liste des documents consultés et procède à un chiffrage argumenté.
Le moyen doit donc être également rejeté.
La SNC EUROVIA invoque, ensuite, l'irrégularité des mises en demeure .Or, et en l'espèce, les mises en demeure adressées le 24 décembre 2004 à la SNC comportent les mentions prescrites, par l'article R 243-59 du Code de la Sécurité Sociale.
- la référence au rapport de contrôle
- la nature des cotisations réclamées ( régime général)
- les périodes : 2002 pour l'établissement de Theix et 2001 et 2002 pour celui de kervignac
- le montant des cotisations et majorations de retard par période et totalisées.
Ces mentions sont suffisantes puisque les mises en demeure font référence aux chefs des redressements dont les notifications du 21 mai 2004 font état de la nature, des motifs des bases de redressement par année, des taux appliqués et des cotisations.
Le courrier de l'inspecteur du 29 novembre 2004 adressé à la SNC en réponse aux observations de celle-ci ne saurait faire courir un nouveau délai d'un mois avant la notification des mises en demeure.
Les mises en demeure adressées sont dès lors régulières.
La Cour rejettera en conséquence, également, le moyen.
Sur le bien fondé du redressement
Sur l'allégement Aubry II
La SNC EUROVIA argue de ce que les éléments pris comme base de redressement sont invérifiables, sauf à reprendre l'ensemble des éléments comptables dont disposait l'URSSAF.
Par application de l'article D 241.13 du Code de la Sécurité Sociale , le montant de l'allégement Aubry II est calculé chaque mois civil pour chaque salarié. Le montant de l'allégement est calculé sur la base d'une formule fixée par décret (article L.241-13-1 du même code).
L'inspecteur, après avoir rappelé les principes de calcul de l'allégement, a expliqué, dans sa lettre d'observations, l'anomalie qu'il avait constatée: mauvais paramétrage de la formule de calcul et réintégration dans le montant des cotisations des sommes d'allégement déduits, de ce fait à tort, par la SNC.
De surcroît, contrairement à ce que soutenu par la SNC, l'Inspecteur a expliqué à la société quels étaient les éléments pris en considération pour recalculer les allégements Aubry II.
En effet, par lettre du 29 novembre 2004, le contrôleur précise à la société:
" compte tenu des éléments fournis (disquette reprenant les éléments de paie issus de votre logiciel), je vous apporte les précisions suivantes :
Aubry II : calcul de l'allégement
J'ai effectué un " recalcul" concernant les allégements Aubry II en prenant en compte le salaire brut fourni sur la disquette issue de votre logiciel de paie, ainsi que la rubrique "heures dues".
L'inspecteur précise enfin à la SNC les montants qu'il a déduits pour chaque établissement au titre de l'année 2001 à 2003. Ce chef de redressement n'est donc justifié et doit être validé.
Sur la déduction forfaitaire spécifique au titre des frais professionnels
La SNC EUROVIA allègue qu'aucune précision n'est rapportée sur les situations individuelles relevées par l'inspecteur , empêchant ainsi une vérification précise du redressement.
Il convient de rappeler que l'article 5 de l'annexe IV du Code Général des Impôts prévoit une déduction forfaitaire de 10% pour "Les ouvriers du bâtiment visés aux paragraphes 1 et 2 de l'article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier".
En application de l'article L.242-1 du Code de la Sécurité Sociale et des articles 4 de l'arrêté du 26 mai 1975 et 9 de celui du 20 décembre 2002, si la déduction n'est pas justifiée elle doit faire l'objet d'une réintégration.
Il convient de rappeler encore que dans le cadre du contrôle effectué l'inspecteur a opéré deux redressements: l'un au titre de l'année 2002 et l'autre pour l'année 2003. Le premier est soumis aux dispositions de l'arrêté de 1975, le second à celui de 2002.
En l'espèce, lors de l'examen des grands livres comptables l'inspecteur a relevé dans le compte " 625120" indemnités kilométriques, des remboursements d'indemnités kilométriques à certains salariés pour se rendre sur les chantiers:
Pour l'établissement de Kervignac : 2 245 € en 2002 et 1 195 € en 2003
Pour l'établissement de Theix : 1 150 € en 2002 et 302 € en 2003
Ces indemnités n'ont pas été intégrées dans l'assiette des cotisations alors que l'abattement pour frais professionnels a été appliqué.
Le redressement a donc été effectué à bon droit.
Il ne peut non plus être annulé pour l'année 2002, les dispositions applicables étant l'article 4 de l'arrêté du 26 mai 1975.
Pour ce qui concerne l'année 2003 la SNC cite la décision prise par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2004 qui a annulé l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 régissant la matière en l'espèce. Elle soutient à juste raison que depuis cet arrêt du Conseil d'Etat il n'existe plus de base légale à la déduction forfaitaire spécifique.
Ainsi que le relève justement l'ACOSS dans la lettre circulaire citée par la société à l'appui de son argumentaire, l'annulation par le conseil d'Etat de l'article 9 de l'arrêté prive de fondement juridique la pratique de la déduction forfaitaire spécifique depuis le 1er janvier 2003. Cette disposition n'existant plus du fait de cet arrêt, aucun texte n'autorise la société requérante d'opérer une telle déduction pour l'exercice 2003. Le redressement est par conséquent également fondé pour cet exercice.
Il convient, au vu de ces éléments de débouter la SNC EUROVIA BRETAGNE de ses demandes et de confirmer le jugement déféré.
L'équité et la situation économique des parties commandent, enfin, de condamner la SNC EUROVIA BRETAGNE à payer à l'URSSAF du Morbihan une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR D'APPEL DE RENNES,
- Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Déclare recevable en la forme l'appel de la SNC EUROVIA
BRETAGNE , mais ledit mal fondé.
En conséquence
- La déboute de ses demandes.
- Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
- Y additant,
- Condamne la SNC EUROVIA BRETAGNE à payer une somme de 500 euros à l'URSSAF du MORBIHAN au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président,