Première Chambre B
ARRÊT No
R.G : 06/05471
S.A. GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE venant aux droits de la Société SOPARVOL
CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DES PAYS DE LA LOIRE dite GROUPAMA
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
S.A.S. CAVDA
Infirme partiellement la décision déférée
POURVOI no U 0720998
DU 29.11.07
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président,
Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Juin 2007, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, entendu en son rapport à l'audience
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 21 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats
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APPELANTES :
S.A. GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE venant aux droits de la Société SOPARVOL
ZI Proulin
Abattoir de Poulets
79250 NUEIL LES AUBIERS
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me CHEVREUIL, avocat
CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DES PAYS DE LA LOIRE dite GROUPAMA
3-5 rue Félibien
BP 43409
44034 NANTES CEDEX 01
représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assistée de Me CHEVREUIL, avocat
INTIMÉES :
S.A. AXA FRANCE IARD
35 rue du Château d'Orgemont
B.P. 708
49007 ANGERS CEDEX 01
représentée par la SCP BAZILLE J.J. & GENICON S., avoués
assistée de la SELARL ARMEN : ANCIENNEMENT SALAUN-DORE & ASSOCIES, avocats
S.A.S. CAVDA
Les Hauteurs
85140 STE FLORENCE
représentée par la SCP BAZILLE J.J. & GENICON S., avoués
assistée de la SELARL ARMEN : ANCIENNEMENT SALAUN-DORE & ASSOCIES, avocats
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La société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE, assurée par la compagnie GROUPAMA, a fourni des viscères à la société CAVDA, fabricant de matières premières pour l'industrie de l'aliment pour animaux de compagnie, assurée auprès de la société AXA FRANCE IARD ;
Des particules en plastique ayant été découvertes dans son produit par la société SPILLERS, cliente de la société CAVDA, ces deux sociétés et la société AXA ont signé le 30 août 1998 un protocole d'accord prévoyant le règlement par la compagnie AXA
d'une indemnité de 144.826,57 euros à la société SPILLERS ;
Par jugement du 20 juin 2006, le tribunal de grande instance de NANTES a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et par la compagnie GROUPAMA,
- condamné in solidum la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA à payer à la société AXA FRANCE IARD et à la CAVDA la somme de 144.826,56 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 décembre 2004,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 % de la somme allouée,
- condamné in solidum la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA à payer à la société AXA FRANCE IARD et à la CAVDA la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné in solidum la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA aux dépens ;
La société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA ont interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 29 novembre 2006 contenant leurs moyens et prétentions, ont demandé à la cour :
- de déclarer les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD prescrites en leur action,
- subsidiairement, de débouter les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD de toutes leurs demandes,
- plus subsidiairement, d'ordonner un partage de responsabilité et d'imputer la plus large part du sinistre à la société CAVDA,
- à titre reconventionnel, de condamner les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD à leur rembourser les sommes qui leur ont été réglées au titre de l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement,
- de condamner les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD à leur payer la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens ;
Les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD, par conclusions du 5 février 2007 contenant leurs moyens et prétentions, ont demandé à la cour de confirmer le jugement et de de condamner la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA à leur payer la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR CE,
SUR LA PRESCRIPTION DE L'ACTION
Considérant que l'action en garantie des vices cachés doit être intentée à bref délai ;
Que le délai dont dispose le vendeur pour exercer l'action récursoire en garantie contre son fournisseur court à compter du protocole d'accord qu'il a signé avec son acheteur ;
Considérant que, les 5 mars et 8 avril 1998, la société SPILLERS France, fabricant d'aliments pour animaux de compagnie, a constaté une pollution de sa production par des particules de matière plastique dans son usine de Veauche ;
Qu'elle a déterminé que les particules étaient contenues dans les produits livrés par la société CAVDA, dont l'assureur, la société AXA, l'a indemnisée à concurrence de 950.000 francs (144 826.56 euros ), selon protocole d'accord du 30 août 1998 ;
Que la société CAVDA ayant assigné la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE en référé expertise le 28 janvier 1999, cette action a interrompu valablement le bref délai prévu dans l'article 1648 du Code civil -dans sa rédaction applicable au moment des faits- pour y substituer le délai de prescription de droit commun commençant à courir à compter du prononcé de l'ordonnance de référé ;
Que c'est juste titre que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et par la compagnie GROUPAMA ;
SUR LE FOND
Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire que, le 3 mars 1998, la Société CAVDA a livré, à la société SPILLERS FRANCE des viscères de poulets émulsifiés et conditionnés en plaques congelées contenant des particules de matière plastique d'une taille de l'ordre d'un centimètre carré ;
Que les 600.000 boites dans la fabrication desquelles sont entrés ces viscères se sont révélées impropres à la commercialisation et ont dû être détruites, ce qui a généré un préjudice de 950.000 francs ;
Que toujours selon l'expert, les particules ont été livrées à la société CAVDA avec les viscères, le plus probablement dans les gésiers, comme provenant de la litière sur laquelle avaient été élevés les poulets ;
Que l'expert ajoute : "La société CAVDA était en principe tenue de livrer des viscères sans gésiers sauf à les nettoyer. Cet aspect du cahier des charges était en quelque sorte "intenable" puisqu'i1 n'était pas envisageable, compte tenu de la matière première et de la taille des gésiers, de les nettoyer tous, un par un. La Société CAVDA devait donc acheter des viscères sans gésiers ou des viscères de poulets aux gésiers vides...
La Société SOPARVOL n'a pas contesté qu'il avait été convenu, même si ce ne fut pas écrit dans un cahier des charges, que le marché passé avec la Société CAVDA concernait des viscères sans gésiers. La société SOPARVOL a aussi déclaré que, compte tenu des cadences à l'abattoir, c'était là- aussi un objectif impossible à atteindre sur le plan pratique.
Nous avons par ailleurs indiqué que, s'agissant de petits poulets, ils avaient de petits gésiers, quasiment non fonctionnels du fait du type d'alimentation et parce qu'on ne leur donnait pas de grit et qu'en général, au moment de l'abattage, ces gésiers sont vides.
Compte tenu des pratiques d'élevage, de la destination des viscères et de l'impossibilité pratique de trier et nettoyer les éventuels petits gésiers qu'ils contenaient, il nous semble qu'une marchandise saine, loyale et marchande de la part de la Société SOPARVOL pouvait du point de vue de la Société CAVDA signifier une marchandise dépourvue de corps étrangers. Ceci n'exonérerait sans doute pourtant pas la Société CAVDA de toute responsabilité, compte tenu de ses engagements vis-à-vis de la Société SPILLERS FRANCE et parce qu'elle a bien indiqué effectuer des sondages, probablement insuffisants dès l'instant qu'on ne les estimait pas tout à fait superflus ." ;
Considérant en premier lieu que l'expert a conclu que le produit n'avait pas été rendu dangereux ni impropre à la consommation mais impropre à la commercialisation ;
Que la responsabilité du fait des produits défectueux ne saurait être valablement invoquée, s'agissant d'un produit n'ayant causé aucun dommage à une personne ou un bien autre que le produit lui-même ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise, qu'à tout le moins, la société CAVDA a accepté que lui soient livrés des viscères contenant des gésiers et que, pour cette raison, elle a effectué des sondages desdits gésiers pour vérifier qu'ils étaient vides de corps étrangers ;
Que, même si la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE livrait des viscères de petits poulets ayant de petits gésiers, quasiment non fonctionnels en raison de leur alimentation, et généralement vides au moment de l'abattage, il appartenait à la société CAVDA de prendre des dispositions suffisantes pour nettoyer de manière efficace les gésiers, ainsi qu'elle s'y était engagée à l'égard de la société SPILLERS ;
Considérant qu'il ne résulte par ailleurs pas du rapport d'expertise que les particules de plastique en cause n'étaient pas décelables avant leur cuisson, laquelle avait pour effet de diminuer leurs dimensions et de modifier leurs aspect et couleur ;
Que la société CAVDA, qui n'ignorait pas que les viscères contenaient des gésiers nécessairement susceptibles de comporter des corps étrangers à la recherche desquels elle procédait, ne peut se prévaloir de la garantie des vices cachés ;
Qu'il convient donc d'infirmer le jugement et de débouter les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD de leurs demandes ;
SUR LA DEMANDE RECOVENTIONNELLE
Considérant que la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et la compagnie GROUPAMA demandent que soit ordonnée la restitution des sommes versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire avec les intérêts au taux légal à compter de leur versement ;
Considérant cependant que le présent arrêt infirmatif sur ce point constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et de la compagnie GROUPAMA ;
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par la société CAVDA et son assureur ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Et statuant à nouveau :
Déboute les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Condamne les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD à payer la somme de 2.500 euros à la société GASTRONOME INDUSTRIE SEVRIENNE et à la compagnie GROUPAMA sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne les sociétés CAVDA et AXA FRANCE IARD aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT