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19/09/2007 | FRANCE | N°198

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0344, 19 septembre 2007, 198


Chambre Sécurité Sociale

ARRET No 198 / 07

R.G : 06 / 04845

M. Jean X...

C /

CRAM DES PAYS DE LA LOIRE

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

pourvoiREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur B. LANGLADE, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Simone CITRAY, C

onseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Danielle WACK, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience...

Chambre Sécurité Sociale

ARRET No 198 / 07

R.G : 06 / 04845

M. Jean X...

C /

CRAM DES PAYS DE LA LOIRE

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

pourvoiREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur B. LANGLADE, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Danielle WACK, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Juin 2007 devant Monsieur B. LANGLADE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 19 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Jean X...
...
44600 SAINT NAZAIRE
représenté par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE

INTIMÉE :

CRAM DES PAYS DE LA LOIRE
2 Place de Bretagne
44932 NANTES CEDEX 9
représentée par M. Y... (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

INTERVENANTE :

DRASS DES PAYS DE LA LOIRE
6 rue René Viviani
BP 86218
44062 NANTES CEDEX 02
non représentée

EXPOSE DU LITIGE

Le 18 mars 2005, M. Jean X... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nantes à l'encontre d'une décision de la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie (CRAM) des Pays de la Loire en date du 1er mars 2005, confirmant une décision de cette Caisse du 29 avril 2003, qui a rejeté sa demande de liquidation de sa pension de retraite sur la base d'une bonification d'annuités en application de l'article L 12 du Code des pensions civiles et militaires ou, subsidiairement, de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale.

M.X... fait valoir qu'enseignant du secteur privé à la retraite depuis le 1er octobre 2003, il justifie avoir élevé six enfants.

Le demandeur a développé ensuite une argumentation tirée de l'article 119 du Traité de Rome et de l'article 141 du Traité d'Amsterdam instituant la Communauté européenne.

M.X... a également invoqué la portée générale d'un arrêt du 29 novembre 2001 de la Cour de justice des Communautés Européennes excluant des accords de politique sociale la disposition dont application était contestée et la condamnant pour son caractère discriminatoire entre hommes et femmes.

M.X... a cité enfin une décision du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 statuant sur le fondement de la précédente sur l'illégalité de traitement discriminatoire dans les avantages professionnels entre hommes et femmes.

M.X... a considéré, en conséquence que, pour n'être pas discriminatoire, la bonification litigieuse doit être accordée autant aux travailleurs masculins que féminins remplissant les conditions de parentalité.

M.X... a ainsi sollicité du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale :
-l'annulation de la décision contestée de la commission de recours amiable.
-l'octroi par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie à son profit des avantages de bonification d'annuités pour la retraite en raison des six enfants qu'il a élevés.

En réponse à ces arguments la Caisse Régionale d'Assurance Maladie a fait tout d'abord observer que le dispositif de bonification dont l'application est demandée correspond à des dispositions

prévues par l'article L 12 du Code des Pensions Civiles et Militaires dont dépendent les agents relevant du Statut de la Fonction Publique.

La Caisse a souligné que le demandeur, maître enseignant dans des établissements privés sous contrat, a été de ce fait assujetti à l'assurance vieillesse du régime général.

La Caisse a considéré que M.X... relève en conséquence des dispositions du Code de la Sécurité Sociale qui ne prévoit pas les mêmes dispositions et dont l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale limite aux seules femmes l'octroi d'une éventuelle majoration pour avoir élevé des enfants.

La Caisse a conclu au principal au rejet de la demande sur ce seul fondement.

Subsidiairement, s'agissant des dispositions résultant de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale, la Caisse a observé que le rejet contesté ne présenterait aucun caractère contraire au droit européen en ce qu'il serait la conséquence de régimes légaux de retraite différents en rapport avec les statuts différents qui les ont établis.

La Caisse a rappelé à ce sujet les dispositions de l'article 141 du traité d'Amsterdam dont l'exigence d'égalité entre travailleurs masculins et féminins est clairement limitée à la rémunération, telle que salaire ou traitement et dont ne relèvent pas les prestations de la Sécurité Sociale.

La Caisse a, en conséquence, conclu au rejet des demandes de M.X....

Par jugement, en date du 14 Juin 2006, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nantes, faisant sienne l'argumentation de la CRAM des Pays de Loire, débouté M.X... de ses demandes.

Par cette décision notifiée le 23 Juin 2006, Monsieur Jean X... a relevé appel le 11 Juillet 2006.

Par conclusions et oralement il soutient principalement devant la Cour que les dispositions de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale qui limitent aux seules femmes ayant élevé des enfants le bénéfice d'une bonification pour la retraite sont illégales car discriminatoires à l'égard des hommes qui sont dans la même situation.

Il sollicite ainsi de la Cour d'appel qu'elle dise et juge :

-qu'il peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale.

-qu'ayant élevé six enfants il a droit à une bonification pour la retraite de 4 trimestres par enfant élevé, soit au total 24 trimestres.

Que la CRAM des Pays de Loire, doit tenir compte de cette bonification pour le calcul de ses droits à la retraite.

En réponse, la Caisse Régionale d'Assurance Maladie des Pays de Loire soutient, notamment, que l'article L 351-4 (ancienne version) et version modifiée le 21 août 2003) réserve aux seules assurées " femmes ayant élevé des enfants le droit à une bonification pour la retraite, que ces dispositions légales ne sont pas discriminatoires à l'égard des hommes, car le Traité de la Communauté Européenne et la jurisprudence de la Cour de Justice ne préservent l'égalité entre homme et femme que pour les rémunérations, ce qui exclut les pensions de retraite. De plus, la Directive Européenne no 79 / 7 du 19 décembre 1978 relative à la Sécurité Sociale n'interdit pas à chaque état membre d'exclure de son champ d'application les avantages spécifiques pour le calcul des pensions de retraite. Enfin, la CRAM soutient que l'article 23 de la Charte des Droits Fondamentaux n'exclut pas l'inégalité de traitement pour le calcul de la retraite entre hommes et femmes, dès lors que les avantages spécifiques accordés à ces dernières sont destinées à compenser l'inégalité de fait qui est le leur dans la poursuite de leur carrière professionnelle en raison des interruptions de celle-ci pour mettre au monde et élever des enfants.

La Caisse Régionale d'Assurance Maladie sollicite en conséquence de la Cour qu'elle confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.

MOTIVATION DE L'ARRET

Au vu des pièces produites sur le cursus professionnel de l'appelant, il n'est pas contestable que celui-ci dispose d'une pension de retraite au titre du régime temporaire de retraite des maîtres d'établissements d'enseignement privé institué par décret du 2 Janvier 1980.

Bien que ce régime soit financé par l'Etat, ses affiliés entrent dans le champ d'application des dispositions du livre III du Code de la Sécurité Sociale, relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au Régime Général.

M.X... enseignant du secteur privé n'ayant pas la qualité de fonctionnaire, ne peut donc se prévaloir du bénéfice des dispositions du Code des pensions civiles et militaires. Le litige doit dès lors être apprécié au regard des seules dispositions du Régime Général de la Sécurité Sociale et plus précisément de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale qui dispose : " les femmes assurées ayant élevé un ou plusieurs enfants... bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance... ".

Selon la Caisse Régionale d'Assurance Maladie et le Premier Juge, ce texte ne serait pas discriminatoire au regard des assurés du sexe masculin, car non contraire aux directives et à la jurisprudence
européennes et seulement destiné à compenser les épreuves supplémentaires qu'ont supportés les femmes qui ont élevé des enfants tout en poursuivant, avec des interruptions, leur carrière professionnelle.

Or, si la jurisprudence européenne du 29 Novembre 2001 (arrêt Griesenar) reprise par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 29 juillet 2002 visé le cas d'un fonctionnaire ayant élevé des enfants, elle rappelle, néanmoins, que, conformément, notamment, aux dispositions des articles 119 du Traité de Rome et 23 de la Charte des Droits Fondamentaux, toute discrimination de traitement entre hommes et femmes est proscrite lorsqu'ils se trouvent dans des situations similaires.

En l'espèce, l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale qui vise " les femmes assurées ayant élevé au moins un enfant accorde à celle-ci un avantage au vu du seul critère de la parentalité et non de celui de la maternité.

Dès lors, ce texte doit être considéré comme discriminatoire à l'égard des hommes assurés ayant comme M.X... élevé un ou plusieurs enfants (six enfants dans le cas de l'appelant).

La Cour, en conséquence, infirmera le jugement déféré et fera droit aux demandes de Monsieur X....

PAR CES MOTIFS

LA COUR D'APPEL DE RENNES,

-Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-Reçoit Monsieur Jean X... en son appel.

-Infirme le jugement déféré.

-Statuant à nouveau,

-Dit et juge que Monsieur Jean X... peut prétendre à la bonification prévue par l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale.

-Le renvoie devant la Caisse Régionale d'Assurance Maladie des Pays de Loire pour qu'elle liquide ses droits à la retraite avec le temps de bonification supplémentaire de 4 trimestres pour chacun des six enfants qu'il a élevés.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0344
Numéro d'arrêt : 198
Date de la décision : 19/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, 14 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-09-19;198 ?
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