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18/09/2007 | FRANCE | N°06/04144

France | France, Cour d'appel de Rennes, 18 septembre 2007, 06/04144


FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique en date du 16 décembre 1988 au rapport de Maître MAINFRAY, notaire à Tours, la S.A. "Crédit à la construction et l'achat de maisons et appartements", ci-après dénommée CCAMA consentit à Monsieur Franck Y... un prêt de 250.000 francs remboursable en 120 échéances mensuelles de 3713 francs.

Monsieur Joël Z... se porta caution solidaire et indivisible des engagements souscrits par Monsieur Y... et concéda une hypothèque à hauteur de 250.000 francs en principal sur un immeuble situé ....

En l'état de la défaillanc

e du débiteur principal, le CCAMA se retourna contre Monsieur Z..., réalisa l'hypothè...

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique en date du 16 décembre 1988 au rapport de Maître MAINFRAY, notaire à Tours, la S.A. "Crédit à la construction et l'achat de maisons et appartements", ci-après dénommée CCAMA consentit à Monsieur Franck Y... un prêt de 250.000 francs remboursable en 120 échéances mensuelles de 3713 francs.

Monsieur Joël Z... se porta caution solidaire et indivisible des engagements souscrits par Monsieur Y... et concéda une hypothèque à hauteur de 250.000 francs en principal sur un immeuble situé ....

En l'état de la défaillance du débiteur principal, le CCAMA se retourna contre Monsieur Z..., réalisa l'hypothèque mais demeura créancière d'une somme de 12.25 8,82 € arrêtée au 31 juillet 2004.

Estimant que Monsieur Z... avait organisé son insolvabilité afin de se soustraire à ses engagements en cédant ses biens à sa mère, à son fils et à son ex-épouse, le CCAMA engagea une action paulienne sur le fondement de l'article 1167 du code civil.

Par jugement du 10 avril 2006 le Tribunal de grande instance de Saint Nazaire :

déclara irrecevable l'action introduite par le CCAMA faute de publication des assignations à la Conservation des hypothèques,

débouta en conséquence le CCAMA de toutes ses demandes,

le condamna aux dépens et au paiement d'une somme de 1200 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SAS CCAMA forma appel de ce jugement.

POSITION DES PARTIES

* LE CCAMA

Dans ses dernières conclusions en date du 28 août 2006 le CCAMA demande à la Cour:

de réformer le jugement, 2

de déclarer son action recevable et bien fondée,

de révoquer à l'égard du CCAMA tous les actes de cession des 2750 parts de la SCI Kermac détenues par Monsieur Joël Z... jusqu'au 21 janvier 1995 et successivement passés entre Messieurs Joël Z..., Sten Z..., Mesdames Léontine Z... et Françoise A...,

de dire et juger que les 2750 parts de la SCI Kermac reviendront dans le patrimoine de Monsieur Joël Z... rétroactivement à compter du 21 janvier 1995, et à l'égard du seul CCAMA,

de révoquer l'apport à la SCI Kermac des immeubles ayant appartenu à Monsieur Joël Z...,

d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,

de condamner in solidum les consorts Z... et Madame A... aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2000€ en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* LES CONSORTS Z... ET MADAME A...

Dans leurs dernières écritures en date du 24 octobre 2006 les consorts Z... et Madame A... demandent à la Cour:

de débouter le CCAMA de toutes ses demandes,

de dire et juger qu'il ne rapporte pas la preuve de la fraude, ni de l'intention de nuire de Monsieur Z...,

de condamner le CCAMA aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

Le CCAMA a publié l'assignation à la Conservation des hypothèques de

Tours le 16 août 2005 et la recevabilité de son action n'est plus contestée en cause d'appel.

* SUR L'ACTION PAULIENNE DIRIGÉE CONTRE MONSIEUR 1VIABILEAU

Aux termes de l'article 1167 du code civil les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leur droit.

En application de ce texte le créancier peut demander à ce que lui soient déclarés inopposables les actes que son débiteur a accomplis dans l'intention de faire obstacle au recouvrement de sa créance. Il appartient au créancier d'apporter la preuve par tous moyens de la volonté de son débiteur de se rendre insolvable en vue d'échapper aux poursuites et cette preuve résulte de la connaissance qu'a le débiteur de son insolvabilité et du préjudice qu'il cause à son créancier en consentant une donation.

S'il appartient au créancier exerçant l'action paulienne de démontrer la fraude du tiers acquéreur, il n'a pas à démontrer la complicité du tiers bénéficiant d'une donation, la bonne foi de ce dernier étant indifférente.

Dans le cas présent la chronologie des faits est la suivante :

1 er décembre 1988: constitution de la S.C.I. Kermac entre Monsieur Joël Z... et sa mère, Léontine Z.... Monsieur Z... fait apport à la société des parties divises et indivises de trois immeubles situés à Tours, le tout estimé à une valeur de 312.600 francs et détient ainsi 3126 des 3176 parts composant le capital social,

16 décembre 1988 : Monsieur Z... se porte caution de Monsieur C... envers le CCAMA pour la somme de 250.000 francs en principal et garantit son engagement d'une hypothèque sur un immeuble situé ...,

19 décembre 1988 : enregistrement des statuts de la S.C.I. Kermac,

27 décembre 1988 : dépôt des statuts au Tribunal de commerce et cession par Monsieur Z... de 376 parts de la S.C.I. Kermac à son ex-épouse Madame Françoise A... au prix de 37.600 francs,

30 décembre 1988 : donation avec réserve d'usufruit par Monsieur Z... à son fils, Sten Z..., de l'immeuble situé ... grevé d'une hypothèque au profit du CCAMA,

9 janvier 1989: donation par Monsieur Z... à sa mère de 2750 parts de la S.C.I. Kermac,

26 février 1992 : résiliation amiable de la donation du 9 janvier 1989,

18 octobre 1994 : mise en demeure adressée par le CCAMA avisant Monsieur Z... de la défaillance du débiteur principal et de l'existence d'une dette de 19.905,19 francs,

21 janvier 1995 : donation à son fils Sten de la nue-propriété de ces 2750 parts, Monsieur Z... conservant en sa qualité d'usufruitier le droit de vote aux termes d'une assemblée générale du 21 janvier 1995,

24 janvier 1995 : liquidation judiciaire de la SARL SADOJ, centre de culture physique dans laquelle Monsieur Z... est porteur de parts,

15 février 1997: désignation de Monsieur Sten Z... en qualité de gérant de la S.C.I. Kermac,

3 mars 1997 cession par Monsieur Sten Z... de 1375 parts de la S.C.I. Kermac à Madame Françoise A... divorcée Z....

Il ressort encore d'un arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 14 janvier 1999 que Monsieur Z... qui détenait 230 parts dans la société SADOJ les a cédées le 29 avril 1994 à Monsieur D....

Le 16 décembre 1988, date de l'engagement de caution, le patrimoine de Monsieur Z... pouvait répondre de la dette puisqu'il possédait plusieurs immeubles. Au 18 octobre 1994, date de la première mise en demeure délivrée par le CCAMA, il s'était appauvri au point d'être devenu insolvable pour ne plus disposer que du RMI ainsi qu'il le précise dans ses écritures.

Cet appauvrissement résulte de faits volontaires, à savoir l'apport de ses trois immeubles non hypothéqués à une S.C.I. suivie de la donation de 2750 parts sociales qu'il détenait dans cette société, tout d'abord à sa mère puis ensuite à son fils et par la vente à son ex-épouse des 376 autres parts qu'il possédait dans cette société.

La chronologie des faits fait apparaître que dans les quinze jours qui suivirent son engagement au profit du CCAMA Monsieur Z... organisa volontairement son insolvabilité en vidant son patrimoine de tous ses biens en les cédant, pour l'essentiel, à titre gratuit à des proches.

Ces donations et cette cession n'ayant d'autre but que d'organiser un état d'insolvabilité, Monsieur Z... avait nécessairement conscience qu'il nuisait à son créancier en soustrayant ainsi son patrimoine à toute poursuite. D'ailleurs Monsieur Z... ne conteste pas réellement avoir organisé son insolvabilité puisqu'en page 4 de ses conclusions il indique avoir vidé son patrimoine de tous biens pour échapper "aux persécutions" de son mandataire liquidateur, Maître E....

Par ailleurs Madame A..., compte tenu de sa qualité d'ex-épouse de Monsieur Z... et des liens qui l'unissaient encore à lui, ne pouvait ignorer que ce dernier ne lui vendait ses parts sociales qu'à l'effet de les transformer en simples liquidités pouvant aisément échapper à toutes poursuites et s'est ainsi rendue complice de ces manoeuvres. Elle ne pouvait davantage ignorer cette situation lors de la cession par son fils, à son profit, des autres parts sociales.

En conséquence il sera fait droit à la demande du CCAMA, non pas en révoquant mais en lui déclarant inopposables les actes de donations des parts de la S.C.I. Kerma intervenues les 9 janvier 1989 et 21 janvier 1995 au profit de sa mère puis de son fils et les ventes des 376 parts puis de 1375 parts opérées les 27 décembre 1988 et 3 mars 1997 au profit de Madame A....

En revanche l'apport des trois immeubles situés à Tours à la S.C.I. Kerma ayant précédé la signature par Monsieur Z... de son engagement de caution et ces immeubles étant sortis de son patrimoine avant le 16 décembre 1988, le CCAMA sera débouté de sa demande tendant à voir révoquer l'acte d'apport.

* SUR LA DEMANDE D'EXÉCUTION PROVISOIRE

Cette demande tendant à voir assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire présentée en cause d'appel étant sans objet, il n'y sera pas fait droit.

* SUR LES DÉPENS

Les dépens seront supportés par Monsieur Z... qui succombe en cause d'appel.

Les intimés seront déboutés de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnés in solidum à payer au CCAMA une somme de 1500:E.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en date du 10 avril 2006 rendu par le Tribunal de grande instance de Saint Nazaire.

Statuant à nouveau,

Déclare la SAS "Crédit à la construction et l'achat de maisons et appartements", dite CCAMA, recevable en ses demandes.

Déclare inopposables au CCAMA les donations de 2750 parts sociales de la S.C.I. KERMA intervenues les 9 janvier 1989 et 21 janvier 1995 au profit respectivement de Madame Léontine F...
G... et de Monsieur Sten Z... et les actes de cession de 376 parts puis des 1375 parts de cette même société intervenus les 27 décembre 1988 et 3 mars 1997 au profit de Madame Françoise A....

Déboute le CCAMA de sa demande tendant à voir révoquer l'acte par lequel Monsieur Joël Z... a apporté à la S.C.I. Kerma trois immeubles situés à Tours.

Déclare sans objet la demande d'exécution provisoire.

Déboute Monsieur Joël Z..., Monsieur Sten Z..., Madame Françoise A... et Madame Léontine Z... de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne in solidum Monsieur Joël Z..., Monsieur Sten Z..., Madame Françoise A... et Madame Léontine Z... à payer au CCAMA une somme de mille cinq cents euros ( 1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne in solidum Monsieur Joël Z..., Monsieur Sten Z..., Madame Françoise A... et Madame I,éontine Z... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/04144
Date de la décision : 18/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-18;06.04144 ?
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