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06/09/2007 | FRANCE | N°06/01831

France | France, Cour d'appel de Rennes, 06 septembre 2007, 06/01831


Sixième Chambre





ARRÊT No



R.G : 06/01831













M. Michel X...




C/



Mme Josiane Y...


















Infirme la décision déférée













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2007




>COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Bernard CALLÉ, Président,

Madame Dominique PIGEAU, Conseiller,

Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,



GREFFIER :



Claudine Z..., lors des débats, et Jacqueline A..., lors du prononcé,





DÉBATS :



En chambre du Conseil du 04 Juin 2007



ARRÊT :



Cont...

Sixième Chambre

ARRÊT No

R.G : 06/01831

M. Michel X...

C/

Mme Josiane Y...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Bernard CALLÉ, Président,

Madame Dominique PIGEAU, Conseiller,

Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,

GREFFIER :

Claudine Z..., lors des débats, et Jacqueline A..., lors du prononcé,

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 04 Juin 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Dominique PIGEAU, Conseiller, et signé par Monsieur Bernard CALLÉ, Président, en chambre du Conseil du 06 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats

****

DEMANDEUR AU RENVOI DE CASSATION :

Monsieur Michel X...

né le 10 Octobre 1945 à LARMOR BADEN (56870)

...

87800 ST MAURICE LES BROUSSES

représenté par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués

assisté de Me B..., avocat

DÉFENDERESSE AU RENVOI DE CASSATION :

Madame Josiane Y...

née le 10 Août 1946 à LORIENT (56100)

...

35410 CHATEAUGIRON

représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assistée de Me JARNIGON C..., avocat

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/06783 du 21/12/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

I. FAITS ET PROCÉDURE

Madame Josiane Y... et Monsieur Michel X... se sont mariés le 21 octobre 1966 à LORIENT (56), sans contrat préalable.

De cette union sont issues deux enfants, majeures à ce jour :

- Catherine, née le 30 octobre 1968,

- Sandra, née le 24 septembre 1974.

Suite à la requête en divorce déposée par Madame Y... sur le fondement de l'article 233 du Code Civil, le Juge aux Affaires Matrimoniales du Tribunal de Grande Instance de LORIENT a, par jugement en date du 19 février 1985, notamment :

prononcé le divorce des époux D...,

condamné Monsieur X... à verser à Madame Y... une prestation compensatoire mensuelle de 3.000 francs (457,35 euros), et ce avec indexation,

maintenu la pension alimentaire de 2.000 francs par enfant et par mois pour l'entretien et l'éducation de ses deux filles (soit 609,80 euros par mois au total).

Par jugement du 10 janvier 2001, confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de LIMOGES en date du 22 juillet 2003, le Tribunal d'Instance de LIMOGES a, entre autres dispositions, condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 17.630,89 francs (2.687,81 euros) au titre de l'arriéré de pension alimentaire et de prestation compensatoire dû pour les années 1995 et jusqu'en juillet 1999.

Par acte du 16 janvier 2001, Monsieur X... a fait assigner Madame Y... aux fins de voir supprimer la prestation compensatoire mise à sa charge. Après ordonnance avant dire droit du 29 mai 2001, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de QUIMPER a, par ordonnance du 18 décembre 2001, notamment :

débouté Monsieur X... de sa demande relative à la prestation compensatoire,

rappelé que la présente ordonnance est de plein droit assortie de l'exécution provisoire,

débouté chacune des parties des ses demandes au titre des frais irrépétibles d'instance,

condamné Monsieur X... aux dépens.

Suite à l'appel interjeté par Monsieur X... à l'encontre de cette dernière décision, la Cour d'Appel de RENNES a, dans un arrêt du 26 mai 2003 :

réformé l'ordonnance déférée,

suspendu à compter du 16 janvier 2001 et jusqu'à la date à laquelle Monsieur X... atteindra l'âge de 60 ans, le versement de la rente viagère mise à sa charge par le jugement de divorce du 19 février 1985 à titre de prestation compensatoire,

débouté les parties de leurs autres demandes,

laissé à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses frais.

Monsieur X... a formé un pourvoi en cassation. Par arrêt en date du 28 février 2006, la première Chambre Civile de la Cour de Cassation a:

cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2003, entre les parties, par la Cour d'Appel de RENNES,

remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'Appel de RENNES, autrement composée,

condamné Madame Y... aux dépens,

rejeté la demande de Monsieur X... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... a saisi la présente Cour après renvoi de cassation par acte en date du 14 mars 2006.

II. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives en date du 12 avril 2007, Monsieur X... demande à la Cour de :

réformer l'ordonnance prononcée le 18 décembre 2001 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de QUIMPER,

déclarer recevables et bien fondées les demandes présentées par Monsieur X...,

supprimer le versement de la prestation compensatoire de Monsieur X... à Madame Y..., à effet rétroactif au 1er novembre 2000,

ou subsidiairement, au 16 janvier 2001,

condamner Madame Y... en paiement d'une somme de 3.000 euros TTC au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions récapitulatives en date du 3 mai 2007, Madame Y... demande à la Cour de :

déclarer recevable et mal fondée la saisine sur renvoi de cassation de Monsieur X...,

débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et prétentions,

confirmer l'ordonnance entreprise,

condamner Monsieur X... à la somme de 3.000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi relative à l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, la Cour fait référence à leurs dernières écritures respectives.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 mai 2007.

III. MOTIFS DE LA DÉCISION

A) Sur la demande de suppression de la rente viagère

Aux termes des articles 270 et 271 du Code Civil, afin de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, l'un d'eux peut être tenu de verser à l'autre une prestation qui est "fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible".

L'article 276-3 du Code Civil dispose que "la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties", l'article 33 VI de la loi du 26 mai 2004 prévoyant en outre que les rentes viagères fixées avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 peuvent l'être lorsque leur maintien en l'état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif.

Le mariage de Madame Y... et de Monsieur X... a duré 18 ans et demi. S'agissant de leur patrimoine commun, Madame Y... rapporte la preuve qu'elle- même et Monsieur X... ont procédé à la vente de leur maison d'habitation commune le 30 avril 1986 pour un prix de 550.000 francs (83.846,96 euros). Madame Y... prétend ne pas avoir obtenu sa part du prix de vente, ce que ne conteste pas Monsieur X... qui déclare cependant que le couple aurait utilisé cette somme pour solder les prêts et dettes communes, sans pour autant en justifier.

Au jour du prononcé de leur divorce en 1985, Monsieur X..., âgé de 39 ans, était directeur d'hypermarché et percevait un salaire de 23.769 francs, soit 3.623,56 euros. Madame Y..., âgée de 38 ans, était sans profession et avait à charge leurs deux enfants, alors âgées de 10 et 16 ans. Bien que Monsieur X... prétende au contraire que son ex-épouse était alors salariée et percevait une rémunération de l'ordre de 7.000 francs, il n'en justifie aucunement.

En 2001, lors de la saisine du tribunal par Monsieur X... aux fins de voir supprimer la rente viagère mise à sa charge, la situation des parties avait sensiblement évolué :

* Monsieur X..., alors âgé de 56 ans, vivait en concubinage avec Madame E..., laquelle a exercé une profession indépendante jusqu'au 30 avril 2001 avant de se retrouver sans revenu. Monsieur X..., suite à son licenciement le 31 décembre 1996 lequel s'est soldé par le versement de diverses indemnités et primes à hauteur d'environ 984.879 francs au total (soit 150.144 euros), a perçu des allocations ASSEDIC substantielles (1.867,48 euros mensuels en moyenne pour l'année 2000) jusqu'au mois de novembre 2000, date à compter de laquelle il n'a plus perçu qu'une allocation de solidarité spécifique de l'ordre de 589,41 euros par mois (moyenne en 2001). Dans un courrier daté du 7 août 2001 et émanant du notaire en charge de la succession de sa mère défunte, la part successorale de Monsieur X... était évaluée, outre le 1/3 d'un immeuble d'une valeur comprise entre 700.000 et 800.000 francs, à la somme de 40.000 francs (soit 6.097,96 euros).

Outre la plus jeune des filles de Madame E..., alors âgée 21 ans, Monsieur X... et son amie assumaient la charge de leur fils Mathieu, né le 28 janvier 1994 et alors âgé de 7 ans. Suite à l'achat de leur maison d'habitation le 7 juillet 1999, dont ils sont propriétaires indivis, le couple remboursait un prêt immobilier à raison de 4.454,78 francs par mois (soit 679,13 euros).

A cette époque, les futurs droits à la retraite de Monsieur X... étaient évalués, à compter de l'année 2005, à la somme de 20.000 francs bruts par mois (soit 3.048,98 euros bruts).

* A la même période, Madame Y..., après avoir vécu en concubinage jusqu'au début de l'année 2001, était hébergée gracieusement par une amie, ses deux filles n'étant d'ores et déjà plus à charge. Agée de 55 ans, et après avoir cumulé de courtes périodes de travail dans le cadre de contrats précaires, Madame Y... percevait des indemnités journalières à raison de 504,53 euros par mois (moyenne en 2001). Ses futurs droits à la retraite étaient alors évalués à la somme de 900 francs par mois (soit 137,20 euros).

Ainsi qu'elle en justifie (notamment par attestation notariée du 17 septembre 2002), Madame Y... a renoncé à la succession déficitaire de sa mère, décédée en avril 1997.

A l'heure actuelle, la situation des parties, telle qu'elles en justifient devant la Cour, est la suivante :

* Monsieur X..., âgé 61 ans, perçoit des retraites depuis le 1er novembre 2005 à hauteur de 3.839,97 euros. Il partage ses charges avec sa concubine, Madame E..., laquelle a démissionné de son poste d'assistante maternelle au mois d'avril 2007 "pour raisons personnelles et de santé", sans plus de précisions sur les motifs de ce choix.

Outre les charges courantes pour eux-mêmes et leur enfant commun, âgé aujourd'hui de 13 ans, Monsieur X... et Madame E... continuent de rembourser le prêt immobilier précité à hauteur de 679,13 euros (jusqu'en août 2011), cette somme étant mensuellement prélevée sur le compte personnel de Madame E.... Monsieur X... ne justifie plus supporter le remboursement du prêt Société Générale à hauteur de 258,13 euros par mois (celui-ci étant échu depuis février 2006), ni d'avoir toujours à charge la plus jeunes des filles de Madame E..., aujourd'hui âgée de 27 ans. En revanche, il justifie des frais exposés pour leur fils Mathieu, lesquels iront croissants à l'avenir, compte tenu de la progression normale d'un adolescent dans ses études. Au titre de l'année 2006/2007, ses frais de demi-pension et de transports scolaires se sont élevés à la somme de 78 euros par mois, et les licences annuelles de judo et de rugby à la somme de 140 euros.

* Madame Y..., aujourd'hui âgée de 61 ans, a connu des problèmes de santé ayant justifié sa mise en retraite au titre de l'inaptitude au travail. Depuis le mois de septembre 2006, et après plusieurs années au RMI, elle perçoit une pension mensuelle, retraites de base et complémentaire cumulées, d'environ 714 euros (554,82 euros nets mensuels et 477,42 euros bruts trimestriels). Madame Y... ne dispose d'aucun patrimoine.

Outre ses charges courantes, Madame Y... s'acquitte d'un loyer, aide personnalisée au logement déduite, de 346,03 euros mensuels. Elle ne partage pas ses charges.

De ce qui précède, il peut être retenu deux dates charnières : le 1er novembre 2000, lorsque Monsieur X... a commencé à percevoir l'allocation de solidarité spécifique, et le 1er novembre 2005, lorsqu'il a commencé à percevoir sa pension de retraite, constituant d'importants changements dans la situation de l'appelant.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de l'évolution qu'a connue la situation respective de chacune des parties depuis le fixation de la rente viagère, il convient de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur X... de sa demande faute de changement important la justifiant. En effet, si le maintien de la rente en l'état ne procurerait pas à Madame Y... un avantage manifestement excessif, il y a eu en revanche, et particulièrement entre les mois de novembre 2000 et novembre 2005, un changement important dans les ressources de Monsieur X..., justifiant que ce dernier puisse bénéficier des dispositions de l'article 276-3 du Code Civil. Toutefois, la décision ne saurait rétroagir avant la demande originaire de Monsieur X....

Ainsi, au vu de tous les éléments décrits plus haut, il convient de suspendre le versement de la rente viagère mise à la charge de Monsieur X... par le jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en date du 19 février 1985, et ce du 16 janvier 2001, date de l'assignation, au 1er novembre 2005, date à compter de laquelle le débiteur a retrouvé peu ou prou un revenu équivalent à celui qu'il percevait au moment du jugement de divorce. En outre, comparativement à la situation des parties lors de la fixation de la rente, les charges de Monsieur X... ont augmenté alors que Madame Y... perçoit désormais un revenu, lequel restera très limité. Il convient par conséquent de réviser le montant de la rente viagère et de la fixer à la somme de 400 euros à compter du 1er novembre 2005, et ce avec indexation.

B) Sur les frais et dépens

La nature du litige et l'équité commandent de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens de première instance, d'appel et de renvoi.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 février 2006,

Valablement saisie comme Cour de renvoi,

Après rapport fait à l'audience,

Infirme l'ordonnance rendue le 18 décembre 2001 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de QUIMPER,

Statuant à nouveau,

Suspend à compter du 16 janvier 2001 et jusqu'au 1er novembre 2005 le versement de la rente viagère mise à la charge de Monsieur X... à titre de prestation compensatoire par le jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en date du 19 février 1985,

Fixe, à compter du 1er novembre 2005, le montant de la rente viagère due par Monsieur X... à Madame Y... à titre de prestation compensatoire à la somme de 400 euros,

Dit que cette somme est indexée sur l'indice national des prix à la consommation Série France (Ensemble, hors tabac), base 100 en 1998, et réévaluée de plein droit, sans formalité, automatiquement et proportionnellement, chaque premier janvier, compte-tenu du montant de l'indice du mois d'octobre précédent et de sa variation par rapport à l'indice existant au 1er novembre 2005 et selon la formule suivante :

contribution d'origine X indice d'octobre = somme actualisée,

indice d'origine

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens de première instance, d'appel et de renvoi.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/01831
Date de la décision : 06/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Quimper


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-06;06.01831 ?
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