Deuxième Chambre Comm.
ARRÊT No
R.G : 06/01537
POURVOI V 0720424
du 08/11/2007
S.A.R.L. MDL FRANCE
C/
S.A.R.L. LA MAISON DE LA LITERIE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, nommé en remplacement du Président Titulaire empêché,
Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport,
Mme Elisabeth SERRIN, Vice-président placé auprès du Premier président,
GREFFIER :
Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Mars 2007
devant Madame Véronique BOISSELET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2007 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, et signé par Madame BOISSELET, magistrat ayant participé au délibéré.
****
APPELANTE :
S.A.R.L. MDL FRANCE
10 rue la Paix
75002 PARIS
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me DUFAY, avocat
INTIMÉE :
S.A.R.L. LA MAISON DE LA LITERIE
5 rue des Bons Français
44000 NANTES
représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES & LUC BOURGES, avoués
assistée de Me GAULTIER, avocat
FAITS ET PROCÉDURE :
Les sociétés "LA MAISON DE LA LITERIE" et MDL FRANCE commercialisent toutes deux des articles de literie, la première étant installée à Nantes, et la seconde à Paris, mais exploitant un réseau de distribution dans toute la France.
Un contentieux ancien les oppose sur l'usage de l'enseigne "LA MAISON DE LA LITERIE" utilisée comme nom commercial et raison sociale en Loire Atlantique par la première antérieurement à la création par la seconde de son réseau, et au dépôt de sa marque.
Par jugement du 2 mai 2002, le tribunal de commerce de Nantes a fait interdiction à MDL France de faire usage dans le département de Loire Atlantique à titre d'enseigne ou de nom commercial de la dénomination "LA MAISON DE LA LITERIE" sous astreinte de 150 € par infraction constatée. Le montant de l'astreinte a été porté à 3 000 € par jugement du 11 octobre 2004, signifié le 29 octobre 2004.
Reprochant à MDL France ses violations réitérées de l'interdiction sus-rappelée, LA MAISON DE LA LITERIE l'a assignée à nouveau devant le tribunal de commerce de Nantes, aux fins de faire liquider l'astreinte, et d'élever à nouveau son taux.
Par jugement du 13 février 2006, le tribunal a :
•élevé à 5 000 € par infraction constatée le montant de l'astreinte définitive à compter de la signification du jugement,
•réservé la liquidation de cette astreinte définitive,
•condamné MDL FRANCE à payer à LA MAISON DE LA LITERIE la somme de 900 € au titre de la liquidation de l'astreinte initialement prononcée, et celle de 17 500 € à titre de dommages et intérêts,
•dit que le tribunal de commerce n'est pas compétent pour connaître des griefs d'atteinte à une marque,
•débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
•ordonné l'exécution provisoire,
•condamné MDL FRANCE aux dépens et à payer à LA MAISON DE LA LITERIE la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
MDL FRANCE en a relevé appel le 6 mars 2006.
Par conclusions du 8 mars 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, elle demande que:
•il soit jugé qu'aucune violation de l'interdiction qui lui a été faite n'est établie dans la mesure où les campagnes publicitaires visées ont été effectuées à un niveau national, et ne visaient aucun fonds de commerce établi en Loire Atlantique,
•les demandes de LA MAISON DE LA LITERIE soient rejetées,
•lui soient allouées les sommes de 2 500 € à titre de dommages et intérêts, et 3 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 9 octobre 2006, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, LA MAISON DE LA LITERIE sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
SUR QUOI, LA COUR :
La diffusion, sur le département de la Loire Atlantique, de publicités vantant les magasins LA MAISON DE LA LITERIE, constitue, même s'il s'agit d'une campagne publicitaire au niveau national, un usage de cette enseigne qui lui est interdit sur ce département.
Comme l'ont justement estimé les premiers juges, la société MDL France a délibérément contrevenu à cette interdiction sur la portée de laquelle elle ne pouvait se méprendre, la motivation du jugement du 2 mai 2002 étant particulièrement explicite puisqu'il y est rappelé que : "...force est de constater que ces dites publicités, même modifiées, ont été publiées dans divers hebdomadaires de télévision, eux mêmes insérés en tant que supplément commun à divers journaux couvrant notamment la Loire Atlantique (Presse Océan, Le Courrier de l'Ouest, l'Eclair etc...). Que même si ces journaux couvrent bien d'autres départements que celui faisant l'objet de l'interdiction, il n'en reste pas moins vrai que la dénomination "MAISON DE LA LITERIE" a été utilisée sur le territoire du département interdit; que les défenderesses ne pouvaient sérieusement méconnaître ce point et qu'il leur appartenait, même si des difficultés pouvaient se faire jour avec les éditeurs de journaux, de prendre toute disposition pour que le département de Loire Atlantique soit exclu des publicités contrevenantes".
Ce jugement, signifié le 18 juin 2002, n'a fait l'objet d'aucun appel.
Les précisions ajoutées, en très petits caractères, aux publicités diffusées notamment les 27 et 28 août, et 24 septembre 2004, comportant la liste des magasins participant à l'opération, et portant la mention "toute ressemblance avec un magasin portant le même nom et les mêmes couleurs à Nantes est évidemment involontaire de la part de son propriétaire" s'apparente davantage à une manoeuvre de dénigrement du magasin nantais qu'au souci de respecter sa clientèle. En effet, non lue ou non comprise du consommateur d'attention moyenne, elle n'évitera pas la confusion, et induira pour le magasin nantais l'obligation de préciser, dans des conditions peu flatteuses pour lui, ses propres conditions de vente, ainsi qu'établi, d'ailleurs par la pièce 10 de l'intimée (lettre client Houguet). En revanche, correctement déchiffrée et interprétée, elle pourra drainer la clientèle vers les magasins des départements voisins, soit celui de Tours ou La Roche sur Yon.
Il résulte par ailleurs des courriers des 6 avril 2004 et 7 septembre 2005 de la société SOCPRINT qui gère la seule édition nationale de TV Magasine, que, s'il est impossible d' "extraire le département Loire Atlantique "dans" (sic) un plan de communication nationale", il existe bien des possibilités de faire de la publicité au niveau régional en s'adressant aux régies des quotidiens régionaux, dans des conditions tout à fait satisfaisantes selon la pièce 42 de l'appelante elle même, qui rappelle que les publicités faites dans Ouest France, par exemple, peuvent offrir des publicités différentes en fonction des hypermarchés locaux, dans le cadre d'éditions personnalisées à des coûts mutualisés. Il incombait dès lors à MDL France de rechercher des outils de communication lui permettant de respecter ses obligations, et elle n'est pas fondée à exciper de l'inadaptation de l'outil qu'elle a délibérément choisi, en toute connaissance des violations inévitables de l'interdiction réitérée qui lui a été faite d'utiliser l'enseigne MAISON DE LA LITERIE.
C'est par ailleurs vainement que la société MDL France soutient qu'elle n'est pas en situation de concurrence avec le magasin nantais, au regard de la similitude des produits commercialisés, et de la facilité avec laquelle le consommateur peut se déplacer vers un département voisin, dans lequel un des magasins de son réseau est implanté.
Au regard de l'obstination de MDL France à enfreindre l'interdiction qui lui a été faite, c'est à juste titre que l'astreinte précédemment prononcée a été liquidée, dans des conditions particulièrement bienveillantes puisque le taux de 3 000 € fixé par jugement du 11 octobre 2004 n'a pas été appliqué au regard de la date de signification. La nécessité de contenir toute velléité de cette société de réitérer ses agissements justifie en outre que le nouveau taux de l'astreinte soit fixé à la somme de 5 000 € par infraction constatée. Le jugement sera dès lors confirmé de ces chefs.
En ce qui concerne les dommages et intérêts, il est patent, pour les motifs exposés ci-dessus, que la société nantaise a subi un préjudice commercial important et répété à chaque campagne, encore aggravé par le fait que cette dernière assurait sa propre communication dans les mêmes médias, et a été conduite à augmenter son propre budget de communication afin de réduire l'impact des manoeuvres déloyales de sa concurrente. Il résulte d'ailleurs d'une attestation de son expert comptable qu'elle a dû consacrer, pour la seule année 2004, un budget de 22 859 € à sa publicité et aux foires et expositions auxquelles elle a participé. La réparation allouée par les premiers juges a dès lors été justement appréciée au regard du caractère répétitif des manifestations publicitaires interdites, et le jugement sera également confirmé de ce chef.
MDL France, qui succombe, supportera les dépens, et participera aux frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel par la société nantaise à hauteur de 8 000 €.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Condamne la société MDL France aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres Bourges, avoués,
La condamne également à payer à la société LA MAISON DE LA LITERIE la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ