Quatrième Chambre
ARRÊT No
R.G : 05/07756
BV
S.A. FINANCIERE REGIONALE DU CREDIT IMMOBILIER DE BRETAGNE
C/
Melle Kim X...
M. Guy Y...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MARS 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président,
Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,
Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Agnès Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Décembre 2006
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 15 Mars 2007, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
S.A. FINANCIERE REGIONALE DU CREDIT IMMOBILIER DE BRETAGNE
... R.I.
22000 SAINT-BRIEUC
représentée par la SCP GUILLOU & RENAUDIN, avoués
assistée de la SCP DEPASSE - SINQUIN - DAUGAN - QUESNEL, avocats
INTIMÉS :
Mademoiselle Kim X...
...
35120 DOL DE BRETAGNE
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de la SCP BELLAT-PETIT & LE DRESSAY, avocats
Monsieur Guy Y...
...
35120 DOL DE BRETAGNE
représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de la SCP BELLAT-PETIT & LE DRESSAY, avocats
I - Exposé du litige :
Le 5 décembre 2002, Monsieur Guy Y... et Mademoiselle Kim X... ont conclu avec Monsieur Alain A... exerçant sous l'enseigne
"Maison Conseils Construction" un contrat de construction d'une maison individuelle, devant être édifiée à Saint Lormel.
La construction était financée par un prêt immobilier consenti par la SA Financière Régionale de Crédit Immobilier de Bretagne selon acte authentique du 4 avril 2002.
Le constructeur avait fourni un acte de cautionnement en date du 7 mars 2002, émanant de la Compagnie Européenne de Garanties Immobilières (CEGI) et garantissant la livraison de la maison à prix et délai convenu.
Cet acte s'est révélé être un faux.
Le constructeur a été placé en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Coutances du 21 janvier 2003, alors que la maison n'était pas terminée.
Deux factures avaient été payées par le prêteur au constructeur les 26 avril 2002 et 7 juin 2002.
La troisième en date du 6 décembre 2002, ne le fut pas.
Par acte du 9 février 2005, Monsieur Guy Y... et Mademoiselle B...
X... ont fait assigner la SA Financière Régionale de Crédit Immobilier de Bretagne devant le Tribunal de Grande Instance de Rennes aux fins de la voir condamner à réparer leur préjudice résultant du fait qu'en n'ayant pas informé la CEGI des versements de fonds qu'elle effectuait, elle les a privés de la possibilité de savoir que le cautionnement était un faux et placés dans une situation dommageable au moment de la cessation d'activité du constructeur.
Par jugement du 15 novembre 2005, le Tribunal a :
- déclaré la SA Financière Régionale de Crédit Immobilier de Bretagne responsable du préjudice subi par Monsieur Guy Y... et Mademoiselle B...
X... du fait de l'arrêt de la construction de leur habitation
- l'a condamnée à leur payer
* 9 336,82 € (coût d'achèvement de la construction)
* 5 830,42 € au titre du remboursement des loyers de janvier à novembre 2003
* 4 023, 42 € en remboursement des intérêts intercalaires
* 2 000 € pour leur préjudice de jouissance et moral
- dit que les sommes allouées porteraient intérêt au taux légal à compter de l'assignation
- condamné la SA Financière Régionale de Crédit Immobilier de Bretagne à verser à Monsieur Guy Y... et Mademoiselle Kim X... une indemnité de 1 800 € pour frais irrépétibles et à supporter les dépens de l'instance qui ne comprendront pas le coût du constat d'huissier du 1er avril 2003.
La SA Financière Régionale de Crédit Immobilier de Bretagne a interjeté appel de ce jugement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux conclusions déposées le 31 août 2006 par Monsieur Y... et Mademoiselle X... et le 17 novembre 2006 par la Financière de Crédit Immobilier de Bretagne.
II - Motifs :
L'article L 231-7 du code de la Construction et de l'Habitation dispose que les paiements intervenus aux différents stades de la construction peuvent être effectués directement par le prêteur, sous réserve de l'accord écrit du maître de l'ouvrage à chaque échéance et de l'information du garant.
Il est constant en l'espèce que la Financière de Crédit Immobilier de Bretagne a payé directement à Monsieur A... ses deux premières situations de travaux après avoir recueilli l'accord écrit de Monsieur Y... et de Mademoiselle X... mais les parties divergent quant à la réalité de l'information donnée par le prêteur au garant.
Sur l'information du garant par le prêteur
Pour démontrer qu'elle a satisfait à l'obligation d'information qui pèse sur elle, la Financière de Crédit Immobilier de Bretagne produit les copies des courriers qu'elle dit avoir adressés par lettres simples à la CEGI les 25 avril et 2 juillet 2002.
Cependant la production de ces copies ne suffit pas à établir l'expédition alléguée dès lors qu'intrinsèquement, ces documents qui comportent pourtant des mentions manuscrites, ne sont pas signés, ce qui les apparente plus à des projets de courriers qu'à des courriers achevés en état d'être envoyés.
Surtout, les documents produits par les intimés démontrent que la CEGI n'a pas reçu l'information qui lui était destinée.
En effet, dans un courrier du 13 janvier 2003, en réponse à une lettre des maîtres de l'ouvrage lui transmettant l'acte de cautionnement à eux remis par le constructeur, la CEGI déclarait recevoir d'eux l'information de l'existence d'un tel document et leur en révélait la fausseté.
Ultérieurement interrogée par le Conseil des maîtres de l'ouvrage, elle indiquait que, sauf erreur de sa part, elle n'avait pas reçu d'information concernant la construction des consorts Richard X....
La sincérité de ces affirmations est confortée par deux autres mentions de la lettre du 13 janvier 2003.
Selon la première, la CEGI avait cessé de délivrer des garanties à Monsieur A... depuis le mois de mars 2000.
Selon la seconde, elle avait déjà été informée de tels agissements de celui-ci et avait déposé plainte auprès du Procureur de la République d'Avranches le 2 août 2002.
Il n'est pas douteux qu' avant même le mois d'août 2002 l'attention de la CEGI aurait été attirée par la réception d'une information relative à une maison édifiée par un constructeur qui n'était plus son client depuis deux ans.
Et après le mois d'août 2002, elle aurait nécessairement rapproché une telle information (qu'il faut supposer restée en instance de classement, à défaut de quoi l'absence de dossier de cautionnement fût immédiatement apparue) des informations qu'elle venait de recueillir sur les agissements malhonnêtes de Monsieur A....
Est ainsi rapportée la preuve de l'absence d'information de la CEGI par la Financière de Crédit Immobilier de Bretagne.
Il convient de déterminer quelles en furent les conséquences.
Sur le préjudice de Monsieur Y... et Mademoiselle X...
Monsieur Y... et Mademoiselle X... demandent la condamnation de la Financière de Crédit Immobilier de Bretagne à les indemniser du coût de l'achèvement de la construction, de leurs préjudices consécutifs (charge de loyers et intérêts intercalaires d'un prêt) et de leur préjudice moral et de jouissance.
La Financière de Crédit Immobilier de Bretagne objecte qu'il n'y a pas de lien de causalité entre sa faute et le préjudice allégué.
De fait, le préjudice dont les maîtres de l'ouvrage réclament réparation est celui résultant du défaut de garantie. C'est d'ailleurs ce préjudice qu'a indemnisé le Premier Juge.
Or le défaut de garantie n'a pas pour origine le défaut d'information du prêteur mais la tromperie du constructeur.
Les maîtres de l'ouvrage définissent pourtant exactement les conséquences du défaut d'information, lorsqu'ils concluent que si l'information était effectivement parvenue à la CEGI, celle-ci aurait pu les informer du faux commis par Monsieur A... dès l'étape des fondations et leur permettre soit d'exiger la constitution d'une garantie, soit de résilier le contrat et de faire terminer la maison par un constructeur sérieux.
La première branche de l'alternative n'apparaît pas plausible.
En effet il résulte du courrier de la CEGI en date du 13 janvier 2003 que Monsieur A... n'était plus garanti depuis mars 2000 et sa situation financière était si obérée qu'elle a conduit à sa liquidation judiciaire le 21 janvier 2003, d'où il s'infère qu'il n'aurait assurément pas pu trouver un garant au mois d'avril 2002.
En revanche, une information adressée à la CEGI dès le 25 avril 2002, aurait permis à celle-ci de prévenir les maîtres de l'ouvrage dans un délai qu'il est raisonnable de considérer comme très bref, alors qu'en raison de l'absence d'information du garant, ceux-ci n'ont été avertis de l'absence de garantie que par la lettre de la CEGI du 13 janvier 2003.
Ils auraient donc pu dès le fin avril 2002 se mettre en quête d'un nouveau constructeur. Mais les tracas et les retards dûs à cette recherche ne leur auraient pas été épargnés.
Entre la fin avril 2002 et le mois de janvier 2003, Monsieur Y... et Mademoiselle X... ont autorisé le prêteur à payer trois situations de travaux, mais ils n'ont pas opéré de versements indus, les travaux correspondant aux deux premières situations ayant été intégralement réalisés par Monsieur A... et la troisième situation n'ayant finalement pas été payée par le prêteur qui a vérifié l'état d'avancement des travaux et a constaté qu'ils n'étaient pas terminés.
A la date de la troisième situation de travaux, le 6 décembre 2002, la maison aurait dû être hors d'eau.
Or, il ressort d'un rapport réalisé par un expert désigné par le Tribunal de Commerce de Coutances que la charpente n'était pas tout à fait terminée, puisque le solivage de l'étage n'était pas achevé.
Ainsi, si les maîtres de l'ouvrage avaient rompu leurs relations contractuelles avec Monsieur A... fin avril 2002, ils n'auraient pas eu à supporter le retard pris par le chantier entre le 7 juillet 2002 date de l'achèvement des murs et le 6 décembre 2002, retard qui, compte tenu de l'état d'avancement des travaux, peut être évalué à 1 mois.
A ce mois s'ajoutent les 39 jours (jusqu'à la lettre de la CEGI du 13 janvier 2003) durant lesquels les maîtres de l'ouvrage sont encore restés dans l'ignorance de l'absence de garantie et n'ont donc pas pu réagir à cette situation.
L'indemnisation de ce retard total de 69 jours sera évaluée par référence à l'indemnisation, couvrant tous leurs chefs de préjudices, que les maîtres de l'ouvrage avaient accepté de recevoir en cas de retard de livraison et qui figure au chapitre 7-5 du contrat de construction de maison individuelle, soit à hauteur de 11 964,97 €.
***
La Financière de Crédit Immobilier de Bretagne, qui succombe, supportera les dépens de l'instance et versera à Monsieur Y... et Mademoiselle X... une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs :
LA COUR :
-Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation allouée aux maîtres de l'ouvrage
- Statuant à nouveau de ce chef
- Condamne la SA Financière de Crédit Immobilier de Bretagne à payer à Monsieur Guy Y... et Mademoiselle Kim X... la somme de onze mille neuf cent soixante quatre euros quatre vingt dix sept centimes (11 964,97 €)
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes
- Condamne la SA Financière de Crédit Immobilier de Bretagne à payer à Monsieur Guy Y... et Mademoiselle Kim X... la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,