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01/03/2007 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0015, 01 mars 2007,


Quatrième Chambre

ARRÊT No

R.G : 05/01849

REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI

C/

E.A.R.L. LE PALLEC

GAN

M. Joseph X...

S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.S. INTERFER

COPERNIT et C. S.P.A.

S.A. KDI

Renvoi à la mise en état

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 MARS 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président,

Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,

Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Décembre 200...

Quatrième Chambre

ARRÊT No

R.G : 05/01849

REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI

C/

E.A.R.L. LE PALLEC

GAN

M. Joseph X...

S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.S. INTERFER

COPERNIT et C. S.P.A.

S.A. KDI

Renvoi à la mise en état

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 MARS 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président,

Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,

Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Décembre 2006

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 01 Mars 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI

Via Corte d'Appelo N 11

10122 TURIN

ITALIE

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Jean Christophe LARRIEU, avocat

INTIMÉS :

E.A.R.L. LE PALLEC

Kerprendu

56330 CAMORS

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués

assistée de Me Vincent LAHALLE, avocat

GAN

16-18 rue de Washington

75008 PARIS

représentée par la SCP JEAN LOUP BOURGES et LUC BOURGES, avoués

assistée de Me Philippe COSNARD, avocat

Monsieur Joseph X...

Quistenan

56390 BRANDIVY

représenté par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués

assisté de la SCP BOEDEC RAOUL BOURLES, avocats

S.A. AXA FRANCE IARD

26 rue Drouot

75009 PARIS

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués

assistée de la SCP BOEDEC RAOUL BOURLES, avocats

S.A.S. INTERFER

6 avenue René Forger

B.P. 83

05100 BRIANCON

représentée par la SCP GUILLOU et RENAUDIN, avoués

assistée de Me Bernard BARTHOMEUF, avocat

COPERNIT et C. S.P.A.

Via Provenciale Est 62

46020 PEGOGNAGA - MN

ITALIE

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués

assistée de la SCP WENNER - SCHÖDEL, avocats

S.A. KDI

173-179 boulevard Félix Faure

93537 AUBERVILLIERS CEDEX

représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués

assistée de Me Patrick D..., avocat

I - Exposé du litige :

Au cours de l'année 1997, L'EURL Le Pallec a fait construire un bâtiment de stabulation libre et a confié les travaux de couverture à Monsieur Joseph X..., assuré au titre de sa responsabilité civile décennale auprès de la compagnie AXA assurances IARD, devenue AXA France IARD (la compagnie AXA).

La réception des travaux est intervenue sans réserve le 18 octobre 1997.

Monsieur X... avait acheté les plaques de fibrociment qu'il a posées sur la toiture du bâtiment à la société Rouenel aux droits de laquelle se trouve la société KDI, laquelle s'était approvisionnée auprès de la société INTERFER, assurée auprès de la compagnie d'assurances GAN, la société INTERFER étant à cette époque l'importateur exclusif sur le marché français des plaques fabriquées par la société italienne COPERNIT, elle-même assurée auprès de la compagnie italienne REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI (REALE MUTUA).

Ayant constaté que des désordres affectaient les plaques de fibrociment, l'EURL Le Pallec a obtenu par ordonnance de référé du 12 avril 2001, la désignation d'un expert, dont les opérations ont été déclarées communes à Monsieur X..., à la société Rouenel devenue KDI, à la société INTERFER et à la société COPERNIT.

L'expert a déposé son rapport le 22 février 2003.

Par actes des 3 et 8 avril 2003, l'EURL Le Pallec a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Vannes, en réparation des désordres et de ses préjudices consécutifs, Monsieur E... et la compagnie AXA.

Monsieur E... et la compagnie AXA ont appelé en intervention forcée la société KDI, la société INTERFER et la société COPERNIT, la société INTERFER faisant assigner le GAN et la société COPERNIT la compagnie REALE MUTUA.

Par jugement du 8 mars 2005, rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le Tribunal a :

- Condamné in solidum Monsieur Joseph F... et la compagnie AXA à payer à L'EURL Le Pallec les sommes suivantes :

* au titre de la reprise des désordres, 5 215,6 € hors taxe outre intérêts à compter du 15 novembre 2002, 10 450,59 € hors taxe et 1 020 € hors taxe

* au titre de son préjudice moral, 4 000 €

* au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

5 000 €

le tout sous déduction de la provision de 15 885,77 € reçue par L'EURL Le Pallec

- Condamné in solidum la société KDI, la société INTERFER et la société COPERNIT à garantir Monsieur X... et la compagnie AXA des condamnations prononcées contre eux, à l'exception de la facture du 19 février 2001, pour 1 020 € hors taxes

-Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société REALE MUTUA

- Condamné in solidum la société INTERFER et la compagnie GAN, la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA à garantir la société KDI des condamnations prononcées contre elle

- Condamné in solidum la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA à garantir la société INTERFER et la compagnie GAN des condamnations prononcées contre elles

- Débouté les parties de leurs demandes supplémentaires

- Donné acte à la société COPERNIT de ce qu'elle se réserve de se retourner contre les sociétés DANSK ETERNIT holding AS et DANSK ETERNIT FABRIK 1994 AS

- Condamné en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

* la société KDI, la société INTERFER et la société COPERNIT in solidum à payer à Monsieur X... et à la compagnie AXA la somme de

4 000 €

* la société INTERFER et la société COPERNIT in solidum à payer à la société KDI la somme de 4 000 €

* la société COPERNIT et la société REALE MUTUA in solidum à payer à la société INTERFER la somme de 2 500 € et à la société GAN celle de 3 000 €

- Condamné in solidum Monsieur F..., la compagnie AXA, la société KDI, la société INTERFER, la compagnie GAN, la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA aux dépens, en ce compris ceux exposés en référé et le coût de l'expertise

- Dit que les condamnations à garantie s'appliquent également aux dépens.

La société REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI a interjeté appel de ce jugement le 8 mars 2005 et la société COPERNIT le 2 décembre 2005, les instances ayant été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux conclusions déposées:

- par l'EURL Le Pallec le 1er décembre 2005

- par Monsieur F... et la compagnie AXA le 17 mars 2006

- par la compagnie REALE MUTUA le 3 avril 2006

- par la compagnie GAN le 12 avril 2006

- par la société KDI le 8 novembre 2006

- par la société COPERNIT le 10 novembre 2006

- par la société INTERFER le 20 novembre 2006

II - Motifs :

Sur la demande de L'EURL Le Pallec dirigée contre Monsieur X... et la compagnie AXA

L'expert qui a examiné la toiture du bâtiment à usage de stabulation de l'EURL Le Pallec a constaté que des plaques de fibrociment étaient atteintes de fissures infiltrantes et qu'il existait des moisissures en sous-face.

Il impute les désordres à un vice du matériau trouvant son origine dans un défaut de fabrication des plaques de couverture.

Le Premier juge a considéré que ce désordre rendait l'ouvrage impropre à sa destination et a retenu la responsabilité de Monsieur X... en application de l'article 1792 du code civil ainsi que l'obligation à garantie de son assureur de responsabilité décennale, la compagnie AXA.

Il a alloué à l'EURL Le Pallec au titre de la réparation de son dommage matériel

* la somme de 5 215,26 € hors taxe correspondant au remboursement d'une facture de réparation de la couverture acquittée par le maître de l'ouvrage le 15 novembre 2002

* celle 10 450,59 € hors taxe correspondant au coût des travaux de réfection tel que déterminé par l'expert

* celle de 1 020 € correspondant au remboursement d'une facture de réparation du19 février 2001, que L'EURL Le Pallec ne justifiait pas avoir acquittée mais qui n'était pas contestée par le constructeur et son assureur.

Il a alloué à l'EURL Le Pallec au titre de la réparation de son dommage moral la somme de 4 000 €.

L'EURL Le Pallec conclut à la confirmation du jugement.

Monsieur X... et la compagnie AXA font de même, s'abstenant de reprendre à leur compte les contestations élevées relativement à l'existence d'un préjudice moral, par les sociétés KDI, INTERFER, COPERNIT et par la compagnie GAN, à l'encontre desquels ils forment pourtant des demandes en garanties ou des demandes directes en indemnisation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X... et la compagnie AXA in solidum à indemniser l'EURL Le Pallec à hauteur des sommes sus rappelées.

Il le sera également, pour les mêmes raisons, s'agissant de la condamnation du constructeur et de son assureur au paiement d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles.

Sur les demandes en garanties

* de Monsieur G... et de la compagnie AXA à l'encontre de la société KDI

Il est constant que Monsieur G... a acheté les plaques mises en oeuvre sur le bâtiment de L'EURL Le Pellec à la société Rouenel, aux droits de laquelle se trouve la société KDI.

Le premier Juge, retenant les conclusions de l'expert au terme desquelles le désordre est consécutif à un vice du matériau dû à l'absence de revêtement minéral recouvrant les fibres de cellulose composant les plaques, vice les rendant impropres à l'usage auquel elles sont destinées, a condamné la société KDI, en sa qualité de vendeur, sur le fondement de l'article 1 641 du code civil à garantir Monsieur G... et la compagnie AXA des condamnations prononcées contre eux à l'exclusion de la facture de 1 020 € du 19 février 2001, dont il a été dit que le constructeur et son assureur avaient accepté de la payer alors même que L'EURL Le Pallec ne justifiait pas l'avoir acquittée.

Monsieur X... et la compagnie AXA, en concluant à la confirmation du jugement, ont renoncé à exercer leur recours relativement à cette facture.

La société KDI ne conteste pas son obligation à garantir Monsieur G... et la compagnie AXA, puisqu'elle ne critique le jugement déféré qu'en ce qu'il a retenu que l'EURL Le Pellec avait subi un préjudice moral.

L'EURL Le Pellec a toutefois subi depuis le mois de juillet 2000, en raison de la mauvaise qualité de la toiture de son bâtiment de stabulation, des tracas qui ont perturbé de façon répétée son activité d'élevage.

La preuve de ces tracas, que la souscription d'une assurance dommage-ouvrages n'aurait pas pu éviter, résulte des éléments suivants:

- L'EURL Le Pallec a dû, dès le mois de juillet 2000, faire remplacer des éléments de la couverture (facture de réparation du 27 juillet 2000)

- elle s'est soumise à une expertise "protection juridique" le 8 novembre 2000, diligentée suite à un bris de plaques et à des défauts d'étanchéité

- elle a subi des analyses effectuées en juin 2001 par un laboratoire d'analyses vétérinaires en raison de l'apparition de moisissures sur les plaques, analyses dont l'utilité se déduit de l'attestation des vétérinaires assurant le suivi de l'élevage, qui révèle qu'ils concevaient des craintes quant à l'influence de ces moisissures sur l'état sanitaire des veaux

- elle a dû avoir recours, le 12 octobre 2001, à un huissier de Justice pour faire constater l'état de dégradation de la toiture

- enfin une lettre de Monsieur H... démontre la difficulté pour l'EURL de trouver un entrepreneur acceptant d'intervenir sur la toiture en raison de son caractère dangereux.

Au vu de ces éléments, il apparaît que c'est de façon pertinente que le Premier Juge a alloué à l'EURL Le Pallec la somme de 4 000 € en réparation de son préjudice autre que matériel.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a étendu à cette somme l'obligation à garantie de la société KDI.

* de la société KDI à l'encontre de la société INTERFER et de la compagnie GAN

Le Premier Juge a condamné la société INTERFER, qui a vendu les plaques atteintes d'un vice caché à la société KDI, à la garantir en application de l'article 1 641 du code civil, de l'ensemble des condamnations mises à sa charge et il a condamné la GAN, assureur de la société INTERFER, qui ne lui déniait pas sa garantie, in solidum avec son assurée.

La société INTERFER et la compagnie GAN ne contestent le jugement qu'en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice moral subi par L'EURL Le Pallec

Il vient d'être dit que le jugement méritait approbation de ce chef.

Il sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société INTERFER et la compagnie GAN à garantir la société KDI de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle.

Ainsi que le demande à juste titre la société INTERFER, il y sera ajouté que son assureur doit la garantir des condamnations prononcées contre elle.

* de la société INTERFER et de la compagnie GAN à l'encontre de la société COPERNIT et de la compagnie REALE MUTUA

Il n'est pas contesté que les plaques mises en oeuvre sur le bâtiment de L'EUR Le Pallec ont été fabriquées par la société COPERNIT, société italienne dont la société INTERFER a été l'importateur et le distributeur exclusif en France du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999.

Les parties s'accordent à reconnaître que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 doit être appliquée à leur litige relatif à un contrat de vente internationale de marchandises et la société INTERFER fonde son action en garantie sur les articles 35 et 36 de cette convention.

Cependant la société COPERNIT oppose à la société INTERFER la forclusion édictée par l'article 39 de la Convention ainsi rédigé : l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater. Dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir du défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle.

La société COPERNIT se prévaut de l'expiration du délai de deux ans.

Elle ajoute que l'action de la société INTERFER est prescrite par application de l'article 1 495 du code civil italien qui prévoit que l'action en garantie des vices de la chose vendue se prescrit dans le délai d'un an à compter de la livraison.

La société INTERFER objecte que les délais de forclusion et de prescription ne peuvent trouver à s'appliquer dès lors qu'elle bénéficie d'une garantie contractuelle de 10 ans à partir de la livraison du produit.

Elle invoque en outre l'adage contra non valentem agere non currit praescriptio et invoque en dernier lieu l'article 40 de la convention de Vienne qui interdit au vendeur de se prévaloir des dispositions de l'article 39 sus cité lorsque l'acheteur connaissait les vices dont était affectée la chose vendue et s'était abstenu d'en informer l'acheteur.

Il est constant que le défaut des plaques de fibrociment n'a pas été dénoncé à la société COPERNIT dans les deux ans qui ont suivi leur livraison à la société INTERFER.

Pour établir l'existence d'une garantie contractuelle venant faire échec à la forclusion ainsi encourue, la société INTERFER verse aux débats les éléments suivants:

- un certificat de couverture d'assurance en date du 22 janvier 1999, émanant de la société de courtage de la société COPERNIT, adressé le 27 janvier 1999 par la société COPERNIT à l'agent du GAN assureur de la société INTERFER, duquel il ressort que la société COPERNIT est assurée auprès de la société REALE MUTUA ASSICURAZIONI pour les dommages occasionnés aux tiers par un défaut des produits commercialisés sur le marché européen, pour une durée de 10 ans à partir de la livraison et/ou de l'installation pendant la période d'application de la couverture d'assurance, période expirant le 31 décembre 1999

- un certificat d'assurance établi sur papier à en tête conjointe de la société REALE MUTUA et de la société COPERNIT et signé de cette dernière, qui fait état de l'existence de deux polices d'assurances, la première dite "responsabilité civile produits", s'appliquant aux dommages causés aux tiers par suite d'un défaut des produits après livraison, la deuxième dite"responsabilité civile remplacement" couvrant les frais de remplacement des produits défectueux pour les dommages qui se manifestent durant la période de validité de l'assurance et dans les 10 ans de la livraison du produit à l'acheteur défini comme l'utilisateur final non professionnel

- une attestation de l'association ASSOBETON, dont il n'est pas contesté que la société COPERNIT est membre, datée du 20 mars 2002 et adressée à un tiers au présent litige, indiquant que les entreprises affiliées à cette association délivrent, en plus de la garantie correspondant à la norme applicable, une garantie décennale, gage de la confiance qu'elles ont en la qualité de leurs produits.

La mise en perspective de ces trois documents établit que la société COPERNIT a donné à la société INTERFER une garantie consistant en la prise en charge des conséquences des défauts de la chose vendue apparaissant à l'intérieur d'un délai de 10 années courant à compter de la livraison de la marchandise à l'utilisateur final.

En effet la durée de la garantie que l'assurée doit aux acheteurs se déduit de la durée de la garantie que lui accorde son propre assureur, interprétation que confirme l'attestation de l'association ASSOBETON.

Et cette garantie profite nécessairement non seulement à l'utilisateur final, mais encore à l'acheteur initial dont la responsabilité peut être recherchée du fait du défaut de la marchandise vendue.

En témoigne le fait que la société COPERNIT a remis à la compagnie GAN, assureur de responsabilité décennale de la société INTERFER, le certificat de couverture d'assurance attestant que la garantie de la compagnie REALE MUTUA est de 10 ans.

La société COPERNIT objecte encore que la société INTERFER ne peut se prévaloir de cette garantie dès lors que l'acquéreur final n'a pas renvoyé directement à la société COPERNIT un certificat dénonçant le sinistre.

Ce faisant la société COPERNIT se réfère au chapitre "début et fin de la garantie" figurant au certificat d'assurance sus-cité qui prévoit que lorsqu'un sinistre se produit le bénéficiaire doit, à peine de déchéance, adresser à la société COPERNIT, dans un délai de3 jours, par lettre recommandée, une communication écrite.

Toutefois, la clause de déchéance de garantie, destinée à sanctionner un défaut de diligence de celui qui réclame le bénéfice de la garantie dans l'information du débiteur de cette garantie, ne saurait être opposée à la société INTERFER à laquelle la société COPERNIT ne reproche aucun manquement.

Au total, il apparaît que la société INTERFER bénéficie d'une garantie contractuelle décennale et que, par suite, la forclusion invoquée par la société COPERNIT doit être écartée, sachant que le défaut des plaques a bien été dénoncé dans le délai de 10 ans de leur livraison à l'EURL le Pallec, puisque la livraison est nécessairement antérieure au 18 octobre 1997, date de la réception de travaux et que la dénonciation du défaut à la société COPERNIT par la société INTERFER a eu lieu au plus tard à l'occasion de la demande en garantie formée contre elle devant le Premier Juge, soit avant le 12 octobre 2004, date de l'ordonnance de clôture.

Même s'il est acquis que la société INTERFER n'est pas déchue du droit d'invoquer le défaut de la marchandise vendue, son action en justice résultant de ce défaut demeure soumise aux règles de la prescription.

Dans le silence de la Convention de Vienne sur cette question, la société COPERNIT se réfère exactement à la Convention de La Haye du 15 juin 1955 entrée en vigueur pour la France le 1er septembre 1964, applicable à la vente à caractère international d'objets mobiliers corporels.

En effet, la question de la prescription n'étant pas régie par la Convention de Vienne, cette lacune doit être comblée par l'application des règles françaises de droit international privé qui appliquent à la prescription la loi régissant le contrat, loi déterminée par la règle de conflit qui, s'agissant d'une vente à caractère international d'objets mobiliers, est la Convention de La Haye.

L'article 3 de cette Convention énonce que la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande. Il s'agit, en l'espèce, de la loi italienne.

La société COPERNIT verse aux débats la traduction de l'article 1495 du code civil italien qui, s'agissant de l'action découlant des vices de la chose vendue, énonce qu'elle se prescrit dans tous les cas dans le délai d'un an de la livraison.

Cependant ce délai d'action annal ayant pour point de départ la livraison de la marchandise n'est pas conforme au droit uniforme de la vente internationale qui autorise la dénonciation de la non conformité pendant un délai de deux ans.

Le point de départ du délai d'action aurait en l'espèce pour conséquence de priver la société INTERFER de son droit d'exercer une action récursoire contre la société COPERNIT, ce qui est contraire à la règle de droit française selon laquelle le vendeur ne peut agir contre le fabricant qu'après avoir été lui-même assigné par son acquéreur et constitue une restriction inadmissible au droit d'agir en justice consacré par l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

L'application de ce texte conduirait en outre à vider de son contenu la garantie décennale consentie par la société COPERNIT à ses acheteurs, ce qui est contraire aux principes du droit communautaire destinés à favoriser la libre concurrence et de la libre circulation des biens, au premier rang desquels le principe de bonne foi dans les relations contractuelles.

Ces motifs d'ordre public conduisent, en application de l'article 6 de la Convention de La Haye, à écarter le droit italien au profit du droit français.

S'applique dès lors l'article 1648 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005) qui impose que l'action résultant des vices rédhibitoires soit exercée à bref délai.

Le point de départ de ce délai est constitué, pour le vendeur, par la date de sa propre assignation.

Assignée au fond par Joseph X... et la compagnie AXA le 7 mai 2003, après le dépôt du rapport d'expertise qui a révélé le vice des plaques dans toute son étendue et ses conséquences, la société INTERFER a recherché la garantie de la société COPERNIT, assignée pour sa part le 4 juillet 2003, à une date que la Cour ne connaît pas, mais qui est nécessairement antérieure à celle de l'ordonnance de clôture intervenue le 12 octobre 2004, soit dans le respect du bref délai sus dit.

Il résulte du rapport d'expertise que les moisissures et les fissures infiltrantes affectant les plaques trouvent leur origine dans l'absence de revêtement minéral protégeant la cellulose rentrant dans leur composition.

Il s'agit donc d'un vice du matériau ayant son origine dans la fabrication des plaques de couverture.

Sans qu'il soit nécessaire d'attendre le résultat d'opérations d'expertises ordonnées dans d'autres instances afin de savoir si le vice trouve sa cause dans une erreur de fabrication ou dans une erreur de conception, il est ainsi suffisamment établi que les plaques de fibrociment sont atteintes d'un défaut qui existait au moment de la vente mais n'était pas apparent et qui a pour conséquence que les plaques ne peuvent pas servir à l'usage auquel serviraient des marchandises de même type.

Elles ne sont donc pas "conformes", au sens de l'article 35 de la convention de Vienne et ce défaut de conformité engage en application de l'article 36 de cette convention, la responsabilité de la société COPERNIT qui devra en conséquence garantir la société INTERFER de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle.

Point n'est besoin de donner acte à la société COPERNIT de ce qu'elle se réserve d'exercer des recours contre les concepteurs des plaques, une telle mention étant dénuée de portée juridique.

La société INTERFER sollicite également que la compagnie REALE MUTUA soit condamnée à la garantir in solidum avec son assurée des condamnations prononcées contre elle.

La compagnie REALE MUTUA dénie à la juridiction française compétence pour connaître de l'action exercée par la société INTERFER, tiers lésée étrangère aux conventions passées entre deux sociétés italiennes.

Cependant l'article 10 du Règlement Communautaire 44/2001 du 22 décembre 2000, qui s'est substitué à la Convention de Bruxelles le 1er mars 2002, prévoit qu'en matière d'assurance de responsabilité l'assureur peut être attrait devant le Tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'article 11 prévoyant en outre que l'assureur peut être appelé devant le Tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré, si la loi de ce tribunal le permet et autorisant, devant cette juridiction, l'action directe de la victime contre l'assureur lorsque l'action directe est possible.

Le fait dommageable s'est en l'espèce produit à Camors, dans l'arrondissement judiciaire du Tribunal de Grande Instance de Vannes, juridiction dès lors compétente pour connaître tant des demandes de l'EURL Le Pallec formées à l'encontre des responsables du dommage, que des actions en garantie et des actions directes, permises par la loi française, dirigées corollairement contre l'assureur de la société COPERNIT.

L'exception d'incompétence soulevée par la compagnie REALE MUTUA doit donc être écartée.

Les objections de la compagnie tenant à l'irrecevabilité des prétentions de la société INTERFER, à l'absence de responsabilité de son assurée ou à la minoration du préjudice de L'EURL Le Pallec ont déjà été écartées.

Celles tenant aux possibles conséquences d'une limitation de la garantie que le GAN accorde à INTERFER n'a pas à être examinée, la compagnie GAN n'ayant pas contesté devoir une garantie totale à son assurée.

La compagnie REALE MUTUA reconnaît que la société COPERNIT a souscrit auprès d'elle deux polices, la première (numéro 10276) garantissant les dommages aux tiers causés par les matériaux défectueux la seconde (numéro 10289) garantissant les dommages aux plaques défectueuses et leur remplacement, la seconde garantie étant donnée sous la condition de l'existence de la première.

Elle ne conteste pas que ces polices soient en cours de validité.

La police 10276 s'applique en tous pays à l'exception des Etats Unis et du Canada et la police 10289 est valable pour les produits réalisés et livrés en Europe et pour les sinistres qui se produisent sur le même territoire.

La compagnie REALE MUTUA demande cependant qu'il ne soit pas fait application de ces polices tant que le Tribunal de Mantoue, saisi d'une demande tendant à leur annulation, ne s'est pas prononcé.

Il n'apparaît toutefois pas opportun de surseoir à statuer dans l'attente de la solution d'une instance introduite le 6 juin 2004, dont l'objet intitulé "assurance contre les dommages," demeure imprécis et dont l'issue est tout aussi incertaine puisqu'aucune diligence n'est justifiée depuis un appel à l'audience de "première négociation" du 21 décembre 2005, étant observé qu'une condamnation prononcée contre l'assureur ne l'empêcherait pas d'exercer ses recours contre son assurée en cas d'annulation de leurs conventions.

La compagnie REALE MUTUA, pour le cas où il serait fait application de la police 10289, demande que son obligation soit limitée dans la mesure prévue au contrat.

Il ressort en effet des termes de la police que la garantie remplacement est assortie d'une franchise variable selon l'ancienneté de la vente, franchise qui trouve à s'appliquer en l'espèce.

Le jugement dont appel sera donc complété en ce sens.

S'agissant du préjudice moral de l'EURL Le Pallec, la compagnie REALE MUTUA, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, en a contesté le principe, n'a pas conclu à titre subsidiaire à l'exclusion d'un tel préjudice des garanties offertes, ce risque étant en effet couvert en application de l'article 7-1 dernier alinéa de la police 10276.

Sur les actions directes

* de Joseph X... et de la compagnie AXA à l'encontre de la société INTERFER et du GAN

La société INTERFER ne dénie pas devoir garantie à monsieur X..., dès lors qu'elle a failli à son obligation de fournir des plaques exemptes de vices et la société GAN n'élève pas davantage de contestation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnées in solidum avec la société KDI, dont l'obligation à réparation vient d'être consacrée, à garantir Monsieur F... et son assureur des condamnations prononcées contre eux.

*de Joseph X..., de la compagnie AXA et de la société KDI à l'encontre de la société COPERNITet de la compagnie REALE MUTUA

Les parties s'accordent à reconnaître que la Convention de Vienne est sans application dans les rapports des sous-acquéreurs et du fabriquant.

En revanche ni Monsieur X... et son assureur, ni la société KDI ne précisent le fondement de leur action.

Les premiers indiquent en effet que la société COPERNIT a en première instance placé le débat sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, semblant revendiquer l'application de ces textes, mais demandent dans le même temps confirmation du jugement qui, s'agissant de l'action du sous-acquéreur contre l'assureur du fabricant, énonce que selon le droit communautaire, l'action directe exercée dans un groupe de contrats relève de la matière délictuelle.

La seconde invoque également cette jurisprudence issue d'une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes pour en conclure que le droit français est applicable dans ses relations avec la compagnie REALE MUTUA, mais revendique l'application de l'article 1147 du code civil dans ses relations avec la société COPERNIT.

Il sera donc sursis à statuer sur ces demandes, les parties étant invitées à préciser le fondement de leurs prétention, la loi applicable et les dispositions particulières de cette loi dont elles sollicitent l'application.

Il sera de même sursis à statuer sur les demandes de confirmation des dispositions du jugement dont appel relatives aux indemnités pour frais irrépétibles que le Premier Juge a condamné la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA à payer à Joseph X..., à la compagnie AXA et à la société KDI et sur les demandes formulées en appel à ce même titre.

* * *

La société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA supporteront in solidum les dépens de l'instance d'appel engagés jusqu'au présent arrêt et verseront en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une somme de 2 500 € à la société INTERFER et de 1 000 € à la compagnie GAN.

La compagnie REALE MUTUA versera en outre une indemnité de 1 000 € à L'EURL Le Pallec, qui ne dirige sa demande que contre elle.

- Par ces motifs :

LA COUR :

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné in solidum Monsieur Joseph F... et la compagnie AXA à payer à L'EURL Le Pallec les sommes suivantes :

* au titre de la reprise des désordres, 5 215,6 € hors taxe outre intérêts à compter du 15 novembre 2002, 10 450,59 € hors taxe et 1 020 € hors taxe

* au titre de son préjudice moral, 4 000 €

* au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

5 000 €

le tout sous déduction de la provision de 15 885,77 € reçue par L'EURL Le Pallec

- Condamné in solidum la société KDI, et la société INTERFER à garantir Monsieur X... et la compagnie AXA des condamnations prononcées contre eux, à l'exception de la facture du 19 février 2001, pour 1 020 € hors taxes

- y ajoutant condamne la compagnie GAN in solidum avec la société KDI, et la société INTERFER à garantir Monsieur X... et la compagnie AXA des condamnations prononcées contre eux, à l'exception de la facture du 19 février 2001, pour 1 020 € hors taxes

-Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI

- Condamné in solidum la société INTERFER et la compagnie GAN, à garantir la société KDI des condamnations prononcées contre elle

- Condamné in solidum la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI à garantir la société INTERFER et la compagnie GAN des condamnations prononcées contre elles

- Y ajoutant, dit que la garantie de la compagnie REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI est due dans les limites prévues au contrat d'assurance numéro 10289

- Débouté les parties de leurs demandes supplémentaires

- Condamné en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

* la société KDI, la société INTERFER in solidum à payer à Monsieur X... et à la compagnie AXA la somme de 4 000 €

* la société INTERFER à payer à la société KDI la somme de 4 000 €

* la société COPERNIT et la société REALE MUTUA in solidum à payer à la société INTERFER la somme de 2 500 € et à la société GAN celle de 3 000 €

- Condamné in solidum Monsieur F..., la compagnie AXA, la société KDI, la société INTERFER, la compagnie GAN, la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA DI ASSICURAZIONI aux dépens, en ce compris ceux exposés en référé et le coût de l'expertise

- Dit que les condamnations à garantie s'appliquent également aux dépens.

- Y ajoutant, dit que la compagnie GAN doit garantie à la société INTERFER de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle

- Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes dirigées par Monsieur Joseph F..., la société AXA France IARD et la société KDI à l'encontre de la société COPERNIT et de la compagnie REALE MUTUA DE ASSICURAZIONI

- Enjoint Joseph F..., la société AXA France IARD et la société KDI de préciser le fondement de leur action dirigée contre la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA DE ASSICURAZIONI, de préciser la loi applicable et les dispositions de cette loi dont ils réclament l'application

- Sursoit à statuer sur les demandes d'indemnité pour frais irrépétibles et sur les dépens.

- Renvoie l'affaire à la conférence de mise en état du 22 mai 2007

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- Condamne la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA in solidum à payer en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une somme de deux mille cinq cents euros (2 500 €) à la société INTERFER et de mille euros (1 000 €) à la compagnie GAN.

- Condamne la compagnie REALE MUTUA à payer en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une somme de mille euros

(1 000 €) à L'EURL Le Pallec

- Condamne la société COPERNIT et la compagnie REALE MUTUA in solidum aux dépens de l'instance d'appel engagés jusqu'au présent arrêt

- Dit que ces dépens seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0015
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 01/03/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Vannes, 08 mars 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-03-01; ?
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