Quatrième Chambre
ARRÊT No
R.G : 05/05776
M. Régis X...
C/
M. Emile Y...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président,
Madame Brigitte VANNIER, Conseiller,
Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Agnès Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Novembre 2006
devant Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 08 Février 2007, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur Régis X...
Le Bois chardon
35150 BOISTRUDAN
représenté par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués
assisté de Me Christophe A..., avocat
INTIMÉ :
Monsieur Emile Y...
...
35130 LA GUERCHE DE BRETAGNE
représenté par la SCP GUILLOU et RENAUDIN, avoués
assisté de la SELARL CARTRON-YEU, avocats
I - Exposé préalable :
Par contrat du 13 octobre 2000 Monsieur Régis X... a confié à Monsieur Emile Y... une mission de maîtrise d'oeuvre concernant la réhabilitation d'une maison sise à Boistrudan, lieu-dit "Le Boischardon", avec des honoraires forfaitaires pour le relevé des lieux et les plans de l'existant et des honoraires au pourcentage du montant des travaux, estimés provisoirement à 352.000 francs pour l'étude de l'avant projet sommaire, l'avant projet définitif, la constitution du dossier de permis de construire et l'élaboration du projet de conception générale avec plans d'exécution et descriptifs.
Une simple déclaration de travaux a été préparée et déposée le 13 février 2001. Une première facture pour 1.229,63 € a été émise le 24 février 2001.
Par lettre en recommandé du 15 février 2001 Monsieur Régis X... a informé le cabinet Y... de sa volonté de résilier le contrat, invoquant un manquement au devoir de conseil, et il en était pris acte au 14 mars suivant.
En décembre 2001 le cabinet Y... a mis en demeure Monsieur X... de payer la somme de 3.540,10 €, puis en juin 2002 a réclamée la somme de 3.267,44 €.
Par acte du 25 novembre 2002 le cabinet Emile Y... a fait assigner Monsieur Régis X... en paiement de la somme de 3.540,10 € avec intérêts depuis le 19 décembre 2001, outre 500 € à titre de dommages et intérêts et 1.500 € pour les frais.
Par jugement du 20 octobre 2003 le tribunal d'instance de Rennes a déclaré l'action irrecevable au constat que le demandeur n'avait pas préalablement mis en oeuvre une procédure de conciliation et d'arbitrage prévue par une clause contractuelle.
Après tentative de mise en oeuvre de cette procédure d'arbitrage, par acte du 25 août 2004 le cabinet Emile Y... a fait assigner à nouveau Monsieur Régis X... aux même fins.
Par jugement du 11 juillet 2005 le tribunal d'instance de Rennes, retenant les honoraires forfaitaires, les honoraires au pourcentage sur le travail réalisé et la pénalité contractuelle de 20 %, a :
- Déclaré la demande de Monsieur Y... recevable ;
- Condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 3.540,10 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2001, sans majoration de 3 % mais avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;
- Débouté Monsieur Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
- Condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné Monsieur X... aux dépens.
Monsieur Régis X... a déclaré appel de ce jugement le 11 août 2005.
Sur la procédure :
Monsieur Y... a sollicité que soient écartées des débats des écritures et des pièces signifiées et communiquées le 20 novembre 2006, veille de l'ordonnance de clôture.
La date initialement prévue pour la clôture de la mise en état était le 14 novembre 2006 et, alors que l'appelant Monsieur X... avait conclu le 19 décembre 2005, Monsieur Y... n'a répondu que le 8 novembre 2006, soit 10 mois et demi plus tard et six jours avant la clôture.
Celle-ci a donc été reportée au 21 novembre, veille de l'audience de plaidoiries. Monsieur X... a conclu en réponse 12 jours après, le 20 novembre 2006. Ces conclusions, où les éléments nouveaux sont lignés en marge, reprennent pour l'essentiel les développements de celles de décembre 2005 et ne nécessitaient pas de réponse particulière. Elles seront donc admises aux débats.
Par contre, les pièces no32 (courrier de la commission de conciliation d'arbitrage à M. X... du 23 mars 2004), 33 (courrier de M. et Mme X... à la SYNAAMOB du 19 avril 2004) et 34 (courrier de la commission d'arbitrage à M. X... du 26 avril 2004) pouvaient être versées aux débats avant le 20 novembre 2006 et leur communication tardive n'a pas permis à l'autre partie d'en prendre utilement connaissance et d'y répondre. Elles seront donc écartées.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées :
- le 19 décembre 2005 pour Monsieur Régis X... ;
- le 8 novembre 2006 pour Monsieur Emile Y....
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2006.
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II - Motifs :
1o Sur la procédure de conciliation et d'arbitrage :
A la suite du jugement du tribunal d'instance, Monsieur Emile Y... a demandé la procédure d'arbitrage du SYNAAMOB, tel que contractuellement prévu. Cette commission a alors avisé les époux X... par lettre du 23 mars 2004.
Monsieur Y... a le 31 mars suivant accepté sans discussion de se soumettre à cette procédure et il résulte d'une lettre du 26 avril 2004 que les époux X... ont retourné le document de la SYNAAMOB, acceptant donc aussi cette procédure mais en rayant la mention relative aux possibilités d'être assisté, refusant l'application de la disposition suivante figurant sur le formulaire d'acceptation de la procédure de conciliation et d'arbitrage : "Les parties devront comparaître... elles pourront se faire assister par un défenseur qu'il leur est libre de choisir hormis parmi les avocats."
Si cette disposition du règlement de la Commission de Conciliation et d'Arbitrage du syndicat national des architectes, des agréés et des maîtres d'oeuvre en bâtiment est éminemment critiquable, d'une part elle serait nulle et rend la clause contractuelle 3.13 inapplicable, et d'autre part Monsieur Emile Y... n'était pas maître de ce point et n'avait pas la possibilité d'y déroger. Exiger de celui-ci que cette prohibition soit levée équivaut à le priver de l'accès à la juridiction judiciaire de droit commun et est encore plus contraire à la Convention Européenne des Droits de l'Homme que ladite disposition.
Il est en réalité constant que les époux X... ont renoncé à cette procédure d'arbitrage et c'est à juste titre que le premier juge a déclaré la demande recevable.
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2o Sur le contrat :
Monsieur X... fait valoir qu'il a découvert le 13 février 2001 par une consultation des services juridiques de la Chambre d'Agriculture qu'il n'y avait pas besoin d'un permis de construire. Il prétend qu'il n'a signé le contrat que parce qu'il y avait cette nécessité, faisant valoir un dol ou à tout le moins une erreur viciant son consentement et que Monsieur Y... a déposé précipitamment en mairie la déclaration de travaux le lendemain de son courrier en recommandé du 15 février 2001.
La lettre recommandée adressée par Monsieur X... à Monsieur Y... est du 15, l'accusé de réception n'est pas produit mais elle n'a pas pu être présentée avant le 16. La demande de travaux, signée Bigot le 13, a été effectivement adressée en mairie par lettre recommandée postée le 16 février.
Si ces correspondances se sont effectivement croisées, il n'y a pas la preuve de ce que la demande de travaux ait été adressée après réception de la notification de la volonté de mettre fin au contrat.
Le contrat de maîtrise d'oeuvre dont s'agit est un contrat type avec des mentions préparées et des paragraphes prévoyant une mission complète, une partie des prestations indiquées recevant la formule : "non compris".
Si la mention "DPC - Dossier de demande de permis de construire" aurait dû être prudemment complétée par "ou demande d'autorisation de travaux", Monsieur X... ne fait pas la preuve de ce qu'il n'a signé ce contrat que parce qu'il avait été persuadé que les travaux étaient d'une telle importance et complexité qu'un permis de construire était indispensable et que ceci était la condition déterminante de son adhésion au contrat.
En effet, la lettre du 15 février 2001 ne fait pas état d'une réticence dolosive ou défaut du consentement mais d'un défaut d'information quant aux démarches administratives, manquement au devoir de conseil, et d'un début de mésentente sur les éléments du projet tel que fournis avec le souhait de régler au mieux ce problème.
De plus, le 21 février suivant les époux X... ont écrit à M. Y... en indiquant qu'ils avaient demandé le retour de la demande de travaux et expliquant qu'ils souhaitaient revoir ce dossier avec lui. Ils acceptaient donc alors qu'il n'y ait qu'une déclaration et non un permis de construire, étant précisé qu'il n'a jamais été contesté que la signature figurant sur la demande soit bien celle de Monsieur X... qui a donc signé ce formulaire avant le 13 février 2001.
Il n'y a donc en l'espèce ni dol, ni erreur viciant le consentement et le contrat n'est pas nul.
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3o Sur les honoraires :
La mission n'ayant pas prospérée jusqu'au terme des ouvrages, seule l'évaluation provisoire du coût des travaux indiquée au contrat peut servir de base au calcul des honoraires.
Le contrat prévoit en sa page 12 des honoraires de 8,5 % du coût prévisionnel des travaux et fait ensuite un calcul avec un taux de 9,5 %. Il s'agit d'une erreur matérielle et c'est le taux expressément indiqué, soit 8,5 % qui doit être retenu.
La taxe sur la valeur ajoutée ne peut être au taux réduit de 5,5 % puisque la mission était limitée à la conception et assistance aux démarches administratives.
Il s'agissait d'une mission réduite et les honoraires étaient contractuellement dus à hauteur de 42 % après dépôt du permis de construire et, pour tenir compte de ce qu'il ne s'est agi que d'une simple déclaration de travaux, ce taux sera ramené à 40 %.
Les honoraires dus sont donc de 352.000 x 8,5 % x 40% = 11.960 francs (1.823,29 €) HT, soit 2.180,65 € TTC, outre ceux non contestés au titre du relevé de l'existant, encore que ceux-ci, admis pour 4.800 francs HT, apparaissent au contrat en toutes lettres pour 4.583 francs TTC, soit 698,67 €.
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La mission limitée et se terminant au dépôt du permis de construire, remplacé en l'espèce par une déclaration de travaux, était achevée et sera, comme dit ci-dessus, payée. Il n'y a donc pas lieu à l'indemnité forfaitaire de 20 % prévue par l'article 3.11 du contrat en cas de résiliation partielle ou totale du contrat.
Par ailleurs, le maître d'oeuvre devait, aux termes mêmes de son contrat, fournir au maître de l'ouvrage les informations nécessaires à la compréhension et à l'approbation des prestations qu'il avait mission d'exécuter. Or, il n'y a pas au dossier de correspondance de Monsieur Y... explicitant les raisons qui faisaient qu'une demande de permis de construire n'était pas nécessaire contrairement à ce qui était initialement prévu.
En fait, tant en ce qui concerne les démarches administratives qu'en ce qui concerne la forme des lucarnes, Monsieur Y... a manqué à son obligation de conseil et les maîtres de l'ouvrage étaient en droit de ne pas lui donner de mission complémentaire correspondant aux rubriques avec mentions "non compris" au contrat telles que "devis quantitatifs et estimatifs détaillés, assistance marchés travaux, direction des travaux".
Le jugement sera infirmé sur l'indemnité de 20 % et la somme due par Monsieur Régis X... est donc de 2.180,65 € + 698,67 = 2.879,32 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2001. Par contre, la majoration de 3 % à titre moratoire ne peut être appliquée compte tenu de la discussion engagée et dont certains éléments ont prospéré.
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Il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie la totalité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cette instance et elles seront déboutées de leurs demandes de ce chef.
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Par ces motifs,
La Cour :
- Ecarte des débats les pièces communiquées le 20 novembre 2006 sous les No 32, 33, 34 ;
- Confirme le jugement entrepris sur la recevabilité ;
- Réforme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau ;
- Déboute Monsieur Régis X... de sa demande de nullité du contrat ;
- Condamne Monsieur Régis X... à payer à Monsieur Emile Y... la somme de 2.879,32 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2001 dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;
- Déboute les parties de leurs autres fins et prétentions ;
- Déboute les parties de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Condamne Monsieur Régis X... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,