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23/01/2007 | FRANCE | N°103

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0030, 23 janvier 2007, 103


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Les époux X... Y... sont divorcés suivant jugement rendu le 4 février 2005 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Morlaix.

Cette décision faisait droit au principe de la demande de prestation compensatoire présentée par l'épouse mais il était sursis à statuer sur son montant, les débats étant rouverts à cet effet.

Par jugement du 1" juillet 2005, Monsieur Z... était condamné à verser à Madame Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 180.000 €, le service s'en faisant par l'attribution à l'épouse des d

roits de son mari dans un immeuble sis à SIZUN.

Cette décision rectifiait une erreur...

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Les époux X... Y... sont divorcés suivant jugement rendu le 4 février 2005 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Morlaix.

Cette décision faisait droit au principe de la demande de prestation compensatoire présentée par l'épouse mais il était sursis à statuer sur son montant, les débats étant rouverts à cet effet.

Par jugement du 1" juillet 2005, Monsieur Z... était condamné à verser à Madame Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 180.000 €, le service s'en faisant par l'attribution à l'épouse des droits de son mari dans un immeuble sis à SIZUN.

Cette décision rectifiait une erreur matérielle incluse dans le jugement du 4 février 2005 et fixait à la date du 5 juillet 2001 la date des effets du divorce dans les rapports entre époux.

Madame Y... interjetait appel.

Dans ses dernières écritures, Madame Y... demande à titre premier l'annulation du rapport d'expertise sur lequel s'est fondé le Tribunal pour chiffrer ses droits, au double motif que la personne désignée comme expert ne serait pas inscrite sur la liste de la Cour d'Appel et n'aurait pas prêté serment préalablement à l'exécution de sa mission, et qu'elle exerce dans le même secteur d'activité que le comptable d'une des sociétés de son ex-mari, ce qui exclurait qu'elle ait pu travailler en toute indépendance.

Elle demande donc la désignation d'un autre expert, inscrit préférentiellement sur la liste des experts de la Cour de Cassation, dont la mission serait notamment et entre autres de déterminer le patrimoine réel de son ex-époux au travers de sociétés belges, hollandaises ou luxembourgeoises, d'évaluer le patrimoine mobilier et immobilier, de revaloriser les activités de son ex-conjoint, et de faire diverses recherches sur la destination de primes communautaires, sur celle de différents versements opérés par ses sociétés, sur l'origine des avoirs déposés sur un compte luxembourgeois, sur l'origine de fonds utilisés pour la construction d'un immeuble et l'achat par son fils de parts dans une société.

Elle chiffre à 381.125 € la prestation ou "l'indemnité exceptionnelle" à laquelle elle estime avoir droit et demande à ce que le service lui en soit fait par l'attribution des droits de son ex-conjoint dans trois immeubles, avec le bénéfice de l'article 1248 du Code Civil.

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Elle demande la condamnation de son ex-mari à lui verser 12.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant pour elle de la dissimulation partielle du patrimoine à l'étranger et celle de 4.000 € en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Y... a communiqué le 6 et 7 décembre soit la veille et le jour même de l'ordonnance de clôture 43 nouvelles pièces.

Monsieur Z... s'oppose à l'ensemble des prétentions de son ex-

épouse.

Il conclut à la réformation de la décision et à la fixation à la seule somme de 75.000 € de la prestation compensatoire dont il serait redevable.

Il demande le rejet des pièces communiquées tardivement et l'allocation des sommes de 5.000 € à titre de dommages et intérêts et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1o) Sur la communication tardive des pièces :

Madame Y... a donc communiqué le 6 et 7 décembre 2006 quarante trois nouvelles pièces qui sont toutes anciennes puisque les premières datent de 1997 et les dernières d'avril 2005.

Ces pièces seront purement et simplement écartées des débats dans la mesure où leur communication tardive n'a pas permis au défendeur d'en prendre régulièrement connaissance et de faire valoir ses moyens.

2o) Sur la nullité du rapport d'expertise :

Monsieur B... désigné comme expert par l'ordonnance de non- conciliation en date du 5 juillet 2001 est inscrit sur la liste des Experts de la Cour d'Appel de Rennes depuis 1997 et dès lors l'argumentation de Madame Y... sur la nécessité d'un serment préalable au début de ses opérations est particulièrement inopportune et doit être écartée.

De même, le seul fait que cet expert exerce son activité dans le même secteur d'activité que l'expert comptable de la société MAGUI, société dans laquelle Monsieur C... a des intérêts, ne saurait laisser présumer qu'il aurait failli à l'obligation d'indépendance que doit avoir tout expert missionné judiciairement.

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En toute hypothèse et de plus, Madame Y... n'a émis ses premières critiques contre la qualité de Monsieur B..., sa partialité ou son incapacité éventuelle, que devant la Cour soit quand même trois ans après le dépôt du rapport (et donc sans s'en prévaloir devant le Tribunal). Enfin, elle ne fournit aucun élément susceptible d'accréditer ses assertions.

Dès lors Madame Y... sera déboutée de sa demande de nullité du rapport d'expertise et de désignation d'un nouvel expert.

3o) Sur le montant de la prestation compensatoire :

Devant le Tribunal, Madame Y... sollicitait donc la somme de 381.125,00 € dont l'attribution devait se faire par l'attribution à son profit des droits que son ex-mari détenait dans un immeuble dit Bel Air sis à SIZUN et dont elle a la jouissance à titre gratuit depuis la date de l'ordonnance de non-conciliation (juillet 2001).

Le Tribunal a fait droit à sa demande à hauteur de 180.000 € et a admis que le service s'en ferait effectivement par l'abandon forcé des droits de Monsieur Z... dans cet immeuble.

Devant la Cour, Madame Y... réclame toujours cette somme de 381.125, 00 € et demande toujours que le service lui en soit fait tant par l'abandon des droits que son ex-mari détient dans l'immeuble de Bel Air ;

A titre subsidiaire elle sollicite « une indemnité exceptionnelle » d'un même montant et dont le service se ferait par l'abandon par son ex-mari des droits qu'il détient dans deux autres immeubles, situés à Landivisiau pour l'un et à Toulouse (D... Carnot no 10, appartement 5) ou Lyon (...) pour l'autre : le dispositif de ses écritures n'est pas conforme à leurs motifs.

Cette demande, subsidiaire ou non, « d'indemnité exceptionnelle » ne se comprend pas puisque Madame Y... dispose d'un titre définitif lui accordant une prestation compensatoire dont seul le montant est encore en cause.

Cette demande sera écartée.

Il est acquis que Monsieur Z... par l'intermédiaire d'une société à responsabilité limitée MAGUI fait de l'élevage de veaux et a constitué avec un tiers une société de laverie brestoise.

Il est tout aussi acquis qu'en 1997 la société MAGUI et une autre société dite MAGE ont constitué une société relevant du droit belge, la société CMGG, laquelle a cessé toute activité fin 1998. Le dernier exercice comptable établi, 2002, s'est soldé par un perte de plus de 250.000 €, bien qu'aucun élément n'ait été

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fourni cependant par son gérant sur la somme de 339.000 € présentée par l'expert comptable de la société MAGUI, comme « créances commerciales figurant à l'actif du bilan en 2001 ».

En toute hypothèse cette société CMGG, dans laquelle Monsieur C... n'a à titre personnel aucun intérêt, ne dégage aucun résultat depuis la fin de l'année 2001 et est en liquidation judiciaire depuis 2004.

La société MAGUI a fait quant à elle l'objet d'un contrôle fiscal pour la période de 2001 à 2003 qui n'a entraîné aucun redressement. Elle connaît aujourd'hui une situation déficitaire dont Monsieur C... justifie.

La Société Laverie Brestoise n'a selon l'expert procuré aucun revenu dissimulé à Monsieur C... et ses résultats 2005 sont également négatifs.

La plainte déposée par Madame Y... contre son ex-mari pour organisation frauduleuse d'insolvabilité s'est soldée par un non-lieu suivant ordonnance du 29 mars 2004 confirmée en appel par arrêt du 28 octobre 2004.

La Cour, en 2003 et dans le cadre d'un appel interjeté contre l'ordonnance de non-conciliation, a accepté les conclusions de l'expert, non remises en cause à cette date par Madame Y..., et retenu pareillement l'absence de dissimulation par Monsieur C... de ses revenus.

Dès lors, en l'absence de preuve rapportée de la dissimulation par Monsieur C... d'une partie quelconque de ses revenus, les conclusions de l'expert seront retenues, tant sur les estimations faites de la valeur du patrimoine que des revenus de Monsieur C..., telles d'ailleurs qu'elles avaient été déjà acceptées tant par la Cour dans le cadre de l'appel de l'ordonnance de non-conciliation que par le Tribunal dans le cadre du jugement entrepris.

La SARL MAGUI qui avait un chiffre d'affaires de 3.062.340 € en 2001 n'a plus en 2005 qu'un chiffre d'affaires de 708.575 €, le nombre des veaux vendus étant passé de 4.082 à 933.

La SARL LAVERIE BRESTOISE dont le chiffre d'affaires était de 301.278 € en 2000 a connu une baisse sensible et régulière de ce chiffre depuis 2001 (hors en 2003 où il a connu une légère amélioration). En 2005, il était négatif de 22.495 €.

En 2004, Monsieur C... a déclaré des revenus à hauteur de 42.200 €.

Madame Y... n'a pas travaillé durant les 33 ans qu'a duré la vie commune même si elle a eu quelques petits emplois depuis la séparation. Elle est âgée de 58 ans. Elle ne peut prétendre qu'à sa part dans le partage de la communauté.

Le couple est propriétaire de nombreux immeubles dont certains ont dû être vendus pour acquitter le passif de la communauté constitué notamment d'une dette au préjudice de deux organismes pour un montant de l'ordre de 332.000 € en avril 2006.

Partie de cette dette, celle due à la Caisse de Crédit Agricole, est garantie par un plan épargne action dont est titulaire Madame Y... et qui s'élevait à plus de 83.569 € en décembre 2005.

Restent désormais en indivision : l'immeuble de Sizun occupé par Madame Y..., deux autres situés à Landivisiau et trois appartements sis respectivement à Rennes, Toulouse et Lyon.

Selon estimatif établi en décembre 2005 par le notaire chargé des opérations de liquidation, l'actif de communauté s'élève à 1.136.991, 32 € ce qui permet à chacun des ex-époux de pouvoir prétendre à une somme de l'ordre de 402.789 € déduction faite du passif.

L'immeuble de Sizun occupé par Madame Y... représente à lui seul le quart de la valeur de l'actif partageable puisque il est estimé à 265.000 € .

Cet estimatif reprend les chiffres, actualisés, avancés par l'expert en 2003.

Par contre la durée de la procédure a fait que le passif évalué à 8.000 € en 2003 dépassait en mai 2006 les 332.000 € en raison essentiellement de l'opposition de Madame Y... qui cherche depuis la séparation à faire établir que son ex-mari dissimule partie de ses revenus et se refuse à admettre l'ensemble des décisions déjà prises réfutant cette affirmation.

Compte tenu des éléments inclus dans le rapport d'expertise et des droits que chacun des époux retirera du partage de la communauté, compte tenu également de l'évolution prévisible de la situation de Monsieur C... dont les activités ne sont pas en l'état particulièrement florissantes, la somme de 180.000 € allouée à titre de prestation compensatoire à Madame Y... par le Tribunal apparaît quelque peu excessive et sera réduite à la somme de 125.000 €, le paiement en étant assuré par la cession forcée des droits de Monsieur Z... dans l'immeuble dit Bel Air à Sizun.

4o) Sur les autres demandes :

Madame Y... demande à titre de dommages et intérêts la somme de 12.000 € invoquant le préjudice moral qu'elle subirait du fait de la dissimulation par son ex-époux de ses revenus.

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Cette dissimulation n'est pas établie au vu tant des éléments du dossier que de la mesure d'expertise et a été de plus expressément écartée par au moins trois décisions judiciaires.

Madame Y... sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Il sera fait droit par contre à la demande présentée par Monsieur Z... et tendant à obtenir 5.000 € de dommages et intérêts, dans la mesure où Madame Y... use encore devant la Cour de motifs et moyens dilatoires, sans aucun fondement juridique pour partie des premiers et reposant pour les autres sur des affirmations de principe pourtant écartées pour la première fois dès mars 2004.

Madame Y... perdant sur l'essentiel de ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel et condamnée à verser à Monsieur Z... la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après rapport à l'audience,

Ecarte des débats les pièces communiquées par Madame Y... la veille et le jour de l'ordonnance de clôture.

Rejette ses moyens de nullité de l'expertise et sa demande de nouvelle expertise.

Et vu le jugement du 4 février 2005 retenant le principe du versement d'une prestation compensatoire au profit de Madame Y...,

Infirme le jugement rendu le 1" juillet 2005 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Morlaix.

Chiffre à 125.000 € la prestation compensatoire due par Monsieur Z... à Madame Y....

Dit que le service s'en fera par abandon par Monsieur C... de ses droits dans l'immeuble dit Bel Air sis à Sizun, le présent arrêt emportant cession forcée desdits droits.

Dit que Monsieur Z... supportera le coût de ce paiement en application de l'article 1248 du Code Civil.

Déboute Madame Y... de toutes ses autres demandes.

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La condamne à payer à Monsieur Z... 5.000 € à titre de dommages et intérêts et 3.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne Madame Y... aux entiers dépens de la procédure et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0030
Numéro d'arrêt : 103
Date de la décision : 23/01/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Morlaix, 01 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-01-23;103 ?
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