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06/12/2006 | FRANCE | N°510

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0032, 06 décembre 2006, 510


I-CADRE DU LITIGE :
A-OBJET
Dans le cadre d'une action en reddition de comptes de tutelle engagée par une assignation délivrée le 18 février 2002 par M. Yann X... contre sa mère, Mme Andrée D... épouse L..., administratrice légale sous contrôle judiciaire, l'action a pour objet, aujourd'hui limité, la condamnation de cette dernière à restituer les fruits de la location d'un appartement situé dans un immeuble sis 21 rue de TALVAS à LORIENT, acquis par acte authentique du 6 octobre 1976, acquisition faite avec des fonds provenant d'un capital décès libéré en application

d'un contrat d'assurance INDIVIDUELLE " ACCIDENTS " n º 2 137 503 / 4 ...

I-CADRE DU LITIGE :
A-OBJET
Dans le cadre d'une action en reddition de comptes de tutelle engagée par une assignation délivrée le 18 février 2002 par M. Yann X... contre sa mère, Mme Andrée D... épouse L..., administratrice légale sous contrôle judiciaire, l'action a pour objet, aujourd'hui limité, la condamnation de cette dernière à restituer les fruits de la location d'un appartement situé dans un immeuble sis 21 rue de TALVAS à LORIENT, acquis par acte authentique du 6 octobre 1976, acquisition faite avec des fonds provenant d'un capital décès libéré en application d'un contrat d'assurance INDIVIDUELLE " ACCIDENTS " n º 2 137 503 / 4 souscrit au cours de l'année 1972 dans des conditions qui, discutées par les parties, constituent la source première du litige au regard du caractère contradictoire des pièces contractuelles qu'elles s'opposent.
Monsieur Georges X..., père du poursuivant, premier époux de Mme Andrée D... épouse L..., étant décédé le 9 novembre 1975 laissant à sa succession sa veuve et deux enfants mineurs âgés à l'époque de 11 ans et 7 ans dont celle-ci est devenue dès lors administratrice légale des biens et de la personne sous le contrôle du Juge des Tutelles de LORIENT, ce dernier a, en effet, autorisé Mme Andrée D... épouse L... par ordonnance du 10 Septembre 1976 à placer les capitaux leur revenant selon les dispositions de la clause bénéficiaire alors acceptées par Mme Andrée D... épouse L... telles que celles-ci avaient été notifiées par l'assureur (compagnie d'assurances maritimes aériennes et terrestres-CAMAT) à Me PRODHOMME, notaire en charge du règlement de la succession, dans l'acquisition de l'appartement de la rue de TALVAS (capital versé : 270 048 UCF dont moitié revenant aux deux mineurs, soit 135 024 UCF).
Le litige tient dans le fait que, sur la poursuite de son fils, seule partie à la contestation de ce règlement successoral, Mme Andrée D... épouse L... a opposé pour défense que la clause bénéficiaire dénoncée en 1976 par la Société CAMAT n'avait pas la teneur qu'elle indiquait et que, en réalité, M. Georges X... avait, en 1992, désigné pour bénéficiaire du capital en cas de décès non pas " son épouse et ses enfants " comme allégué par ledit assureur, base de la répartition opérée dans le cadre du règlement de la succession, mais " son épouse et, à défaut, ses enfants ", ce qui l'autorise à soutenir que le capital de 270 048 UCF lui revenait et qu'elle ne doit ni compte ni restitution des fruits de son placement dans l'achat de l'appartement de la rue de TALVAS.
Cette thèse est discutée à partir, au principal, de deux documents signés par M. Georges X... ayant apparence d'engagement contractuel, dont l'un, original, tardivement retrouvé et communiqué par
Mme Andrée D... épouse L..., stipule que l'assuré désigne comme bénéficiaire... " son épouse, Mme X... Andrée, ou à défaut ses enfants ", mention dactylographiée contredisant une mention manuscrite qui, portée sur un imprimé identique produit en photocopie est ainsi libellée "-son épouse et ses enfants M.X... Andrée ", la suite du texte " ou, à défaut, ses ayants droit " pré-imprimée étant rayée par deux traits obliques parallèles dont on ne peut dire, a priori, s'ils valent rature de la mention préimprimée, et, au sein de celle-ci, de la locution " à défaut " ou s'ils valent soulignage de la conjonction de coordination " et " ses enfants située juste au-dessus et elle-même entourée d'un cercle manuscrit.
B-DECISION DISCUTEE
Jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en date du 18 mai 2005 qui a :
-déclaré non prescrite l'action de Mme Andrée D... épouse L... tendant à la remise en cause du contrat d'assurance individuelle accidents CAMAT souscrit par M. Georges X....
-constaté que le contrat d'assurance CAMAT souscrit par M. Georges X... et ses enfants était le seul qui devait recevoir application.
-débouté M. Yann X... de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
-constaté que M. Yann X... était fondé à obtenir une fraction des loyers engendrés par la location de l'appartement situé rue de TALVAS à LORIENT en sa qualité de propriétaire indivis.
-avant dire droit sur la liquidation de sa créance, a ordonné une expertise et désigné, à ses frais avancés, M. B..., expert judiciaire, avec mission, pour l'essentiel, d'établir le décompte des sommes dues par Mme Andrée D... épouse L... à M. Yann X... à ce titre depuis l'année 1984.
C-MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Andrée D... épouse L... a relevé appel du jugement par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 15 juin 2005.
Elle a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 27 septembre 2006, ses ultimes conclusions d'appelante accompagnées d'un bordereau récapitulatif de pièces communiquées évoquant 8 documents :
Monsieur Yann X... a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 19 Janvier 2006, ses ultimes conclusions d'intimé accompagnées de 4 bordereaux de pièces communiquées évoquant, au total,17 documents.
II-MOTIFS DE LA DECISION
L'analyse des pièces la et lb visées au bordereau récapitulatif de l'appelante et de la pièce 14 versée aux débats par l'intimé commande de les tenir pour constitutives, ensemble, d'un même contrat en sorte que leur discussion est dépourvue d'intérêt en ce qu'elle tend à faire valoir que l'une ou l'autre de ces deux pièces a seule valeur contractuelle pour avoir été exécutée selon sa teneur en tant que " proposition d'assurance " acceptée par l'assureur (14), ou pour être, au contraire, seule valide (1) en application des principes posés par l'article L 112-2 alinéa 4 du Code des Assurances.
Loin d'être incertaine, la chronologie de la signature des pièces lb et 14 est, en effet, parfaitement claire et établie.
Monsieur Georges X... a forcément signé la pièce 1 b (Contrat sur feuille double en cartonnage léger comprenant en pages 2 à 4 1es Conditions Générales d'assurance et un feuillet intercalaire en papier épais évoquant les conditions particulières de la convention : effet, montant des primes, capital garanti...) avant de signer la pièce 14 puisque le feuillet intercalaire inséré dans le document lb comporte les stipulations suivantes :-période d'assurance " du 1 / 7 / 72 au l ` avril 1973 "
-première prime : 157,50 francs-prime suivante : 210 francs
-à partir du : 1 er avril 1973
NB : les mentions soulignées relèvent des renseignements portés par l'assureur, les autres participent du texte imprimé du formulaire d'où il se déduit implicitement par exemple, que le contrat ne se conçoit a priori que pour un exercice allant de telle ou telle date de l'année au ler avril d'une année ultérieure.
La période d'assurance va du 1 " Juillet 1972 au 1 e ` avril 1973 en sorte que la prime est fixée à 210 francs x 9 = 157,50 francs
12
Elle se différencie de la période d'EFFET DE LA GARANTIE : le 21 Septembre 1972, texte ajouté en marge de l'imprimé de base.
Contemporaine de l'été 1972, avant ou peu après le le ` Juillet 1972, car assortie d'un calendrier des engagements prenant effet sur 9 mois à partir du ler Juillet 1972, cette assurance porte le même numéro d'enregistrement
(2137503 / 4) que celle (pièce 14) à partir de laquelle le contrat a été exécuté.
Mais ce dernier contrat ne peut pas être tenu pour une " proposition d'assurance " mention dactylographiée participant du corps même de l'imprimé car
-la période d'assurance est fixée du " 21. 9. 72 au I, r avril "
-la première prime s'établit toujours à 3 / 4 d'une prime entière, ce qui manifestement démontre la simple révision d'un accord antérieur,
-l'économie de la convention résultant de la pièce lb et de son intercalaire est seulement révisée, adaptée en fait, sur deux plans :
la période d'assurance démarre, comme la période de garantie, le 21 Septembre 1972.
la première prime s'élève à " 3 / 4 de francs 193,10 à 144,83 " (chiffres manuscrits et non plus dactylographiés).
Finalement, la prime ayant été versée (mention manuscrite en marge, en haut du document " B que Populaire-Bretagne Atlantique 210 francs le 22 / 9 ou 8 72) entre le 22 août ou le 22 septembre 1972, et la période de garantie étant ramenée à la période d'assurance envisagée en juillet précédent, il y a intrication des 2 données ce qui donne pour résultat que la prime est ramenée pour une période d'assurance de 9 mois sur 12 à 3 / 4 de sa totalité, revue à la baisse (193,10 au lieu de 210 francs, somme parallèlement versée, soit 193,10 x 3 / 4 = 144,83).
Le code correspondant à un " ciseau " porté en marge gauche signifiant que la pièce 14 devait être détachée d'un document à feuillet double valant " proposition d'assurance " et transmise, assortie du règlement de la prime, à l'organisme GNPI,4, rue Petrelle à Paris, confirme, dès lors qu'aucun document ayant valeur de contrat définitif sur imprimé de type lb (qui ne comporte pas cette codification " ciseau " et ligne en pointillé, en marge gauche) n'a, par la suite, été émis, que la Sté XAMAT a considéré que cette pièce 14 valait avenant aux conventions initiales constituées du double feuillet cartonné rappelant in extenso, pages 2 à 4, les conditions générales de la police dans lequel devait être désormais inclus l'intercalaire (pièce 14) se substituant à l'intercalaire actuellement inséré dans la piècel (b) communiquée.
Cela explique, au demeurant, le contenu de la lettre adressée par l'assureur à Me PRODHOMME, notaire, le 26 mars 1976.
L'extrême prudence de l'assureur dans l'exécution du contrat se lit dans la formule finale de cette lettre (Pièce : original de la lettre du 26 mars 1976) : " nous vous adressons sous ce pli un chèque bancaire de 270 048,00 F à votre ordre, vous demandant d'en faire la répartition entre les mains des bénéficiaires désignés par feu M. Georges X....... contre décharge complète et définitive et renonciation de leur part à toutes réclamations ou actions ultérieures à l'encontre de notre Compagnie ", dernier membre de phrase que le signataire de la lettre a cru devoir souligner de sa main en
adressant, en pièce jointe, la copie de la pièce 14, et une quittance rédigée dans les termes considérés (pièce 16) portant renonciation à toutes actions.
Il résulte donc de la chronologie des pièces analysées que sur la demande de M. Georges X... effectuée entre le mois de juillet 1972 et le mois d'août 1972 :
º La Sté CAMAT lui a transmis un exemplaire du type " proposition d'assurance " pour concrétiser son souhait de modifier de sa main la clause bénéficiaire dactylographiée qu'il avait antérieurement approuvée sinon frappée lui-même à la machine à écrire.
º Il a découpé cet imprimé selon la consigne codée en marge et transmis un chèque de banque de la BPBA, enregistré chez l'assureur le 22 Août ou le 22 Septembre 1972, d'un montant de 210 Francs, somme que, par erreur, il tenait pour due, à moins que, détentrice de ce chèque depuis juillet, chèque bloqué par la réflexion complémentaire de l'assuré notifiée immédiatement et concernant la rédaction de la clause bénéficiaire (pièce 1 b immédiatement remise à M. Georges X...) la Sté CAMAT ne l'ait mis à encaissement qu'après le 16 Septembre 1972.
º Enregistrant la réception de cet imprimé valant avenant aux seules dispositions du contrat initial relatives à la clause bénéficiaire, l'assureur a, par la suite, liquidé le montant de la prime due pour la première période d'assurance selon ce qu'il estimait être la règle, ce qui ne pouvait être qu'accepté par l'assuré dont la prime tombait de 210 F à 193,10 F du fait de l'aléa survenu.
Quoiqu'il en soit, tiendrait-on la pièce 14 comme le seul contrat se substituant à la pièce lb, il reste évident que la clause bénéficiaire insérée dans le contrat original l b a été révisée ultérieurement par l'assuré lui-même, de sa main, ce qu'établit la pièce 14.
L'appelante est d'autant plus mal venue de le mettre en doute, de surcroît dans le cadre d'un appel qui ne s'imposait pas, que, dans une lettre du 29 octobre 2002 (pièce 10) elle a expressément indiqué : " J'aimerai qu'on donne à mon avocate le bordereau que j'ai rempli et que j'ai rendu.
Oui, c'est moi qui l'ai faite cette assurance. Mme X... et ses enfants voulait dire les enfants de Mme X..., pas ceux de M.X... ".
Il ressort donc de cette lettre que l'appelante a été informée de la teneur de la clause bénéficiaire initiale et que, pour une raison quelconque qu'elle connaît seule, la première formulation de cette clause lui a paru insatisfaisante en sorte que M. Georges X... s'est vu amené à la réviser : dans la mesure où telle que formulée dans un deuxième temps cette
stipulation a été exécutée, sans aucune réserve de sa part pendant presque 20 ans, force est de tenir son argumentation pour, d'une part, dépourvue de fondement d'autre part animée de quelque malice puisqu'elle a tardivement versé aux débats une pièce qu'elle savait avoir existé.
Dans ce contexte, l'appel étant sans fondement, animé d'une intention dilatoire, il convient de faire droit à l'appel incident de l'intimé qui est légitime.
En effet, non seulement l'appel est dilatoire et sans cause réelle et sérieuse mais il remet en cause une décision qui, quant à la demande incidente de M. Yann X..., faisait preuve d'une large indulgence au regard de la clarté des éléments contractuels en discussion et, surtout, de la teneur des écrits échangés par les parties.
Ces écrits dont la Cour retiendra, à partir des termes de la pièce 10 (Lettre du 29 Octobre 2002) et de la pièce 12 (lettre du 20 Décembre 2002) le caractère particulièrement outrancier, vindicatif et blessant ont forcément engendré un dommage moral, lequel était d'ailleurs recherché ainsi que cela est franchement revendiqué dans les extraits de la lettre du 29 Octobre 2002.
Ce dommage a pour source les propos cités par l'intimé en page 9 de ses dernières conclusions, extraits des pièces susvisées, propos qui ne méritent pas plus ample diffusion par le biais du présent arrêt et, il convient, en conséquence, par application de l'article 1382 du Code Civil, de condamner l'appelante à payer à M.X... la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts compensatoires de son dommage moral et du dommage né du retard apporté à la poursuite de l'apurement des comptes.
Perdant sur son recours, Madame Andrée D... épouse L... est déboutée de sa propre demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamnée aux dépens d'appel ;
III-DECISION
La Cour,
-Réforme le jugement déféré en ce qu'il porte constat des droits de Monsieur Yann X... et le déboute de sa demande de dommagesintérêts.
-Dit et juge que le contrat d'assurance souscrit par Monsieur Georges X... résultant des pièces 1 (b) (contrat original) et 14 (photocopie d'avenant), prenant effet le 21 septembre 1972 jusqu'au ler avril 1973, porte pour clause bénéficiaire seule applicable celle instituée de la main de l'assuré
aux termes de l'avenant pièce 14 désignant " Madame Andrée X... et ses enfants. "
-Dit et juge en conséquence que Monsieur Yann X... est fondé à obtenir une fraction des loyers engendrés par la location de l'appartement situé rue de TALVAS à LORIENT.
-Condamne Madame Andrée D... épouse L... à payer à Monsieur Yann X... 3 000 euros de dommages-intérêts compensatoires du dommage moral né du caractère dilatoire du recours introduit et du caractère blessant des écrits privés échangés entre les parties.
-Confirme le jugement déféré en toutes autres dispositions.
-Déboute Madame Andrée D... épouse L... de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
-Condamne Madame Andrée D... épouse L... aux dépens d'appel ; autorise la S.C.P. CASTRES-COLLEU-PEROT à les recouvrer par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0032
Numéro d'arrêt : 510
Date de la décision : 06/12/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lorient, 18 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-12-06;510 ?
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