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01/06/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951037

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0015, 01 juin 2006, JURITEXT000006951037


ARRET No 281 DU 01/06/06 - 4ème CHAMBRE - RG 04/8485 MUTUELLE DES ARCHITECTES c/ SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT-CHAHAL

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 1998, la SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT a confié à M X..., architecte titulaire d'une police d'assurance souscrite auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), une mission complète de maîtrise d'.uvre pour l'extension de la surface de vente d'un magasin à Saint Grégoire, par jonction avec un autre bâtiment. Les travaux, d'une valeur totale de 117.956,89 Euros TTC, ont débuté en septembre 1998, le magasin rÃ

©ouvrant en mars 1999.

A la suite d'un contrôle effectué le 2 décembre...

ARRET No 281 DU 01/06/06 - 4ème CHAMBRE - RG 04/8485 MUTUELLE DES ARCHITECTES c/ SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT-CHAHAL

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 1998, la SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT a confié à M X..., architecte titulaire d'une police d'assurance souscrite auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), une mission complète de maîtrise d'.uvre pour l'extension de la surface de vente d'un magasin à Saint Grégoire, par jonction avec un autre bâtiment. Les travaux, d'une valeur totale de 117.956,89 Euros TTC, ont débuté en septembre 1998, le magasin réouvrant en mars 1999.

A la suite d'un contrôle effectué le 2 décembre 1999, la Commission de sécurité a relevé que les travaux entrepris ne correspondaient pas aux exigences , vu la nouvelle surface du magasin, de la réglementation sur les Etablissements recevant du public.

La SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT était ensuite mise en demeure de se mettre à ces normes sous menace de fermeture administrative. Les travaux supplémentaires se sont élevés à un total de 128.749,81 Euros TTC, et ont donné lieu à différents rapports du contrôleur technique APAVE., avant l'obtention d'un avis favorable de la Commission le 12 avril 2002.

Par actes de 4 et 5 novembre 2002, la société assignait M X... et son assureur la MAF devant le tribunal de grande instance de RENNES, pour solliciter, dans le dernier état de ses écritures, au visa de l'article 1792 du Code civil et subsidiairement de l'article 1147 du même Code, les sommes de 28.326,60 Euros HT représentant le surcoût des travaux initiaux réalisés inutilement, puisqu'il avait fallu les reprendre, 4.886,54 Euros HT représentant le coût des différentes interventions de l'APAVE et 15.000 Euros de dommages intérêts pour

pertes commerciales, soit au total 48.213,14 Euros.

M X... a conclu au débouté de ces demandes et sollicité reconventionnellement le remboursements de certains frais par lui exposés directement à l'occasion de la reprise des travaux.

La MAF a dénié sa garantie en faisant valoir que M X... ne lui avait pas déclaré le chantier, sur lequel il n'avait payé donc payé aucune prime de sorte qu'il y avait lieu à application de la réduction proportionnelle prévue par l'article L 113-9 du Code des assurance aboutissant en l'espèce, en l'absence de toute prime, à une absence totale de garantie.

Par jugement du 16 novembre 2004, le tribunal a : - condamné in solidum M X... et la MAF à payer à la société EMERAUDE AMEUBLEMENT la somme de 29.018,61 Euros, - condamné M X... à payer à la société EMERAUDE AMEUBLEMENT la somme 1.972,82 Euros, - condamné in solidum M X... et son assureur à payer à la société EMERAUDE AMEUBLEMENT la somme 1.500 Euros au titre des frais non répétibles, - débouté la société EMERAUDE AMEUBLEMENT de sa demande d'exécution provisoire, - condamné in solidum M X... et son assureur aux dépens, - dit que la charge définitive de la somme allouée au titre des frais irrépétibles et des dépens se répartira par moitié entre les défendeurs.

La MAF a interjeté appel de cette décision, la société EMERAUDE AMEUBLEMENT formant appel incident.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que celui des prétentions et moyens développés par les parties devant la Cour, il sera fait référence à la décision dont appel et aux dernières conclusions déposées le 21 avril 2005 par la MAF et le 2 septembre 2005 par la SARL EMERAUDE AMEUBLEMENT. M X... n'a pas comparu. L'ordonnance de clôture de la mise en état est intervenue le

7 mars 2006.

MOTIFS

Sur l'appel principal de la MAF

La MAF, enrichissant d'ailleurs son raisonnement par rapport à la première instance, estime ne pas devoir couvrir le sinistre en cause. Elle rappelle à cette fin : - que l'article 8 alinéa 3 des conditions générales de sa police fait obligation fait à l'assuré de déclarer au plus tard le 31 mars de chaque année l'intégralité de son activité professionnelle de l'année précédente, avec une ventilation chantier par chantier, permettant d'établir la prime due pour chacun de ces chantiers en fonction du montant des travaux, de l'importance de la mission et de l'intervention éventuelle d'un co-traitant. - qu'en l'espèce M X... n'a pas souscrit cette déclaration au titre de 1998 ,de sorte qu'après mise en demeure de ce faire par courrier recommandé du 3 juin 1999, elle a suspendu les effets de la police à compter du 15 juillet 1999 et résilié celle ci à effet du 26 juillet 1999. - que M X... n' a donc payé aucune prime pour le chantier en cause., qui est resté totalement inconnu d'elle.

Elle fait valoir en premier lieu qu'il est un principe d'évidence en droit des assurances qui veut qu'un risque garanti par l'assureur est nécessairement un risque préalablement déclaré à cet assureur ; que chaque chantier devant, comme dit ci dessus, faire l'objet d'une déclaration chiffrée, un chantier non déclaré ne saurait en aucun cas être assuré, n'ayant donné lieu à aucune connaissance de la part de l'assureur, ni à aucune perception de prime ; qu'en l'occurrence, non seulement M X... n'a pas souscrit de déclaration d'activité pour l'année 1998, mais encore, lors de pourparlers ultérieurs, il n'a toujours pas déclaré le chantier en litige sur des déclarations souscrites pour 1998, 1999 et 2000.

Subsidiairement, et reprenant son argumentation initialement développée devant le tribunal, elle fait valoir que, le chantier n'ayant pas été déclaré, et n'ayant pas pu faire l'objet de la perception d'une prime, elle est en droit de revendiquer les dispositions de l'article L 113-9 du Code des assurances permettant à l'assureur, en cas d'omission de déclaration de risque, de diminuer l'indemnité éventuellement due au prorata de la prime payée par rapport à ce qu'elle aurait dû être en cas de parfaite déclaration ; ceci revenant en l'espèce, où aucune prime n'a pu être levée, à réduire l'indemnité à zéro.

En face, la société EMERAUDE AMEUBLEMENT répond que la MAF s'engageait par la police consentie à M X... à prendre en charge les conséquences de la responsabilité civile professionnelle de celui ci ; que l'article 8 de cette police, exigeant une déclaration annuelle a posteriori des chantiers de l'année précédente, et ne visant qu'à établir le montant des primes dues, ne permettait que de mettre en oeuvre la procédure de suspension et de résiliation de la police en cas de manquement de l'assuré à cette obligation, sans remettre en cause la garantie acquise pour son activité antérieure à ces deux mesures ; qu'en ce sens l'absence de déclaration d'activité ne saurait être assimilée à celle d'une omission frauduleuse de déclaration d'un chantier en particulier ; que suivre la MAF dans son raisonnement reviendrait à faire rétroagir, dans tous les cas de calcul postérieur des primes, la résiliation de la police pourtant bien organisée par l'article L 113-3 du Code des assurances, repris d'ailleurs par la police en cause ; qu'ainsi la suspension suivie de résiliation du contrat ne saurait avoir d'effet que pour la date à laquelle elle a été prononcée par la MAF, soit le 15 juillet 1999, soit encore postérieurement au chantier ; que d'ailleurs la MAF n'était pas dupe de son propre raisonnement, ayant missionné un

cabinet d'expert dans le sinistre présent avant de faire valoir son refus de garantie.

Sur l'application éventuelle de l'article L 113-9 du Code des assurances, elle reprend l'argumentation du tribunal consistant à relever que cet article ne trouve à s"appliquer qu'en cas de découverte de la non déclaration du risque postérieurement au sinistre alors que la MAF avait nécessairement connaissance de la non déclaration de l'activité de M X... antérieurement à celui ci, intervenu à fin 1999, pour l'avoir auparavant mis en demeure de déclarer ses activités.

Le tribunal a ajouté que la MAF avait, en tout état de cause, levé une prime provisionnelle pour 1998, ce qui n'est pas contesté, et qu'elle ne justifiait donc pas d'une absence de prime totale sur l'activité de son assuré en 1998.

Sur ce

Au travers de sa police, la Mutuelle MAF garantissait la responsabilité professionnelle de son assuré M X... pendant toute la durée du contrat.

Il est prévu à l'article 8 de la police que les primes sont payées chaque année, au moyen d'une avance payable au début de l'exercice suivant, calculée en début d'exercice sur les cotisations de l'exercice précédent, avec une régularisation au vu d'une déclaration d'activité chiffrée détaillée chantier par chantier.

En cas d'absence de déclaration, la police ne prévoit que la suspension et la résiliation des garanties. Il ne ressort d'aucune de ses dispositions que la déclaration d'un chantier soit une des conditions d'application de la garantie, avant la suspension et la résiliation prévues en cas de non déclaration.

Cette suspension et cette résiliation ne peuvent intervenir,

conformément à l'article L 113-3 du Code des assurances, qu'après un délai de prévenance, en l'espèce fixé à 40 et 50 jours de la mise en demeure.

La MAF, qui a volontairement mis en place un calcul différé des primes basé sur la déclaration a posteriori de la valeur des chantiers menés par son assuré, ne peut aller contre les stipulations mêmes de sa police assurant la responsabilité de celui ci jusqu'à la suspension de celle ci.

Elle ne peut donc se faire une occasion de refus de garantie d'une absence de déclaration d'activité qui n'était prévue n'intervenir que pour le calcul des primes, et non l'octroi de sa garantie.

Elle doit donc cette garantie pour le sinistre en cause, consécutif à un chantier mené pendant le cours de la police.

La MAF fait encore valoir, comme dit plus haut, les dispositions de l'article L 113-9 du Code des assurances sur les conditions de la réduction proportionnelle de l'indemnité en cas de déclaration insuffisante du risque. Elle plaide ainsi qu'un risque non déclaré, et donc non payé par une prime calculée adéquatement, ne saurait être pris en charge.

Il vient pourtant d'être dit que la police couvrait, en ses termes mêmes, la responsabilité de l'assuré jusqu'à sa suspension ou sa résiliation. Or, la suspension et la résiliation de la police sont intervenues après ce sinistre.

Les articles L 113-8 et L 113-9 du Code des assurances régentent les déclarations de l'assuré. Doivent y être ajoutés les stipulations propres du contrat.

En l'espèce, il n'est pas évoqué de déclaration frauduleuse de l'assuré, de sorte que seules les dispositions de l'article L 113-9 du Code cité sont à prendre en compte.

Cet article prévoit que l'assureur, - lorsqu'il a connaissance d'une

déclaration insuffisante de son assuré avant sinistre, a le choix entre maintenir le contrat avec augmentation de prime, ou le résilier. -

lorsqu'il a connaissance de cette déclaration insuffisante après sinistre, peut réduire l'indemnité due en fonction de la prime qui aurait dû être payée.

En l'espèce, le sinistre a été déclaré alors que l'absence de déclaration d'activité de l'architecte était parfaitement connue de l'assureur.

Il en résulte que cet assureur n'avait que le choix entre maintenir le contrat moyennant surprime, ou le résilier. Il a choisi de le résilier, ce qui était légitime.

Mais il ne peut plus se prévaloir d'une non déclaration de risque, qu'il connaissait avant le sinistre en l'absence de déclaration de ses chantiers par son assuré M X..., pour faire valoir, en outre, une réduction d'indemnité.

Il a donc justement été tenu avec son assuré M X... des indemnités dues au maître d'ouvrage, le jugement devant être confirmé de ce chef.

Sur l'appel incident de la société EMERAUDE AMEUBLEMENT

Ni M X..., qui n'a pas comparu, ni la MAF ne contestent le jugement dans le montant des condamnations.

La société EMERAUDE AMEUBLEMENT a seule formé appel incident sur ce point. Elle ne fait néanmoins que reprendre mot pour mot (par "copier coller"), son argumentation de première instance, soit 1/ 28.326,60 Euros au titre des travaux, 2/ 4.886,54 Euros au titre des honoraires du contrôleur APAVE, 3/ 15.000 Euros pour son préjudice commercial, Au total 48.213,14 Euros. Elle n'apporte aucun élément nouveau par rapport à la première instance. Sur les travaux Ceux ci ont été

finement analysés par les premiers juges, dont les conclusions, non véritablement contestées, seront avalisées. Sur les frais de l'APAVE Ces frais ont été justement pris en compte par le tribunal. Dommages intérêts

La société EMERAUDE AMEUBLEMENT ne présente en appel aucune autre preuve d'un préjudice supérieur à celui retenu en première instance pour 5.000 Euros, dont l'appréciation était exacte et sera donc confirmée.

La Cour fera donc siens les motifs le motifs de fait et de droit du jugement aboutissant à arrêter l'indemnité devant revenir à la société, le jugement devant être confirmé sur ce point. Sur les autres points Les parties ne contestent pas les autres dispositions du jugement. Celui ci sera donc confirmé.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

M X... n'a pas fait appel. Il ne saurait donc être tenu ici.

Il sera alloué à la société EMERAUDE AMEUBLEMENT la somme de 1.200 Euros, pour ses frais en cause d'appel, à charge de la MAF.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Reçoit les appels, principal et incident,

Confirme le jugement rendu le 16 novembre 2004 par le tribunal de grande instance de RENNES;

Y ajoutant;

Condamne la MUTUELLE des ARCHITECTES de France (MAF) à payer à la société EMERAUDE AMEUBLEMENT la somme de 1.200 Euros, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour ses frais en cause d'appel,

Rejette la demande formée sur le même fondement contre M X...,

Condamne la MAF aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même Code.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0015
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951037
Date de la décision : 01/06/2006

Analyses

SOMMAIRE 1L'assureur qui s'est engagé à garantir la responsabilité professionnelle de son assuré pendant toute la durée du contrat, doit garantie pour le sinistre consécutif à un chantier mené pendant le cours de la police, car ayant mis volontairement en place un calcul différé des primes basé sur la déclaration a posteriori de la valeur des chantiers menés par son assuré, il ne peut dès lors aller à l'encontre des stipulations mêmes de sa police assurant la responsabilité de celui-ci jusqu'à la suspension de celle-ci, et ne peut alors se faire une occasion de refus de garantie d'une absence de déclaration d'activité qui n'était prévue n'intervenir que pour le calcul des primes, et non l'octroi de la garantie. SOMMAIRE 2 L'article L 113-9 du code des assurances prévoyant en substance que l'assureur, lorsqu'il a connaissance d'une déclaration insuffisante de son assuré avant sinistre, a le choix entre maintenir le contrat avec augmentation de prime, ou le résilier, et que lorsqu'il a connaissance de cette déclaration insuffisante après sinistre, il peut réduire l'indemnité due en fonction de la prime qui aurait dû être payé, il ressort dès lors que le sinistre qui a été déclaré alors que l'absence de déclaration d'activité de l'assuré était parfaitement connue de l'assureur, a pour résultat que ce dernier n'avait le choix qu'entre maintenir le contrat moyennant surprime, ou le résilier, et il ne peut par conséquent se prévaloir d'une non-déclaration de risque, qu'il connaissait avant le sinistre en l'absence de déclaration de ses chantiers par son assuré, pour faire valoir en outre, une réduction d'indemnité.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-06-01;juritext000006951037 ?
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