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18/05/2006 | FRANCE | N°265

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0015, 18 mai 2006, 265


ARRÊT No 265 DU 18/05/06 - 4ème CHAMBRE - RG 05/2604 LE X... c/ Y...

EXPOSE DES FAITS ET Z... LA PROCEDURE

Le 27 mars 2004, M et Mme A..., envisageant un déménagement dans le centre de la France pour raisons professionnelles, se sont rapprochés de M Z... B..., gérant de l'agence immobilière Z... B..., pour faire expertiser leur maison d'habitation sise au lieudit Kerizel à AMBON. Une valeur de 270.000 Euros net vendeur a été agréée.

Le 19 avril 2004, M Y... et Mlle C..., qui étaient à la recherche d'un immeuble pour y installer des chambres de gites ruraux

, ont visité les lieux avec l'agence, et ont délivré à celle ci une proposition...

ARRÊT No 265 DU 18/05/06 - 4ème CHAMBRE - RG 05/2604 LE X... c/ Y...

EXPOSE DES FAITS ET Z... LA PROCEDURE

Le 27 mars 2004, M et Mme A..., envisageant un déménagement dans le centre de la France pour raisons professionnelles, se sont rapprochés de M Z... B..., gérant de l'agence immobilière Z... B..., pour faire expertiser leur maison d'habitation sise au lieudit Kerizel à AMBON. Une valeur de 270.000 Euros net vendeur a été agréée.

Le 19 avril 2004, M Y... et Mlle C..., qui étaient à la recherche d'un immeuble pour y installer des chambres de gites ruraux, ont visité les lieux avec l'agence, et ont délivré à celle ci une proposition d'achat pour ce prix. Ayant en poche cette proposition, M Z... B... la retransmettait aux époux LE X... accompagnée d'un projet de mandat de vente sans exclusivité, au prix concerné.

Le 24 avril, M et Mme LE X... retournaient le mandat signé, l'accompagnant d'un courrier confirmant leur accord sur le prix, précisant leurs exigences sur certaines conditions annexes, et indiquant qu'ils bloquaient la vente au profit des acquéreurs déclarés pendant quinze jours dans l'attente de la signature d'un compromis.

Le 27 avril, le cabinet Z... B... faisait signer à M Y... et Mlle C... un compromis de vente au prix arrêté, avec une condition suspensive de l'obtention d'un prêt bancaire pour une partie de ce prix. Ce prêt leur a été par la suite octroyé sans difficulté.

Le 30 avril, M et Mme LE X... faisaient connaître qu'après réflexion, ils retiraient leur offre de vente, ainsi que le mandat, considéré comme donné dans une précipitation contraire aux exigences du Code de la consommation.

Le 6 mai 2004, le conseil des acquéreurs Y... et C... les a mis

en demeure de régulariser la vente, faisant valoir qu'il y avait eu accord sur la chose et le prix.

Devant le refus réitéré des époux LE X..., il les assignaient par acte du 13 juillet 2004, régulièrement publié à la Conservation des Hypothèques, devant le tribunal de grande instance de VANNES aux fins de les voir condamner à réitérer sous astreinte la vente par acte authentique, ou à défaut voir dire que le jugement vaudra vente.

M et Mme LE X... ont plaidé la nullité du mandat donné au Cabinet Z... B... et l'absence d'accord de leur part sur la vente.

Par jugement du 15 février 2005, le tribunal a rendu le dispositif suivant : Écarte, comme inopérante, la demande de nullité du mandat présentée par M. Hervé A... et Mme Bénédicte LE X..., Dit que la vente relative à l'ensemble immobilier sis au lieu-dit Kérizel à AMBON (56190), d'une superficie totale de Iha 57a 33ca, composé des parcelles cadastrées section F n 8 / 9 / 10 / 11 / 12 / 13 / 14 / 17 / 386 / 390 / 391, au prix de 270 000 euros comprenant : * une maison de pierres couverte pour partie en ardoises et pour partie en tôles comprenant : - au rez de chaussée : entrée, salon-séjour-cuisine, WC, salle de bains, deux chambres ; - à l'étage : mezzanine et deux chambres dont une avec salle d'eau ; * deux grandes dépendances attenantes au bâtiment principal, un four à pain, deux hangars dont un en terre, un puits ; * le terrain y attenant ; étant précisé que les arbres se trouvant sur la propriété vendue font partie intégrante de la vente et que, de ce fait, le fossé existant sur toute la longueur de la parcelle cadastrée section.F n 17 appartiendra à l'acquéreur ; est parfaite entre, d'une part, en qualité de vendeurs, Hervé LE X..., né le 1er août 1956 à VANNES (56), et Bénédicte Michèle Marie LE DIGABEL épouse LE X..., née le 4 mars 1959 à VANNES (56), et, d'autre part, en qualité d'acquéreurs, Thierry Jean-Claude Marie Y..., né le 17 mai 1962 à VANNES (56), et Armelle C...,

née le 22 mars 1962 à QUIMPERLE (29), Ordonne en conséquence, avec exécution provisoire, la régularisation de cette vente par acte authentique qui devra être reçu par Me Z... CHATELPERRON, notaire associé à MUZILLAC ; Dit, avec exécution provisoire, qu'à défaut de cette régularisation dans le délai d'un mois à ce jour, le présent jugement vaudra acte de vente et pourra être publié comme tel à la conservation des hypothèques ; Condamne Hervé et Bénédicte LE X... à payer à Thierry Y... et Armelle C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus des demandes. Condamne Hervé et Bénédicte LE X... aux entiers dépens, et autorise Me GRALL à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Par lettre du 5 mars 2005, le notaire des époux X... faisait connaître qu'il était prêt à régularise l'acte de vente, en application du jugement.

Le 6 avril 2005, M et Mme LE X... formaient appel de la décision.

Le 16 mai 2005, un acte de vente était signé entre les parties pardevant Me BENEDIC, notaire des vendeurs et Me CHATELPERRON, notaire des acquéreurs, désormais mariés entre eux, et le prix intégralement payé.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que celui des prétentions et moyens développés par les parties devant la Cour, il sera fait référence à la décision dont appel et aux dernières conclusions déposées le 28 février 2006 par M et Mme Y... et le 8 mars 2006 par M et Mme LE X.... L'ordonnance de clôture de la mise en état est intervenue le 9 mars 2006, et l'affaire a été plaidée le 16 mars 2006.

Par courrier du 21 mars 2006, les époux LE X... ont fait parvenir à la Cour une nouvelle pièce. Les époux Y... se sont opposés à la prise en compte d'une telle communication non autorisée en cours de

délibéré. Cette opposition sera retenue, une telle communication tardive manquant au principe du contradictoire imposé par l'article 16 du NCPC.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

M et Mme Y..., intimés, font valoir qu'en signant le 16 mai 2005 l'acte de vente devant Mes de CHATELPERRON et BENEDIC, les époux LE X... ont acquiescé au jugement, de sorte que leur appel est désormais irrecevable. Ils précisent à ce sujet que M et Mme LE X... ont, de leur propre chef, désigné Me BENEDIC comme leur notaire pour préparer cet acte, alors qu'ils n'y étaient nullement obligés par le dispositif du jugement ne prévoyant aucune astreinte en cas de non réitération par acte authentique, la seule sanction possible étant la publication du jugement au fichier immobilier ; qu'en outre, Me BENEDIC a bien précisé que ses clients entendaient s'incliner devant le jugement rendu.

Les époux LE X... contestent tout acquiescement de leur part, avançant qu'ils n'ont fait qu'appliquer, avec toutes protestations, les seules dispositions du jugement assorties de l'exécution provisoire.

Z... fait, la seule exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire, et qui s'impose donc à l'appelant, ne peut valoir, en l'absence de toute autre circonstance particulière, acquiescement à la décision dont appel.

En l'espèce, après signification du jugement, les époux LE X... ont désigné Me BENEDIC, qui n'apparaissait pas jusqu'alors dans le compromis proposé, comme leur notaire pour participer en leur bénéfice à l'élaboration de l'acte de vente définitif, en collaboration avec Me de CHATELPERRON, notaire des acquéreurs d'ores et déjà cité dans le projet de compromis.

Me BENEDIC a, alors, déclaré dans une lettre du 5 mars 2005, que ses clients s'inclinaient devant la décision rendue.

Appel a été déclaré par les époux LE X... le 6 avril 2005.

L'acte notarié a été dressé le 16 mai suivant après épuisement des différents droits de préemption applicables. Il rappelait la procédure en cause et cet appel, notant que : "cependant les époux Y... ayant demandé l'exécution provisoire, il est passé à la vente objet des présentes."

Le jugement faisait aux époux LE X... pour première obligation de signer un acte authentique sous un délai d'un mois, à défaut de quoi les acquéreurs pourraient publier la décision, qui vaudrait vente. En choisissant de signer un acte notarié, Les époux LE X... n'ont fait qu'obéir à l'ordre qui leur avait été donné par les premiers juges. Ils avaient en outre un droit légitime à choisir de passer une acte notarié, qui leur permettait de préciser les droits et obligations des parties, plutôt que de laisser le champ à une simple publication sèche du jugement sans précision. Leur choix de désigner un notaire, de signer, et de payer le prix convenu s'inscrit donc dans la seule exécution provisoire du jugement dont appel. La clause spécifique insérée dans l'acte et citée ci dessus confirme ce point.

L'indication du notaire BENEDIC selon laquelle ses clients entendaient se plier au jugement est à la fois inopérante comme ambiguù, se plier au jugement ne signifiant pas forcément accepter celui ci, mais seulement l'appliquer, et inopérante, en l'absence en l'absence de tout mandat exprès des époux LE X... de transiger et de toute signature de ces époux.

Enfin, il sera relevé que M et Mme LE X... n'ont jamais proposé d'exécuter les parties du jugement non assorties de l'exécution provisoire.

Il ressort de ces divers éléments qu'il ne peut être relevé contre M

et Mme LE X... aucun acte d'acquiescement de nature à rendre irrecevable leur d'appel.

Sur l'engagement des époux LE X... dans la vente

L'article 1583 du Code civil prévoit que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas été livrée ni le prix payé.

L'article 1589 du même Code précise que la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix.

Ces deux articles, représentatifs de ce que l'on appelle le consensualisme juridique, signifient que le seul accord des volontés suffit à former le contrat, en dehors de toute expression écrite.

En l'espèce, les époux LE X... avaient décidé de vendre leur propriété au prix de 270.000 Euros net vendeur. Ils l'avaient d'ailleurs placés aux mêmes conditions dans une seconde agence.

Ils ont eu connaissance de l'offre de M Y... acceptant intégralement leurs conditions.

Par lettre du 24 avril 2004, ils ont expressément agréé cette offre, ne réservant que la signature d'un compromis par écrit., et fixant d'ailleurs une date pour cette signature, soit le 6 mai à 14 h.

Ce compromis a été signé par les époux Y... le 27 avril suivant, et leur a été adressé. Il constituait, non pas une simple promesse d'achat, mais l'écrit exigé dans leur lettre par les vendeurs, dont toutes les conditions étaient acceptées par les acquéreurs. Il était en outre établi dans le délai fixé par les vendeurs.

Il y a donc eu pleine rencontre des volontés sur la chose et le prix, impliquant formation de la vente entre les deux parties.

Les articles précités du Code civil n'exigent en effet, comme dit plus haut, qu'un accord sur la chose et le prix, exigences réalisées

ici par l'adhésion totale des époux Y... aux conditions des vendeurs.

M et Mme LE X... ne peuvent sérieusement prétendre que tout vendeur est libre de choisir son acquéreur, la personnalité de celui ci important peu dès lors que le contrat de vente ne présente aucun caractère intuitu personnae, la transaction se réduisant à un simple transfert de valeurs monétaires.

Il importe peu, par ailleurs, que les acquéreurs aient assorti leur offre de la condition de l'obtention d'un prêt bancaire, cette clause, parfaitement usuelle en matière de vente immobilière, n'étant qu'un accessoire insusceptible d'influer sur l'accord principal donné sur le prix et la chose, seuls exigés par le Code civil. Il importe encore peu que M LE X... ait orthographié le nom Y... comme JERGOLAND, alors que ce fait même démontre par lui même qu'il avait parfaite connaissance de l'offre déterminée de M Y... Z... même, l'adjonction de Mlle C..., future épouse D..., aux côtés de son compagnon, n'est qu'un détail, d'ailleurs favorable aux vendeurs dans la mesure où elle leur amenait un débiteur supplémentaire.

La Cour ne peut donc que constater que la vente était parfaite entre les époux LE X... et les époux Y..., par le seul effet de la rencontre de leurs volontés sur la chose et le prix dans le cadre des articles précités du Code civil.

Il est dès lors inutile d'examiner plus avant les moyens tirés par les époux LE X... de la nullité ou de la portée limitée du mandat par eux confié à l'agence Z... B..., leur engagement ne provenant nullement de ce mandat, mais de leur accord donné par leur lettre du 24 avril 2004 acceptant l'offre des époux Y... E..., comme les premiers juges l'ont relevé, l'agence n'a pas été appelée à la cause.

Les autres digressions des époux LE X... sur la valeur réelle de leur

immeuble importent peu ici, leur appartenant d'engager toutes actions utiles contre l'agence qu'ils accusent de les avoir induits en erreur.

Sur la demande en dommages intérêts formée par les époux LE X...

La demande en dommages intérêts des époux LE X..., qui voient leurs prétentions non admises, sera évidemment rejetée.

Il sera cependant observé qu'ils ne manquent pas d'une certaine audace en avançant que l'action de M et Mme Y... aurait rendu leur immeuble invendable , alors qu'ils ont refusé de le leur vendre aux prix et conditions qu'ils avaient eux mêmes proposés.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Il sera alloué à M et Mme Y... la somme de 1.500 Euros, pour leurs frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ecarte des débats la pièce communiquée sans autorisation par M et Mme LE X... le 21 mars 2006, après la clôture des débats,

Déclare recevable l'appel formé par M et Mme LE X...,

Confirme le jugement rendu le 5 février 2005 par le tribunal de grande instance de VANNES;

Y ajoutant;

Condamne M et Mme LE X... à payer à M et Mme Y... FRANCE F... la somme de 1.500 Euros, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour leurs frais en cause d'appel,

Condamne M et Mme LE X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même Code.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0015
Numéro d'arrêt : 265
Date de la décision : 18/05/2006

Analyses

La seule exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire, s'imposant en ce sens à l'appelant, ne peut valoir, en l'absence de toute autre circonstance particulière, acquiescement à la décision dont appel. La signature d'un acte de vente litigieux par les vendeurs, en exécution d'un jugement, même si celui-ci prévoyait qu'en cas de non régularisation il valait vente, ne vaut dès lors pas renoncement par acquiescement à la voie d'appel.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. MOIGNARD, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-05-18;265 ?
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