Quatrième Chambre ORDONNANCE
No R. G : 04/ 07929
M. Luc Didier-Albert Y... Mme Françoise Z... épouse Y... C/ Mme Denise B... M. Khelifa D...
Ordonnance d'incident
Copie exécutoire délivrée le : à :
ORDONNANCE MISE EN ETAT DU 17 MAI 2006
Le dix sept Mai deux mille six, date indiquée à l'issue des débats,
Nous, Véronique JEANNESSON, Magistrat de la mise en état de la Quatrième Chambre, assistée de Samantha DARMON, faisant fonction de Greffier,
Statuant dans la procédure opposant : Monsieur Luc Didier-Albert Y... ... 29660 CARANTEC représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et amp ; LE COULS-BOUVET, avoués assisté de la SCP CHAPEL-CAROFF-CADRAN, avocats Madame Françoise Z... épouse Y... ... 29660 CARANTEC représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et amp ; LE COULS-BOUVET, avoués assistée de la SCP CHAPEL-CAROFF-CADRAN, avocats DEMANDEURS A L'INCIDENT ET : Madame Denise B... ... 29250 ST POL DE LEON représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et amp ; LE CALLONNEC, avoués assistée de la SCP GOURIOU-MARTIN, avocats Monsieur Khelifa D... 95800 COURDIMANCHE représenté par la SCP BAZILLE J. J., GENICON P., GENICON S., avoués
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/ 9861 du 13/ 09/ 2005
DÉFENDEURS A L'INCIDENT
Avons rendu l'ordonnance suivante :
I-Exposé du litige :
Madame B... est propriétaire d'un immeuble situé ... à Pont à Saint Pol de Léon depuis janvier 1998, lequel jouxte un immeuble sis au no 9, dont le propriétaire était jusqu'au 29 décembre 2004 Monsieur D...
En raison de la vétusté de cet immeuble, Madame B... a fait assigner Monsieur D... devant le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Morlaix aux fins de désignation d'un expert.
Par ordonnance de référé en date du 27 janvier 2004, Monsieur E... a été désigné. Il a déposé son rapport le 1 er juillet 2004.
Par ordonnance de référé en date du 19 octobre 2004, le président du Tribunal de grande instance de Morlaix a notamment condamné Monsieur D... à réaliser l'ensemble des travaux préconisés par Monsieur l'expert judiciaire à savoir :
- terminer la couverture de la façade avant,- refaire la totalité de la charpente est de la couverture de la façade arrière,
- vider la maison de tous les bois contaminés,
- faire réaliser un traitement fongicide des maçonneries,
a enjoint Monsieur D... d'avoir à procéder à ces travaux dans le délai maximal d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à défaut de quoi, passé ce délai, il sera fait redevable d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard, ladite astreinte étant exécutoire pendant un mois, dit et jugé que la présente juridiction se réservera le cas échéant de liquider l'astreinte à titre provisionnel, et condamné Monsieur D... à payer à Madame B... des frais irrépétibles.
Monsieur D... a interjeté appel de cette décision le 3 novembre 2004.
Par acte authentique en date du 29 décembre 2004, Monsieur D... cédait sa maison aux époux Y...
Par acte du 11 janvier 2006, Madame B... a assigné en intervention forcée Monsieur et Madame Y...
Par conclusions d'incident signifiées et déposées 14 avril 2006, Monsieur et Madame Y... sollicitent de constater la nullité de l'assignation en intervention forcée que leur a délivrée Madame B... devant la Cour, de déclarer à tout le moins irrecevable cette assignation, de constater l'incompétence de la Cour pour liquider l'astreinte prononcée par le Juge des référés au profit de Madame B... et de condamner cette dernière à leur payer des frais irrépétibles.
Par conclusions d'incident signifiées et déposées le 24 mars 2006, Madame B... conclut à titre principal de constater que les moyens soulevés ne constituent ni des exceptions de procédure ni des incidents mettant fin à l'instance au sens des dispositions de l'article 771 du nouveau Code de procédure civile, de constater en conséquence l'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur les prétentions de Monsieur et Madame Y..., subsidiairement de déclarer recevable l'assignation délivrée en cause d'appel par Madame B... à l'encontre des époux Y... en raison de l'évolution du litige tenant à leur nouvelle qualité de propriétaires de l'immeuble litigieux et au titre de leurs obligations sur le fondement de la responsabilité de droit commun, de constater la compétence de la Cour pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte, et de condamner les époux Y... à lui payer la somme de 5. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Selon conclusions d'incident signifiées et déposées le 18 avril 2006, Monsieur D... s'en rapporte à justice.
II- Motifs :
Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande de nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée aux époux Y... :
Aux termes de l'article 771 du nouveau Code de procédure civile tel que modifié par l'article 25 du décret du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.
Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Est ainsi une exception de procédure le moyen tiré de la nullité de l'assignation pour non-respect des formes prévues à l'article 56 du nouveau Code de procédure civile.
Les époux Y... invoquent l'absence dans l'assignation d'éléments de droit et de fondement juridique ne leur permettant pas d'établir leur défense et leur créant un préjudice soulignant que l'évolution du litige, procédurale, n'est en rien une base juridique de la demande d'exécution de travaux. A tout le moins, ils demandent de déclarer irrecevable l'assignation, les dispositions de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile n'étant pas satisfaites dans la mesure où aucune évolution du litige ne justifie leur mise en cause devant la Cour.
Madame B... réplique que l'assignation en intervention forcée est justifiée par l'évolution du litige au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile que constitue la vente aux époux Y... de l'immeuble litigieux, et que la notion d'évolution du litige ne ressort en aucun cas d'une exception de procédure ni d'un incident mettant fin à l'instance puisqu'elle touche au fond du droit. Elle relève ainsi de la compétence du juge du fond. Subsidiairement, elle demande de déclarer recevable l'assignation.
S'il n'appartient pas au Conseiller de la mise en état de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'intervention forcée tirée de l'absence d'évolution du litige, fin de non-recevoir qui relève des juges du fond, il est de sa compétence de rechercher si les formes de l'assignation en intervention forcée ont été respectées et en particulier si l'assignation contient l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit conformément à l'article 56 2o du nouveau Code de procédure civile.
Sur la demande de nullité de l'assignation :
En l'espèce, les faits et la procédure concernant le litige ainsi que le dispositif de l'ordonnance de référé dont appel sont indiqués dans l'assignation du 11 janvier 2006 et notamment l'état de vétusté avancé de l'immeuble, la procédure de péril engagée par la commune de Saint-Pol de Léon et les infiltrations d'eau dans le mur mitoyen dues au mauvais entretien de l'immeuble. Il est également précisé que du fait de la vente de l'immeuble intervenue au bénéfice des époux Y..., Madame B..., qui ignore les clauses de l'acte de vente, est fondée à attraire le propriétaire de l'immeuble jouxtant sa propriété à la procédure laquelle a pour but de contraindre ledit propriétaire à faire réaliser les travaux ordonnés par le Juge des référés et de permettre à Madame B... " d'opposer aux nouveaux acquéreurs de l'immeuble leurs obligations à faire réaliser les travaux litigieux, réalisation qui sera sollicitée en commun avec Monsieur D... en raison de l'ignorance des clauses contractuelles de l'acte de vente qui ont pu faire référence à la procédure ". Copie de l'ordonnance de référé dont appel a été remise aux époux Y... par l'huissier de justice qui a délivré l'assignation, laquelle décision rappelle les risques que fait courir l'immeuble litigieux au voisinage et les travaux conservatoires préconisés par l'expert judiciaire. Dans ces conditions, le moyen de droit, s'il n'est pas explicité par référence aux articles du Code Civil, est suffisamment clair pour que les époux Y... comprennent qu'ils avaient, en qualité de propriétaires de l'immeuble, des obligations envers leur voisinage, engageant leur responsabilité de droit commun. Enfin l'objet de la demande soit la condamnation solidaire des époux Y... et de Monsieur D... à réaliser les travaux ordonnés par la décision du 19 octobre 2004 dont il est demandé confirmation est clairement exposé dans le dispositif de l'assignation laquelle satisfait ainsi aux exigences de l'article 56 du nouveau Code de procédure civile.
La demande de nullité de l'assignation sera rejetée.
Sur l'incompétence de la Cour pour liquider l'astreinte :
Les époux Y... sollicitent de constater l'incompétence de la Cour pour liquider l'astreinte. Madame B... demande de constater l'incompétence du conseiller de la mise en état pour se prononcer sur la liquidation de l'astreinte mais subsidiairement expose que si le conseiller de la mise en état s'estime compétent pour statuer sur le moyen d'incompétence soulevé par les époux Y..., il conviendra de constater la compétence de la Cour sur la demande de liquidation de l'astreinte.
Il n'est certes pas de la compétence du conseiller de la mise en état de liquider l'astreinte ordonnée par le Juge des référés.
L'exception d'incompétence constitue une exception de procédure qui relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état, conformément aux dispositions de l'article 771 du nouveau Code de procédure civile.
Il ressort des dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.
En l'espèce, le Juge des référés s'est expressément réservé la liquidation de l'astreinte dans le dispositif de son ordonnance. Par ailleurs, malgré l'effet dévolutif de l'appel, la Cour qui n'a pas ordonné l'astreinte ne " reste " pas saisie d'une décision qu'elle n'a pas rendue. Il convient de constater l'incompétence de la Cour pour liquider l'astreinte.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais qu'elles ont engagés en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Les époux Y... et Madame B... succombant chacun partiellement dans leurs prétentions, il sera fait masse des dépens de l'incident qui seront partagés également entre eux.
Par ces motifs :
Déboutons Monsieur et Madame Y... de leur demande de nullité de l'assignation en intervention forcée en date du 11 janvier 2006,
Constatons l'incompétence de la Cour pour statuer sur la liquidation de l'astreinte sollicitée par Madame B...,
Déboutons les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Disons que les dépens de l'incident seront partagés également entre les époux Y... d'une part et Madame B... de l'autre, et seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Conseiller de la mise en état