La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950352

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 09 mai 2006, JURITEXT000006950352


EXPOSE DU LITIGE.

Le 12 décembre 1999, le pétrolier ERIKA dont la société de droit maltais TEVERE SHIPPING s'est identifiée propriétaire-armateur, a fait naufrage au large des côtes bretonnes alors qu'il transportait 30 000 tonnes d'hydrocarbures qui se sont répandues en mer, occasionnant une importante pollution sur le littoral ;

Une telle catastrophe est régie par deux conventions internationales :

ô la Convention Internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 27 novembre 1992 ;

ô La Conve

ntion Internationale portant création d'un Fonds International d'Indemnisation pour ...

EXPOSE DU LITIGE.

Le 12 décembre 1999, le pétrolier ERIKA dont la société de droit maltais TEVERE SHIPPING s'est identifiée propriétaire-armateur, a fait naufrage au large des côtes bretonnes alors qu'il transportait 30 000 tonnes d'hydrocarbures qui se sont répandues en mer, occasionnant une importante pollution sur le littoral ;

Une telle catastrophe est régie par deux conventions internationales :

ô la Convention Internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 27 novembre 1992 ;

ô La Convention Internationale portant création d'un Fonds International d'Indemnisation pour les dommages dus à la pollution (FIPOL), également du 27 novembre 1992 ;

En application de ces textes concernant le principe de responsabilité, le propriétaire et son assureur ont constitué un fonds, émettant par ailleurs une lettre de garantie ;

Le 12 janvier 2000, le FONDS INTERNATIONAL POUR LA POLLUTION (FIPOL) et la Société STEAMSHIP MUTUAL assureur du propriétaire-armateur du navire, ont ouvert à Lorient (56) un Bureau des Demandes d'Indemnisation (BDI) afin de faciliter le traitement des réclamations des victimes ;

Monsieur X... se trouve au nombre des victimes de la pollution par hydrocarbure apparue à la suite du

naufrage de l'ERIKA, qui les a privés de leur activité professionnelle, en l'espèce, de pêcheur à pied ;

A ce titre, il figure sur la liste des créanciers déclarés auprès de Maître BIDAN, pour 5 587,10 euros ;

rs et gens de mer ;

Qu'il convient, réformant le jugement déféré, de déclarer recevable l'action du Syndicat de la Confédération Maritime, sur le fondement des dispositions de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile et L 411-11 du Code du travail ; * * * l'article 699 du nouveau code de procédure civile".

Maître Christophe BIDAN, assigné à la personne de son comptable, n'a pas constitué avoué ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties. MOTIFS DE LA DÉCISION :

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DU SYNDICAT DE LA CONFÉDÉRATION MARITIME

Considérant que les syndicats ont qualité à agir pour la défense de l'intérêt collectif de la profession ;

Qu'en l'espèce, cet intérêt, qui ne saurait se confondre avec le préjudice individuel des victimes de la pollution par hydrocarbure, prises à titre particulier et personnel, réside dans la contestation d'ordre général du processus ainsi que du mode et du quantum d'indemnisation des pêcheurs et gens de mer ;

Qu'il convient, réformant le jugement déféré, de déclarer recevable l'action du Syndicat de la Confédération Maritime, sur le fondement des dispositions de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile et L 411-11 du Code du travail ;

SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE

Considérant que la présente procédure concernant l'indemnisation versée par le FIPOL et le STEAMSHIP constitue une procédure au fond, distincte de la procédure de constitution du fonds de limitation et de déclaration de créances entre les mains du liquidateur ;

Sa déclaration a été effectuée conformément aux dispositions de la loi du 03 janvier 1967 et du Décret du 27 octobre 1967 sur le statut des navires ;

Les sociétés TEVERE SHIPPING et STEAMSHIP MUTUAL ont voulu parvenir à une indemnisation rapide en négociant avec les victimes ;

Le 21 mars 2000, Monsieur X... a ainsi signé avec les sociétés TEVERE SHIPPING et STEAMSHIP MUTUAL une quittance pour la somme de 3 600 francs ;

Le 02 décembre 2002, il a reçu du BDI de LORIENT, une lettre lui offrant une indemnité de 5 300 francs correspondant à 23 jours de pêche du 15 janvier au 15 mars 2000 selon un coefficient de marée supérieur à 85, en vertu de l'évaluation du préjudice subi selon les experts du BDI ;

Le 05 décembre 2002, il a signé avec le FIPOL une quittance d'un montant de 3 520 francs pour une évaluation finale de 8 900 francs sur une demande de 52 564,90 francs afférente à la période du 10 février au 31 mars 2000 ;

Monsieur X... a saisi le Juge des référés du Tribunal de Commerce, puis le Tribunal de Commerce de Lorient, l'ordonnance et le jugement rendu lui étant défavorables ;

Puis il a entendu discuter ces quittances devant le Tribunal de Commerce de RENNES, estimant qu'elles étaient sans rapport avec le montant du préjudice subi ;

Par jugement en date du 24 mars 2005, le Tribunal de Commerce de RENNES, saisi par le SYNDICAT DE LA CONFEDERATION MARITIME (SCM) et Monsieur Xavier X... a statué en ces termes :

"Vu les articles 2044, 2052 du Code Civil et l'article 31 du NCPC,

- dit mal fondées les demandes de Monsieur Xavier X... et du SYNDICAT DE LA CONFEDERATION MARITIME (SCM) et les déclare Que ce n'était donc pas au Juge Commissaire, mais au Tribunal de statuer sur l'indemnisation réclamée par Monsieur X... ; qu'il n'y a pas eu méconnaissance en l'espèce des dispositions du Décret du 27 octobre 1967 ;

Qu'à juste titre, le Tribunal a fait observer qu'en sa qualité de liquidateur du fonds de limitation de garantie de l'ERIKA, Maître BIDAN a été amené à connaître la déclaration de créances de Monsieur

X... :

- que ce liquidateur y a répondu de façon négative, en raison de l'absence de justificatifs fournis par la victime ;

- qu'en parallèle de cette action menée auprès du liquidateur, Monsieur X... a négocié avec le Bureau des Demandes d'Indemnisation et obtenu une indemnité ;

- et que par conséquent, Maître BIDAN, es qualité, n'avait pas a être saisi à cet égard par les appelants dont les demandes à l'encontre de ce liquidateur sont irrecevables ; * * *

Considérant que Monsieur X... et le SCM ne démontrent pas en quoi la juridiction du premier degré n'aurait pas été régulièrement constituée ;

Que des termes de l'article 61 du décret du 27 octobre 1967 relatif au statut de navires et autres bâtiments de guerre (Chapître VII :

"Fonds de limitation - Section 1 : constitution du fonds et dispositions générales" ) il résulte que le Président du Tribunal de Commerce nomme un juge-commissaire et un liquidateur pour la durée de la procédure, sans qu'il y ait lieu à renouvellement annuel.

Que la liste des juges-commissaires dont font état les appelants concerne uniquement les juges chargés des procédures collectives ordinaires (entreprises en difficulté) qui doivent être renouvelés à l'ouverture de chaque année judiciaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

irrecevables pour défaut d'intérêt à agir,

- dit que Monsieur X... ne peut prétendre à une indemnité supérieure à 1 356,80 euros ;

- dit que compte tenu des acomptes reçus, Monsieur X... ne pourra recevoir une somme supérieure à 271,36 euros pour solder cette indemnité ;

- dit irrecevables les demandes présentées par Monsieur X... et le SCM à l'encontre de Maître BIDAN, ès qualités de liquidateur du dossier ERIKA ;

- déboute de toutes leurs demandes, fins et conclusions, Monsieur Xavier X... et le SCM ;

- fixe à 1 euro symbolique l'indemnité que, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, devront payer

solidairement Monsieur X... et le SCM à chacun des défendeurs TEVERE SHIPPING, STEAMSHIP MUTUAL, le FIPOL et Maître BIDAN ;

- condamne Monsieur X... et le SCM aux entiers dépens de l'instance ;

- liquide les frais de greffe à la somme de 62,29 euros tels que prévus aux articles 695 et 701 du NCPC".

Appelant de cette décision, le SCM et Monsieur X... demandent à la Cour de :

"Recevant l'appel et y faisant droit,

- constater, en application de l'article 6-1 de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l'Homme) sur le droit à un procès équitable, la nullité du jugement dont appel pour avoir été rendu par une juridiction qui est apparue comme n'étant ni indépendante ni impartiale et dont il n'a pu être rapportée la preuve qu'elle était régulièrement établie par la loi, à défaut, le réformer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau

- dire et juger que les quittances signées par Xavier

X... en sa Que conformément aux textes applicables, un juge-commissaire a été normalement désigné par le Président du Tribunal de Commerce de RENNES (ordonnance en date du 3 octobre 2002 figurant au dossier de la Cour);

Que par ailleurs, il est allégué mais nullement prouvé à l'aide d'éléments précis et pertinents que la décision des Premiers Juges ne respecterait pas les dispositions de l'article 4 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Que la "délocalisation" de l'affaire ERIKA au profit du tribunal de commerce de Saint-Brieuc ne démontre nullement l'existence d'une quelconque partialité des juges, puisque ce transfert a été effectué à la demande même de la juridiction consulaire rennaise, en raison de la vacance des fonctions de juge-commissaire, motif procédural qui ne préjuge en rien d'un manque de neutralité quant au fond de l'affaire ;

Que l'ensemble de la procédure se trouve régulier ;

Qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement déféré ;

SUR LES DEMANDES EN INDEMNISATION

Considérant que Monsieur X... a, en même temps que sa production de créance entre les mains du liquidateur du fonds d'indemnisation, présenté trois demandes d'indemnisation amiable auprès du Bureau de LORIENT ;

Que sa première demande concernait la période du 10 au 14 janvier 2000 et s'élevait à 9 258 F ;

Qu'après une évaluation de cette demande par ses experts, le FIPOL a proposé une indemnisation de 3 600 F, qui a été acceptée par Monsieur X... ;

Que cet accord a été formalisé par la "quittance relative au paiement intégral d'une demande provisoire" en date du 24 mars 2000 énonçant :

qualité de victime, avec Merri JACQUEMIN, tant pour le compte de STEAMSHIP et TEVERE SHIPPING que du FIPOL, ne sauraient, à défaut de concessions réciproques, constituer des transactions au regard de l'article 2044 du code civil, ni même des reçus pour solde de tout compte

- Subsidiairement, constater que l'accord de Xavier

X... en sa qualité de victime sur les sommes offertes a été obtenu par suite de la contrainte économique dans laquelle il se trouvait à la suite de la pollution de l'ERIKA et en l'absence de tous éléments objectifs, notamment de rapports d'expertise qui n'ont pas été portés à sa connaissance, lui permettant de donner valablement son consentement

- en conséquence, dire nul et de nul effet, en application des articles 1112 et 2053 du code civil les conventions intervenues entre les parties en 2000 et 2002 en ce qu'elles auraient eu pour effet de limiter les indemnités résultant de la pollution issue du naufrage de l'ERIKA dont les demandeurs ont été victimes et auxquelles ils sont en droit de prétendre

- condamner solidairement TEVERE SHIPPING, STEAMSHIP et le FIPOL à payer à Xavier X... : 8 027,19 - 1 085,44 = 6.941,75 ç, en principal, outre les intérêts au taux légal, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 31 mars 2000, sauf à renvoyer les parties à se conformer à la procédure de vérification des créances prévues aux articles 71 et

suivants du décret du 27 octobre 1967, dans la mesure où le fonds de limitation de responsabilité aurait été valablement constitué en application des conventions internationales et internes applicables

- dire opposable en tant que de besoin l'arrêt à intervenir à Me BIDAN, ès qualité d'administrateur du fonds de limitation de responsabilité comme il est dit ci-dessus

- dire et juger recevable sur le fondement de l'article L 411-11 du "Le demandeur déclare être rempli de l'intégralité de ses droits à son sujet et renoncer expressément à toutes demandes et actions qui auraient pour objet à l'encontre de quelque partie que ce soit et notamment de TEVERE SHIPPING et de la STEAMSHIP MUTUAL et du FIPOL". Considérant que Monsieur X... a effectué en 2002 deux autres demandes d'indemnisation pour des sommes de 8.494 F et 34.902,90 F, relatives à la période du 10 janvier au 31 mars 2000 ;

Que les experts du FIPOL ont évalué la perte nette à 5 300 F ;

Que la proposition de cet organisme, arrêtée à ce montant, a été approuvée par Monsieur X... ;

Que l'accord a été matérialisé suivant quittance subrogative du 5 décembre 2002 stipulant :

"Le demandeur confirme formellement son accord sur le montant de l'évaluation finale retenue telle qu'exprimée ci-dessus et déclare renoncer expressément à cette demande et à toutes instances et actions qui l'auraient pour objet à l'encontre de quelque partie que ce soit et notamment TEVERE SHIPPING, de la STEAMSHIP MUTUAL et du FIPOL".

Que Monsieur Xavier X... a, par conséquent, été indemnisé par le Bureau de LORIENT pour la perte qu'il avait subi à l'occasion de son activité de pêcheur à pied durant la période du 10 janvier 2000 au 31 mars 2000 ;

Qu'à la suite de l'augmentation à 100% des indemnisations offertes, le Bureau de LORIENT a transmis à ce dernier une offre complémentaire d'indemnisation de 1.780 F (271,36 ç) ;

Que Monsieur Xavier X... n'a pas répondu à cette proposition ni retourné les quittances au Bureau de LORIENT ;

Code du Travail la demande du SYNDICAT DE LA CONFEDERATION MARITIME, condamner solidairement TEVERE SHIPPING, STEAMSHIP et le FIPOL à lui payer sur ce même fondement et celui de l'article 1382 du code civil, la somme d'1 euro symbolique.

En toute hypothèse, condamner solidairement TEVERE SHIPPING, STEAMSHIP et le FIPOL aux entiers dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, outre 15.000 ç au titre des frais irrépétibles".

Les appelants contestent la validité des indemnisations octroyées à la suite des transactions intervenues.

Au soutien de leur argumentation, le SYNDICAT DE LA CONFEDERATION MARITIME et Monsieur Xavier X... font valoir principalement les éléments suivants :

"I - le Tribunal a jugé que les quittances signées par Xavier X... constituent de véritables transactions au sens de l'article 2044 du code civil et qu'il ne justifiait pas d'une contrainte économique de nature à les rendre

rescindables en application de l'article 2053 du code civil.

A - Pourtant le Tribunal n'a caractérisé aucun des éléments susceptibles de qualifier les quittances signées de transaction, sauf à se référer aux seules déclarations des parties.

Aux termes de l'article 12, 2o alinéa du NCPC, c'est à lui seul qu'il appartient de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en aurait proposée.

1 - Or, il n'y a aucune concession réciproque susceptible de caractériser une transaction : la rapidité du règlement d'une indemnité réduite à sa plus simple expression ne saurait être considérée comme une concession de la part du débiteur de

Que les méthodes d'évaluation du FIPOL et les courriers explicatifs adressés par le Bureau de LORIENT à l'intéressé prouvent que, contrairement à ce que les appelants allèguent, Monsieur X... a souscrit une transaction sur la base d'une évaluation objective et en toute connaissance de cause ;

Que les quittances, signées par Monsieur X..., avec le FIPOL et le STEAMSHIP MUTUAL établissent qu'il a été rempli de ses droits et qu'il n'a plus de demande de réparation à présenter, en application de l'article 3.4 de la Convention de 1992 sur la Responsabilité, à la Société TEVERE SHIPPING LIMITED ;

Qu'ainsi, il ne possède plus d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que M. X... conteste la régularité des transactions qu'il a conclues avec le FIPOL au motif que les rapports d'expertise du FIPOL ne présentent pas de caractère contradictoire ;

Que celui-ci a pourtant toujours été tenu au courant des méthodes d'évaluation retenues par les "experts" du FIPOL pour le calcul de son indemnisation amiable, comme en atteste la lettre du 2 décembre 2002, contenant des explications détaillées sur l'évaluation de son indemnisation ;

Que si le FIPOL n'a pas admis dans son indemnisation les jours de pêche dont le coefficient de marée est inférieur à 85o, c'est parce

que les zones découvertes par la mer sont surpêchées et de peu d'intérêt pour un pêcheur à pied professionnel comme M. X... ;

Que celui-ci, qui a retourné signée la quittance trois jours après que la proposition lui ait été transmise, ne peut prétendre que son consentement n'a pas été recueilli librement, alors qu'il avait tout loisir de prendre son temps et d'y réfléchir ;

Qu'au surplus, la transaction formalisée par la quittance a permis d'éviter à l'intéressé une longue et coûteuse procédure ;

l'indemnité.

2 - Les prétendus rapports d'expertise au vu desquels les indemnités ont été fixées n'ont aucun caractère contradictoire, à supposer d'ailleurs qu'ils existent, dans la mesure ou aucun justificatif des sommes mentionnées n'a été donné.

3 - Enfin, les règlements effectués s'ils permettent au FIPOL par le biais de la subrogation de faire valoir ses créances auprès du fonds n'en constituent pas moins des paiements privilégiés en méconnaissance des règles prévues par le décret du 27 octobre 1967.

B - Le déséquilibre économique entre le créancier et le débiteur de l'indemnité n'est pas apparu flagrant au Tribunal.

Pourtant Xavier X... dont la profession est la pêche à pied a été contraint pour pallier à la disparition, du fait de la catastrophe de l'ERIKA, de ses moyens de subsistance à lui et à sa famille d'accepter dans la précipitation l'indemnisation appréciée unilatéralement par le FIPOL.

II - Le syndicat de la CONFEDERATION MARITIME a été débouté de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil comme n'ayant pas été victime de la pollution de l'ERIKA dont les conséquences sont réglées par les conventions internationales de 1992.

Le syndicat n'a jamais prétendu avoir été victime de la catastrophe de l'ERIKA à la suite de laquelle il s'est constitué mais il a qualité à agir pour la défense d'intérêts collectifs ; que tel est le cas en l'espèce, s'agissant de l'intérêt des Pêcheurs à Pied adhérents de l'association, (...) l'intérêt collectif étant de contester le processus d'indemnisation et la validité des

transactions passées entre le FIPOL (...) Et les pêcheurs à pied, comme l'a retenu l'ordonnance de référé du 22 octobre 2003 (note pièce 1).

Que, contrairement ce dernier soutient, les transactions conclues sont conformes aux exigences de l'article 2044 du Code Civil et ne sauraient dès lors être remises en question ;

Que M. X... pouvait enfin très bien recevoir l'indemnisation amiable du FIPOL à titre de provision et contester l'évaluation de son préjudice ; que, ne l'ayant pas fait, il est exclu qu'il ait conclu ces transactions sous la contrainte comme il l'affirme ; que l'on conçoit mal à quelle sorte de contrainte il aurait été soumis lorsqu'il a présenté en 2002 sa deuxième et troisième demande d'indemnisation pour des dommages subis en 2000 ;

Que même à supposer qu'une telle contrainte ait existé, elle n'a pas empêché l'appelant d'accepter la deuxième proposition d'indemnisation le 5 décembre 2002, trois jours après qu'elle lui ait été transmise ; Qu'il a, dans ces conditions, consenti de façon libre et éclairé à

une transaction qu'il n'était aucunement forcé d'accepter ;

Qu'à bon droit, le Tribunal de Commerce de RENNES a écarté la contestation de M. X... en indiquant :

"Ces documents écrits dénommés "quittances" sont on ne peut plus clairs et constituent de véritables transactions au sens de l'article 2044 du Code Civil "la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître", ce qui est le cas.

Qu'ils emportent bien le désistement d'instance et d'action de la part de M. X...".

Que l'article 2052 du code civil édicte que "les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée, en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion".

Que les modalités de l'indemnisation amiable ont été expressément

C'est la raison pour laquelle sa demande d'indemnité symbolique est fondée sur l'article 1382 et non sur les conventions internationales concernant l'indemnisation des pollutions maritimes par les hydrocarbures.

III - Le jugement rendu a été déclaré inopposable à Me BIDAN, liquidateur du fonds de limitation de garantie de l'ERIKA.

Mais en arrêtant la créance d'indemnité de Xavier X..., le Tribunal a méconnu la procédure applicable résultant du décret du 27 octobre 1967 qui donne compétence au juge commissaire pour ce faire. IV - Le jugement a été rendu par une juridiction dont il n'a pas été démontré qu'elle avait été régulièrement constituée".

La Société TEVERE SHIPPING LIMITED et l'Association STEAMSHIP MUTUAL UNDERWRINTING LTD concluent à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure d'un montant de 10 000 ç.

Elles estiment irrecevables les demandes de Monsieur X..., dans la mesure où il a été indemnisé à la suite de transactions régulières.

Elles prétendent également que la demande du Syndicat de la CONFEDERATION MARITIME est irrecevable, cet organisme n'ayant subi

aucun dommage par pollution au sens de la Convention de 1992.

Elles font enfin observer qu'il n'y a pas eu méconnaissance de la procédure instaurée par le décret du 27 octobre 1967.

Le FIPOL (Fonds International d'Indemnisation Pour les Dommages dûs à la Pollution par Hydrocarbures) formule les prétentions suivantes :

"Vu la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et la Convention de 1992 portant création du FIPOL ;

Vu les quittances de paiement en date des 24 mars 2000 et 5 décembre 2002 ;

Vu l'article 2044 et 2052 du Code Civil ;

décrites à M. X... avant le règlement effectué par le FIPOL et la société STEAMSHIP ; que dans le courrier du 2 décembre 2002, ont été précisés les éléments ayant servi à évaluer son préjudice indemnisable en vertu des Conventions de 1992, et qu'il lui a été clairement signalé qu'il avait la possibilité de contester cette évaluation si elle ne lui convenait pas ; que ce courrier est très détaillé quant au décompte des jours de pêche et fait formellement référence au coefficient de marée égal ou supérieur

à 85 retenu par le FIPOL et la société STEAMSHIP pour calculer les jours de pêche à indemniser ;

Qu'en professionnel avisé, Monsieur X... n'ignorait pas qu'en dessous de ce coefficient les zones de pêche disponibles sont surpêchées ;

Que c'est parfaitement informé que Monsieur X... a accepté que son préjudice soit déterminé en fonction des journées de pêche perdues au regard de ce coefficient, et qu'il a signé la quittance valant transaction ;

Qu'il a formellement donné son accord sur cette proposition du 2 décembre 2002, retournée au Bureau des Demandes d'Indemnisation le 5 décembre 2002 avec la mention "lu et approuvé" sans en remettre en cause ni le montant ni la méthode de calcul ; que s'il a approuvé si rapidement la proposition du FIPOL, c'est qu'elle lui convenait ; qu'il n'y a pas eu de dol ni de violence exercés par le FIPOL ;

Considérant que M. X... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2044 du Code Civil, selon lesquelles "la transaction est un contrat par lequel les parties

terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître", pour solliciter l'annulation de la transaction conclue avec le FIPOL au motif qu'elle ne comporterait aucune concession du FIPOL et de la Société STEAMSHIP ; Vu les articles 31, 32 et 122 du NCPC ;

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de RENNES du 24 mars 2005 en toutes ses dispositions ;

- ce faisant,

ô déclarer irrecevable l'action du Syndicat de la Confédération Maritime pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

ô constater le défaut de droit à agir de M. X... du fait des paiements transactionnels intervenus ;

ô recevoir le FIPOL en sa fin de non-recevoir ;

ô déclarer par conséquent irrecevable l'action de M. X... pour défaut d'intérêt à agir ;

ô dire et juger mal fondées les demandes de M. X... visant à l'annulation de la

transaction intervenue avec le FIPOL et la STEAMSHIP MUTUAL ;

ô le débouter purement et simplement de l'intégralité de ses prétentions ;

ô dire et juger qu'en vertu des textes ci-dessus, M. X... ne saurait être déclaré admissible à une indemnisation du FIPOL pour une somme supérieure à 8.900 FF (soit 1.356,80 ç) ;

ô en conséquence, et compte tenu des paiements qu'il a déjà reçus du FIPOL, dire que ce dernier ne saurait être tenu à payer au demandeur Qu'il est indéniable qu'en proposant une indemnisation amiable aux victimes de la pollution occasionnée par le naufrage de l'"ERIKA" sans attendre l'issue d'une procédure longue et coûteuse pour le demandeur, le FIPOL et la Société STEAMSHIP ont pris à leur charge le paiement anticipé des indemnisations, prévenant ainsi une contestation à naître et évitant aux victimes les aléas d'une procédure judiciaire ; que le processus d'indemnisation amiable répond par conséquent aux exigences de l'article 2044 du Code Civil ; Qu'il y a eu concessions réciproques, le FIPOL ayant notamment

accepté, dans le cadre d'une indemnisation globale et forfaitaire, de dédommager Monsieur X... pour la période du 1er au 8 février 2000 n'ayant fait l'objet d'aucun justificatif de ses pertes financières ; Que les droits acquis en l'espèce sont directement nés de la volonté des intéressés à partir d'éléments objectifs et certains (absence de rentabilité de la pêche à pied lors des marées supérieures à un coefficient 85 ...) que les "experts" ou "techniciens" du FIPOL se sont contentés d'entériner.

Que si M. X... n'a pas contesté en leur temps les deux propositions d'indemnisation amiable qui lui ont été faites, c'est parce qu'elles lui convenaient ; que sa contestation, effectuée deux ans plus tard, est tardive et inopérante ; * * *

Considérant que confirmant le jugement déféré, il convient de dire que le préjudice indemnisable de M. X... n'est, en vertu des Conventions de 1992 et des articles 2044 et 2052 du Code Civil, admissible à l'indemnisation du FIPOL qu'à concurrence d'un montant de 8.900 F (soit 1.356,80 ç) ;

Considérant que le Syndicat de la Confédération Maritime succombera

en sa demande de paiement d'un euro à titre symbolique, son action étant mal fondée ;

SUR LE SURPLUS

Considérant qu'il convient, de confirmer par adoption de motifs le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit mal fondées les demandes en indemnisation présentées par les appelants ;

Qu'en effet, ces prétentions indemnitaires en relation avec la pollution sont seulement irrecevables et que cette irrecevabilité interdit de les examiner au fond ;

Qu'en revanche, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a déclaré mal fondées les autres demandes des appelants ;

Considérant que les appelants, qui succombent principalement, supporteront les dépens ;

Que Maître BIDAN, ayant été attrait à la cause, il n'y a pas lieu de lui déclarer opposable le présent arrêt ;

Qu'il n'apparaît pas inéquitable que la Société TEVERE SHIPPING LIMITED et l'Association THE STEAMSHIP MUTUAL LIMITED, qui, en particulier, voient rejeter leur fin de non-recevoir concernant

l'action du Syndicat de la Confédération Maritime, conservent la charge de leurs frais non répétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement entrepris ;

Déclare recevable l'action du Syndicat de la Confédération Maritime ; Dit n'y avoir lieu de déclarer mal fondées les demandes des appelants en indemnisation pour préjudice dû à la pollution maritime par hydrocarbure ;

Confirme ledit jugement pour le surplus ;

Condamne Monsieur X... et le Syndicat de la Confédération Maritime aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER.- LE PRÉSIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950352
Date de la décision : 09/05/2006
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOMMAIRE 1 La procédure relative à une indemnisation versée par le Fond international pour la pollution (FIPOL) et l'assureur du propriétaire-armateur du navire, en réparation des conséquences d'une pollution par hydrocarbures, étant distincte d'une procédure de constitution du fonds de limitation et de déclaration de créances entre les mains du liquidateur, ce n'est dès lors pas au juge commissaire, mais au tribunal de commerce de statuer sur l'indemnisation réclamée, et ce, en sa qualité de liquidateur du fonds de limitation de garantie du navire à l'origine de la pollution litigieuse, conformément aux dispositions du décret en date du 27 octobre 1967. SOMMAIRE 2 Dans le cadre d'une procédure relative à une indemnisation versée par le Fond international pour la pollution (FIPOL) et l'assureur du propriétaire-armateur du navire, en réparation des conséquences d'une pollution par hydrocarbures, les quittances signées par le bénéficiaire de l'indemnisation avec le FIPOL et ledit assureur, établissent qu'il a été rempli de ses droits et qu'il n'a dès lors plus de demande de réparation à présenter à l'assureur, en application de l'article 3.4 de la convention de 1992 sur la Responsabilité, et ne possède plus par ailleurs d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. LE GUILLANTON, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-05-09;juritext000006950352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award