La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949713

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 04 avril 2006, JURITEXT000006949713


EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... est intervenu dans les affaires de Madame Y... laquelle a signé à son profit, le 25 août 2000, deux lettres de change à échéance du 31 octobre 2000, pour un montant de 3362,43 Euros et 6860,21 Euros.

Estimant que ces lettres de change lui ont été extorquées par manipulation, mensonges et chantage, Madame Y... a fait opposition au paiement de ces deux effets de commerce.

Monsieur X... a alors fait procéder à des saisies conservatoires pour obtenir paiement de ces deux sommes et a assigné Madame Y... devant le tribunal de commerc

e de RENNES en paiement de la somme de 10222,64 Euros.

Selon jugement du 13...

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X... est intervenu dans les affaires de Madame Y... laquelle a signé à son profit, le 25 août 2000, deux lettres de change à échéance du 31 octobre 2000, pour un montant de 3362,43 Euros et 6860,21 Euros.

Estimant que ces lettres de change lui ont été extorquées par manipulation, mensonges et chantage, Madame Y... a fait opposition au paiement de ces deux effets de commerce.

Monsieur X... a alors fait procéder à des saisies conservatoires pour obtenir paiement de ces deux sommes et a assigné Madame Y... devant le tribunal de commerce de RENNES en paiement de la somme de 10222,64 Euros.

Selon jugement du 13 janvier 2004, le tribunal de commerce de RENNES a :

débouté Monsieur X... de toutes ses demandes,

condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 1500 Euros à titre de dommages-intérêts ,

condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 1000 Euros au titre des frais irrépétibles,

condamné Monsieur X... aux dépens.

Monsieur X... a interjeté appel de cette décision.

Il demande à la cour de :

à titre principal,

infirmer la décision,

dire et juger que les deux lettres de change du 25 août 2000 sont régulières en la forme et qu'elles reposent sur une cause réelle légitime et sérieuse,

constater que Madame PERROUAUL Z... s'est expressément engagée à

indemniser Monsieur X... et qu'elle a signé en toute connaissance de cause les deux lettres de change,

condamner Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme en principal de 10 222,64 ç avec intérêts de droit à compter du 22 février 2002, ainsi que la somme de 671,18 ç au titre des frais engagés postérieurement,

ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code Civil,

à titre subsidiaire,

faire application de l'article 1371 du Code Civil,

constater que du fait des diligences de Monsieur X..., le patrimoine de Madame Y... s'est enrichi sans cause légitime au détriment de celui du concluant,

condamner par conséquent Madame Y... à payer au concluant sur le fondement de l'action de " in rem verso" la somme en principal de 10 222,64 ç ainsi que celle de 1 671,18 ç avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ainsi que précédemment requis,

condamner Madame Y... à lui payer la somme de 3000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

condamner Madame Y... aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 Nouveau Code de procédure civile .

Il expose :

que les lettres de change sont parfaitement régulières,

que Madame Y... lui a confié diverses missions dans son intérêt exclusif, que les missions étaient précises, et qu'elle s'était engagée à rembourser les frais qu'il avait engagés et lui payer ses honoraires,

que si les parties ont entretenu une liaison pendant quelques mois de juin à octobre 1998, elles n'ont cependant pas vécu en concubinage, et qu'à cet égard, les attestations versées aux débats par Madame Y... sont mensongères,

qu'il n'a jamais exercé de pressions sur elle, que Madame Y... n'était d'ailleurs ni faible, ni vulnérable, qu'elle savait ce qu'elle faisait,

que les sommes figurant sur les lettres de change dont les ratures sont le fait de la banque correspondent aux travaux et frais qu'il a engagés pour répondre aux missions données par Madame Y... ,

qu'elle ne lui a jamais remboursé la somme de 952,81 Euros, somme qui correspond à un remboursement de TVA de l'EURL KEROBO à Madame Y... ,

qu'elle lui doit encore la somme de 1671,18 Euros pour remboursement de frais, dépenses et honoraires qu'il a engagés depuis la signature des lettres de change pour le compte de Madame Y...,

que les lettres de change ne sont pas accueillies, il conviendra de condamner Madame Y... à lui payer ces sommes sur le fondement de l'enrichissement sans cause, qu'elle s'est enrichie indûment grâce aux prestations qu'il a fournies pendant de nombreuses années, qu'elle reconnaît d'ailleurs s'être enrichie.

Madame Y... demande à la cour de :

confirmer le jugement,

recevoir son appel incident,

condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 3000 Euros à titre de dommages-intérêts, pour troubles et procédure abusive,

condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 3000 Euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

condamner Monsieur X... aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile

Elle explique :

qu'elle a perdu son mari en 1995, qu'elle a vécu en concubinage avec Monsieur X... entre le mois de mai 1998 et le mois d'août 2000, qu'elle a été victime, ainsi que sa fille, d'un très grave accident de la circulation en novembre 1998,

que les lettres de change qu'elle a signées, ont été obtenues par Monsieur X... sous la pression et le chantage, que, par ailleurs, ces lettes n' ont pas de cause, que ce soit les frais ou les honoraires, que Monsieur X... lui a rendu des services que des concubins peuvent se rendre et qui ne sont pas susceptibles de rétribution, que, par ailleurs, ces lettres de change présentent de nombreuses ratures, qu'elles sont un mode anormal de paiement entre particuliers, qu'elle lui a cependant versé la somme de 952,81 Euros pour les services qu'il lui a rendus,

que la demande formée sur l'enrichissement sans cause ne peut non plus prospérer,

que l'acharnement procédurier et psychologique de Monsieur X... justifie sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral qu'elle subit du fait de ses agissements.

DISCUSSION

SUR LA VALIDITÉ DES LETTRES DE CHANGE :

Selon les documents versés aux débats, Madame Y... et Monsieur X... ont entretenu une relation amoureuse, qui est apparue stable, notoire : il était présent chez Madame Y... lors de visites impromptues de tiers, il était, selon un témoin, " comme le maître de maison", et ce, entre le mois de juin 1998 et la fin de l'année 2000. Cette liaison n'est pas incompatible avec l'attestation de Madame X... suivant laquelle son mari aurait vécu au domicile conjugal à cette époque.

Il est établi que Madame Y... a donné mandat en 1998 et en 1999 à Monsieur X... de la représenter et d'agir dans ses intérêts dans deux affaires, la première concernant l'achat d'un appartement en ESPAGNE pour lequel elle avait payé plus cher que le prix prévu et l'autre, concernant l'indemnisation des préjudices qu'elle avait subis à la suite d'un accident de la circulation dont elle avait été victime, ainsi que sa fille en novembre 1998.

Sur les vices du consentement :

La violence, les menaces, les pressions dont Madame Y... aurait été l'objet :

Selon l'attestation de Madame A..., Monsieur X... s'est livré à du harcèlement téléphonique et des violences physiques sur la personne de Madame Y..., mais cette attestation n'est pas très précise, le harcèlement et les violences physiques auraient été fort à propos étayées par des certificats médicaux ou par des plaintes, et cette attestation est contredite par celle de Madame SIMON. B... est possible que Monsieur X... ait été manipulateur, il n'en demeure pas moins que les documents rédigés par Madame Y... à l'époque de sa liaison avec Monsieur X... révèlent une maîtrise de ses

affaires par une femme parfaitement au fait de ce qu'elle devait faire, et des mandats qu'elle avait donnés à son amant.

Sur les ratures des lettres de change :

Le nom du tiré n'avait pas, lors de leur établissement, été placé à l'endroit prévu à cet effet, de telle sorte que ces lettres ont fait l'objet de ratures, et Monsieur X... fera difficilement croire à la cour qu'elle sont le fait du banquier...

Si le procédé utilisé doit être critiqué, il n'en reste pas moins que Madame Y... fera elle-aussi difficilement croire à la cour que ces ratures traduisent " le climat singulier de pression, menace et de violence morale" dans lequel elle a signé ces lettres de change.

Sur l'absence de cause :

Monsieur X... a été mandaté pour accomplir certaines démarches. Deux lettres de change ont été souscrites, l'une pour un montant de 22056,09 F ( 3362,42 Euros), l'autre pour la somme de 45000 F ( 6860,21 Euros).

Madame Y... a, sur l'état de frais établi le 12 juin 2000 par Monsieur X... pour un montant de 22056,09 F , correspondant aux dépenses engagées pour le litige concernant le prix de l'appartement espagnol, rédigé la formule manuscrite suivante : " Bon pour accord, certifié exact, Rennes le 12 juin" et signé le document. Madame Y... reconnaît ainsi devoir cette somme. La première lettre de change sera en conséquence validée.

La seconde concerne d'autres frais et des honoraires dus à Monsieur X... C... frais ne sont justifiés par aucun document et Madame Y... n'a pas reconnu les devoir. Monsieur X... a rendu des services, il a représenté Madame Y... dans les tentatives de

rapprochement des parties puis dans la procédure qu'elle a engagée contre le vendeur de l'appartement espagnol. Il a servi de " courroie de transmission" dans les échanges de correspondance entre les compagnies d'assurances et Madame Y... et sa fille, pour obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elles avaient subis lors d'un accident de la circulation en novembre 1998. C... rapports amoureux entretenus par les parties à cette époque relevaient du dévouement de l'amant envers la maîtresse et conféraient aux services rendus un caractère gratuit. Dès lors, des honoraires ne sauraient être dus, de telle sorte que l' effet cambiaire ne saurait en l'espèce avoir une cause.

Le jugement critiqué sera ainsi partiellement infirmé. C... intérêts au taux légal dus sur la somme de 3362,42 Euros à compter du 22 février 2002, date de la demande en paiement, seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière.

SUR LA SOMME DE 1671, 18 EUROS DEMANDÉE AU TITRE DE FRAIS ENGAGÉS POSTÉRIEUREMENT :

Monsieur X... verse aux débats une note de frais détaillant la somme qu'il demande, correspondant à des dépenses pour travaux faits dans l'appartement de Madame Y... et à des frais de déplacement, de restauration , de contravention, des frais bancaires, et à la rémunération du temps passé pour ces démarches. Aucun document n'est versé à l'appui de cette demande faite devant la cour. La demande sera rejetée.

SUR C... SOMMES DE 952,81 EUROS ET DE 468 EUROS :

Il n'est pas établi par Madame Y... que ces sommes ont été perçues par Monsieur X...

SUR L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE :

Il sera rappelé que la demande fondée sur l'enrichissement sans cause par application de l'article 1371 du code civil reste toujours subsidiaire, qu'elle ne peut être admise qu' à défaut de toute autre action ouverte au demandeur et ne peut l'être pour suppléer une autre action que le demandeur ne peut exercer parce qu'il n'a pas rapporté les preuves qu'elle exige ou parce qu'elle se heurte à un obstacle de droit.

En l'espèce, la demande fondée sur l'enrichissement sans cause n'est pas recevable et n'a pas à être examinée subsidiairement à la demande principale en paiement des lettres de change.

SUR C... DOMMAGES-INTÉRÊTS DEMANDÉS PAR MADAME Y... :

Aucun document ne permet d'établir que l'état anxio-dépressif majeur subi par Madame Y... soit lié à l'attitude de Monsieur D... à son égard. De même, la solution donnée au litige ne peut permettre de dire que la procédure engagée par Monsieur X... était abusive.

Madame Y... sera déboutée de sa demande. Le jugement sera infirmé sur ce point.

SUR C... DOMMAGES-INTÉRÊTS DEMANDÉS PAR MONSIEUR X... :

Rien ne justifie que l'attitude de Madame Y... ait eu sur l'état de santé de celui-ci les conséquences que celui-ci indique, c'est - à- dire un préjudice moral et un impact sur sa santé.

Monsieur X... sera débouté de sa demande.

SUR L' INDEMNITÉ DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE:

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, sera déboutée de sa demande d'indemnisation pour frais irrépétibles.

SUR C... DÉPENS:

Chaque partie succombant en partie en ses prétentions, supportera les

frais compris dans les dépens qu'elle a engagés en cette procédure. C... dépens seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. DÉCISION PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirmant partiellement le jugement,

Annule la lettre de change émise le 25 août 2000 par Madame Y... au profit de Monsieur X..., à échéance du 31 octobre 2000, pour un montant de 6860,21 euros,

Condamne Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme de 3362,43 Euros outre les intérêts au taux légal à compter du 22 février 2002 et dit que

Condamne Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme de 3362,43 Euros outre les intérêts au taux légal à compter du 22 février 2002 et dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés dès qu'ils seront dus pour une année entière,

Déboute Monsieur X... du surplus de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles,

Condamne chaque partie à supporter les frais compris dans les dépens qu'elle a engagés dans cette procédure et dit que les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949713
Date de la décision : 04/04/2006
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

EFFET DE COMMERCE

Les rapports amoureux entre le tiré et le bénéficiaire d'une lettre de change, conférant en l'espèce, un caractère gratuit aux services rendus à l'origine de l'instrument de paiement, ont pour conséquence que des honoraires en rétribution de ces services ne sauraient être dus, de telle sorte que l'effet cambiaire ne saurait en l'espèce avoir une cause.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-04-04;juritext000006949713 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award