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04/04/2006 | FRANCE | N°06/02585

France | France, Cour d'appel de Rennes, 04 avril 2006, 06/02585


FAITS ET PROCÉDURE

Madame Philomène X... veuve Y... était propriétaire d'une parcelle de terre de 1840 m2située commune de Tregunc, lieu-dit Trévignon, sur laquelle elle avait fait construire deux maisons d'habitation mitoyennes.

Suivant acte au rapport de Maître Z..., notaire à Tregunc, en date du 16 février 1942, elle fit donation partage de ce bien à ses deux filles, Mesdames A... et B....

Aux termes de cette donation-partage il était attribué à Madame A... la maison d'habitation située au couchant avec crèche attenante et une bande de terre prise derriè

re la maison de 9 mètres de long et de 4 mètres de large à l'Est et 3 mètres de l...

FAITS ET PROCÉDURE

Madame Philomène X... veuve Y... était propriétaire d'une parcelle de terre de 1840 m2située commune de Tregunc, lieu-dit Trévignon, sur laquelle elle avait fait construire deux maisons d'habitation mitoyennes.

Suivant acte au rapport de Maître Z..., notaire à Tregunc, en date du 16 février 1942, elle fit donation partage de ce bien à ses deux filles, Mesdames A... et B....

Aux termes de cette donation-partage il était attribué à Madame A... la maison d'habitation située au couchant avec crèche attenante et une bande de terre prise derrière la maison de 9 mètres de long et de 4 mètres de large à l'Est et 3 mètres de large à l'Ouest. Madame B... se voyait attribuer la maison située au levant avec la crèche et la parcelle de terre attenante, déduction faite de la bande de terrain attribuée à Madame A....

A compter de l'année 1954 les deux familles procédèrent à divers aménagements et agrandissements de leurs maisons.

Certaines des constructions édifiées sur le fonds A... empiétant sur la propriété B..., ces derniers décidèrent de se clore et un litige opposa les parties à compter de l'année 1988.

Par acte du le` septembre 1989 Madame B... assigna Madame A... épouse C... afin qu'il soit mis fin à ces empiétements et procédé au bornage de leurs fonds. Le 25 juin 1991 le Tribunal de grande instance de Quimper ordonna une expertise confiée à Monsieur D.... L'expert dressa son rapport le 28 octobre 1991, puis le 2 mars 1993, l'affaire fit l'objet d'une radiation.

Le 11 avril 2002 Monsieur B... implanta une clôture en limite de son fonds, empêchant ainsi à Madame A... d'accéder à un cabanon.

Par acte du 6 juin 2002 Madame Sidonie A... épouse C... assigna les consorts B... aux fins de les voir condamner à enlever le portail et la clôture implantée en limite de propriété, sous peine d'astreinte.

Par jugement du 10 février 2004 le Tribunal de grande instance de Quimper :

dit que Madame Sidonie C... avait acquis par prescription trentenaire le terrain sur lequel est construit le cabanon,

dit que la parcelle 131 appartenant à Madame C... bénéficie d'une servitude de passage pour accéder à ce cabanon,

dit que Madame C... a acquis par prescription trentenaire l'assiette de cette servitude sur partie de la bande de 1,19 mètre située à l'arrière de l'appentis,

débouta les consorts B... de leur demande en enlèvement du bac dégraisseur faute d'établir qu'il se trouve sur leur propriété,

condamna Madame C... à enlever la fosse septique et le puisard situé dans le jardin de l'indivision GOURLAOUEN dans un délai de 4 mois à compter du jour oÿ le jugement sera devenu définitif, sous peine d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant 3 mois,

condamna Madame C... à supprimer la vue constituée par la fenêtre située au rez-de-chaussée de l'immeuble, côté du cabanon abritant la cuve à fuel, ou à la transformer conformément aux dispositions de l'article 676 du code civil, dans un délai de 4 mois à compter du jour où le jugement sera devenu définitif, sous peine d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant 3 mois,

débouta les consorts B... de leur demande d'enlèvement de la cuve à fuel,

condamna les consorts B... à enlever la clôture située à l'extrémité Ouest du passage dont bénéficie Madame C... sur une largeur de 1,19 mètre ainsi que la barrière en ce qu'elle ne respecte pas la largeur de l'assiette du droit de passage, et ce, dans les 4 mois du jour où le jugement sera devenu définitif, sous peine d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant 3 mois,

débouta les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

partagea les dépens par moitié entre les parties.

Le 19 avril 2004 Madame C... forma appel de ce jugement. Le 28 avril 2004 les consorts B... interjetèrent également appel du jugement.

POSITION DES PARTIES

* MADAME A... ÉPOUSE C...

Dans ses dernières conclusions en date du 2 février 2006 Madame C... demande à la Cour:

d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à enlever la fosse septique et le puisard,

de constater que la fosse septique a été installée avec l'autorisation du propriétaire du sol où elle est incorporée,

de dire et juger qu'elle a acquis par prescription trentenaire le terrain sur lequel sont implantés la fosse septique et le puisard,

à titre subsidiaire, de dire et juger qu'elle a acquis par prescription trentenaire la servitude liée à la fosse septique et au puisard, cette servitude ayant un caractère apparent et continu,

de lui décerner acte de ce qu'elle a mis la fenêtre située au rezde-chaussée près du cabanon en conformité avec les articles 676 et suivants du code civil,

de confirmer par adoption de motifs les autres dispositions du jugement,

de condamner les consorts B... aux dépens et au paiement d'une somme de 1500,E en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions de procédure du 7 février 2006 Madame C... demande à la Cour de débouter les consorts B... de leur demande tendant à voir écarter des débats ses propres conclusions du 2 février 2006.

* LES CONSORTS B...

Dans leurs dernières écritures en date du 31 janvier 2006 les consorts B... demandent à la Cour:

Il ressort du rapport d'expertise dressé par Monsieur D... que ce cabanon de 1,30 mètre sur 1,20 mètre, ayant une porte de 90 centimètres de large, empiète pour partie sur le fonds B....

Madame C... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit et jugé qu'elle avait acquis par prescription trentenaire le terrain sur lequel a été construit ce cabanon. Les consorts B... s'opposent à cette demande en soutenant que la possession de Madame C... n'est pas utile puisqu'elle résultait d'une simple tolérance, qu'elle était en outre épisodique et dépourvue de l' animo domini.

La facture établie par l'entreprise de maçonnerie HAQUEBERGE le 29 octobre 1954 et les attestations produites apportent la preuve que ce cabanon fut édifié en 1954.

Il est encore acquis aux débats que ce cabanon construit avec l'accord de la partie B..., qui en édifia un identique adossé au précédent, fut utilisé paisiblement de l'année 1954 à l'année 1988 sans opposition de la part des voisins, de manière continue compte tenu de sa destination de cabinet d'aisance et que la famille A... se comporta comme le véritable propriétaire dudit cabanon pendant plus de trente ans.

La décision du premier juge sera donc confirmée en ce qu'elle a dit et jugé que Madame C... avait acquis par prescription trentenaire le terrain sur lequel est implanté ce cabanon.

* SUR L'ACCÈS AU CABANON

En application de l'article 691 du code civil une servitude de passage qui est discontinue et non apparente ne peut s'acquérir par prescription. En cas d'enclave, l'assiette du passage s'acquiert par la prescription trentenaire. Toutefois le propriétaire qui s'est enclavé de son propre fait et pour des raisons de commodité personnelle ne peut se prévaloir de l'état d'enclave.

Dans le cas présent il est nécessaire de passer sur le fonds B... pour accéder au cabanon, la famille A... n'ayant aménagé aucun accès direct au cabanon à partir de la maison.

L'état d'enclave allégué par Madame C... à l'appui de sa demande résultant de son propre fait, elle ne saurait s'en prévaloir et ne peut, en conséquence, avoir acquis par prescription trentenaire l'assiette du passage menant à ce cabanon.

Madame C... sera donc déboutée de sa demande et la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a dit et jugé que laparcelle cadastrée nº 131 appartenant à Madame C... bénéficiait d'une servitude de passage sur le fonds B....

* SUR LA CUVE À FUEL

Cette cuve étant installée dans le cabanon que Madame C... a acquis par prescription trentenaire et la preuve n'étant pas rapportée que sa présence constituerait un danger ou tout autre trouble anormal du voisinage, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a débouté les consorts B... de leur demande tendant à voir condamner Madame C... à enlever cette cuve.

* SUR LE BAC DÉGRAISSEUR

Les consorts B... ne rapportant pas la preuve que le bac dégraisseur serait installé sur leur terrain et l'expert, Monsieur D..., ayant localisé ce bac dans la partie Nord Ouest du fonds C..., la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à l'enlèvement de ce bac.

* SUR LA FOSSE SEPTIQUE ET LE PUISARD

Madame C... conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à enlever la fosse septique et le puisard situés sur le terrain appartenant aux consorts E...
F.... Subsidiairement elle demande à ce qu'il soit constaté qu'elle a acquis par prescription trentenaire la servitude liée à la fosse septique et au puisard.

A l'appui de sa demande elle soutient que ces équipements installés en 1959 avec l'autorisation de sa voisine ont été utilisés, pendant plus de trente ans et au moins de l'année 1959 à l'année 1989 sans opposition de la part de sa soeur puis de sa tante et qu'elle a ainsi acquis par prescription trentenaire le terrain sur lequel ils sont implantés.

Les consorts G... s'opposent à cette demande et sollicitent l'enlèvement de la fosse et du puisard en indiquant qu'ils n'ont fait que tolérer ces installations, que la prescription acquisitive invoquée s'est trouvée interrompue par une citation en justice et que leur droit de propriété sur la portion de terre dont s'agit est imprescriptible.

Il est acquis aux débats et non contesté que la fosse septique et le puisard se trouvent sur le fonds B....

La procédure engagée par citation du 1,r septembre 1989 ayant fait l'objet d'une radiation pour défaut de diligence des parties, l'interruption de prescription est réputée ne jamais avoir eu lieu.

En revanche il ressort du rapport d'expertise dressé par Monsieur D... que la fosse septique litigieuse porte une plaque mentionnant qu'elle a été fabriquée le 16 novembre 1989, ce qui implique qu'elle a nécessairement été installée après cette date. L'alimentation en eau potable du secteur de Trévignon ayant été réalisée, suivant attestation du maire de cette commune, au ler trimestre 1962, à défaut de preuve contraire, sa pose ne devrait pas être antérieure à cette période.

Madame C... ne peut se prévaloir d'une possession paisible pendant trente ans au moins, ni davantage de l'autorisation des propriétaires du fonds voisin, dès lors que l'installation de cette fosse septique et du puisard ont donné lieu à de multiples incidents concrétisés par un procès-verbal de constat du 23 février 1989, une demande d'autorisation de passage pour vider la fosse en juillet 1992, un nouveau procès-verbal de constat d'huissier en juin 1999 suivi immédiatement d'une sommation interpellative avec assignation en référé en juin 1999.

Madame C... ne rapportant pas la preuve qu'elle aurait bénéficié d'une possession paisible tant sur ces installations que sur le passage y menant pendant une période de trente ans, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande tendant à se voir déclarée propriétaire du terrain où sont installés ces équipements et elle sera déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle aurait acquis par prescription une servitude de ce chef.

* SUR LES VUES

Aux termes de l'article 678 du code civil on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage à moins que le fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage

Il ressort du rapport d'expertise de Monsieur D... que deux fenêtres donnant sur le fonds B... ont été pratiquées en 1959 tandis que la troisième ouverture proche du cabanon est plus récente et n'est pas prescrite, sans que sa date de percement ne soit établie.

Madame C... reconnaît ne pas avoir acquis cette vue par prescription mais demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle a mis cette ouverture en conformité avec les articles 676 et suivants du code civil, ce que contestent les consorts B....

Madame C... produit aux débats une attestation établie le 31 janvier 2006 par Monsieur H..., artisan menuisier, lequel certifie que cette fenêtre est fixe et équipée de carreaux opaques.

Les photographies produites aux débats confirment que cette fenêtre est équipée de verre opaque mais laissent apparaître d'existence de gonds et charnières et donc l'absence d'un chassis fixe.

L'attestation de Monsieur H... étant pour partie contredite par ces photographies, la décision du premier juge ayant condamné Madame C... à mettre cette ouverture en conformité avec les dispositions de l'article 676 du code civil sera confirmée.

* SUR LA CLÔTURE ET LE PORTAIL

Les consorts B... concluent à la réformation du jugement en ce qu'il les a condamnés à enlever la clôture et la barrière située à l'extrémité Ouest du passage dont bénéficie Madame C....

Madame C... ne bénéficiant d'aucune servitude de passage sur le fonds B..., la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a condamné les consorts B... à enlever la clôture et le portail qu'ils ont implantés à l'extrémité Ouest de leur parcelle.

* SUR LES DÉPENS

En application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile les dépens seront supportés par Madame C... qui succombe pour la plus grande part en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déboute les consorts B... de leur demande tendant à voir écarter des débats les conclusions communiquées par Madame Sidonie A... épouse C... le 2 février 2006.

Infirme le jugement en date du 10 février 2004 rendu par le Tribunal de grande instance de Quimper en ses dispositions relatives à l'acquisition par Madame C... d'une servitude de passage.

Statuant à nouveau,

Déboute Madame A... épouse C... de sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle aurait acquis, par prescription trentenaire, l'assiette d'une servitude de passage sur le fonds appartenant aux consorts B....

Déboute Madame C... de sa demande tendant à voir condamner les consorts B... à enlever, sous peine d'astreinte, la clôture et le portail qu'ils ont implantés à l'extrémité Ouest de leur fonds.

Confirme le jugement du 10 février 2004 en ses autres dispositions.

Y ajoutant,

Déboute Madame Sidonie A... épouse C... de sa demande subsidiaire tendant à voir dire et juger qu'elle a acquis par prescription trentenaire la servitude liée à la fosse septique et au puisard.

Déboute chacune des parties de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne Madame C... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 06/02585
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Quimper


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-04-04;06.02585 ?
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